Avis JDP n°400/16 – PRODUITS FINANCIERS – Plainte fondée

Avis publié le 20 avril 2016
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu, le plaignant, puis le président de l’annonceur, lors de la séance ;
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 décembre 2015, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités diffusées par courrier électronique par une société proposant des produits de placement.

Un premier courrier électronique du 6 décembre 2015 comporte l’image d’une femme souriante se tenant devant la vue en hauteur d’une ville. Le texte accompagnant cette image est « Découvrez X, la meilleure solution qui optimise votre investissement ».

Dans une pastille rouge est inscrit « Gagnez 6 à 8% de rendement par an de 30 à 60 mois ».

Au-dessous, dans un encart blanc, le texte précise « Investir dans l’immobilier décoté* (l’astérisque renvoyant à la mention « acheté en dessous de la valeur du marché ») c’est obtenir : une réduction d’impôts + un revenu complémentaire. Ticket d’entrée : 20 000€ ».

Au-dessous de ce visuel, figure le texte suivant : « 4 raisons pour investir 1° Un bien immobilier en région parisienne 2° Une réduction d’impôt conséquente 3° Un rendement significatif sur 30 à 60 mois 4° Un montant d’investissement peu élevé », «  Découvrez la vidéo ».

Au bas de la publicité figurent des informations relatives à l’identification de l’annonceur.

Le deuxième courrier électronique du 8 décembre 2015 comporte l’image d’un immeuble de type haussmannien, accompagné des indications « Investissement immobilier. Découvrez le nouveau bon plan pour votre épargne à 6,5% par      an », assorti d’un rectangle orange à activer par un clic pour « En savoir plus ».

Sous ces éléments, figure le texte suivant : « Nous filtrons les risques pour vous offrir le meilleur investissement possible. Le premier principe de la rentabilité repose sur une réalité économique : la décote du bien acquis. Par exemple, nous faisons des acquisitions de biens à la barre (par ex. une liquidation), dans le cadre d’une succession, ou de ventes aux enchères. La rentabilité est donc faite au départ. En plus de la garantie économique de notre activité, nous avons mis en place des garanties d’assurances (garantie de revente, garantie perte d’exploitation, etc…) souscrites auprès de compagnies d’assurance de premier plan (MMA, INSOR) ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que l’identification de la nature du produit n’est pas claire et contrevient ainsi à l’article 1.3 de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP.

Il fait observer que la nature du taux (net ou brut) n’est pas indiquée, pas plus que les frais ni le délai de disponibilité de l’investissement, contrairement aux prévisions de l’article 2 de la Recommandation. Quant aux mentions légales, elles sont partiellement manquantes.

Le plaignant énonce également que les risques ne sont pas mentionnés (la valeur de l’immobilier est fluctuante, à titre d’exemple les travaux peuvent mal se dérouler), au contraire, ils sont minimisés au maximum.

Il conteste la mention « Nous sommes agréés par la Préfecture de police » qui est selon lui, fausse et trompeuse car la délivrance de la carte professionnelle n’est pas un « agrément ». Il estime que l’utilisation du logo de la préfecture de police est trompeuse.

Par ailleurs, il souligne que ces publicités s’effectuent par envoi massif de mails (que l’on peut même considérer comme SPAM), grâce à plusieurs intermédiaires.

Enfin, selon le plaignant, ces publicités sont contraires aux règles déontologiques de l’Autorité des marchés Financiers (AMF).

– L’annonceur  a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 11 janvier 2016, puis par courrier simple du 12 janvier 2016, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La plainte devait initialement être soumise à l’examen par le Jury lors de sa séance du 5 février 2016. A la demande de l’annonceur, invoquant une indisponibilité, il a été décidé de reporter cet examen à la séance du 11 mars 2016. La société a été avisée du report par courrier recommandé avec avis de réception du 2 février 2016.

Elle n’a pas présenté d’observations écrites.

Son représentant a expliqué, lors de la séance, que cette publicité était une erreur commise dans un contexte de surcroît de travail et que le directeur du marketing qui en était responsable avait été licencié.

Il a précisé qu’il avait mis en place une démarche de conformité sous le contrôle d’un cabinet d’avocat. Il a par ailleurs exposé que la société n’était pas responsable des SPAM car elle s’adressait à un prestataire extérieur, mais que lorsqu’un client se plaignait il le redirigeait vers ce prestataire.

Le dirigeant de la société reproche au plaignant de ne pas l’avoir alerté au sujet des SPAM reçus avant d’adresser sa plainte au JDP.

Il a enfin expliqué la procédure conduisant à la conclusion des contrats et fait valoir que les investisseurs étaient tout à fait informés et qu’ils avaient, en outre, la faculté de revenir sur leur engagement. 

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il est une instance associée de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dont la mission consiste à émettre des avis sur le respect, par les publicités faisant l’objet d’une plainte devant lui, des règles déontologiques que la profession s’est prescrite. Il se borne donc à examiner le contenu des publicités et à les confronter à ces règles. Il ne lui appartient en aucun cas d’apprécier la complétude des informations effectivement transmises aux clients d’une société ou aux personnes qui s’intéressent aux produits qu’elle propose, ni la conformité des pratiques commerciales aux  textes législatifs et réglementaires en vigueur. Il ne saurait en conséquence se prononcer sur le respect de recommandations de l’Autorité des marchés financiers et sur le caractère légal ou non du comportement d’un annonceur

La Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP s’applique non seulement aux produits financiers, mais aussi aux « produits et services non financiers, communément appelés « placements atypiques » ». La publicité en faveur de ces « produits atypiques » doit respecter non seulement les règles générales et transversales de cette Recommandation, mais aussi celles qui résultent de son annexe 2 intitulée : « Publicité des placements dits atypiques et des services liés ».

En l’occurrence, les publicités mises en cause visent à promouvoir un produit d’investissement dans le secteur immobilier dont le rendement annoncé s’élève, s’agissant de la publicité pour le produit en (envoi du 6 décembre 2015), entre « 6 et 8% » et pour la seconde (envoi du 8 décembre 2015) à 6,5%. Elles portent donc sur un « produit atypique » au sens de cette Recommandation.

Sur l’identification du produit

Le point 1.3 de la Recommandation énonce en son point 1-3 que : « L’identification de la nature du produit ou du service peut se faire par tout moyen. L’utilisation de termes génériques pour désigner la nature du produit ou du service est possible sous réserve de ne pas induire en erreur ou de créer de confusion et, excepté les cas où des règles de droit positif exigeraient l’emploi de termes précis et/ou déterminés. ».

 Il exige donc que la nature du produit ou du service, objet de la publicité, soit identifiée. Cette identification peut se faire « par tout moyen » et résulter de termes génériques sous réserve de ne pas induire en erreur ou de créer de confusion.

Par ailleurs, le point 2-1-2 de l’annexe 2 relative aux « produits atypiques » précise que « La dénomination des biens ou services visés dans la publicité devra répondre, lorsqu’elles existent, aux définitions officielles. Le cas échéant, les dénominations utilisées dans le message publicitaire pour qualifier les biens devront être communément admises et compréhensibles par le public d’attention moyenne ».

En l’occurrence, l’objet du premier courriel (« Découvrez X») ainsi que  les mentions de la publicité, qui font état d’un « investissement » dans l’« immobilier décoté », tout comme le second qui propose un investissement immobilier, laissent entendre que l’annonceur propose au destinataire d’investir financièrement dans des produits en rapport avec l’immobilier et en particulier l’immobilier « décoté ».

Toutefois ces mentions ne permettent pas d’identifier de manière suffisamment claire la nature du produit proposé, qui n’est pas « dénommé » au sens du point 2-1-2 de l’annexe 2. La possibilité pour l’internaute d’avoir accès à des explications complémentaires en cliquant sur un point du message est insuffisante à compenser cette carence, d’autant que le format sur une page du message permettait aisément de le faire.

Sur la présentation du taux

La Recommandation dispose aussi, en son point 2, que : « la nature du taux (brut ou net) devra être précisée », « Lorsque des frais sont inhérents à la gestion du produit ou service (…), leur existence doit être indiquée de manière parfaitement lisible ».

Le Jury relève que les taux indiqués dans les deux publicités, « 6 à 8% » pour la première, « 6,5% » pour la seconde, ne précisent pas si ces données sont brutes ou nettes. Les deux messages ne font, par ailleurs, aucune mention des frais inhérents à la gestion du produit ou service, contrairement aux exigences précitées.

Sur l’absence de mentions relatives aux risques

Le point 2-1-3-c de l’annexe 2 relative aux « produits atypiques » précise encore que « L’ensemble de la publicité doit être équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques éventuels à la souscription de ce dernier.

Cet équilibre de la publicité implique la présence, dans toute publicité, quel que soit le support de diffusion utilisé, d’une information claire, intelligible et parfaitement lisible et/ou audible sur les risques propres à l’activité ou au(x) produit(s) visé(s) ».

Le Jury observe que la première publicité ne comporte aucune mention relative aux risques de l’investissement dont il est fait la promotion. La seconde se borne à préciser que « En plus de la garantie économique de notre activité, nous avons mis en place des garanties d’assurances (garantie de revente, garantie de perte d’exploitation, etc…) auprès de compagnies d’assurance de premier plan », mention qui pourrait laisser penser à un investisseur que l’opération est en tout état de cause dénuée de risque.

Il relève sur ce point aussi que le format d’une page permettait l’inscription de mentions relatives aux risques.

Sur le logo de la Préfecture de police

La Recommandation rappelle dans son préambule que le code ICC énonce, en outre, que « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs » (Article 3 sur la Loyauté).

L’obtention auprès de la préfecture de police d’une carte professionnelle ne constitue en rien un agrément de cette autorité. L’apposition du logo de la Préfecture de police au bas de la page, surmonté de la phrase « Nous sommes agréés par différents organismes », constitue l’affichage d’un agrément inexistant de nature à provoquer la confiance d’investisseurs inexpérimentés. Le Jury prend acte du retrait de ce logo à la suite de la demande de la  Préfecture de police.

En conséquence de ce qui précède, le Jury de déontologie publicitaire est d’avis que les deux publicités sur lesquelles portent les plaintes ne sont pas conformes aux dispositions citées ci-dessus de la Recommandation sur la publicité des produits financiers et d’investissement.

Lors de la séance, le responsable de la société annonceur a précisé, d’une part, qu’il connaissait la Recommandation, d’autre part, que ces deux publicités procédaient d’une erreur du service de marketing.

Le Jury relève que les trois premiers manquements relevés avaient déjà fait l’objet d’un avis de sa part le 12 décembre 2014. Il ne peut que regretter que la société annonceur n’ait pas tenu compte de cet avis et ait laissé commettre l’erreur invoquée, pour autant que celle-ci corresponde à la réalité.

Le Jury est donc d’avis que les publicités en cause ne respectent pas les dispositions du préambule et des articles 1-3, 2-1.2 de la Recommandation publicité sur les produits financiers et d’investissements, de même que les dispositions de l’article 2-1-2 de l’annexe 2 de cette Recommandation.

Avis adopté le vendredi 11 mars 2016 par Mme Valérie Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.