CROQ’ LA VIE – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 4 janvier 2022
CROQ’ LA VIE – 804/21
Plainte fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le représentant de la société Croq’ la Vie,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 octobre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site Internet de la société Croq’La Vie, pour promouvoir son offre de produits d’alimentation pour chiens et chats.

Le site de la société présente des filets de canard et des œufs, accompagnés d’allégations telles que « viande… », « issus de viandes d’abattoirs agréés à la consommation humaine », « croquettes naturelles » et de diverses allégations de nature sanitaire.

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que la représentation graphique est trop valorisante (filets de canard) et conteste les mentions “viande” et « sans sous-produits animaux ».

Il critique également la mention « issus de viandes d’abattoirs agréés à la consommation humaine » alors que tous les produits en petfood viennent du circuit de l’alimentation humaine et sont ensuite déclassés en sous-produits, ainsi que la mention « croquettes naturelles » alors que les aliments contiennent des additifs nutritionnels et technologiques.

Il dénonce enfin des allégations « santé » telles que « convient parfaitement aux chiens souffrant d’insuffisance rénale » alors que l’aliment ne répond pas à la directive 2020/354 qui encadre les critères nutritionnels pour la composition des aliments à objectif particulier, l’aliment complémentaire « canzocal », décrit comme un anti-inflammatoire, anti douleur, en traitement de l’arthrose du chien, ou encore le produit « plaque destructor » qui permettrait un détartrage naturel du chien et d’éviter les anesthésies générales, et d’économiser sur les frais vétérinaires.

La société Croq’La Vie a été informée, par courriel avec accusé de réception du 19 novembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Le représentant de la société Croq’La Vie a toutefois sollicité la tenue d’une séance.

Il fait valoir que presque tous les éléments décrits dans la plainte sont décontextualisés, tronqués, voire faux.

En premier lieu, la mention “issus de viandes d’abattoirs agréés à la consommation humaine” est tronquée de la phrase complète qui est “une nourriture riche en protéines et graisses de qualité issues de viandes d’abattoirs agréés à la consommation humaine“. L’annonceur ne comprend pas le grief qui lui est adressé alors que, selon la plainte elle-même, tel serait le cas dans l’ensemble de l’industrie du petfood. En l’occurrence, il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que les protéines déshydratées et graisses naturelles de canard de la marque proviennent de viandes agréées à la consommation humaine, à la différence de ce qui est admis dans certains Etats tiers à l’Union européenne et de certains produits importés depuis ces pays.

Concernant la mention « sans sous-produits animaux », la société estime que la remarque est là aussi tronquée car la mention complète est « Pas de sous-produits animaux de type : patte, plume, tête, cuir, bec, carcasse ou farine d’os ». La société Croq’ la Vie affirme être opposée à leur utilisation car elle les juge inadaptés à la santé et elle estime important d’en informer clairement le consommateur.

A aucun moment, il n’est fait mention d’ingrédient de type « viande », comme le souligne curieusement la plainte. Le mot est encore retiré des phrases dans lesquelles il apparaît.  Il n’est pas mentionné « viande » mais « protéines issues de viandes ». Il s’agit d’une précision importante puisque les protéines peuvent en effet être issues de végétaux, sans que le consommateur en soit informé.

De plus, le site Internet mentionne que la société Croq’ la Vie est contre l’utilisation de viande fraîche, dans l’onglet : « Viande fraîche ou protéines animales déshydratées issues de viande de qualité ? ». En effet, l’utilisation de viandes fraîches implique, en petfood, une utilisation bien plus importante de conservateurs chimiques ainsi qu’une augmentation importante du taux de glucides dans la croquette après déshydratation de ces dernières au passage de l’extrudeur. C’est pourquoi la société préfère travailler directement avec des protéines et graisses animales issues de viandes sortant d’abattoirs agréés à la consommation humaine que directement avec des viandes fraîches.

Concernant la mention « croquette naturelle », cette mention figure dans une seule des pages produit, à un endroit quasiment invisible pour le consommateur. Cette mention, insérée involontairement, a du reste été retirée. Au demeurant, l’annonceur souligne que ce n’est pas uniquement parce qu’il y a une présence “d’additifs nutritionnels et technologiques“, qui ne sont que des argiles naturelles, vitamines et oligo-éléments, que le produit ne peut pas être qualifié de “naturel”, mais parce qu’il s’agit tout simplement de croquettes et donc par définition d’un produit transformé et non « naturel ».

Concernant l’image de viande de canard réalisée par le graphiste de la société, celle-ci a été retirée. Cette image n’a été produite qu’une seule fois sur l’ensemble du site, elle n’est ni sur une page produit, ni sur une page catégorie, ni même sur la page d’accueil, de manière involontaire et dénuée de toute intention de vouloir faire la promotion de croquettes intégrant de la viande fraîche.

Concernant l’utilisation du terme « santé », celui-ci doit nécessairement être contextualisé ou relativisé. En effet, il n’est fait en aucun cas référence à un traitement, à la guérison ou à la prévention d’une maladie, considérées comme des allégations médicales. Il n’a été relevé aucun terme tel que « traite, soigne, soulage ou guérit ». L’exemple précis relevé par la personne « convient parfaitement aux chiens souffrant d’insuffisance rénale » est lui aussi tronqué et totalement décontextualisé du reste de la phrase, perdant ainsi tout son sens originel. En effet, la société Croq’ la Vie ne commercialise pas d’aliments spécifiques à des maladies, dont les caractéristiques sont reprises par la directive 2020/354 qui encadre les critères nutritionnels pour la composition des aliments à objectif particulier. Elle ne soutient d’ailleurs pas cette démarche.

La phrase exacte est : “Rapport phospho-calcique organique idéal : convient parfaitement aux chiens souffrants d’insuffisance rénale“. Cela concerne un régime physiologique, qui ne traitera pas l’insuffisance rénale mais qui a été formulé avec les vétérinaires de la marque, avec un ratio phospho-calcique et une teneur en cendre (minéraux) modérées pour éviter au mieux toute nuisance à l’appareil urinaire.

En aucun cas l’intérêt de Croq’ la Vie a été de transmettre le message selon lequel l’aliment traite l’insuffisance rénale. Il s’agit d’une mauvaise interprétation par le plaignant.

Concernant les autres produits, le canzocal contient naturellement de la chondroïtine et de la glucosamine, des susbtances chondroprotectrices et anti inflammatoires naturelles qui vont favoriser un meilleur environnement articulaire et améliorer ainsi le confort articulaire. Ces substances chondroprotectrices naturelles sont connues, reconnues et prescrites par les vétérinaires en ce sens. Le nombre d’articles scientifiques et de références sur cette question parle d’eux-mêmes. De plus, au vu du nombre de résultats certifiés hautement significatifs qu’obtiennent les clients (certification réelle par Trustpilot) et au vu de la reproductibilité de ces derniers, ce qui définit la science, cette remarque apparaît assez audacieuse.

Enfin, concernant le Plaque Destructor, il s’agit d’un complément 100% naturel composé d’algue brune. L’algue brune est effectivement reconnue pour son action sur la plaque dentaire et sur le tartre. L’action des algues brunes a été démontrée au travers d’études scientifiques.

Lors de la séance, le représentant de la société a repris ces éléments et indiqué que le site internet avait été modifié pour être mis en conformité avec les règles déontologiques.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose :

  • dans son point 1, que :

« 1. TOUTE CONFUSION AVEC DES PRODUITS DESTINES A L’ALIMENTATION HUMAINE DOIT ETRE EVITEE

« 1.1 La publicité doit proscrire toute tromperie dans la représentation graphique ou photographique des matières d’origine animale entrant dans la composition des produits, en particulier par l’insertion dans la communication commerciale, d’images suggestives trop valorisantes par rapport aux matières premières réellement utilisées.

Exemples :

– darnes de saumon, pour des sous-produits de saumon, destinés à l’alimentation animale

– poulet entier, pour des sous-produits de poulet ou des protéines animales transformées (farines), destinés à l’alimentation animale

– côte de bœuf, pour des sous-produits bovins, destinés à l’alimentation animale »

  •  dans son point 2. VOCABULAIRE, que :

« 2.1 Sans préjudice de l’utilisation réglementaire de la catégorie « viandes et sous-produits animaux » dans la composition (liste des ingrédients), les termes « viande ou viandes » ne peuvent être employés que si la matière utilisée est du muscle squelettique. »

« 2.3. Le terme « naturel » peut être employé uniquement pour décrire une substance (issue de plantes ou d’animaux, micro-organisme, minéraux) à laquelle rien n’a été ajouté, mais qui peut avoir été l’objet d’un traitement physique rendant possible son utilisation en petfood, tout en maintenant sa composition d’origine ».

  • et dans son point 3. SANTE, que :

« 3.1 Les allégations faisant référence au traitement, à la guérison ou à la prévention d’une maladie sont considérées comme des allégations médicales. Le produit est alors un « aliment médicamenteux » ce qui le place dans la catégorie des médicaments vétérinaires. / En conséquence, pour les aliments n’entrant pas dans cette catégorie, les termes tels que « traite, soigne, soulage ou guérit » sont prohibés. (…) / 3.2. Les allégations fonctionnelles sont autorisées lorsqu’elles soulignent l’apport bénéfique d’un aliment, d’un nutriment, composant ou additif portant sur la croissance, le développement ou les fonctions normales du corps. / Par exemple : contient du calcium pour des os forts et des dents saines / prévient la formation de tartre / limite l’apparition de boules de poils… ».

Le Jury relève en premier lieu que la publicité litigieuse, en faveur d’aliments pour chiens, montre des filets de canard sur une planche en bois, à côté d’œufs et de céréales (riz, maïs…), dans une présentation qui évoque très directement la gastronomie humaine. Un tel visuel méconnaît le point 1 de la Recommandation précitée. Le Jury prend note que l’annonceur l’a rapidement supprimé de son site.

Le Jury constate en deuxième lieu que la publicité en cause prétend que les aliments commercialisés sont élaborés à partir de « viandes », sans sous-produits animaux de type : patte, plume, tête, cuir, bec, carcasse et farine d’os. Or il ne ressort d’aucun élément du dossier que ces aliments seraient fabriqués à partir de muscle squelettique – ce qui interdit le recours au mot « viande », conformément au point 2.1 de la Recommandation, et que, à la différence des pratiques courantes dans l’industrie du petfood, aucun sous-produit animal n’entrerait dans leur composition. A cet égard, l’énumération de certains sous-produits à laquelle procède la publicité ne saurait justifier l’allégation abusive, mise en exergue en rouge et en majuscules, de l’absence de sous-produits animaux, laquelle est confirmée à un autre endroit du site (« Les croquettes CROQ’ la Vie sont également sans sous-produits animaux, ni carcasse ou farine d’os (…) »).

En troisième lieu, il ressort des termes mêmes du point 2.3. de la même Recommandation que le terme « naturel » ne peut être utilisé qu’à l’égard de substances, issues de plantes ou d’animaux, micro-organisme ou minéraux, auxquelles rien n’a été ajouté. Or le site internet de l’annonceur fait apparaître que les aliments dont il est fait la promotion contiennent des « additifs nutritionnels » et des « additifs technologiques ». Il ne saurait, dans ces conditions et en tout état de cause, être allégué que ces croquettes seraient « naturelles » ou « 100 % naturel ».

En quatrième et dernier lieu, le Jury constate que le site internet de l’annonceur comporte de très nombreuses allégations de nature médicale. Les aliments commercialisés permettraient ainsi, selon le cas, de « traite[r] l’arthrose et les problèmes articulaires » du chien (il est également mentionné « traitement de l’arthrose du chien âgé »), et seraient indiqués pour ces pathologies, pour « l’arthrite du chien », la « laxité ligamentaire » ou « l’osthéochondrite disséquante du chien », favoriseraient la « reconstruction cartilagineuse » et la « consolidation osseuse post-opératoire », seraient un « anti-douleur » et un « anti-inflammatoire naturel », ou encore seraient un « soin dentaire (…) très efficace pour détartrer les dents de votre chien » en évitant les anesthésies générales – et non simplement un aliment permettant de prévenir ou réduire la formation de tartre.

Dès lors qu’il est constant, comme l’a confirmé la société lors de la séance, qu’aucun des produits commercialisés ne constitue, juridiquement, un médicament vétérinaire dont la mise sur le marché serait autorisée à ce titre, de telles allégations sont contraires au point 3 de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers ».

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 10 décembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Boissier, Mme Lenain et MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.

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