Avis JDP n° 509/18 – DISTRIBUTION EN LIGNE – Plaintes non fondées

Avis publié le 16 avril 2018
Plaintes non fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 15 et 18 janvier 2018, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage en vitrine, en faveur d’un télescope.

Le visuel publicitaire en cause présente un visage de femme stylisé, présenté de profil. A l’intérieur de son crâne, le dessin du cerveau contient la photographie du produit, accompagné de ses caractéristiques et de son prix, ainsi que les textes « L’astronomie c’est pas mon truc – mais l’anatomie de mon voisin, oui ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants considèrent que ce visuel est sexiste.

L’un des plaignants ajoute que cette affirmation est choquante et cautionne l’idée d’infériorité de la femme par rapport à l’homme.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 février 2018, été informée des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Le représentant de la société a présenté des observations en réponse, en faisant valoir tout d’abord que l’une des plaintes est incomplète en ce qu’elle ne désigne pas le principe auquel la publicité contreviendrait.

Il souligne que l’autre plainte fait état de messages « méprisants », ce qui le surprend. D’abord, si le plaignant indique qu’il « semblerait » qu’il s’agisse d’une « femme au foyer », d’une part, cela ne se déduit pas de la silhouette représentée sur l’image, d’autre part il s’agit d’une remarque méprisante et stigmatisante pour les femmes qui font le choix de s’occuper de leur famille. Ensuite, le plaignant parle de « perversion » de la femme dans l’achat d’un télescope ; serait-il malsain pour une femme de regarder un homme?

L’annonceur explique ensuite que cette affiche publicitaire est l’une des six affiches de la campagne publicitaire portant sur les soldes d’hiver 2018.

Cette campagne publicitaire est le fruit de la collaboration avec l’agence de communication avec laquelle l’annonceur a travaillé à la mise en place d’une nouvelle plateforme de communication. Elle est fondée sur la mise en scène du traditionnel conflit entre « cœur » et « raison » en jouant sur une opposition cerveau gauche (rationnel) / cerveau droit (émotionnel). Elle se veut audacieuse et refléter l’humour décalé que la société souhaite donner à sa communication; elle doit être perçue sur un ton humoristique, d’auto-dérision sur les comportements humains en général. Le conflit intérieur raison/émotion que la campagne met en scène est universel et touche tout le monde sans distinction : les femmes comme les hommes, les jeunes comme les plus âgés. Personne n’est stigmatisé.

Les 6 affiches montrent 2 silhouettes de femmes et 4 silhouettes d’hommes cherchant à justifier un achat-plaisir. La mauvaise foi sert l’humour : l’homme peut avoir envie de s’acheter un hoverboard plutôt qu’un vélo pour aller travailler, le jeune peut prétexter une vue qui baisse pour justifier l’achat d’un plus grand téléviseur…

L’affiche incriminée s’inscrit dans cet humour décalé. L’expression « L’astronomie, c’est pas trop mon truc » ne fait absolument pas référence au « niveau intellectuel d’une femme » comme le laisse entendre la plainte. Cette expression signifie simplement que la silhouette représentée sur l’affiche n’aime pas / n’est pas intéressée par le fait de regarder les astres et les étoiles. Et la seconde partie de l’accroche « mais l’anatomie de mon voisin, oui… » corrobore bien cette idée : la silhouette représentée sur l’affiche préfère regarder son voisin, le corps d’un homme.

L’affiche met en échec le stéréotype suivant lequel seuls les hommes regardent les femmes; ici, c’est une femme qui assume préférer regarder un homme aux astres.

L’accroche de cette affiche publicitaire joue par ailleurs sur la consonance des mots « astronomie » et « anatomie ».

L’affiche n’a, en aucun cas, vocation à porter atteinte à la dignité ou à la décence de la personne humaine, à encourager une quelconque forme de discrimination, à cautionner de quelque manière que ce soit l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe ou à valoriser un comportement sexiste.

L’annonceur ajoute qu’il fait du respect de la personne en général et de la mixité, de la parité et de la lutte contre le sexisme ordinaire, un de ses engagements fondamentaux. La société est fortement engagée dans la promotion de la diversité et de la lutte contre toute forme de discrimination, que ce soit au sein même de l’entreprise mais aussi à l’extérieur – il en donne plusieurs exemples.

Il rappelle enfin que l’objectif de cette affiche, qui s’insère dans une campagne de promotion de produits vendus par l’annonceur, est de capter l’attention du consommateur afin de l’inciter à acheter le produit présenté, en l’occurrence un télescope. Bien que l’une des deux plaintes présente ce produit comme « un télescope en rabais » (cette expression pouvant là encore être interprétée comme étant dénigrante en ce qu’elle laisse à penser que les produits commercialisés par la société ne sont pas de qualité), l’annonceur considère au contraire rendre accessible à tous un produit permettant de s’intéresser à l’astronomie.

– La société d’affichage fait valoir que, contrairement à ce qui est affirmé par l’un des plaignants, ce visuel n’a jamais été affiché dans le métro parisien. En effet, l’annonceur a proposé, le 19 décembre 2017, six visuels. Ayant estimé que le visuel « Astronomie » était sexiste, il a été transmis à l’ARPP qui a confirmé cette analyse dans son conseil du 21 décembre 2017. Le visuel a été refusé auprès de l’annonceur le même jour et n’a donc jamais été affiché sur les dispositifs exploités par l’afficheur dans le métro et n’aurait jamais été affiché sur aucun des réseaux exploités par le groupe.

– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité indique qu’elle a été interrogée, dans le cadre de sa mission de délivrance de conseils facultatifs, préalablement à la diffusion de cette campagne, par un afficheur membre de l’ARPP, concernant ce projet de campagne, en décembre 2017.

L’ARPP a considéré que le visuel utilisé, montrant un profil de femme stylisé, dans lequel a été dessiné le contour d’un cerveau, associé au texte illustrant la pensée de la femme : « L’astronomie c’est pas trop mon truc… mais l’anatomie de mon voisin, oui… », contrevenait à la Recommandation « Image et respect de la personne », dont le point 2.3 dispose que « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société ».

« 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme ».

Le Jury relève que la publicité en cause présente un profil de femme stylisé, qui montre les pensées du personnage. Sont ainsi présentes quatre zones distinctes, l’une avec l’image du télescope convoité, sa marque et ses caractéristiques, une autre avec le prix originel et le prix réduit ; dans la troisième zone apparaît la phrase : « L’astronomie, c’est pas trop mon truc » et dans la dernière : « Mais l’anatomie de mon voisin, oui ».

Le Jury estime que ces deux phrases n’ont pas le caractère sexiste dénoncé par les plaintes : d’une part, elles renversent le cliché selon lequel ce sont les hommes qui s’intéressent à l’anatomie des femmes et d’autre part, elles ne dénigrent pas l’intelligence du personnage féminin, représenté par une silhouette qui ne laisse pas préjuger de sa situation professionnelle, mais fait part de son peu d’intérêt pour l’observation des étoiles.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 16 mars 2018 par Mme Lieber, Présidente, et MM. Acker et Benhaïm.