CHARAL – VMLY&R France – Affichage – Plainte partiellement fondée – Demande de révision rejetée

Avis publié le 18 août 2022
CHARAL – 838/22
Plainte partiellement fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
  • l’avis délibéré ayant été adressé au plaignant particulier ainsi qu’à la société Charal, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 mars 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage, en faveur de la société Charal, pour promouvoir son steak haché bio.

Le premier visuel mis en cause reproduit l’emballage du produit, de couleur verte, posé sur un plan en bois. L’accroche inscrite en gros caractères est « CHEZ CHARAL DEPUIS 20 ANS, NOS VIANDES ROUGES EXISTENT EN VERT ». En plus petits caractères, le texte est : « Chez Charal, nous sommes engagés auprès de la filière Bio depuis 1999. Aujourd’hui, 1300 éleveurs sont mobilisés à nos côtés pour vous proposer une qualité de viande bio irréprochable. Retrouvez nos engagements sur charal.fr » suivi des logos « Agriculture Biologique » et « Eurofeuille ».

Le second visuel critiqué représente l’emballage du produit montrant un paysage de pâturage. L’accroche inscrite en gros caractères est « CHEZ CHARAL, AU MENU, C’EST HERBE A VOLONTE ». En plus petits caractères, le texte est : « Grâce à ses engagements depuis 2001 auprès des éleveurs, Charal propose « Elevé au pâturage » : 800 fermes partenaires qui garantissent des animaux élevés au pâturage la majeure partie de l’année et nourris principalement à l’herbe. Retrouvez nos engagements sur charal.fr ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant critique tout d’abord le chiffre de « 1300 éleveurs » certifiés bio, mis en avant sans être relativisé. Or il est indispensable de connaître la part d’éleveurs certifiés bio sur le nombre total d’éleveurs qui fournissent Charal afin d’apprécier le niveau d’engagement réel de l’entreprise. On apprend sur charal.fr/nos-engagements que ces 1300 éleveurs bio ne représentent qu’une part très minoritaire des éleveurs qui fournissent l’entreprise.

En outre, il est difficile de se faire une idée du nombre total d’éleveurs qui travaillent avec Charal puisque deux chiffres très différents sont présentés sur le site : un compteur affiche « 7410 éleveurs fournisseurs de Charal », tandis que le paragraphe qui suit annonce que Charal travaille avec « 30 000 éleveurs français ». Si l’on considère le premier chiffre, la part des éleveurs certifiés bio qui fournissent Charal est de 18 %. Si l’on considère le second chiffre, la part des éleveurs certifiés bio qui fournissent Charal est de seulement 4 %. Ces deux chiffres montrent qu’après « 20 ans » d’engagement, la place de l’agriculture biologique est très minoritaire dans la chaîne de valeur de l’entreprise.

Or, il y a là un problème de proportionnalité évident. L’accroche et le chiffre de « 1300 éleveurs » avancés sans aucune explication ne relativisent en rien la part du bio dans l’offre de l’annonceur, pourtant minime, ce qui contrevient au point 3.2 de la Recommandation
« Développement durable » de l’ARPP.

De même, les quelques « 800 fermes » représentent moins de 3% du nombre total de fournisseurs de l’entreprise. Là aussi, l’accroche très générale « CHEZ CHARAL » couplée à l’absence de pourcentage indiquant la part des exploitations partenaires en pâturage induisent clairement le consommateur en erreur sur la nature des conditions d’élevage pour l’ensemble de la production.

Concernant l’allégation « nos viandes rouges existent en vert », l’évocation de cette couleur prédispose favorablement le public français, pour qui le vert est toujours un signal positif (à l’école, sur la route, sur un relevé bancaire…) associé depuis quelques années à des qualités écologiques globales. Néanmoins, le mot « vert » ne correspond à une aucune définition légale ni à aucune norme. C’est pourquoi le point 7.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP exige de relativiser une telle formulation.

Or l’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France (19 % du total national en 2019). Et le principal gaz à effet de serre émis par l’agriculture est le méthane (CH4, qui représente 45 % des émissions de GES de l’agriculture française), un GES au très fort pouvoir de réchauffement global, qui est lié à l’élevage.
Parce que les animaux d’élevage « ruminants » (bovins, ovins et caprins) sont caractérisés par une digestion particulière qui leur fait éructer du CH4 (fermentation entérique). Ces émissions sont notamment conditionnées par l’espèce animale, et, de fait, les bovins sont les plus émetteurs, puisqu’ils sont responsables de 87 % des émissions de CH4 liés à l’élevage.

Par ailleurs, les effluents d’élevage utilisés comme engrais produisent également du protoxyde d’azote (N2O, qui représente 42% des émissions de GES de l’agriculture française), un gaz au pouvoir de réchauffement global plus fort encore que celui du méthane.

Comme on peut le lire également sur notre-environnement.gouv.fr, la faible baisse des émissions de GES observée entre 1990 et 2019 est surtout liée à la diminution du cheptel français, qui reste cependant toujours le plus important d’Europe. Il est donc tout à fait faux de laisser entendre que la « viande rouge » deviendrait globalement « verte » grâce au recours – très partiel – à l’élevage en agriculture biologique. Celui-ci ne permet pas une réduction significative de l’empreinte carbone de la viande rouge, qui, par essence, est fortement émettrice de gaz à effet de serre (CH4 et N2O). Seule la réduction de l’énorme cheptel bovin français et le passage à une alimentation plus végétale (objectif affiché de la loi Egalim) permettent un résultat aligné sur les objectifs européens de réduction des émissions de GES, et faire croire que des steaks bio seraient globalement « verts » ou « écologiques » constitue un mensonge, à l’opposé des solutions établies pour lutter contre les dérèglements climatiques.

En cela, cette publicité méconnaît le point 1.2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

La société Charal a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 avril 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Elle a présenté, conjointement avec l’agence VMLY&R France, les observations suivantes.

La publicité mise en cause ne communique à aucun moment sur la place du bio chez Charal et sur l’impact des produits bio Charal sur l’environnement ou les émissions de gaz à effet de serre, mais uniquement sur l’existence de produits bio depuis 1999.

Comme le rappelle de façon claire et intelligible le site internet de la marque, la part du bio chez Charal n’a rien de symbolique (plus de 5 % de ses approvisionnements) et l’objectif de la publicité est justement de l’augmenter. Au demeurant, aucune règle n’interdit à un annonceur de communiquer sur des produits bio ne représentant qu’une part minoritaire de ses approvisionnements ou de ses ventes.

La référence à la couleur « verte », qui n’est pas la couleur dominante du visuel, fait directement référence à la couleur verte de l’emballage des steaks hachés bio et des labels AB et Eurofeuilles. L’objectif était de créer un jeu de mots entre la couleur rouge de la viande et la couleur verte de la filière bio, afin de rappeler l’appartenance des produits concernés à la filière bio. Il n’est pas allégué que la viande rouge vendue « est » verte ou écologique. L’annonce ne comporte aucune allégation environnementale, aucun argument écologique, aucune allégation sur un bénéfice environnemental ou argument sur l’impact sociétal au sens de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. En outre, aucune norme ne régit le mot « vert ».

La société et l’agence ajoutent enfin que le propos est explicité par le texte qui est situé au milieu de la page et parfaitement visible.

Les sociétés d’affichage Clear Channel et JC Decaux ont également été informées, par courriels recommandés avec avis de réception du 6 avril 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise en sollicitant leurs observations respectives.

Clear Channel répond que cette campagne n’a pas été affichée sur ses emplacements.

JC Decaux a accusé lecture de cette transmission, mais n’a pas produit d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • 1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
    • 1.2 La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine. »
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury rappelle à titre liminaire que cette Recommandation s’applique à toute publicité utilisant une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence, un argument faisant référence au développement durable, un argument écologique, en renvoyant ou non au concept du développement durable, ou encore un argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable. L’argument écologique est défini comme « toute revendication, indication ou présentation, sous quelque forme que ce soit, utilisée à titre principal ou accessoire, établissant un lien entre les marques, produits, services ou actions d’un annonceur, et le respect de l’environnement ». Dès l’instant, d’une part, que les publicités litigieuses promeuvent l’engagement de Charal dans la filière bio, et, d’autre part, qu’il est fait état de ce que les viandes rouges Charal « existent en vert », expression qui, quelles que soient les intentions de l’annonceur, renvoie ici, dans l’esprit du consommateur moyen, au respect de l’environnement, créant dans les circonstances de l’espèce un lien entre ce dernier et les produits promus, la Recommandation « Développement durable » est applicable.

Le Jury constate que les deux publicités critiquées font état, de façon très factuelle, d’un engagement de l’annonceur, d’une part, dans la filière bio, à travers un partenariat avec 1300 éleveurs et, d’autre part, dans l’élevage en pâturage, avec 800 fermes. Ces communications renvoient au site de l’entreprise pour le détail des engagements. Quand bien même ces partenariats représentent-ils une part limitée de l’activité de Charal – qui s’élève, selon les observations conjointes de l’annonceur et de l’agence, à environ 5 % des approvisionnements, le Jury, qui constate que les publicités ne comportent aucune allégation quant à cette proportion et rappelle qu’aucune règle déontologique ne faisait obligation à l’annonceur de la mentionner, estime que les actions menées sont suffisamment significatives pour pouvoir être revendiquées en publicité, conformément au point 2.2. de la Recommandation précitée. Celles-ci ne sont donc pas de nature, à cet égard, à induire en erreur le consommateur sur la réalité de l’activité de Charal, alors au surplus que ces publicités visent précisément à développer la part du bio dans le chiffre d’affaires de la société. En outre, ces publicités ne discréditent en rien les principes, objectifs, conseils et solutions communément admis en matière de développement durable, ni ne détournent de leur finalité des messages de protection de l’environnement ou des mesures prises dans ce domaine.

En revanche, le Jury observe que l’une des deux publicités allègue que les viandes rouges Charal « existent en vert ». Or ainsi qu’il a été dit ci-dessus, si l’annonceur a entendu, ce faisant, faire écho tout à la fois à l’engagement de Charal dans la filière bio et à la couleur verte présente sur l’emballage des produits, tout en jouant de façon humoristique sur l’opposition entre le rouge et le vert, une telle allégation laisse entendre au consommateur moyen que le produit présenterait une forme d’innocuité environnementale du produit ou, à tout le moins, que sa production et sa distribution n’occasionneraient que des incidences environnementales marginales ou très limitées. Or comme l’indique la plainte, l’élevage bovin contribue de façon significative aux émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, au dérèglement climatique, ce qui n’est pas nécessairement connu du grand public, lequel peut, intuitivement, associer le « bio » avec la préservation globale de l’environnement, y compris pour ce qui concerne la problématique du réchauffement climatique. Dès lors que la formulation globale « vert » n’est pas relativisée, et qu’elle ne saurait être justifiée par la seule circonstance que les produits alimentaires promus sont issus de l’agriculture biologique et sont conditionnés dans des emballages utilisant la couleur verte, le Jury considère que cette communication est contraire dans cette mesure au point 7.3 de la Recommandation « Développement durable », qui proscrit expressément l’utilisation non relativisée et non justifiée du terme « vert » en tant qu’argument écologique.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la première publicité « CHEZ CHARAL DEPUIS 20 ANS, NOS VIANDES ROUGES EXISTENT EN VERT » est contraire au point 7.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, et que la plainte n’est pas fondée pour le surplus.

Avis adopté le 6 mai 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


La société Charal et son agence de communication VMLY&R France, auxquelles l’avis du JDP a été communiqué le 17 mai 2022, ont adressé, le 6 juin suivant, dans le délai indiqué par le secrétariat du Jury, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 16 août 2022.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 mars 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage, en faveur de la société Charal, pour promouvoir son steak haché bio.

Le premier visuel mis en cause reproduit l’emballage du produit, de couleur verte, posé sur un plan en bois. L’accroche inscrite en gros caractères est « CHEZ CHARAL DEPUIS 20 ANS, NOS VIANDES ROUGES EXISTENT EN VERT ». En plus petits caractères, le texte indique : « Chez Charal, nous sommes engagés auprès de la filière Bio depuis 1999. Aujourd’hui, 1300 éleveurs sont mobilisés à nos côtés pour vous proposer une qualité de viande bio irréprochable. Retrouvez nos engagements sur charal.fr » suivi des logos « Agriculture Biologique » et « Eurofeuille ».

Le second visuel critiqué représente l’emballage du produit montrant un paysage de pâturage. L’accroche inscrite en gros caractères est « CHEZ CHARAL, AU MENU, C’EST HERBE A VOLONTE ». En plus petits caractères, le texte indique : « Grâce à ses engagements depuis 2001 auprès des éleveurs, Charal propose « Élevé au pâturage » : 800 fermes partenaires qui garantissent des animaux élevés au pâturage la majeure partie de l’année et nourris principalement à l’herbe. Retrouvez nos engagements sur charal.fr ».

Par un avis délibéré le 6 mai 2022, le Jury a partiellement fait droit à la plainte, estimant que l’affiche titrée « Chez Charal depuis 20 ans, nos viandes rouges existent en vert » est contraire au point 7.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Par une demande introduite dans les délais requis, l’annonceur, conjointement avec l’agence VMLY&R France, a sollicité la Révision de cet avis :

  • pour des raisons tenant à la procédure lors de l’examen de la plainte devant le Jury,
  • pour une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury.

La demande de Révision de Charal a été transmise au plaignant et à l’afficheur, lesquels n’ont adressé au Réviseur aucune observation.

A partir de ces éléments, et conformément au règlement intérieur du Jury, le Réviseur de la déontologie publicitaire s’est rapproché du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis contesté et il a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le Jury a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur décide que la demande de Révision est recevable ; par voie de conséquence, elle doit être analysée comme suit.

A) Sur la procédure :

1) Le premier moyen de procédure est ainsi rédigé (sous la plume de l’avocat de l’annonceur, lequel formule la demande de Révision) :

“Il apparaît en effet que le JDP nous a adressé une première décision (partiellement défavorable) le 17 mai dans laquelle il était indiqué que mes clientes n’avaient pas adressé d’observations en réponse à la plainte concernant cette affiche. Or nous avions bien adressé nos observations dans les délais requis. Après avoir contacté le secrétariat après réception de cet avis pour comprendre la situation, un second avis nous a été adressé le même jour… sans que la position du JDP n’ait évolué. Cet incident nous a conduit à penser que le JDP avait donc déjà un avis sur ce dossier et ce, que nous formulions des observations ou non. Nous souhaiterions par conséquent nous assurer dans le cadre de cette révision que nos observations seront réellement prises en compte (par commodité, vous trouverez nos observations adressées à l’époque en PJ).”

Les faits sont les suivants.

Le 17 mai, l’annonceur a bien reçu, à quelques heures d’intervalle, deux projets d’avis du JDP analysant ses publicités, le second indiquant clairement qu’il “annule et remplace” le précédent.

La lecture de ces deux projets successifs montre que “l’analyse du Jury” (§ 3 de l’avis) est de la même teneur (voire identique au mot près) dans les deux textes – remarque étant faite que le second projet justifie en outre pourquoi la Recommandation Développement durable de l’ARPP est “applicable” à la présente affaire.

Il ressort des pièces versées au dossier que le premier projet résulte d’une version préparée avant réception des observations de Charal et malencontreusement transmise, alors que seule la deuxième version, envoyée peu après par le secrétariat (pour annuler et remplacer la première), doit être prise en compte ; c’est d’ailleurs au regard de cette seconde version, la plus complète, que le Réviseur doit se prononcer.

Sur le fond en effet, il suffit de lire l’analyse du Jury pour vérifier que les arguments présentés par Charal à ce stade sont pris en compte et analysés dans l’avis en cause (même s’ils ne sont pas intégralement retenus).

De ces éléments il résulte que, pour regrettable que soit cette erreur de rédaction, il n’est pas possible d’y voir un préjugé du Jury ou une ignorance délibérée des observations produites par l’annonceur en premier examen, alors surtout que le second projet d’avis annule les effets de l’erreur entachant le premier.

En tout état de cause, la procédure de Révision aujourd’hui engagée par Charal offre à cette dernière toutes les facultés de faire valoir sa position d’une manière parfaitement contradictoire et lui garantit que “[ses] observations [sont] réellement prises en compte” (comme il est demandé par l’annonceur).

Par suite, cette erreur de rédaction n’est pas, à elle seule, de nature à justifier une seconde délibération de l’affaire – sous réserve de l’examen des autres moyens ou arguments analysés ci-dessous.

2) L’examen minutieux des pièces du dossier a montré au Réviseur que la plainte initiale a été transmise (le 6 avril) à deux afficheurs (Clear Channel et JC Decaux), en sollicitant leurs observations respectives.

Clear Channel a répondu que cette campagne n’avait pas été affichée sur ses emplacements.

JC Decaux a accusé lecture de cette transmission, mais n’a pas produit d’observations.

On observe que, dans le projet d’avis litigieux, il n’est pas fait mention de cette transmission aux deux afficheurs.

On observe aussi que personne en Révision ne soulève cette omission (notamment pas l’annonceur).

Même si cette absence de mention dans le projet du Jury est clairement sans influence sur l’avis rendu, le Réviseur, en toute rigueur, demande au JDP, dans la rédaction de son avis définitif, de faire référence à ces communications, et aux réactions respectives de la part de l’un et l’autre afficheur – ce au titre des modifications rédactionnelles prévues par l’article 22.2 du Règlement intérieur du Jury.

B) Sur le fond :

1) Par un premier moyen, l’annonceur soutient que “le Jury a estimé à tort que le simple fait de faire référence à la filière Bio est une allégation développement durable”.

L’annonceur certes cite longuement le raisonnement du Jury (« Dès l’instant, d’une part, que les publicités litigieuses promeuvent l’engagement de Charal dans la filière bio, et, d’autre part, qu’il est fait état de ce que les viandes rouges Charal « existent en vert », expression qui, quelles que soient les intentions de l’annonceur, renvoie ici, dans l’esprit du consommateur moyen, au respect de l’environnement, créant dans les circonstances de l’espèce un lien entre ce dernier et les produits promus, la Recommandation « Développement durable » est applicable. »), mais à ce stade il n’étaye nullement sa critique de l’avis.

2) Le deuxième (et principal) moyen de Révision vise la partie de l’avis par lequel le Jury a estimé contraire à la déontologie l’accroche de l’affiche Charal titrée « nos viandes rouges existent en vert »

a) Plus précisément l’annonceur soutient que “le Jury donne au mot « vert » un sens et une portée qui ne sont reconnus par aucun texte. Ce faisant, la décision du Jury méconnaît même la réglementation en vigueur. En effet, dès lors que la réglementation permet l’utilisation d’une couleur et donc du terme désignant cette couleur, une utilisation conforme à ladite réglementation ne peut être écartée sur la base de présupposés (voir de préjugés) par le Jury.”

Mais contrairement à ce que soutient l’annonceur en Révision, le Jury n’a nullement contesté “que la réglementation permet l’utilisation d’une couleur [en l’occurrence le vert] et donc du terme désignant cette couleur” et encore moins n’a méconnu “la réglementation en vigueur”.

Cela résulte clairement de la lettre et de l’esprit de l’avis qui est contesté dans cette affaire.

Cela résulte surtout de la mission du JDP (telle que précisée dans son Règlement intérieur).

En effet il n’appartient pas au Jury de se prononcer sur la conformité des publicités aux lois et règlements (français ou communautaires) qui les encadrent, cette mission incombant aux juridictions. Par suite, il n’y a pas lieu de répondre aux griefs de l’annonceur invoquant la méconnaissance de textes législatifs ou réglementaires.

Il convient en effet de rappeler que le JDP (avec le Réviseur le cas échéant) n’est pas une juridiction.

Il a une tout autre mission, qui est d’apprécier si une publicité faisant l’objet d’une plainte est, ou non, conforme à la déontologie en vigueur, laquelle est constituée, au titre de l’article 2.2 du Règlement intérieur du Jury, par :

  • les règles professionnelles (dites « Recommandations ») publiées par l’ARPP ;
  • les principes généraux issus du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales. Ces principes s’appliquent à toute publicité, commerciale ou non ;
  • les engagements publiés, pris par l’interprofession, à l’égard des pouvoirs publics en ce qui concerne le contenu de la publicité et dont l’ARPP est cosignataire.

Pour se prononcer sur cette conformité à la déontologie, le Jury se doit donc de procéder à une interprétation de la publicité en cause, afin d’apprécier le sens qu’en perçoivent les consommateurs à qui elle s’adresse.

b) Au cas particulier, c’est à juste titre que, au regard de cette interprétation, le Jury a estimé que l’allégation contestée (« nos viandes rouges existent en vert ») “laisse entendre au consommateur moyen que le produit présenterait une forme d’innocuité environnementale ou, à tout le moins, que sa production et sa distribution n’occasionneraient que des incidences environnementales marginales ou très limitées, étant entendu que “l’élevage bovin contribue de façon significative aux émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, au dérèglement climatique, ce qui n’est pas nécessairement connu du grand public, lequel peut, intuitivement, associer le « bio » avec la préservation globale de l’environnement, y compris pour ce qui concerne la problématique du réchauffement climatique”.

Par suite, c’est à juste titre, “dès lors que la formulation globale « vert » n’est pas relativisée, et qu’elle ne saurait être justifiée par la seule circonstance que les produits alimentaires promus sont issus de l’agriculture biologique et sont conditionnés dans des emballages utilisant la couleur verte,” que le Jury a pu en déduire que “cette communication est contraire dans cette mesure au point 7.3 de la Recommandation « Développement durable », qui proscrit expressément l’utilisation non relativisée et non justifiée du terme « vert » en tant qu’argument écologique”.

En effet, par ces appréciations précitées, le Jury a fait une rigoureuse analyse de la publicité en cause au regard des termes mêmes du point 7.3 de la Recommandation applicable – notamment du vocable “vert”, qui figure expressément dans cette disposition.

S’agissant de ce mot, on observe ainsi que, à la différence (par exemple) du concept “d’électricité verte” qui est aujourd’hui entré dans le langage courant, la notion de “viande verte”, telle que revendiquée par Charal, ne fait pas écho, en raison de son originalité, à une réalité précise dans l’esprit du consommateur moyen.

Il en résulte que le Jury n’a pas procédé à une analyse erronée de l’affiche litigieuse et des dispositions déontologiques applicables en estimant, par l’avis contesté, que “l’utilisation non relativisée et non justifiée du terme « vert » “ dans la publicité Charal est dans cette mesure contraire au point 7.3 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

Par suite, la précision et la rigueur avec lesquelles le JDP a analysé tant l’affiche contestée que la perception qu’en ressent le public concerné suffisent à écarter l’affirmation qu’il s’agirait de “présupposés (voire de préjugés) de la part du Jury” – affirmation formulée par l’annonceur mais non justifiée par lui.

c) D’autre part, et contrairement à ce qu’affirme la demande de Révision, on ne peut adresser au Jury le reproche qu’il ne distingue pas élevage bio et élevage non bio alors que les conditions imposées à la filière bio par la réglementation ne permettent pas de considérer ces deux types d’élevage de la même manière, l’un (le bio) étant plus vertueux que l’autre”. Dans ses analyses, le JDP n’a en effet pas procédé à des comparaisons entre ces deux modes de production, ni ne s’est prononcé sur le caractère plus ou moins “vertueux” de l’un ou de l’autre.

d) Au surplus, on observera que les évaluations résultant d’une étude d’opinion (datant de près de trois ans) telles que produites par l’annonceur (Baromètre de perception des produits biologiques) n’apparaissent pas de nature à établir que les analyses ou interprétations du Jury sont entachées d’erreur manifeste ou grossièrement erronées. En tout état de cause, ces évaluations, compte tenu de leur date (2019), “auraient pu sans difficulté être soumises à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale” et peuvent donc être écartées en Révision (Art. 22.1 du Règlement du JDP).

C) Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de Charal est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • ni le défaut de procédure allégué, ni la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis en litige ne peuvent être considérés comme fondés.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • pour faire état de la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • pour y mentionner (au titre des modifications rédactionnelles prévues par l’article 22.2 du règlement intérieur du Jury) la communication de la plainte initiale à deux sociétés d’affichage et les réactions de ces deux sociétés à cette communication,
  • pour y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause ainsi complété (mentionnant en outre le recours en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de Charal.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie Publicitaire


Publicité Charal