DIANE PERREAU – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 3 février 20233
DIANE PERREAU – 884/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • après avoir entendu Mme Perreau et son conseil, ainsi que la représentante de la société L’Oréal France Luxe, lors d’une séance organisée sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 18 octobre 2022 d’une plainte émanant d’un particulier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de plusieurs publications diffusées sur le réseau social Instagram, à l’initiative d’une personne, influenceuse, dénommée Diane Perreau.

Ces publications montrent l’influenceuse qui se met en scène dans une salle de bains en présentant un flacon du parfum Libre, de Yves-Saint-Laurent Beauté, marque exploitée par la société L’Oréal.

Le texte inséré en incrustation à l’écran sur l’une des publications est : « Mon parfum depuis sa sortie, il y a 3 ans en octobre 2019. J’avais eu la chance de partir à Marrakech avec la team @yslbeauty pour le lancement du parfum. C’était fou, un souvenir incroyable. »

Une autre publication indique : « Libre Le Parfum – Une réinterprétation épicée de l’iconique de Libre, en hommage aux fleurs, la lavande, la fleur d’oranger épousées par la touche épicée du safran – Il est surprenant et irrésistible comme la femme Libre ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant indique qu’il s’agit d’une mise en avant du parfum Libre de Yves Saint-Laurent Beauté à travers plusieurs publications pour lesquelles l’indication de la collaboration n’est pas indiquée. Il soupçonne que l’influenceuse a été rémunérée pour mettre en avant le parfum car, selon lui, ce n’est pas la première fois que Diane Perreau est dénoncée.

L’influenceuse et la société L’Oréal ont été informées, par courriel avec avis de réception du 21 octobre 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elles ont été également informées que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Diane Perreau a répondu qu’elle n’avait commis qu’une regrettable erreur matérielle sans intention de contrevenir à quelque règle que ce soit. Sur la matérialité de la faute, elle relève qu’il s’agit d’un regrettable oubli involontaire.

Sur l’intentionnalité, elle demande au Jury de constater sa conduite exemplaire quant à l’application des règles déontologiques promues par l’ARPP.

Elle souligne qu’elle s’est, depuis qu’elle exerce à titre professionnel, toujours obligée au strict respect des règles impératives et déontologiques de la profession d’influenceuse comme le démontre ses autres publications dans lesquels elle n’a jamais manqué de mentionner explicitement les « collaborations » rémunérées avec les marques.

Elle a d’ailleurs eu recours au service d’un graphiste professionnel pour créer son logo
« Collaboration » dans le souci à la fois, d’informer ses « followers », et d’obéir aux règles de transparence de la profession.

Elle demande donc au Jury de faire preuve de bienveillance et s’engage à demander à l’ARPP la délivrance d’un « Certificat de l’Influence Responsable ».

Lors de la séance, Diane Perreau, assistée de son conseil, a confirmé qu’il s’agissait d’un oubli totalement involontaire, qu’elle a fait faire un logo « partenariat rémunéré » par un graphiste, qui est en cours de modification, et qu’elle a passé son certificat d’influenceur responsable. Elle estime que le manquement ne mérite pas d’être sanctionné car il ne présente pas un caractère délibéré. Elle regrette que la plainte soit anonyme et estime qu’elle est à ce titre irrecevable.

– La société L’Oréal France Luxe tient tout d’abord à assurer que la transparence de ses collaborations avec les influenceurs et le respect des Recommandations de l’ARPP dans le cadre de ses communications sont une priorité chez L’Oréal.

Elle estime que cette plainte est irrecevable car cette communication ne constitue pas une publicité de la marque, au sens de la Recommandation de l’ARPP « Communication publicitaire numérique ». En l’espèce, si les communications commerciales relevées dans la plainte s’inscrivaient dans le cadre d’une collaboration rémunérée avec Diane Perreau, la story et le poste diffusés par celle-ci sur son compte Instagram et objets dans la plainte n’ont pas fait l’objet d’une validation par la société préalablement à sa publication, conformément aux termes du contrat signé avec cette influenceuse.

Par ailleurs, ce contrat prévoyait l’obligation pour l’influenceuse de faire état de manière explicite et lisible du lien commercial avec la marque dans ses publications. Il était donc de la seule responsabilité de l’influenceuse, tant au regard des règles déontologiques que de ses obligations contractuelles, d’assurer la transparence du lien commercial lors de la publication des contenus concernés par la plainte. La société s’est assurée à réception de la plainte de ce que la mention de la collaboration avec la marque soit bien ajoutée par l’influenceuse sur son post.

La société ajoute que dorénavant, elle impose, dans tous ses nouveaux contrats avec les influenceurs en France, l’obligation pour ces derniers d’obtenir le Certificat de l’Influence Responsable de l’ARPP avant la réalisation de toute prestation au profit de ses marques, ce afin d’assurer toujours plus de transparence dans le cadre de ses collaborations rémunérées et un meilleur respect de l’ensemble des Recommandations de l’ARPP.

Lors de la séance, la société a confirmé son argumentation et demandé à être mise hors de cause dans la mesure où les communications critiquées ne sont pas des publicités de L’Oréal.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que, dans le cadre de l’« Observatoire de l’Influence Responsable », le marketing d’influence et, plus particulièrement, les relations entre influenceurs et marques font l’objet d’une grande attention, notamment concernant la bonne application des Recommandations élaborées par l’interprofession publicitaire, dès 2017 concernant ces nouveaux relais de communications commerciales.

A ce titre, l’attention de l’ARPP a été attirée par la publication en cause, parue le 16 octobre 2022. L’Autorité est intervenue auprès de l’influenceuse et de la marque Yves Saint Laurent Beauté (L’Oréal France Luxe) afin de signaler que ce contenu contrevenait aux dispositions de sa Recommandation « Communication Publicitaire Numérique » de l’ARPP.

En l’espèce, selon l’ARPP, le caractère commercial de la publication n’est pas indiqué correctement. En effet, afin d’assurer une parfaite information du consommateur, l’annonce d’un partenariat doit se faire au moyen de termes clairs, explicites et en français (sponsorisé ; collaboration ; partenariat etc.). L’ARPP a rappelé qu’il est nécessaire, dans une démarche éthique et responsable, d’être transparent sur la nature commerciale d’une collaboration : la mention doit apparaitre nettement mais surtout, cette dernière doit être visible de manière instantanée. Ainsi, l’utilisation de termes tronqués tels que « collab » ne remplissent pas les conditions précédemment citées.

L’ARPP a demandé à ce que ces publications ne soient plus diffusées et attiré l’attention sur la mise en place d’un « Certificat de l’Influence Responsable » qui permet aux créateurs de contenus de se former aux règles publicitaires transversales (transparence, loyauté, responsabilité) et sectorielles (développement durable, produits cosmétiques, protection des mineurs etc.).

D’autres influenceurs activés pour la même campagne ont bien indiqué qu’il s’agissait d’un partenariat (constat réalisé par l’ARPP le 18 octobre). Il s’agit d’un indice important permettant de déterminer que la nature commerciale était évidente pour les influenceurs concernés par la campagne, mais que certains d’entre eux peuvent manquer à la règle de leur seul fait (volontairement ou par oubli, par manque de diligence).

L’influenceuse a fait un retour à l’ARPP à la suite de son intervention, indiquant qu’elle veillerait dorénavant à respecter la règle. Depuis l’intervention de l’ARPP, le partenariat a bien été indiqué (via la mention « Collaboration » en fin de post).

Diane Perreau s’est inscrite depuis au Certificat de l’Influence Responsable et suivra à ce titre une formation sur le cadre légal et déontologique pour une communication loyale et transparente.

Pour information, l’annonceur L’Oréal est un acteur clé au sein de l’Observatoire de l’Influence Responsable de l’ARPP puisqu’il est un des rares à imposer le Certificat de l’Influence Responsable. L’annonceur exige que la collaboration soit clairement indiquée. Toutefois, comme dans toutes campagnes, des influenceurs peuvent, de leur propre fait et pour diverses raisons, ne pas indiquer le partenariat. Si c’est avéré, leur responsabilité seule devrait être retenue.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la recevabilité de la plainte

Il résulte du 3° du point 11.1 du règlement intérieur du Jury que, pour être recevable, la plainte doit « mentionner le nom complet et les coordonnées du plaignant », étant précisé que « Les plaintes anonymes sont irrecevables ». En l’espèce, le plaignant a indiqué son nom au Jury lors de l’introduction de sa plainte, de sorte que sa plainte est recevable.

Il y a lieu de préciser que, conformément au 1° du point 12 du même règlement intérieur, lorsque la plainte émane d’un particulier – ce qui est le cas en l’espèce – l’identité de celui-ci n’est pas divulguée aux responsables de la publicité.

3.2. Sur la conformité des publications aux règles déontologiques

Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP encadre la communication des influenceurs dans sa fiche pratique n° 3, qui distingue deux hypothèses.

D’une part, une communication réalisée par un influenceur présente un caractère publicitaire lorsque les critères suivants sont réunis de manière cumulative :

  • le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques ; la prise de parole de l’influenceur faisant l’objet d’un paiement ou de toute autre contrepartie telle que, par exemple, la remise de produits ou de services à son bénéfice ;
  • l’annonceur ou ses représentants exercent une validation du contenu avant sa publication ;
  • le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise à la promotion du produit ou du service (discours promotionnel, présentation verbale ou visuelle à visée promotionnelle…).

Dans ce cas, l’ensemble des dispositions déontologiques de l’ARPP s’appliquent à une telle communication publicitaire, qui doit faire apparaître l’existence de la collaboration commerciale entre l’influenceur et l’annonceur. Le Jury est compétent pour vérifier, à la demande d’un plaignant, la conformité de cette publicité aux règles déontologiques en vigueur.

D’autre part, lorsque tout ou partie des trois critères énumérés précédemment ne sont pas remplis, la communication ne peut être qualifiée de publicité, de sorte que l’ensemble des règles déontologiques de l’ARPP ne lui sont pas applicables, mais l’existence d’une collaboration commerciale entre l’influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit néanmoins être portée à la connaissance du public par l’influenceur (point 1. du A). A moins que cette identification soit manifeste, la Recommandation prévoit d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu.

Il résulte de l’article 2 de son règlement intérieur que, par exception au principe selon lequel le Jury n’est compétent que pour connaître des messages publicitaires, il est également compétent pour « examiner l’identification des communications des influenceurs lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration commerciale avec un annonceur pour la publication d’un contenu, qu’elles présentent ou non un caractère publicitaire au sens de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication Publicitaire Numérique » de l’ARPP ». En revanche, il ne lui appartient pas de confronter une communication d’influenceur qui ne revêt pas de caractère publicitaire aux autres règles déontologiques mentionnées à l’article 2 de son règlement intérieur.

Le Jury relève qu’en l’espèce, la communication litigieuse a été réalisée par Mme Diane Perreau, influenceuse, dans le cadre d’une collaboration commerciale avec la société L’Oréal, qui exploite la marque Yves Saint-Laurent Beauté. Toutefois, il ressort des observations de la société L’Oréal que celle-ci n’a procédé à aucune validation du contenu du post litigieux avant sa publication. Par suite, et dès lors que ce post n’a pas été diffusé pour le compte de la société ou avec son assentiment, ce dernier ne constitue pas une publicité. Il appartient donc seulement au Jury de vérifier que la communication fait état de la collaboration commerciale.

Le Jury observe que cette collaboration commerciale n’est ni manifeste, ni explicitée par la communication, dans sa version diffusée à la date de la plainte. Par conséquent, le Jury est d’avis que la communication en cause, dans sa version antérieure, méconnaît l’exigence d’identification résultant du 1. du A) de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP. Il prend acte que cette méconnaissance procède d’une inadvertance, compte tenu des conditions particulières dans lesquelles ces communications ont été réalisées, et prend note des initiatives de l’influenceuse, qui a mentionné l’existence de la collaboration commerciale sur ses publications postérieurement à sa plainte et a obtenu le certificat d’influence responsable de l’ARPP.

Avis adopté le 6 janvier 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, et Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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