Décision publiée le 18.03.2009
Plaintes partiellement fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu successivement l’association Réseau « Sortir du nucléaire », plaignante, ainsi que les représentants de l’annonceur, des sociétés A, B, C, et du syndicat représentant les éditeurs de presse magazine.
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 11 décembre 2008, de quatre plaintes émanant de l’association Réseau « Sortir du nucléaire », afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de quatre encarts publicitaires, en faveur d’un fournisseur d’énergie, diffusés par différents magazines d’actualité jeunesse.
Ces encarts présentent l’activité de l’annonceur, ce qu’est l’énergie nucléaire, ainsi que ses modes et processus de production. Ils contiennent plusieurs pages titrées différemment, selon les revues : « Les clés de l’énergie nucléaire » ; « Le nucléaire, de l’énergie pour aujourd’hui et demain » et « Voyage au cœur de l ‘énergie nucléaire ».
2.Les arguments des parties
Le plaignant soutient que ces encarts publicitaires ne respectent pas les règles de déontologie relatives à l’identification de la publicité.
Il relève qu’aucune mention de type « Publicité » ou « communiqué » n’est présente sur l’encart du magazine édité par la société A et que si les encarts des autres revues comportent la mention « Publi-Info » celle-ci est néanmoins de nature à tromper la confiance des jeunes lecteurs en ce que, suivie du nom de la revue, cette mention laisse croire que les pages en question sont une production de celle-ci et non de l’annonceur.
Il ajoute que le contenu de ces encarts publicitaires occulte les problèmes liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire, ce qui donne une information tronquée au lecteur et il fait valoir que le principe même d’accepter de la publicité pour l’annonceur constitue une approbation pour l’énergie nucléaire de nature à convaincre le public jeune de l’innocuité de cette énergie.
L’annonceur déplore que le livret publicitaire ayant pour titre « Le nucléaire, de l’énergie pour aujourd’hui et demain », publié dans le magazine édité par la société A n’ait pas comporté de mention signalant qu’il s’agissait d’une publicité. Elle fait valoir que, néanmoins, d’autres éléments permettent d’identifier qu’il s’agit bien d’une publicité, telles, la présence de la mention obligatoire pour les publicités en matière d’énergie, « L’Energie est notre avenir, économisons la ! », mention qu’elle indique avoir imposée à la société A, ainsi que la forme et le format du livret fourni indépendamment de la revue.
S’agissant des trois autres livrets joints aux magazines édités par les sociétés B et C, elle fait valoir qu’ils comportent les mentions « Publi-Info » ou « Publi-Information », d’usage courant en matière de publicité. Elle rappelle qu’elle a fait figurer la mention légale « L’Energie est notre avenir, économisons la ! », ainsi que son logo dont il se déduit qu’il s’agit bien d’une publicité. Comme pour le livret de la revue éditée par la société A, elle fait observer que la forme et le format des trois autres les distinguent des contenus rédactionnels et que deux d’entre eux ont aussi été fournis de manière indépendante à la revue, sous un film plastique. Elle souligne que c’est elle qui a insisté auprès de l’éditeur pour faire figurer la mention « Publi-Info ».
Sur les arguments invoqués par le plaignant, elle relève que ceux-ci ne portent que sur la forme et non sur le contenu des livrets en cause et que le grief de tromperie qui lui est fait porte atteinte au principe fondamental de la liberté d’expression. Elle assure avoir eu seulement l’intention de réaliser des opérations publicitaires à caractère informatif et pédagogique. Selon elle, toutes les mentions relatives au partenariat mené avec les revues en cause constituent des démonstrations de cette intention vis-à-vis des lecteurs.
La société C, éditeur d’un des magazines d’actualité jeunesse, soutient que la publicité concernée ne peut pas être confondue avec un article rédactionnel car plusieurs éléments permettent au lecteur d’éviter toute confusion :
– la mention «Publi-Info», inscrite en haut de la première page, en lettres capitales et en gros caractères qui a vocation à annoncer au lecteur qu’il s’agit d’une publicité;
– la reproduction distincte en première et dernière page du logo commercial de l’annonceur ;
– la rubrique « en savoir plus » qui renvoie expressément sur le site de l’annonceur et non sur celui du magazine édité par la société C, confirmant la nature publicitaire du message.
Elle ajoute que cette publicité a été publiée sous la forme d’un encart broché, non paginé, réalisé dans un papier cartonné nettement différent de celui de la publication et a été placée au milieu d’un reportage. Elle signale que le sommaire ne reprend pas, dans la liste des articles annoncés, l’encart critiqué.
Elle rappelle que le magazine édité par la société C a toujours veillé à assurer à ses jeunes lecteurs une information pédagogique et de qualité, dans le respect de la déontologie professionnelle qui s’impose et que ces qualités sont reconnues par plusieurs prix décernés par l’ensemble de la profession.
La société C précise encore qu’elle a publié à la rubrique « courrier des lecteurs » du numéro contenant l’encart, un texte de son rédacteur en chef qui explique qu’un encart publié dans le numéro précédent au bénéfice de l’annonceur était une publicité payante, que la revue n’est pas engagée par ces publicités et qu’elle ne cautionne pas purement et simplement le nucléaire.
Elle ajoute que la plainte vise à la fois à obtenir la condamnation du publi-reportage en général et à engager par ailleurs un débat de fond sur la façon dont les médias doivent traiter le nucléaire.
La société A, éditeur d’un des magazines d’actualité jeunesse, a fait valoir oralement lors de la séance que l’encart critiqué était séparé de la revue ; que son objectif était instructif et pédagogique et qu’il a été rédigé par les journalistes de la revue et seulement corrigé par l’annonceur. Le texte est donc produit par le magazine édité par la société A et non par l’annonceur, ce qui, dès lors, n’impliquait pas l’apposition d’une mention relative à de la publicité indiquant qu’il s’agissait d’une publicité. Elle reconnaît toutefois qu’il aurait été préférable de l’y faire figurer.
La société B a exposé, lors de la séance, que la diffusion des deux titres édités par elle avait été arrêtée pour des motifs financiers. Elle assure que le caractère publicitaire des livrets critiqués apparaît instantanément sans aucune ambiguïté grâce à la mention « publi-information », d’usage courant dans la presse. Elle précise que les encarts étaient livrés de façon indépendante de la revue sous film plastique, qu’ils comportaient le logo de l’annonceur, et étaient mentionnés dans l’ours.
Elle a par ailleurs expliqué qu’elle a toujours veillé au respect d’une parfaite déontologie journalistique, qu’elle a publié de nombreux reportages sur l’écologie et l’énergie nucléaire. Elle a enfin rappelé que la publication des « Publi-informations » ne sont pas interdites par la loi française.
Le syndicat représentant les éditeurs de presse magazine a exposé, lors de la séance, que la pratique de présenter la mention « Publi-Info » ou toute autre équivalente suivie du nom de la revue et non de l’annonceur est une pratique courante dans la presse magazine.
Il a fait observer que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 avait ajouté des dispositions supplémentaires relatives à la publicité à l’article L. 121-1-1 du code de la consommation et que ces dispositions, si elles qualifient de trompeuse la pratique consistant à utiliser un contenu rédactionnel dans les médias, pour faire de la promotion d’un produit ou service sans indiquer clairement que le fournisseur du produit ou service a financé cette publication, n’imposent toutefois pas de faire figurer les mentions « publicité » ou « publi-info » ou toute autre équivalente.
3.Les motifs de la décision du jury
La Recommandation « Identification de la publicité » de l’ARPP reprend dans son préambule les disposition de l’article 9 du Code de la CCI qui énonce que « La communication de marketing doit pouvoir être nettement distinguée en tant que telle, quels que soient la forme et le support utilisés ; lorsqu’une publicité est diffusée dans des médias qui comportent également des informations ou des articles rédactionnels, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire apparaisse instantanément et l’identité de l’annonceur doit être apparente. »
La Recommandation de l’ARPP ajoute « Il est d’ailleurs fait obligation aux annonceurs, agences ou supports-presse de faire figurer les mots PUBLICITÉ ou COMMUNIQUÉ d’une manière claire et lisible en tête de toute annonce présentant les caractéristiques d’une publicité rédactionnelle, si cette annonce est payée. »
Le Jury relève que la nécessité de distinguer la publicité du contenu rédactionnel est fondamentale pour garantir la loyauté à l’égard du consommateur/lecteur et relève du respect de l’obligation de pleine transparence due par la publicité au public. L’utilisateur de médias doit, en effet, pouvoir distinguer clairement les contenus qui sont de la responsabilité de la rédaction et ceux qui sont financés par des tiers pour leur propre promotion.
Il s’ensuit que l’éditeur d’un média, quel qu’il soit, a la responsabilité d’assurer une séparation claire pour ses lecteurs entre contenus rédactionnels et publicitaires. Les annonces ne doivent donc pas donner, par leur forme, leur typographie ou leur mise en page, l’impression qu’elles font partie de la partie rédactionnelle d’un média, bénéficiant, de ce fait, de la confiance que ce média a pu instaurer auprès de ses lecteurs.
Le Jury constate également que si la Recommandation impose de faire figurer les mentions de « Publicité » ou « Communiqué » en cas de publication d’un « publi-rédactionnel » pour éviter que les publicités soient susceptibles d’être confondues avec le contenu rédactionnel, la pratique courante admet cependant comme équivalentes les mentions de « Publi-communiqué », « Publi-reportage », « Publi-information » ou autres.
S’agissant des livrets publicitaires diffusées par l’annonceur dans les magazines édités par les sociétés B et C
Le Jury constate que ces livrets comportent, selon les cas, la mention « Publi-Info » ou « Publi-Information ». Il existe, en outre, pour chacun une concordance d’éléments permettant d’alerter le lecteur sur le caractère publicitaire de l’annonce, les encarts ont été fournis de manière indépendante s’agissant des magazines édités par la société B ou au milieu d’un article s’agissant du magazine édité par la société C, ils comportent le logo de l’annonceur ainsi que la mention légale « L’énergie est notre avenir, économisons là ! » obligatoire pour les publicités en faveur des producteurs d’énergie. Le papier utilisé est différent.
Le fait que les mentions « Publi-Info » ou « Publi-Information » soient suivies du nom de la revue et non de celui de l’annonceur est conforme à la pratique générale en la matière et, en présence des autres indices rappelés ci-dessus, il n’est pas de nature à entretenir de confusion sur l’auteur de la publication.
L’ensemble de ces éléments le conduit à considérer que le principe de distinction a bien été respecté.
Le principe même de l’acceptation d’une telle publicité et de la caution qu’elle est susceptible d’apporter aux yeux du lectorat pour tel ou tel produit ou service ne saurait constituer une question relevant de l’appréciation du Jury de déontologie de la publicité, dès lors que le produit, l’activité ou le service est licite et conforme aux principes admis par le corps social.
Il appelle néanmoins l’attention de l’annonceur et des magazines en cause sur le fait que les mentions « Publi-Info » ou « Publi-Information » peuvent, s’agissant d’un public enfantin ou jeune et encore peu averti, et alors que la publicité ne prend pas en compte tous les aspects d’un grand débat sociétal, être insuffisantes à faire comprendre que le document en cause constitue une publicité. Il recommande donc, dans un tel cas, l’emploi de la mention « Ceci est une publicité ». Il observe à cet égard que l’annonceur utilise d’ailleurs fréquemment la mention « Publicité » dans des quotidiens destinés à un lectorat adulte et dont elle a produit la copie.
Sur l’encart diffusé dans le magazine édité par la société A
Le Jury constate l’absence d’une mention permettant d’identifier en tant que tel l’encart publicitaire, alors qu’il résulte de la convention passée entre la société A et l’annonceur, produite aux débats, qu’il s’agit bien d’une publicité, la réalisation en ayant été confiée à la société A « en partenariat » financier.
Cet encart est donc bien publicitaire et sa publication sans mention à ce sujet est donc de nature à entretenir une confusion auprès des lecteurs. La fourniture séparée du livret, les mentions du logo de l’annonceur, d’une part, « L’Energie est notre avenir, économisons la ! », d’autre part, étant insuffisants pour permettre à un lectorat jeune et inexpérimenté de comprendre la nature publicitaire du livret en cause.
4.La décision du Jury
– Les plaintes concernant les publicités diffusées dans les magazines édités par les sociétés B et C sont rejetées.
– La plainte concernant la publicité diffusée dans le magazine édité par la société A est fondée ;
– Le Jury recommande que lorsqu’un document de nature publicitaire est fourni par un média destiné à un public enfantin ou jeune sous la forme de « publi-rédactionnel », ce document comporte la mention « Publicité » ou « ceci est une publicité » et suggère à l’ARPP d’initier une réflexion à cet égard.
– La présente décision sera communiquée à l’association Réseau Sortir du Nucléaire, à l’annonceur, aux sociétés A, B et C ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 6 Mars 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, et Ms Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.