DARJEELING

Affichage - Publipostage - Internet

Plainte non fondée

Avis publié le 4 juillet 2024
DARJEELING – 1006/24
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Darjeeling,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part le 11 avril 2024 d’une plainte émanant d’un particulier et d’autre part, le 24 avril 2024, d’une plainte émanant de l’association Egaliki, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de plusieurs publicités de la société Darjeeling, pour promouvoir son offre d’articles de lingerie.

Les publicités en cause, diffusées par affichage sur abribus, par courrier en boîte aux lettres et sur internet, utilisent des visuels de poitrines de femmes en gros plan portant différents soutiens-gorges de la marque. Ces images sont respectivement accompagnées des textes suivants :

  • « Conçu pour durer plus longtemps que vos relations »,
  • « On aurait presque envie de sortir comme ça, dommage qu’on se fasse siffler même avec un poncho »,
  • « Inclus le confort, le soutien, la confiance en soi et le “j’adoooore” des copines »,
  • « Certaines mettent des années à avoir confiance en elles, d’autres mettent 35€ ».

Chaque publicité comporte également la mention « Darjeeling soutient les femmes ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants dénoncent la nature sexiste de la campagne publicitaire en question.

Ils soulignent que la représentation isolée des poitrines féminines en gros plan, déconnectées de leur visage ou de leur corps, contribue à une objectification des femmes et à une érotisation de leur anatomie.

De plus, le plaignant particulier critique l’utilisation abusive de la notion de soutien par la marque, dépourvue de toute preuve d’engagement envers les femmes. Selon lui, cette campagne contredit les règles déontologiques en matière de respect de la dignité de la personne humaine en contribuant à l’objectification du corps de la femme, et pourrait être considérée comme choquante.

Certains textes sont également remis en question pouvant être interprétés comme des jugements moraux ou comme contribuant à renforcer les stéréotypes de genres.

L’association Egaliki ajoute que ces publicités nourrissent le harcèlement de rue.

Dans l’ensemble, les plaignants considèrent que cette campagne perpétue des normes sexistes préjudiciables et porte atteinte à l’image et à la dignité des femmes, soulevant ainsi des préoccupations quant à son impact sur la société.

La société Darjeeling, l’Agence de communication Romance ainsi que la société d’affichage JC Decaux ont été informées, par courriels avec accusé de réception des 25 et 29 avril 2024, des plaintes dont copie leur ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’Agence Romance, fait valoir que son client Darjeeling est une marque de lingerie qui s’est toujours positionnée du côté des femmes notamment en proposant des soutiens-gorges allant des bonnets A à H.

A l’instar de ses actions au soutien des femmes, Darjeeling est pionnière, en France, dans ses campagnes de communication en adoptant une représentation moins stéréotypée des femmes : plus diverses, plus rondes… en bref, plus vrai, s’écartant drastiquement de la concurrence sur ce point.

En 2024, Darjeeling est plus que jamais du côté des femmes.  En effet, la marque baisse ses prix pour rendre ses produits qualitatifs (savoir-faire corsetier de plus de 100 ans, produits certifiés Oeko-Tex® Standard 100) encore plus abordables pour s’ajuster au pouvoir d’achat des Françaises.

Alors quand Darjeeling communique cette baisse de prix, elle le fait avec toute l’empathie qu’elle incarne dans l’esprit des femmes françaises, l’empathie d’une marque pas comme les autres, qui a le mieux compris les femmes et leur rapport à leur corps et leur lingerie. Et ce, sans jamais sexualiser le corps de la femme grâce à des gros plans qui ne permettent de suggérer aucune situation érotique, contrairement à de nombreuses campagnes de la concurrence.

C’est dans ce contexte de baisse des prix, que Darjeeling et l’agence ont volontairement décidé d’inscrire la campagne dans une tendance de fond de nos sociétés, à l’image du dernier documentaire “Bénissez nos seins” de la réalisatrice Angèle Marrey qui interroge le poids des diktats qui pèsent sur les seins, cette partie du corps qui ne semble jamais assez bien aux yeux des femmes, mais surtout aux yeux des autres, constat que relevait également la philosophe et chercheuse Camille Froidevaux-Metterie, dans son ouvrage Seins, En quête d’une libération.

Comment ? :

  • en ayant une représentation diverse des femmes, loin des préjugés, différentes tailles de bonnets, des peaux claires, des peaux foncées, des poitrines de jeunes femmes, des poitrines plus âgées, des peaux lisses et des peaux texturées. La campagne est ainsi composée de 8 affiches, 8 femmes différentes, 8 types de poitrines.
  • en montrant des soutiens-gorges portés et rien d’autre. Pour éviter de réduire les femmes à leur corps et le sexualiser d’une quelconque manière dans la posture ou autre et pour faire l’emphase sur l’objet que nous vendons à savoir le soutien-

Est-ce qu’on dirait d’une marque de sandales qu’elle fétichise les pieds en ne montrant qu’un plan rapproché de la chaussure portée ? Non. Car contrairement aux pieds, les seins ont toujours été érotisés. Et justement, c’est aussi le message de la campagne : normaliser les seins et leur retirer leur fonction d’objet sexuel ou de désir.

Au-delà de ce message implicite, la société a délibérément choisi d’adopter une signature forte, systématiquement apposée sur tous les visuels de la campagne « Darjeeling soutient les femmes », ne laissant planer aucun doute quant au positionnement de la marque aux côtés des femmes.

D’une part évidemment pour faire référence à son savoir-faire corsetier et d’autre part pour rappeler l’engagement de la marque : celui de toujours s’appliquer à vendre des produits de qualité, pour toutes les femmes, tous les bonnets (A à H, ce qui est assez rare sur le marché français de la lingerie), à les accompagner dans leur confiance en elles et en ayant conscience des problématiques féminines.

Dans ce contexte, le ton de la campagne se veut délibérément déculpabilisant et engagé afin de soutenir les femmes et les encourager à avoir confiance en elles.

La campagne a vocation à toucher toutes les femmes par le biais de ses accroches en affichage (ou dans les films grâce à des saynètes humoristiques). La marque et l’agence ont voulu des accroches avec une pointe d’humour, dans l’air du temps. L’humour, c’est la manière pour Darjeeling de dire : on vous comprend, on vous parle et on le fait sans langue de bois. En somme, les femmes parlent aux femmes. Et les consommatrices ne s’y méprennent pas.

L’agence fait valoir que, contrairement à ce qui est reproché dans la plainte, la campagne n’adopte pas un discours portant atteinte à la dignité de la personne humaine en contribuant à l’objectification du corps de la femme.

En effet, les visuels mettent en avant l’essentiel, à savoir les modèles de soutiens-gorges      Darjeeling, accessibles à toutes les femmes et adaptés aux différentes morphologies.  Le parti pris et choix délibéré de la conception graphique consiste à présenter, dans un cadrage serré, les produits Darjeeling portés par tous types de poitrines afin que toute consommatrice puisse s’identifier à ces produits et se sentir représentée.

En outre, l’accent est également mis sur les prix particulièrement attractifs des produits, toujours dans cette volonté de proposer des produits accessibles à toutes.

S’agissant des accroches, elles peuvent interpeller certes, mais elles n’ont en réalité que pour objet de venir au soutien des femmes et de leurs combats quotidiens en 2024.

A titre d’exemples, l’accroche « conçu pour durer plus longtemps que la plupart de vos relations » vient en soutien de ces femmes qui choisissent d’être indépendantes, émancipées et libres ou celles qui font face à la résistance à l’engagement ou aux relations toxiques. L’accroche « on aurait presque envie de sortir comme ça. Dommage qu’on se fasse siffler même avec un poncho » a pour objet de soutenir les femmes qui font face dans leur quotidien au harcèlement de rue. D’autres encore relativisent la starification des femmes (scène de concert – Madonna – / seins d’une star internationale). D’ailleurs, ces accroches sont nécessairement lues par les consommateurs avec la signature de la campagne « Darjeeling soutient les femmes », systématiquement apposée sur tous les visuels de la campagne et ne laissant ainsi aucun doute sur leur sens.

La plainte ne saurait ainsi reprocher à la campagne Darjeeling de porter atteinte à la dignité de la personne humaine contribuant à l’objectification du corps de la femme, dès lors que le message de la campagne est à l’inverse un message au soutien des femmes d’aujourd’hui.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) rappelle que, de façon générale, elle est particulièrement attentive quant à l’exploitation de la personne humaine en publicité et de l’image de la femme en particulier. Il s’agit d’un sujet auquel les professionnels accordent une grande vigilance.

Au quotidien, l’ARPP veille à ce que les messages publicitaires ne véhiculent pas de visuels ou d’allégations portant atteinte à la dignité de la femme. Les principes élémentaires rappelés à ce titre sont ceux contenus dans le Code ICC et la Recommandation « Image de la personne humaine ».

L’ARPP a été sollicitée par l’agence de communication Romance, membre de l’ARPP, ayant réalisé la campagne publicitaire en cause, dans le cadre de la procédure de conseil préalable, en février 2024.

Sur le contexte, il a été noté que le propos de la campagne soumise s’inscrivait dans une démarche plus globale de la marque qui est de promouvoir des produits destinés à tous les types de femmes et de mettre en avant une représentation diverse et moins stéréotypée des femmes.

C’est d’ailleurs à ce titre que l’ARPP s’est prononcée sur des campagnes antérieures illustrant cette démarche. Par exemple, un spot télévisé a pu être validé en 2022, lequel mettait en scène plusieurs femmes en lingerie, de différentes morphologies, corpulences et âges, souriant et jouant avec leur corps devant un miroir.

De manière générale, il est tout à fait admis en effet que l’on puisse représenter en publicité un corps de femme vêtu uniquement de sous-vêtements, pour promouvoir cette catégorie de produits, le lien entre le corps partiellement dénudé et le produit étant évident.

En l’espèce toutefois, l’ARPP a alerté l’agence, d’une manière générale, quant à l’utilisation du cadrage des différentes photographies donnant une vue en gros plan des poitrines de femmes vêtues les soutiens-gorges de la marque. Elle a indiqué qu’une telle présentation, sans visualisation du buste entier ni du visage des femmes pouvait être considérée comme une objectivisation du corps féminin.

Pour la même raison, certains des textes utilisés en accroche sont apparus comme concourant à cette lecture (par exemple : « et bim comme par magie plus personne ne voit le bouton sur votre front », « ça fait 17,50 € par sein »).

En outre, il a été signalé que les images rendant trop visibles l’anatomie de la femme pouvaient relever du point 1 de la Recommandation précitée, relatif à la dignité et à la décence.

Compte-tenu de ces différents points, le conseil de l’ARPP a été réservé au regard de l’application des dispositions de la Recommandation « Image et respect de la personne ». 

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :

  • en son point 1 (Dignité, Décence) que :
    • 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
    • 1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet.
    • 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine.
  • en son point 2, (Stéréotypes), que :
    • 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.
    • 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
    • 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme.

Le Jury relève que les messages en cause montrent des objets de lingerie, au cas d’espèce des soutiens-gorges, de différentes tailles et portés par des femmes dont les poitrines, morphologiquement différentes et ainsi revêtues, sont photographiées en gros plan.

En premier lieu, le Jury souligne que ce produit est directement en rapport avec la marque de lingerie et que le lien entre cette partie du corps féminin et le produit est évident. La mention très visible des prix vient encore renforcée la mise en avant d’un produit accessible à toutes.

Par ailleurs, il constate que l’image présentée ne renvoie d’emblée à aucune association douteuse ou représentation vulgaire, voire posture érotique qui pourraient donner à penser que la femme est présentée de manière dégradante.

Le Jury considère que si le cadrage fait en gros plan est de nature à attirer l’attention sur ces éléments de lingerie, seuls visibles et dépourvus de toute autre identification possible de la femme qui les porte, le corps dans son entier et le visage étant invisibles, il ne s’apparente pas à une volonté de sexualiser le corps féminin et/ou de le réduire à un objet, portant ainsi atteinte à sa dignité, alors que cette présentation est manifestement et volontairement axée sur la diversité des poitrines, des peaux, des âges et des morphologies perceptibles dans les différents visuels en cause, comme l’explique la marque.

En second lieu, s’agissant des textes qui accompagnent les messages, le Jury relève qu’ils se veulent délibérément humoristiques et jouent une sorte de proximité et de « copinage » par la conversation entre femmes qui évoquent leur sort et s’encouragent à dépasser leurs différences et leurs complexes sans vulgarité ni provocation. Seule la phrase : « On aurait presque envie de sortir comme ça, dommage qu’on se fasse siffler même avec un poncho » semble banaliser la conduite d’hommes potentiellement harceleurs dans leur comportement mais on comprend aussi qu’elle se situe dans un contexte où les femmes font part de leurs expériences y compris en ce qu’elles peuvent avoir de tout à fait désagréables quand elles en sont, malgré elles, les victimes.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause ne méconnait pas les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 7 juin 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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