ETAM – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 4 octobre 2022
ETAM – 861/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 mai 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Etam, pour promouvoir son offre d’articles de lingerie.

La publicité en cause, diffusée par affichage sur la vitrine d’un magasin situé en gare de Lyon la Part-Dieu, montre un modèle portant un maillot de bain de la marque.

Le texte accompagnant cette image est « Maillot éco-responsable ».

2. La procédure

La société Etam a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 27 juin 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Sa représentante a contacté le secrétariat du Jury pour solliciter un délai supplémentaire pour adresser des arguments écrits. Elle a présenté des observations le 12 juillet 2022.

3. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que si la marque Etam a bien entrepris des actions pour aller vers une mode plus responsable via son programme « we care », elle n’en est qu’au début de la démarche en comparaison d’autres acteurs de son secteur.

Selon le plaignant, l’allégation « maillot éco-responsable » enfreint donc les points 3.1 et 7.1 de la recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

En outre, d’après le code ICC Publicité et Marketing, « une allégation environnementale générale doit être, soit qualifiée, soit évitée. En particulier, une allégation telle que « respectueux de l’environnement », « sûr pour l’environnement », « vert », « durable », « sobre en carbone » ou autres allégations impliquant qu’un produit ou une activité exerce un impact nul — ou un impact positif seulement — sur l’environnement, ne doit pas être utilisée sans explicitation, excepté s’il existe un niveau de preuve très élevé. »

Or aucun astérisque ne permet d’expliquer en quoi le maillot de bain est éco-responsable.

Il ajoute que, dans la rubrique de maillots de bains éco-responsables, le terme « éco-responsable » est repris en haut de la rubrique mais sans lien pour expliquer l’allégation. On retrouve cependant le logo de leur programme « we care » avec des engagements pour une mode plus responsables, notamment au niveau du recyclage des matières.

Le plaignant estime que même s’il n’existe pas de définition officielle de produit eco-responsable, le site de protection des consommateurs en Europe en dresse une définition. Il est mis en avant que les produits “éco-responsables” sont notamment des produits locaux.

D’ailleurs, un document mentionné par Etam dans leur page We-care « Agir tous ensemble pour une mode plus responsable » présente 6 axes dont le 2ème est la relocalisation.

Or, les usines de leur charte « We care » se situent à Chittagong, Bangladesh Shenzhen, China keliba et en Tunisie.

Le plaignant souligne que si on prend la fiche produit du maillot de bain en photo en vitrine derrière le terme « maillot éco-responsable » ce maillot est confectionné à Renown Apparels – Chittagong, Bangladesh. Le prix de ce haut de maillot de bain est à 32,99 € chez le slip français qui utilise la même dénomination, le haut de maillot de bain femme en matière reçyclée et fabriqué aux Portes du Coglais, en Bretagne et vaut 75€ soit plus du double.

En termes de loyauté, l’allégation de maillot « éco-responsable » chez Etam tend à ne pas mettre en lumière la démarche éco-responsable plus avancée d’autres concurrents comme le slip français. Il semble que Etam devrait s’en tenir à l’appellation « Maillot We care » en mettant en avant leur programme et leurs premières actions en termes de développement durable et non « maillot éco-responsable ».

La société Etam fait valoir qu’elle s’est engagée dans une démarche responsable et poursuit ses démarches RSE.

Elle explique que le programme « We Care » identifie les produits qui représentent un impact environnemental réduit, comme par exemple les produits qui utilisent une matière issue de l’agriculture biologique certifiée ou une matière recyclée certifiée.

La société a mis en place un référentiel interne, conforme aux standards ou labels internationaux reconnus, qui définit la teneur minimale des fibres éco-responsables dans la composition de la matière à hauteur de 50%.  Elle a également instauré une procédure interne pour collecter les certificats, une formation des équipes et fournisseurs et un audit de la Déclaration Extra-Financiére du groupe.

La société explique que le maillot de bain en cause est en polyamide recyclé certifié RCS.

Elle considère qu’un maillot de bain en polyamide recycle représente en moyenne une réduction de plus de 40% sur l’empreinte carbone du produit par rapport à sa version en polyamide conventionnel, selon les facteurs d’émission issus d’ACV et la Base Impact de l’ADEME.

Enfin, la société Etam explique que, si ce maillot est produit au Bangladesh, le Groupe Etam a développé une politique sociale stricte exigeant un audit social tous les 1 à 2 ans a l’ensemble des usines partenaires suivant les standards BSCI, SMETA, SA8000, ou ICS. Le transport maritime est privilégié (le transport aérien est utilisé uniquement en cas de retard significatif).

Selon elle, éco-responsable ne signifie pas local.

Elle considère donc qu’en l’absence de définition juridique en Europe d’un produit éco-responsable, elle a mis en place les outils et contrôles nécessaires pour permettre d’affirmer que ce maillot de bain est éco-responsable.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;

2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…)  ».

  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”. »

Le Jury considère que le terme « éco-responsable », qui figure sur l’affiche en cause constitue une formulation globale non relativisée (contrairement à l’allégation « plus respectueux de la planète »), attachée au produit lui-même et non à la démarche de l’entreprise. Cette allégation générale est contraire aux termes mêmes du point 7.3 de la Recommandation précitée. Sans remettre en cause l’importance des efforts consentis par l’annonceur pour utiliser des matières issues de l’agriculture biologique ou recyclées, elle apparaît en outre disproportionnée dès lors, d’une part, que le maillot de bain promu n’est ni composé entièrement de matériaux biosourcés ni recyclable et, d’autre part, que sa fabrication au Bangladesh et sa distribution comportent nécessairement des conséquences négatives significatives sur l’environnement.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît dans cette mesure les points 2.1, 2.2, 2.3, 3.1, 7.1, 7.2 et 7.3 de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 9 septembre 2022 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicité ETAM