Avis JDP n°412/16 – COSMETIQUES – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 10 mai 2016
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la plaignante et le représentant de l’annonceur, présent à la séance,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 5 février 2016, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités diffusées par une société proposant des produits cosmétiques, sur son site internet, pour promouvoir sa gamme de savons à usage cosmétique.

La page d’accueil du site commercial de la société comporte l’entête « … – véritable savon à froid », accompagnée d’un logo de couleur verte représentant une feuille dont la tige formant un demi-cercle entoure le terme BIO et se termine par l’inscription « logics ».

Les visuels publicitaires présentent les différents savons de la gamme de la façon suivante :

Un savon estampillé du nom de la marque, présenté à côté de son conditionnement sur lequel est inscrit « savon surgras unique très doux visage et corps ».

Les textes accompagnant cette image sont « Il est temps de sauver votre peau avec un vrai savon surgras et hydratant ! Nouvelle formule encore plus douce ! », « Ce véritable savon à froid a été surgraissé à hauteur de 6,5% d’huiles végétales dans sa formule… Fabriqué en France avec amour par des maîtres savonniers, ce savon ne contient aucune vilaine substance synthétique ou pétrochimique… ».

Le savon est présenté comme « 100% biodégradable ».

Sont ensuite déclinées les présentations de plusieurs produits présentés comme « Savon dermatologique », surmontés de la formule : « Véritable savon à froid – surgras 6,5% ».

2. Les arguments échangés

– La plaignante considère que cette publicité utilise abusivement des labels et allégations thérapeutiques.

Elle conteste en particulier les allégations suivantes :

1°) « véritable savon à froid » : Selon elle, les consommateurs sont par cette formule enclins à  présumer que les quelques 300 autres savonniers, qui fabriquent des savons par cette méthode standardisée de saponification à froid, vendent des faux, ou des mauvais savons à froid.

2°) logo « Bio Logics » qui est une pure création de l’annonceur. Elle indique que l’apposition d’un tel  logo laisse supposer une démarche et un cahier des charges aussi rigoureux que des labels biologiques/organismes certificateurs.

3°) l’indication « 100% biodégradable » qui n’est accompagnée  d’aucune justification.

4°) l’allégation « savon dermatologique », qui laisse penser que ce savon a été testé sous contrôle dermatologique et/ou est recommandé par des dermatologues.

5°) la mention selon laquelle « ce savon ne contient aucune vilaine substances synthétique ou pétrochimique » qui discrédite les fabricants de cosmétiques utilisant comme matière première des substances dites de synthèse tout en respectant scrupuleusement les règlements 1223/2009, les opinions du SCCS, les évolutions REACH, les recommandations de l’Autorité publique de santé (…).

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 mars 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait observer que les allégations avancées par le site internet gaiia-shop.com sont parfaitement fondées et véridiques et participent à la bonne information de sa clientèle ainsi que du consommateur en général.

Sur l’allégation « véritable savon à froid », elle oppose qu’il n’est en rien un délit de publicité mensongère ou dénigrante que d’utiliser le terme usuel « Véritable » qui n’a pas de définition légale mais qui s’utilise pour décrire un matériau ou un objet « qui est réellement ce qu’on dit qu’il est », qui n’est ni mélangé ni imité, et qui possède toutes les propriétés conformes à sa nature.

Le représentant de la société précise que les savons de la marque relèvent totalement de cette définition, puisque leur procédé de fabrication respecte scrupuleusement la méthode de fabrication du savon à froid tel que décrite dans la « charte du savon à froid », créée par un collectif de savonniers en 2012 et reconnue par l’ensemble de la profession des savonniers à froid en France.

Il explique que cette marque ne proclame pas être la seule à fabriquer des savons à froid, ce qui aurait pu être induit éventuellement par l’utilisation du pronom « le » devant le terme « véritable ». Cette désignation fait simplement état d’une méthode de fabrication particulière utilisée réellement dans la fabrication de ces savons.

L’annonceur fait aussi remarquer que de nombreux savonniers utilisent également le vocable « véritable savon à froid » ou l’adjectif « véritable ». Il estime que la communication réalisée sur le site ne dénigre en rien la profession des savonniers à froid qui s’est même organisée autour d’une association dédiée qui n’a jamais émis la moindre critique à ce sujet.

Sur le logo « Bio logics », l’annonceur explique que ce logo est clairement explicité aux consommateurs au travers d’une charte éthique disponible via un lien qui fait état de la démarche éthique et responsable de l’annonceur. Il n’a pas vocation à remplacer un label « bio » ni à s’y référer, même si les trois premières lettres du terme « biologics » sont mises en avant. Ceci participe à souligner la démarche qualité du fabricant et les valeurs de naturel qu’il défend dans la réalisation de ce savon. Il admet toutefois que cette mention puisse manquer de clarté.

Sur les allégations « 100% biodégradable » et « Savon dermatologique », le responsable de la société annonceur explique qu’une expertise, pour la première, et des tests, pour la seconde, sont en cours dans un laboratoire spécialisé. Dans le cas où ces examens démontreraient que ces allégations ne sont pas exactes, il s’engage à modifier son message.

Il ajoute que tous ses savons bénéficient depuis très peu de temps de nouvelles formules à base d’huile d’olive qui sont en cours de tests et que de plus, les savons ont été testés par un docteur en dermatologie.

Sur l’allégation « Ce savon ne contient aucune vilaine substances synthétique ou pétrochimique », l’annonceur fait valoir que celle-ci est vérifiable et que l’utilisation de l’adjectif « vilaine » est une note d’humour et de connivence qui « parle » aux clients de la marque qui sont au fait des questions relatives à l’impact sur la santé et l’environnement de certains cosmétiques conventionnels. Cette allégation est, selon lui, de nature à tenir réellement informés les consommateurs face aux scandales à répétition autour des cosmétiques toxiques.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP dispose dans son préambule que :

« Toute allégation doit être véridique, claire, loyale, objective et ne doit pas être de nature à induire en erreur. »

« Ces dispositions visent la publicité qui s’adresse au consommateur. Elles sont applicables à toute allégation publicitaire pour les produits cosmétiques, quel que soit le support utilisé (…) ».

La Recommandation dispose également que :

« 1/2 a. Toute allégation doit s’appuyer sur des preuves appropriées.

3/2 Produit cosmétique biologique

a/ Un produit cosmétique ne peut être qualifié de “biologique” que s’il remplit au moins une des conditions suivantes :

– il contient 100 % d’ingrédients certifiés issus de l’agriculture biologique ;

– il a été certifié “biologique” par un organisme certificateur ;

– il peut être justifié qu’il a été élaboré selon un cahier des charges publié, ayant un niveau d’exigence, en termes de composition et de teneur en ingrédients certifiés issus de l’agriculture biologique, équivalent au(x) niveau(x) d’exigence requis par les organismes certificateurs. »

Sur l’utilisation de l’adjectif « Véritable »

Le Jury observe que cet adjectif dérivé du nom commun « vérité » renvoie à l’idée d’une garantie d’authenticité et s’agissant d’un produit, induit le respect de certaines règles de fabrication. Contrairement à ce que soutient la plainte, ce terme ne comporte aucune signification d’exclusion selon laquelle d’autres savons à froid ne seraient pas, eux aussi, respectueux des mêmes procédés. Il ne constitue donc pas un mode de dénigrement des autres fabricants de savon à froid.

La plainte doit en conséquence être rejetée sur ce point.

Sur l’utilisation du logo « Bio logics » 

Ce logo composé du dessin d’une feuille de couleur verte joue par l’association de sa forme et de sa couleur sur la symbolique de certification des produits dits « bio ». Il ne constitue cependant aucunement un signe de véritable certification, mais renvoie, selon les indications de l’annonceur, à l’assurance du respect d’une charte éthique disponible via un lien internet.

Celui-ci a cependant convenu, lors de la séance, que ce logo pouvait être confondu avec une certification de ce que les savons ainsi qualifiés respectaient les contraintes d’un cahier des charges de fabrication  à base de produits biologiques et s’est engagé à la retirer.

Sur l’utilisation de l’allégation « Savon dermatologique » et « 100 % biodégradable »

Dans ses explications écrites reprises lors de la séance, l’annonceur a indiqué que des tests étaient en cours pour certifier ces deux allégations. Il a reconnu que pour l’instant il ne disposait pas des résultats et qu’aucune mention de renvoi ne permettait aux consommateurs de connaître les fondements de ces assertions ni d’en vérifier la réalité.

Dans la mesure où ces assertions sont en l’état invérifiables et que l’annonceur n’a pas la possibilité immédiate de permettre de renseigner les consommateurs sur l’exactitude de ces mentions, elles ne sont pas conformes aux exigences de la disposition 1/2, a, de la Recommandation précitée.

Sur l’allégation « Ce savon ne contient aucune vilaine substance synthétique ou pétrochimique »

Le Jury observe que cette mention d’ordre général est imprécise puisqu’aucune explication ou certification ne sont apportées de l’absence de substances synthétiques ou pétrochimiques.

Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, elle n’apparaît pas conforme à la disposition 1/2, a, de la Recommandation précitée.

Compte tenu de ces éléments, le Jury est donc d’avis qu’abstraction faite de l’utilisation de l’adjectif véritable qui ne contrevient pas aux dispositions précitées, la publicité en cause ne respecte pas, pour les allégations mentionnées ci-dessus et pour l’utilisation du logo « Bio logics », les dispositions du préambule ainsi que des articles 1/2, a, et 3/2 de la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP.

Avis adopté le vendredi 1er avril 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Moggio et Drecq, MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.