BIGBEN CONNECTED – JUST GREEN – Affichage – Internet – Plaintes partiellement fondées 

Avis publié le 20 juillet 2022
BIGBEN CONNECTED / JUST GREEN – 829/22
Plaintes partiellement fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • l’avis délibéré lors de la séance du 1er avril 2022 ayant été adressé aux plaignants ainsi qu’à la société BigBen Connected, propriétaire de la marque Just Green, laquelle a introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 du règlement intérieur ayant été mise en œuvre et le dossier de procédure ayant été communiqué à l’afficheur Médiagares,
  • après avoir invité les personnes intéressées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 1er juillet 2022, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que le conseil de la société BigBen Connected.

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 22 février et 9 mars 2022, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne de publicité, en affichage et sur internet, en faveur de la marque Just Green exploitée par la société BigBen Connected, pour promouvoir ses coques pour téléphone portable.

La publicité diffusée en affichage montre la coque de la marque ainsi que plusieurs déclinaisons en différents coloris. Le texte accompagnant cette image est « Just green – Les coques pour smartphone – 100% biodégradables & compostables ».

Les allégations publicitaires en cause sur le site Internet de la marque sont notamment : « la coque Just Green protège efficacement votre mobile…et la planète ! », « durable & écologique », « tout en préservant les ressources de la planète » ; « écoresponsables » ; « respectueux de l’environnement » ; « respectueuse de la planète » ; « Notre leitmotiv ? Protéger notre planète… et pourquoi pas protéger votre téléphone par la même occasion »,
« Fabriqué en Europe : réduction des émissions de CO2 », ou encore « Les modes de conception, de production et de transport intègrent les impératifs écologiques nécessaires à la préservation de l’environnement et elles sont accompagnées de visuels de coraux, de la planète Terre ou encore de végétaux.

2. Les arguments produits lors de la procédure initiale

Le premier plaignant énonce que la fiche produit sur le site web reprend les mêmes arguments que sur l’affiche, accompagnés de pictogrammes comme « 100 % végétal » (avec une feuille), « sans pétrole » (avec une goutte), « sans danger pour l’environnement » (avec des coraux et un poisson), « Fabriqué en Europe » (avec une planète Terre), « durable et écologique » (avec une planète Terre et des feuilles).

De plus, dans une vidéo, l’emballage est présenté au milieu de feuillages, de façon totalement inappropriée (il ne doit pas être jeté dans la nature). La vidéo se termine avec l’affirmationn« [des accessoires pour portable] beaux et durables sans compromis ».

Il relève que, aussi bien sur l’affiche que sur le site web, le public ne dispose d’aucune information permettant d’attester la biodégradabilité et la compostabilité du produit : des tests ont-ils été effectués ? dans quelles conditions ? Il est peu probable que le produit soit compostable en compostage domestique.

De surcroît, la mention « ne pas jeter dans la nature » devrait figurer clairement sur la publicité et sur le site web.

Par conséquent, cette publicité et les éléments du site web ne respecte pas l’article 13 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) qui précise :

  • « Les produits et emballages en matière plastique dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle ne peuvent porter la mention “ compostable ”.
  • « Les produits et emballages en matière plastique compostables en compostage domestique ou industriel portent la mention “ Ne pas jeter dans la nature ”.
  • « Il est interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions “ biodégradable ”, “ respectueux de l’environnement ” ou toute autre mention équivalente. »

De surcroît, plusieurs allégations et éléments visuels sont de nature à induire le public en erreur sur le moindre impact du produit. Les points 3 (proportionnalité), 6 (signes, labels, logos), 7 (vocabulaire) et 8 (représentation visuelle) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP ne sont pas respectés.

L’autre plaignant énonce que l’allégation « 100% biodégradable » est interdite sur un produit ou sur un emballage, comme le précise l’article L. 541-9-1 du Code de l’environnement, en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Or, cette allégation illégale figure partout sur les communications de Just Green.

Sur le site internet de l’entreprise, on peut ainsi lire les formules suivantes : « 100% Biodégradable » ; « entièrement biodégradable » ; « Packaging biodégradable » ; « encre de soja, 100% biodégradable » …

En outre, l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement exige que « les produits et emballages en matière plastique compostables en compostage domestique ou industriel portent la mention “Ne pas jeter dans la nature”. » Et l’on ne voit nulle part cette mention obligatoire sur les communications de Just Green.

Au contraire, certains messages semblent même inciter l’acheteur à jeter n’importe où sa coque de téléphone : « Composée de matières organiques végétales biosourcées sans danger pour l’environnement, la coque Just Green est entièrement biodégradable. Votre coque pourra se décomposer entièrement en dioxyde de carbone et eau, ne laissant aucun résidu dans la nature. ».

Ce message méconnaît également le point 3.3, b) de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP.

Selon lui, la marque affiche tout un tas de promesses aussi vagues qu’exagérées : « la coque Just Green protège efficacement votre mobile… et la planète ! » ; « durable & écologique » ; « tout en préservant les ressources de la planète » ; « écoresponsables » ; « respectueux de l’environnement » ; « respectueuse de la planète »…

Toutes ces allégations méconnaissent le point 7.3 de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP.

L’allégation « Fabriqué en Europe : réduction des émissions de CO2 » suggère que toute fabrication en Europe permettrait de réduire les émissions de CO2 liées à un produit. Mais cette généralisation est parfaitement abusive, vu la diversité des bouquets énergétiques en Europe.

Enfin, cette dernière phrase est un chef d’œuvre de flou : « Les modes de conception, de production et de transport intègrent les impératifs écologiques nécessaires à la préservation de l’environnement. » Pas une norme n’est citée, pas un label, rien de précis et d’objectif.

Pourtant, le point 2.3 de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP l’exige.

Le plaignant relève par ailleurs que les communications de la marque sur Instagram ne sont pas moins exagérées. On peut y voir un câble de charge en plastique recyclé posé sur un lit de cresson, accompagné de cette accroche : « Notre leitmotiv ? Protéger notre planète… et pourquoi pas protéger votre téléphone par la même occasion » ; un smartphone sur un lit de fleurs avec des mots-dièse tels que #savetheplanet…

Enfin, Just Green, qui prétend « protéger la planète » et « préserver ses ressources », n’hésite pas à promouvoir le dernier smartphone Samsung avec les mots-clés suivants : #sustainable #ecofriendly #sustainableliving #eco #sustainability #ecofashion #greenliving, #savetheplanet… Or, l’empreinte écologique de ce genre de téléphones est catastrophique, du fait, entre autres, de l’extraction des très nombreux matériaux qui les composent (70 en moyenne, d’après l’ADEME), du renouvellement de plus en plus rapide des modèles, de leur très faible taux de recyclabilité… Hélas, cet impact-là n’est jamais signalé dans les communications de Just Green, bien qu’un smartphone dernier cri soit visible à chaque fois sur les visuels de la marque.

D’ailleurs, la photo qui présente à nouveau en son centre un modèle très récent de smartphone, méconnaît le point 8.4 de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP.

En conclusion, cette publicité, comme toute la communication de Just Green, repose sur une allégation de biodégradabilité interdite par la loi.

L’annonceur promeut également la compostabilité de son produit sans y associer la mention obligatoire « Ne pas jeter dans la nature ». D’ailleurs, la marque ne précise pas si son produit est compostable à domicile ou dans une installation industrielle (or, dans ce dernier cas, la mention « compostable » est interdite : « Les produits et emballages en matière plastique dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle ne peuvent porter la mention ‘compostable’. »). Et ces manquements légaux sont accompagnés d’éléments qui méconnaissent de nombreux points de la Recommandation « Développpement Durable » de l’ARPP.

La société Just Green a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 8 mars 2022, des plaintes dont la copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

La société JC Decaux a également été informée des plaintes dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’avis délibéré par le Jury lors de sa séance du 1er avril 2022

Lors de sa séance du 1er avril 2022, le Jury, après avoir rappelé qu’il ne lui appartenait pas de confronter les publicités critiquées aux dispositions législatives et réglementaires invoquées par les plaignants, a été d’avis que ces communications étaient contraires aux points 3.1, 3.2., 4.1, 7.1. 7.3, 7.4 et 8 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

4. La procédure de révision et les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

La société BigBen Connected, propriétaire de la marque Just Green, a introduit une demande de révision contre l’avis délibéré le 1er avril 2022. Dans ce cadre, et à la diligence du Réviseur de la déontologie publicitaire, le dossier a été communiqué à l’afficheur Médiagares, responsable de la diffusion de l’affiche litigieuse, en lieu et place de la société JC Decaux, qui n’est pas intervenue dans cette campagne publicitaire. Des observations ont été produites par la société BigBen Connected et par Médiagares. A en outre été versé au dossier le conseil préalable de l’ARPP.

L’affaire a été réexaminée lors de la séance du 1er juillet 2022 au cours de laquelle le Réviseur de la déontologie publicitaire a présenté les conclusions suivantes :

« A) Les faits et étapes de la procédure sont les suivants.

Le Jury de Déontologie Publicitaire est saisi, les 22 février et 9 mars 2022, de deux plaintes émanant de particuliers, afin de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne de publicité en faveur de coques pour téléphone portable de la marque Just Green, déposée par l’annonceur Bigben Connected.

La publicité diffusée en affichage, montre la coque de la marque ainsi que plusieurs déclinaisons en différents coloris. Le texte accompagnant cette image est « Just green – Les coques pour smartphone – 100% biodégradables & compostables ».

Les allégations et visuels publicitaires en cause sur le site Internet de la marque sont « 100 % végétal », « sans pétrole », « sans danger pour l’environnement », « Fabriqué en Europe », « durable et écologique » ainsi que des visuels de coraux, de la planète Terre, de feuilles…

L’annonceur est alors informé, par courriel recommandé avec avis de réception, des contestations portant sur ses publicités, et des dispositions dont la violation est invoquée ; il est en même temps informé de la date de la séance du Jury qui examinera l’affaire ; il lui est proposé de faire parvenir au Jury « toutes observations utiles » ainsi que d’être entendu lors de cette séance.

L’annonceur ne présente pas d’observations ; pas plus ne demande-t-il à assister (ou à être représenté) à cette séance.

L’afficheur alors mis en cause, la société JC Decaux, informé dans les mêmes formes, ne présente pas d’observations ni ne se manifeste à la séance.

Le Jury délibère l’avis en litige le 1er avril 2022, qui est notifié aux personnes concernées le 13 avril 2022, avec toutes informations sur les modalités d’un recours en Révision.

Deux jours plus tard (15 avril), l’avocat de l’annonceur saisit le Jury d’une mise en demeure par laquelle :

  • il indique que l’un des deux plaignants a publié cet avis “depuis un compte LinkedIn” ;
  • il estime que cette publication, intervenue avant l’expiration des délais de Révision, entraine un préjudice pour Just Green ;
  • il sollicite les preuves d’envoi des courriels adressés à son client par le Jury ;
  • il demande que soit suspendue la publication de l’avis délibéré.

En première réponse, le Jury remercie l’annonceur de lui avoir signalé la publication d’un avis non définitif et l’informe qu’à l’avenir la notification des avis non-définitifs du JDP sera assortie d’une mention demandant aux destinataires de ne pas rendre publics de tels avis.

Le Réviseur, quant à lui, saisi de cette mise en demeure, la considère comme une demande de Révision de l’avis du Jury et il estime qu’elle revient à soutenir que “la procédure devant le Jury n’a pas été menée conformément au règlement du JDP” (article 22.1 du Règlement intérieur du JDP). Par voie de conséquence, il est décidé de ne pas publier cet avis sur le site du JDP tant que la procédure de Révision n’est pas terminée.

Le Réviseur se rapproche alors “du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis dont la révision est demandée et [il procède] avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis”.

Sur la base des éléments qui précèdent, le Réviseur invite l’annonceur à lui faire parvenir “tous éléments ou arguments utiles” au soutien de sa demande de Révision.

La même proposition est faite à l’afficheur sollicité lors de l’examen initial des plaintes – lequel n’adresse au Jury aucune réponse.

Dans les délais qui lui étaient fixés, l’annonceur adresse au Jury une demande de Révision, lequel est transmis aux deux plaignants, ceux-ci ne produisant aucune observation en réponse.

A partir de l’ensemble des pièces du dossier, le Réviseur décide que :

  • la demande de Révision est recevable ;
  • l’affaire justifie d’une seconde délibération devant le Jury (art 22.2 du Règlement), lors d’une séance ouverte aux personnes concernées.

B) Les nombreux moyens et arguments soulevés en Révision sont les suivants.

1) Au soutien de sa demande de Révision, l’annonceur soulève d’abord “l’incompétence du JDP pour émettre un avis à son encontre”.

Pour ce faire, il soutient d’une part que sa société “n’étant pas adhérente de l’ARPP”, elle n’est pas liée par les règles édictées par cette dernière, d’autre part que ces règles “n’ont aucune valeur normative au sein de l’ordre juridique français”.

On rappellera que le Jury constitue certes une instance dite “associée” de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), mais, comme le prévoit son règlement intérieur, elle en est totalement indépendante. Sa mission est de traiter les plaintes qui lui sont adressées contre les publicités diffusées en France par (ou pour le compte de) tout annonceur, que celui-ci soit ou non adhérent à l’ARPP.

En effet, la profession publicitaire (au sens large) a souhaité, de longue date et à l’instar de l’ensemble des États membres de l’Union européenne et de l’OCDE, fixer un cadre déontologique et mettre en place un dispositif d’autorégulation applicable à l’ensemble des acteurs du secteur – ce que les pouvoirs publics français ont expressément reconnu à travers l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui prévoit que « Les autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité adressent chaque année au Parlement un rapport faisant état des dispositifs d’autorégulation existants et présentant le bilan de leur action ».

Cette consécration par les autorités étatiques s’explique notamment par le fait que l’autorégulation professionnelle répond entre autres à trois objectifs d’intérêt général : la loyauté de la publicité, l’équité de la concurrence, la protection des consommateurs.

Au cas particulier, le Jury n’a donc pas outrepassé sa compétence en se prononçant sur les publicités Just-Green qui lui ont été déférées, quand bien même que la société BigBen Connected n’est pas adhérente de l’ARPP.

2) l’annonceur fait ensuite valoir une erreur dans la procédure d’examen des plaintes dirigées contre sa publicité et dans la rédaction de l’avis contesté.

De fait, l’avis mentionne : ” La société JC Decaux a également été informée des plaintes dont copies lui [ont] été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle n’a pas présenté d’observations.”

Or il ressort des pièces du dossier examinées par le Réviseur que les visuels de la campagne Just-Green n’ont pas été “affichées” par la société JC Decaux, mais par la société Mediagares (du GIE MediaTransports).

Il est exact que, par suite d’une erreur de transmission – que soulève à juste titre l’annonceur en Révision – la mise en cause du media concerné (en application du contradictoire de la procédure devant le Jury) a visé à tort JC Decaux (au lieu de Mediagares).

Dès cette erreur découverte, au stade de la Révision, Mediagares a été correctement mise en cause et a ainsi produit des observations qui ont pu être prises en compte (voir ci-dessous). L’erreur de procédure en premier examen (savoir la confusion entre deux afficheurs) a donc été corrigée en Révision et au total n’a porté préjudice à aucune personne concernée.

Il conviendra toutefois que l’avis définitif adopté par le Jury en seconde délibération tienne compte de cette erreur de transmission initiale et en donne acte à l’annonceur.

3) l’annonceur estime en troisième lieu que c’est à tort que le Jury l’a mis en cause dans cette affaire, dès lors que, affirme-t-il :

  • il a “totalement délégué la gestion de sa campagne de publicité à des prestataires externes, professionnels de la publicité” – en l’occurrence une société d’achat d’espace qu’il a chargée de ces prestations “depuis de très nombreuses années” ;
  • c’est la société d’affichage Media Transports (Mediagares) qui a géré le dossier de cette campagne notamment vis à vis de l’ARPP.

On rappellera que, pour réaliser une publicité, la chaîne des prestataires peut être plus ou moins étendue et impliquer divers opérateurs (parmi lesquels : annonceur, agence créative, société d’achat d’espace, organismes d’études, medias…).

Il n’en demeure pas moins que, malgré cette diversité, le principe consacré, sans aucune exception, tant par les tribunaux que par l’autorégulation, est que l’annonceur est le seul (ou à tout le moins le principal) responsable d’une publicité qui est diffusée par lui ou pour son compte (les autres ne pouvant être mis en cause qu’à titre complémentaire). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’article 12 du règlement intérieur du JDP prévoit qu’une plainte adressée au Jury est systématiquement transmise à l’annonceur, alors que l’agence ou le média n’en reçoivent communication que s’ils sont précisément identifiables dans celle-ci, sans qu’il y ait lieu de procéder à des investigations pour les retrouver.

Cette responsabilité principale, voire exclusive, de l’annonceur quant aux conséquences de sa publicité, tient principalement au triple fait que c’est lui qui :

  • assume le financement de la campagne et qui en maîtrise le calendrier ;
  • connaît le mieux le produit vanté par cette publicité ;
  • est le premier et principal bénéficiaire de la campagne en cause.

L’annonceur n’est donc pas fondé à reprocher au Jury de l’avoir mis en cause dans l’examen des publicités litigieuses Just-Green auquel il a procédé.

4) l’annonceur relève ce qu’il estime être une contradiction entre l’avis porté sur sa campagne par le Jury et l’appréciation des services de l’ARPP (au stade du “conseil préalable”) sur divers éléments de cette campagne.

D’une manière générale, on observera d’emblée que l’indépendance absolue entre ARPP et JDP est telle qu’aucune de ces deux instances n’est liée par les positions de l’autre – ce qui suffirait en tout état de cause à écarter ce moyen de Révision.

Au cas particulier, l’annonceur implique l’afficheur, la société Media Transports, car il affirme que “en sa qualité d’adhérente de l’ARPP, cette régie publicitaire a de toute évidence soumis les visuels au contrôle de l’ARPP. A tout le moins, ils [ces visuels] ont été formellement validés par la personne en charge de ce dossier chez MEDIA TRANSPORTS, dans un email du 11 février dernier.”

Mais ce dernier courriel (tel qu’il est joint au dossier) n’établit formellement aucune validation par l’ARPP, pas plus qu’aucun autre document du dossier. Le Réviseur a donc dû, pour purger cette question, interroger l’ARPP sur les positions adoptées par cette dernière à propos de la campagne litigieuse ; il a ainsi pu consulter les analyses formulées par cette Autorité sur les projets publicitaires Just Green (“conseil préalable”).

Contrairement à ses premières conclusions (communiquées aux personnes concernées), le Réviseur indique que, sur cette question, il n’est pas tenu par l’antépénultième alinéa de l’article 6.1 du Règlement intérieur de l’ARPP qui prévoit que « Le devoir de confidentialité, avant comme après diffusion d’un message, sur un conseil délivré par l’ARPP, vaut aussi bien pour les services de l’Association que pour le demandeur. »

En effet, comme le fait valoir l’annonceur, “en cas de plainte examinée par le Jury de déontologie publicitaire (JDP), l’existence d’un éventuel conseil préalable et son contenu doivent être portés au dossier d’instruction et sont susceptibles d’être mentionnés dans la décision finale [du Jury]” (art. 6.1 dernier § du Règlement intérieur de l’ARPP).

Par suite, le conseil préalable formulé par l’ARPP dans cette affaire a été communiqué à l’annonceur et aux plaignants, et il fait désormais partie du dossier.

De ce document, il ressort clairement que les publicités Just-Green en cause n’ont nullement été validées par l’ARPP. Au contraire même, les fortes réserves qu’elles ont suscitées de la part des services de l’ARPP ont été (de manière confidentielle) “circularisées” entre afficheurs, en application de la procédure mise en place avec l’UPE (Union de la Publicité Extérieure) en 2005.

Ce moyen de Révision ne pourra donc pas être retenu.

5) sur le fond, l’annonceur affirme d’abord que les divers éléments publicitaires Just-Green en cause “étaient – à la date de la campagne de de publicité – en totale conformité avec la règlementation française en matière d’allégations écologiques et environnementales”.

L’avis du Jury en litige ayant répondu de manière exhaustive à cet argument, en rappelant l’incompétence du JDP à se prononcer sur le respect de la réglementation, on comprend mal que la demande de Révision estime devoir y consacrer de longs développements.

6) l’annonceur critique ensuite le premier grief retenu par le Jury dans son avis – savoir que, en méconnaissance des dispositions du point 4.1 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP, “l’allégation selon laquelle le produit promu est « biodégradable » n’est ni explicitée dans la publicité ni justifiée par des renvois vers d’autres sources que la publicité, ce qui ne permet pas au consommateur de comprendre en quoi les activités ou les produits de l’annonceur présentent les qualités revendiquées”.

L’annonceur reproche au Jury de n’avoir pas retenu que, au pied de la publicité critiquée, est mentionné, de manière visible, un lien URL qui oriente le consommateur vers une page du site Just-Green où figure notamment la mention : “Nos produits biodégradables se décomposent sans effet néfaste sur l’environnement. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’ils peuvent être abandonnés n’importe où.”

Pour bienvenu que soit le civisme de ce conseil donné au consommateur, il ne constitue cependant pas l’explicitation ou les justifications que le point 4.1 de la Recommandation Développement durable attend de l’annonceur pour indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées”. 

7) l’annonceur critique ensuite le deuxième grief retenu par l’avis en litige pour trois raisons.

a) il estime que le Jury a cité de nombreuses formulations globales et non relativisées” utilisées dans la publicité Just-Green “sans démontrer en quoi ces formulations seraient de nature à induire en erreur le public sur les propriétés des produits”. Il y voit ce qu’il qualifie de “défaut de motivation”.

Mais par ce raisonnement, Just-Green inverse tout simplement les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP : en effet c’est à l’annonceur qu’il revient d’abord, au titre de cette Recommandation (notamment ses points 3.1, 3.2 ainsi que 7.1, 7.3 et 7.4), de “motiver” les affirmations qu’il mentionne dans sa publicité (ou à défaut, de les relativiser), tandis que c’est ensuite au Jury qu’il revient d’apprécier si cette motivation ou relativisation est suffisante pour éviter d’induire en erreur le public.

Dans cet esprit, il ressort du texte de l’avis contesté que c’est à bon droit que le Jury a estimé que les formulations ou allégations de Just-Green énumérées – par leur caractère absolu, dépourvu de nuances ou de relativisation ; par leur accumulation ; par l’absence d’informations les justifiant – méconnaissent les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

b) L’annonceur demande ensuite la Révision de cette partie de l’avis pour une deuxième raison, ainsi formulée : “En tout état de cause, à considérer même que les formulations précitées puissent être considérées comme « globales et non relativisées », elles relèveraient alors de ce que la jurisprudence accepte et dénomme « l’exagération commerciale ».

S’il est évident qu’on ne peut attendre d’une publicité qu’elle soit absolument impartiale et si l’on peut accepter qu’y intervienne une part d’hyperbole publicitaire, il n’en demeure pas moins que l’un des objectifs majeurs de l’autorégulation et de la déontologie publicitaires consiste justement à empêcher que cette exagération soit “de nature à induire en erreur le public” ou qu’elle méconnaisse l’une quelconque des règles édictées par l’ARPP.

De ce point de vue, il est clair que la multiplicité des formulations globales et non relativisées figurant dans les publicités Just-Green en débat est – comme relevé par le Jury – “de nature à induire en erreur le public”

c) en troisième lieu, la demande en Révision critique l’avis au motif que la rédaction du Jury utilise le vocable “logements” pour faire référence aux produits vantés dans la publicité ; l’annonceur, choisissant de prendre ce mot dans son sens courant (= habitation), veut y voir la preuve que l’avis du Jury est “manifestement un copié-collé d’un précédent avis, ce qui laisse perplexe et explique probablement l’absence de motivation”.

Plutôt que cette interprétation sophistiquée, on peut tout aussi bien admettre que le Jury a considéré que les coques pour téléphone Just-Green constituent des “logements” dans lesquels s’abritent ces téléphones ; par suite, ce terme “logement”, dans le contexte où il est utilisé, ne compromet en rien la solidité du raisonnement qui a conduit le Jury à constater les manquements qu’il a relevés à l’encontre de la publicité Just-Green.

Pour autant, on ne peut nier le caractère surprenant, voire inattendu, de ce vocable dans le contexte où il figure ; c’est pourquoi, afin de lever toute ambiguïté, le Réviseur suggère que l’avis définitif recherche un substitut au terme “logement”.

8) L’annonceur enfin critique le troisième manquement retenu par le Jury en ce qu’il fait référence à l’usage d’un téléphone portable comme élément de contexte et de mise en situation des coques de la société BIGBEN CONNECTED.

Or, il apparait de manière incontestable que l’objet de la publicité n’est pas le téléphone mais la coque du téléphone. Le modèle du téléphone n’est pas promu, il n’est pas même identifiable”.

Ce reproche ne peut être retenu à l’encontre de l’avis litigieux puisque le texte de l’avis au contraire mentionne explicitement que si la présentation d’un téléphone portable “peut être admis[e] comme un élément de contexte et de mise en situation de l’objet”, c’est après avoir bien précisé que ce “téléphone portable n’est ni identifié ni promu par la publicité”.

9) L’afficheur de plusieurs visuels de la campagne, Mediagares, dans ses observations au recours en Révision qui lui a été communiqué, d’une part circonscrit sa réponse aux seuls éléments publicitaires diffusés par voie d’affichage, d’autre part indique qu’il ne demande pas à être “entendu sur ces plaintes” (lors de la séance du JDP à laquelle il est convié).

Sur le fond, l’afficheur en outre :

  • rappelle ses échanges avec l’ARPP (au stade du conseil préalable) ;
  • déclare s’en remettre “à l’annonceur et à sa responsabilité pour justifier de la réalité de ces allégations étant donné qu’il nous a assurés qu’elles reposaient sur des tests objectifs” ;
  • s’appuie sur le fait que “L’ensemble des points sur l’application de la Recommandation Développement Durable relevés par le conseil de l’ARPP ayant été purgé avec cette dernière”, pour en déduire que les plaintes dirigées contre les visuels Just-Green lui “semblent injustifiées”.

Mais, au stade de la Révision, la question qui est à trancher est moins de savoir si les projets publicitaires envisagés par l’annonceur étaient ou non conformes au conseil de l’ARPP, que de vérifier si la publicité, en la forme finale où elle est diffusée, est ou non conforme aux règles déontologiques en vigueur.

De ce dernier point de vue, le Réviseur ne peut que constater que la réponse de Mediagares ne remet nullement en cause, encore moins ne conteste, les appréciations formulées par le Jury sur les affiches Just-Green ni sur leur conformité à la Recommandation Développement durable de l’ARPP, telles qu’elles figurent dans l’avis contesté.

La réponse de Mediagares, qui a été communiquée aux plaignants et à l’annonceur, ne peut être retenue comme fondant une demande de Révision.

C) En conclusion, et pour toutes les raisons qui précèdent, le Réviseur demande au JDP, au terme de ce second examen de l’affaire en cause :

a) de déclarer recevable la demande de Révision présentée par BIGBEN CONNECTED ;

b) de confirmer la teneur de son avis délibéré le 1er avril 2022 qui établit que la publicité en cause méconnait les dispositions mentionnées ci-dessus de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;

c) de modifier ou compléter en tant que de besoin la rédaction de son avis définitif, dans le sens des observations du Réviseur qui précèdent, afin de prendre en compte les moyens ou arguments soulevés par les personnes concernées durant la phase de Révision ;

d) d’ordonner la publication de cet avis définitif conformément aux dispositions du Règlement intérieur du JDP. ».

5. Les arguments présentés lors de la séance du 1er juillet 2022

Lors de cette séance, la société BigBen Connected a repris en substance la teneur de ses observations écrites et apporté notamment les précisions suivantes :

  • tout en se disant favorable à l’auto-régulation professionnelle, elle s’étonne qu’on lui oppose une Recommandation émanant d’une association à laquelle elle n’est pas adhérente. Elle confirme donc qu’à ses yeux, le Jury n’est pas compétent pour se prononcer. Par ailleurs, BigBen Connected prend soin de respecter la réglementation française. La société invite le Jury à ne pas rédiger son avis sous une forme évoquant une décision juridictionnelle ;
  • la société regrette de ne pas avoir obtenu spontanément l’ensemble des pièces du dossier ;
  • s’agissant des affiches publicitaires, le conseil de l’ARPP a été suivi, de sorte qu’aucun manquement déontologique ne peut être retenu. L’annonceur met en outre en doute l’indépendance du Jury, au motif qu’il lui revient d’appliquer les Recommandations de l’ARPP, et que les services rendus par l’ARPP le sont à titre onéreux ;
  • s’agissant du site internet, elle précise qu’il comporte une rubrique « Blog » qui explique ce qu’est une « coque écologique » et apporte des précisions sur les termes « compostable » et « recyclable ». Le consommateur est donc éclairé ;
  • les formulations mises en cause relèvent du langage commercial et utilisent des jeux de mots (protéger la planète / protéger le téléphone) ;
  • il serait excessif de reprocher à la société d’avoir utilisé quelques visuels végétaux, alors que les coques Just Green sont plus vertueuses que de nombreux produits importés ;
  • il ne peut être retenu que la publicité minimise les conséquences environnementales des téléphones alors qu’elle ne fait que la promotion des coques.

Postérieurement à la séance, et comme il s’y était engagé lors de celle-ci, l’annonceur a communiqué au Jury des pièces relatives aux contenus figurant sur son site internet et des informations sur la date de leur mise en ligne.

6. L’avis définitif du Jury

6.1. Sur la compétence du Jury

L’annonceur conteste la compétence du Jury pour émettre un avis le concernant, alors qu’il n’est pas adhérent de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il constitue une instance associée de l’ARPP, chargée de traiter de façon indépendante les plaintes qui lui sont adressées contre les publicités diffusées en France par tout annonceur, qu’il soit ou non adhérent à l’ARPP. Il résulte en effet des termes mêmes du troisième alinéa du point 2.1. de son règlement intérieur que le Jury « peut délivrer un avis quel que soit le support de diffusion de la publicité, et que les professionnels à l’origine du message ou de sa diffusion soient ou non adhérents de l’ARPP ».

Il y a lieu d’observer, comme l’a rappelé le Réviseur de la déontologie publicitaire, que la profession a souhaité, de longue date et à l’instar de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et de l’OCDE, fixer un cadre déontologique et mettre en place un dispositif d’autorégulation applicable à l’ensemble des acteurs du secteur. En France, les pouvoirs publics ont expressément reconnu ce dispositif et manifesté le prix qu’ils attachaient à son bon fonctionnement, dans l’intérêt général, à travers l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui prévoit que « Les autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité adressent chaque année au Parlement un rapport faisant état des dispositifs d’autorégulation existants et présentant le bilan de leur action ». Il revient donc à l’ARPP de rendre compte à la représentation nationale des conditions dans lesquelles est assurée la régulation déontologique du secteur publicitaire, y compris à travers le traitement indépendant des plaintes qui incombe au Jury, instance associée de l’ARPP.

Par suite, le Jury est compétent pour se prononcer sur les deux plaintes dont il est saisi.

Il rappelle en outre que si, comme l’indique l’annonceur, les règles déontologiques que le Jury a la charge de faire respecter sont par elles-mêmes dépourvues de valeur normative dans l’ordre juridique, cette circonstance est sans incidence sur sa compétence pour y confronter les publicités qui lui sont soumises et rendre des avis (et non des décisions) qui n’ont, eux-mêmes, pas de portée contraignante et ne sont en rien assimilables à une sanction, ni à une décision de justice. Les syllogismes auxquels recourent les avis du Jury, de même que la motivation de ses avis et la précision terminologique des formulations employées, n’ont d’autre but que de servir et retranscrire la rigueur de l’exercice intellectuel de confrontation des publicités critiquées aux règles déontologiques qui leur sont applicables, rigueur qui constitue une garantie pour toutes les personnes concernées, en particulier les professionnels de la publicité. Il n’y a pas lieu pour le Jury de dégrader la qualité rédactionnelle de ses avis.

En revanche, il n’appartient pas au Jury de se prononcer sur la conformité des publicités aux lois et règlements qui les encadrent, cette mission incombant aux seules juridictions compétentes. Par suite, il n’y a pas lieu pour lui de répondre aux griefs des plaignants invoquant la méconnaissance du code de l’environnement. Le Jury précise qu’il ne peut en aucun cas être déduit de ses avis qu’une disposition législative ou réglementaire aurait été méconnue ou qu’une infraction pénale aurait été commise.

6.2. Sur la participation de la société BigBen Connected à la procédure et l’indépendance du Jury

L’annonceur indique que les visuels contestés ont été soumis au contrôle de l’ARPP par Média Transports et ont été validés. Il en déduit qu’il n’a pas à être mis en cause.

Toutefois, il ressort des termes mêmes du règlement intérieur du Jury que l’annonceur est dans tous les cas au nombre des responsables de la publicité qu’il incombe au Jury de solliciter afin qu’il l’éclaire sur une communication réalisée par lui ou pour son compte. C’est précisément la raison pour laquelle, d’ailleurs, il y a lieu, comme l’a estimé le Réviseur de la déontologie publicitaire, de réexaminer l’avis qui avait été initialement rendu sans que la société ait été alors mise à même de présenter ses arguments.

En outre, dès lors que le Jury « a pour mission de se prononcer, de manière indépendante » sur les publicités relevant de sa compétence (art. 2.1 du règlement intérieur) et que les conseils préalables délivrés par l’ARPP ne le lient pas, la circonstance qu’un tel conseil ait été délivré est dépourvu de toute incidence tant sur sa compétence que sur l’obligation qui pèse sur lui de mettre l’annonceur à même de présenter des observations.

Le fait, souligné par le conseil de l’annonceur en séance, selon lequel les conseils délivrés par l’ARPP le sont à titre onéreux, est dépourvu de toute pertinence au regard de la question de l’indépendance du Jury, qu’il a mise en cause. L’activité du JDP démontre du reste que ce dernier ne suit pas systématiquement les positions des services de l’ARPP, qu’ils aient validé ou non une publicité, cette dualité constituant l’une des caractéristiques fondamentales du dispositif d’autorégulation mis en place par la profession.

De même, l’indépendance du Jury ne saurait évidemment être remise en cause par le fait, évoqué par l’annonceur lors de la séance, qu’il lui revient d’interpréter et d’appliquer des Recommandations adoptées par l’ARPP. La conformité des publicités en cause à ces Recommandations fait l’objet d’un examen au cas par cas par le Jury, sur la base de son interprétation propre de ces textes, et il ne reçoit, dans cet exercice, aucune instruction ni consigne de l’ARPP. Il y a lieu de rappeler, au surplus, qu’au nombre des règles déontologiques qu’il est compétent pour appliquer figurent, selon le point 2.2 de son règlement intérieur, les principes généraux issus du code ICC sur la publicité et les communications commerciales, principes qui ne sont pas élaborés par l’ARPP.

Le Jury précise enfin que la participation de la société BigBen Connected à la procédure d’examen de la plainte ne signifie nullement que l’avis du Jury aurait pour objet de porter un jugement de valeur sur l’annonceur lui-même. En effet, comme le prévoit le point 2.1 de son règlement intérieur, les avis du JDP « concernent uniquement le contenu des messages publicitaires diffusés et ne portent, ni sur les produits (ou leur conditionnement) ou services concernés, ni sur la pratique, les objectifs ou les mérites des organismes ou personnes qui ont participé à leur élaboration (…) ».

6.3. Sur les règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».

  • au titre de la clarté du message (point 4) :

« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP / 4.4. Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. (…) »

  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.

7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.

  • au titre de la présentation visuelle (point 8) :

« 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.

8.2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.

8.3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.

8.4 Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure. ».

6.4. Sur la publicité diffusée en affichage

Le Jury relève que l’affiche mise en cause comporte le texte suivant : « Just green – Les coques pour smartphone – 100% biodégradables & compostables ». Elle comporte en outre un lien en gros caractères vers le site www.just-green.fr et, en bas de la publicité, en petits caractères, la mention : « Pour plus d’informations sur la démarche et la nature du produit veuillez consulter le site : www.just-green.fr/fr/content/11-notre engagement ».

La page d’accueil du site vers laquelle l’affiche renvoie à titre principal comporte notamment quatre pictogrammes :

  • le premier représente une coque pour smartphone accompagnée de deux feuilles, avec le texte « Un produit biosourcé – Nos gammes sont composées de matériaux hautement recyclables sélectionnés pour minimiser l’impact écologique sur la planète. Tous nos produits sont 100 % recyclables» ;
  • le deuxième représente une boîte accompagnée de deux feuilles, avec le texte : « Un emballage éco-conçu 100 % biodégradable et compostable. Du carton (certificé FSC), de la colle (végétale) et de l’encre (de soja)… et c’est tout ! »
  • le troisième représente le territoire métropolitain (hors Corse), valorisant la « conception française»
  • le dernier représente le globe terrestre entouré d’un liseré et de deux feuilles, avec le texte : « Un engagement écologique – Just Green s’engage à reverser 5 % de son chiffre d’affaires pour soutenir des associations de protection de l’environnement et multiplier ainsi les initiatives».

La page à laquelle renvoie la mention en bas de l’affiche, qui est également accessible depuis la page d’accueil, s’intitule « Notre engagement ». Elle reprend en substance les mêmes textes, faisant état de ce que « nous fabriquons des accessoires différemment et avec une empreinte écologique limitée » et précisant, d’une part, que « Nos produits biodégradables se décomposent sans effet néfaste sur l’environnement. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’ils peuvent être abandonnés n’importe où » et que « Nos produits recyclés sont fabriqués à partir de matières secondaires issues du recyclage. Ces mêmes produits peuvent à leur tour être recyclés et avoir une seconde vie utile sans impacter l’environnement ».

En premier lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le point 4.1 de la Recommandation « Développement durable » exige de l’annonceur qu’il indique dans la publicité « en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées », le point 4.4. l’autorisant à n’y faire figurer que l’information essentielle, assortie d’un renvoi à un autre contenu accessible au public lorsque l’explicitation requise est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité. Il résulte des termes mêmes de la Recommandation que, lorsqu’une explicitation est requise, le seul lien vers le site internet de l’annonceur ne permet pas de satisfaire aux exigences déontologiques de clarté.

Or le Jury constate que l’affiche critiquée n’indique pas en quoi et dans quelles conditions les coques pour smartphone promues seraient entièrement biodégradables et compostables, et ne comporte pas même d’information essentielle sur ce point, alors que, eu égard à la nature de ces allégations, une explicitation apparaît nécessaire. En effet, d’une part, le terme « biodégradable » ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique (ainsi d’ailleurs qu’il a été relevé lors des débats au Parlement sur la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire), et la décomposition par les organismes vivants, qui est la caractéristique de la biodégradabilité, peut intervenir dans des délais extrêmement variables selon les matériaux, de quelques semaines à quelques siècles. D’autre part, le compostage peut emprunter des modalités très diverses ; en particulier, ne sauraient être mis sur le même plan le compostage industriel, qui requiert des installations lourdes et une filière organisée de traitement, et le compostage domestique ou ménager, dans le composteur d’un particulier.

En outre, et en tout état de cause, la page vers laquelle il est spécifiquement renvoyé (« Notre engagement ») évoque le caractère biosourcé des composants (ce qui signifie seulement que ces derniers sont d’origine végétale, sans préjuger du caractère biodégradable et compostable du produit), leur recyclabilité (qui renvoie à la réutilisation des matériaux après mise au rebut du produit, et qui est un concept différent de la biodégradabilité et de la compostabilité) ainsi que le caractère biodégradable et compostable de l’emballage cartonné (et non des coques elles-mêmes). Seul le paragraphe « Nous privilégions le biodégradable » se rapporte aux « produits biodégradables », mais il ne fournit pas d’explicitation, pas plus que la vidéo qui l’accompagne. En particulier, comme l’indiquent les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire, la précision selon laquelle « Nos produits biodégradables se décomposent sans effet néfaste sur l’environnement. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’ils peuvent être abandonnés n’importe où » ne saurait constituer l’explicitation requise par la Recommandation. Le Jury relève d’ailleurs que l’une des publicités mises en cause, diffusées sur internet, indique « 100 % biodégradable : composée d’ingrédients biosourcés et naturels », ce qui témoigne d’une confusion entre les concepts de « biosourcé » (qui se rapporte à l’origine des matières utilisées dans la fabrication) et de « biodégradable » (qui est une propriété attachée au produit fabriqué), que le consommateur moyen est aussi susceptible de faire spontanément (voir sur ce point l’avis du Jury 711/21).

Lors de la séance, l’annonceur a précisé pour la première fois que le site internet comportait aussi une rubrique « Blog » apportant toutes les précisions requises à cet égard. Cette rubrique apporte en effet de nombreux éclairages au public sur les propriétés des coques commercialisées par l’annonceur, et les éléments fournis au Jury postérieurement à la séance attestent que ces contenus figuraient déjà sur le site internet à la date d’introduction des plaintes. Toutefois, la publicité critiquée renvoie, ainsi qu’il a été dit, à une autre page du site (« Notre engagement »), précédemment décrite, qui ne comporte pas de renvoi exprès au « Blog » (autre que sur le bandeau de bas de page vert, commun à toutes les pages du site) et l’internaute désireux d’en savoir davantage sur les propriétés environnementales des coques vendues n’était pas spontanément ni naturellement porté à consulter une autre rubrique, dont la désignation ne permettait pas de surcroît de comprendre qu’elle comportait ce type d’informations.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette affiche méconnaît le point 4 de la Recommandation « Développement durable ».

En second lieu, il ressort des observations présentées par l’annonceur que le bioplastique utilisé pour la confection des coques de téléphone Just Green a été certifié conforme aux critères du label « OK compost » ce qui garantit que ces produits « peuvent être compostés en unité industrielle ». Or un consommateur moyen exposé à l’affiche litigieuse est spontanément enclin à considérer que l’allégation « 100 % compostable » se rapporte à la possibilité, pour lui, de mettre une coque usagée dans son composteur personnel, ou, à tout le moins, qu’il existe une filière structurée de collecte et de compostage industriel de ces coques, ce qui n’apparaît pas être le cas et n’a d’ailleurs pas été allégué. Par suite, et en l’absence d’explicitation, cette allégation apparaît de nature à induire en erreur le public.

6.5. Sur les publicités diffusées sur le site internet

En premier lieu, le Jury relève que ces publicités utilisent des allégations telles que « la coque Just Green protège efficacement votre mobile…et la planète ! », « durable & écologique », « tout en préservant les ressources de la planète » ; « écoresponsables » ; « respectueux de l’environnement » ; « respectueuse de la planète » ; « Notre leitmotiv ? Protéger notre planète… et pourquoi pas protéger votre téléphone par la même occasion ».

Ces formulations globales ne sont pas justifiées, dans la mesure où la production, la distribution, la consommation et la gestion de la fin de vie des coques, y compris leur recyclage ou leur compostage industriel, constituent autant d’opérations génératrices d’incidences environnementales négatives. En aucun cas il ne peut être affirmé sans nuances qu’en achetant une coque Just Green, le consommateur protègerait efficacement la planète et en préserverait les ressources, ou respecterait l’environnement. Pour les mêmes raisons, les coques promues ne sauraient être qualifiées en elles-mêmes d’« écoresponsables » (tout au plus un annonceur peut-il, en le justifiant dûment, alléguer qu’il adopte une « démarche écoresponsable »), d’ « écologiques » ou encore de « durables », au sens de « conformes aux principes du développement durable ». Ces allégations, d’ailleurs renforcées dans certains cas par des visuels évoquant des éléments naturels (fougères, feuillages…), sont contraires au point 7.3. de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, sans que l’annonceur puisse utilement se prévaloir de l’exception d’« exagération commerciale ».

En second lieu, la phrase « Les modes de conception, de production et de transport intègrent les impératifs écologiques nécessaires à la préservation de l’environnement. », par sa généralité et l’idée induite selon laquelle la prise en compte des « impératifs écologiques » permettraient de préserver l’environnement, appelle la même analyse. Une telle allégation, rapprochée des précédentes, ne permet pas au public de mesurer la réalité de l’impact environnemental des activités de l’annonceur, en contrariété aux points 3.1 et 3.2 de cette même Recommandation.

En revanche, le Jury estime que l’allégation « Fabriqué en Europe : réduction des émissions de CO2 », bien qu’ambiguë, peut être comprise ici comme signifiant que la fabrication en Europe permet de faire l’économie des émissions de CO2 inhérentes à une fabrication plus lointaine, en raison de la pollution générée par les transports.

Enfin, le Jury constate que, comme l’indique l’annonceur dans ses observations, les publicités critiquées ne font pas la promotion des téléphones eux-mêmes, mais seulement des coques qui les protègent. Aucune règle déontologique ne prescrit de mentionner, dans une publicité pour des accessoires pour smartphone, les incidences environnementales de ce dernier. En outre, il n’est pas allégué que les téléphones eux-mêmes seraient dépourvus d’impact sur l’environnement, les éléments naturels utilisés se rapportant à l’évidence aux coques commercialisées par l’annonceur. Dans ces conditions, le grief selon lequel ces publicités occulteraient l’impact écologique négatif des smartphones ne peut être retenu.

Il résulte de tout ce qui précède que le Jury, tout en relevant les efforts réalisés par l’annonceur pour éclairer le consommateur à travers la rubrique « Blog » de son site dans sa formulation actuelle et en formant le vœu que le présent avis l’incite à les prolonger afin d’assurer une information toujours plus complète et loyale du public, est d’avis que les publicités critiquées méconnaissent pour partie les points précités de la Recommandation
« Développement durable » de l’ARPP et que les plaintes ne sont pas fondées pour le surplus.

Avis adopté le 1er juillet 2022, en présence du Réviseur de la déontologie publicitaire, par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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