Avis publié le 3 août 2021
DASSAULT – 759/21
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu le plaignant, par visioconférence,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 avril 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Dassault Aviation, pour promouvoir son offre d’avions Falcon.
La publicité en cause, sous forme de publication diffusée sur le réseau social Twitter, présente un avion sur un tarmac, devant un hangar portant l’inscription « Dassault Aviation ». L’arrière du fuselage est de couleur verte.
Le texte accompagnant ce visuel est « Falcons come in every color. But green is our favorite. #EarthDay2021 ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant considère que cette communication donne l’impression que les avions peuvent être « écolos » et contribue au mythe qu’il est possible de prendre l’avion en étant éco-responsable.
Elle contrevient donc à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP car il s’agit d’« une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence ».
Lors de la séance qui s’est tenue le 2 juillet 2021, il a soutenu, en réponse aux observations de l’annonceur, que la publicité, diffusée le « Jour de la Terre », ne comportait aucune ambiguïté quant au caractère environnemental de l’allégation. En outre, il a rappelé que, si l’avion représenté présente des performances accrues en termes de consommation énergétique, il consomme environ 150 litres de kérosène pour 100 km, pour transporter huit passagers.
– La société Dassault Aviation a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 juin 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Son représentant fait valoir que le tweet du 22 avril 2021 présente une photographie d’avion Falcon 2000S en livrée verte assorti du commentaire « Falcons come in every color. But green is our favorite. #EarthDay2021 ». Ce message fait référence à l’histoire de Dassault Aviation, à ses valeurs et à ses actions concrètes en matière environnementale.
Le vert, couleur préférée du fondateur, Marcel Dassault, est associée au trèfle à quatre feuilles qu’il a retrouvé intact dans son portefeuille à son retour de déportation et qui est devenu l’emblème de la société.
Le Falcon 2000 représenté sur la photo du tweet, et dont la couleur officielle est le vert tendre dans sa version S, est l’avion choisi par la Marine nationale pour assurer les missions d’actions de l’État en mer, dont la lutte contre les pollutions et la surpêche.
Dassault Aviation est engagée dans une démarche de responsabilité sociétale et environnementale qui se traduit par les actions ou politiques suivantes :
- Elle est membre actif du comité sur la protection de l’environnement de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
- Elle soutient le programme Corsia de compensation et de réduction des émissions de CO2 de l’aviation internationale.
- Elle promeut l’utilisation de carburants alternatifs durables (Sustainable Alternative Fuel, SAF) afin de remplacer le kérosène classique notamment dans le programme Volcan. L’ensemble de la gamme des avions Falcon est déjà en mesure de voler avec des carburants durables.
- Elle participe aux programmes européens et français de recherches appliquées Clean Sky 2 et Corac (Conseil pour la recherche en aéronautique civile) avec des travaux sur la réduction de la consommation de carburant en diminuant la traînée et la masse des avions ainsi qu’à plusieurs projets portant sur l’hydrogène.
- Au sein du programme européen Sesar, Dassault Aviation recherche des solutions rapides de réduction des émissions de carbone par des profils de vol adaptés. L’entreprise promeut et forme ses clients aux bonnes pratiques pour réduire l’empreinte environnementale des vols grâce au Falcon Service Advisory.
Les réalisations de Dassault Aviation en matière environnementale ont été reconnues par une première place dans la catégorie « Aéronautique/Naval/Spatial », au classement Challenges des entreprises françaises les plus vertueuses en matière de réduction des gaz à effet de serre. La société fait partie des 300 entreprises européennes ayant réalisé les réductions les plus importantes entre 2014 et 2019 recensées par le classement Europe’s Climate Leaders 2021 du Financial Times.
Dassault Aviation contribue à 8 des 17 objectifs de développement durable des Nations Unies, y compris celui qui porte sur la lutte contre les changements climatiques.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :
- au titre des « impacts éco-citoyen » (point 1 ) :
« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
- La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple : (…) c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
- au titre de la véracité des actions (point 2) : « 2.1. la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. »
- au titre de la proportionnalité ( point 3) : « 3.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;/ 3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ; »
- au titre du « vocabulaire » (point 7) : « 7.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”».
Le Jury relève que la publicité litigieuse fait la promotion de l’entreprise Dassault Aviation, en indiquant que le vert est la couleur de prédilection de la société. Sous couvert de présenter la variété des coloris des avions conçus par l’entreprise et de mettre en lumière sa préférence pour la couleur verte, ce texte, rapproché de la référence au Jour de la Terre 2021, équivaut à l’allégation selon laquelle Dassault Aviation serait une entreprise verte, ou qu’à tout le moins ses avions Falcon le seraient, et, ainsi, seraient respectueux de l’environnement.
Le Jury prend note des nombreuses actions menées et engagements pris par l’annonceur en faveur du développement durable. Il n’en reste pas moins que son activité concourt de manière significative à l’émission de gaz à effet de serre. Dans la mesure où l’allégation « vert » n’est ni justifiée, ni objectivement justifiable, l’article 7.3 de la Recommandation précitée imposait de la relativiser. Tel n’est pas le cas, ce qui est de nature à induire en erreur le public sur la réalité des activités de l’annonceur et minimiser les conséquences de l’utilisation de ses produits et services sur l’environnement.
Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité critiquée méconnaît les dispositions mentionnées ci-dessus.