Avis JDP n° 592/19 – RESTAURATION RAPIDE – Plainte fondée

Avis publié le 10 octobre 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentantes de l’association France Nature Environnement,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 17 juillet 2019, d’une plainte émanant des associations France Nature Environnement et Halte à l’obsolescence programmée, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par voie d’affichage en gare, par une société de restauration rapide.

La publicité en cause est une affiche, apposée sur un chevalet de trottoir, représentant un pot de milkshake portant le nom de la marque au-dessous duquel figure un nuage de fumée, accompagné du texte « La meilleure chose qui soit jamais arrivée à cette planète ».

2. Les arguments échangés

– Les associations France Nature Environnement et Halte à l’obsolescence programmée indiquent que l’annonceur, enseigne américaine de restauration rapide, se présente sur son site internet comme spécialiste des hamburgers de qualité.

La publicité en question, si elle est comprise littéralement, laisse entendre que l’enseigne pratique une activité vertueuse et bénéfique pour l’environnement. En effet, l’expression « bon pour la planète » renvoie, dans son usage le plus courant, à la protection de l’environnement. Or, une telle allégation constitue une vision erronée de la réalité.

Les associations relèvent que l’activité de restauration rapide est, de manière générale, et bien que ce ne soit pas la seule, source de déchets et de gaspillage alimentaire, et que la spécialisation sur les hamburgers implique une forte consommation de viande de bœuf, aliment donc l’impact environnemental est parmi les plus forts (un kilogramme de bœuf équivaut à 27kg de gaz à effet de serre , consomme 13 500 litres d’eau , au-delà de son effet sur la déforestation en Amazonie pour nourrir le bétail).

Elles estiment qu’il n’est pas établi que l’enseigne se soit engagée à agir en faveur de l’environnement ou qu’elle ait adopté une démarche environnementale pour la fabrication de ses produits dans le cadre de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Elles en déduisent que cette publicité est susceptible d’altérer le comportement du consommateur, puisque le slogan incite à acheter des produits de la marque, en ce qu’il laisse penser qu’ils sont bons pour l’environnement, ce qui, en réalité, n’est pas le cas, et qu’une telle publicité, par le message qu’elle véhicule, constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du code de consommation encadrant les pratiques commerciales.

Les associations plaignantes ajoutent que l’annonceur, en tant que professionnel du secteur, ne peut raisonnablement et valablement alléguer ne pas être de mauvaise foi en prétendant vendre les meilleurs produits d’un point de vue environnemental, ni même ne pas avoir connaissance du caractère trompeur de cette pratique eu égard aux règles déontologiques édictées par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Elles estiment que la publicité en cause contrevient aux règles déontologiques, telles que précisées aux points 1.1, 2.3, 3.1, 6.1 et 9.1 a), b) et c) de la Recommandation dite « Développement durable » de l’ARPP, et constitue une infraction au sens de l’article L. 121-1 du code de consommation, qui interdit les pratiques commerciales déloyales.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 29 juillet 2019, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur prend note des faits qui lui sont reprochés et regrette la lecture qui a été faite de sa publicité, pouvant laisser penser que la société ne serait pas concernée par les problématiques environnementales actuelles. Cela n’était en aucun cas son intention et ne correspond pas à ses valeurs. En effet, il s’agit d’une entreprise citoyenne, entièrement concernée par les enjeux environnementaux du moment.

La société présente ses excuses et souhaite faire valoir sa bonne foi.

Son représentant indique que l’affiche en cause a aujourd’hui été retirée – bien avant le dépôt de la plainte – suite à des commentaires similaires formulés par des clients et qu’elle a été diffusée sur ce seul support pendant quelques semaines.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

– 1.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

– 2.3 […] b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif ;

– 3.1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;

– 6.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;

– 9.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la

protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement.»

Le Jury relève que l’affiche en cause représente un pot de milk-shake portant le nom de la marque, au-dessous duquel figure un nuage de fumée, accompagné du texte « La meilleure chose qui soit jamais arrivée à cette planète »

Si cette affiche utilise un processus classique d’emphase publicitaire, en montrant un pot de milk-shake en train de décoller comme une fusée, en direction de la planète Terre, l’expression qui accompagne cette image, « la meilleure chose qui soit arrivée à cette planète », comporte une ambiguïté, en ce qu’elle semble indiquer que le produit montré a des bénéfices pour la planète.

Or une telle allégation, qui induit un bénéfice environnemental du produit, relève du champ de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Elle doit notamment indiquer en quoi le produit présente les qualités revendiquées, faute, sinon, de suggérer indûment une absence d’impact négatif, et de risquer d’induire le public en erreur sur les actions de l’annonceur en matière de développement durable et sur la nature et les propriétés de ses produits.

En l’absence de toute explication en ce sens sur l’affiche en cause, le Jury est d’avis que celle-ci méconnaît les points 1.1, 2.1, 3.1 et 6.1 précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 6 septembre 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.