Avis publié le 11 mars 2015
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
– et, après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte le 28 janvier 2015 afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un courrier publicitaire adressé par la société annonceur pour son site internet de rencontres.
Cette publicité se présente sous la forme d’un courrier électronique comportant en objet, le texte « Je peux me libérer pour toi » et en expéditeur la mention « Karola <caroline@picin.com> ».
Le contenu du mail comporte le portrait d’une jeune femme brune portant un haut à bretelles noir très décolleté. Le texte accompagnant cette image est « Coucou, J’ai vu qu’on habitait proche l’un de l’autre. Je cherche un homme avec qui découvrir de nouveaux plaisirs sans tabous. Si tu peux être dispo d’ici peu j’en serai comblée car justement je te réserve quelqu… » suivi d’un formulaire cliquable invitant à « lire la suite ».
2. Les arguments échangés
Le plaignant considère que la publicité ne respecte pas l’article D1 du code ICC et la Recommandation « Communication Publicitaire Digitale » dans la mesure où la nature commerciale et publicitaire du message n’apparaît pas clairement.
Par ailleurs, le message comporte un lien intitulé « Réponds-moi » qui peut laisser supposer qu’on va pouvoir accéder directement à la fiche précise de la demoiselle représentée. Or, ce lien permet d’accéder à la page d’accueil du site trescoquines.com (avec des femmes dénudées ne laissant pas apparaître toutefois de parties intimes) et non pas à une fiche personnelle. Cette publicité n’est donc pas loyale et méconnaît le paragraphe 4 de la même Recommandation.
En outre, sur le mail reçu, il n’est nullement fait mention du produit auquel correspond la publicité, à savoir un site de rencontres coquines.
Enfin, l’exigence d’une identification précise de l’annonceur n’est pas respectée, contrairement à ce que prévoit le point 1/2 de la même Recommandation.
La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 9 février 2015 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.
Elle fait valoir qu’elle n’est pas l’éditeur du site trescoquines.com et ne saurait être tenue pour responsable des moyens de communication de ce tiers. Elle agit ici en tant que routeur d’un message adressé sur une base qui lui est confiée par un tiers. La société ajoute que la plainte, anonyme et similaire à une autre plainte du même jour, vise manifestement à porter atteinte à ses intérêts et doit donc être rejetée.
3. L’analyse du Jury
Le Jury indique à titre liminaire que, selon l’article 11 de son règlement intérieur, « les plaintes anonymes ne sont pas traitées » et sont donc regardées comme irrecevables. En revanche, dans le cadre de l’examen des plaintes que lui adressent les particuliers, le Jury procède à leur anonymisation afin d’éviter toute pression et de prévenir tout préjudice qui pourrait résulter de leur identification par les entreprises concernées par la publicité mise en cause. En outre, il n’appartient pas au Jury d’apprécier les motivations réelles ou supposées des plaintes qu’il reçoit, mais seulement d’examiner objectivement la conformité des publicités qui lui sont soumises aux règles déontologiques que les professionnels de la publicité se sont prescrites. Dans ces conditions, il estime que la présente plainte, qui faisait apparaître le nom de son auteur avant d’être anonymisée pour les besoins de l’échange contradictoire, est recevable quelle que soit les intentions de ce dernier.
Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire digitale » de l’ARPP prévoit que :
1/1 : L’identification de la publicité.
« La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente.
Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message. »
1/2 : L’identification de l’annonceur
« Tout annonceur, émetteur d’une campagne de communication publicitaire digitale doit être aisément identifiable. Cette identification doit être clairement perceptible et facile d’accès pour le public.
L’identification peut se faire par la/les marque(s) de l’annonceur, ou tout autre signe distinctif rattaché sans ambiguïté à l’annonceur.
En tout état de cause, un message publicitaire ne saurait induire le public en erreur sur l’identité de son émetteur et sa qualité. »
Le point 4 de la même Recommandation, qui traite du « respect d’une publicité loyale, véridique et honnête », dispose que : « La communication publicitaire digitale ne doit pas être de nature à induire le consommateur en erreur sur l’offre réellement proposée et/ou sur l’entreprise à l’origine de l’offre … ».
De plus, le point 3 de la grille d’interprétation consacré aux « Courriers électroniques » précise que : « Toute communication publicitaire par courrier électronique doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Pour les courriels, cette identification doit être possible dès réception par le destinataire, sans qu’il n’ait à ouvrir le courrier reçu. ».
D’autre part, le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale auquel renvoie le préambule de la Recommandation précitée dispose que :
« Lorsqu’une communication commerciale numérique est individuellement adressée à un consommateur, l’objet du message et le contexte doivent faire clairement apparaître sa nature commerciale. L’objet du message ne doit pas induire en erreur et la nature commerciale de la communication ne doit pas être dissimulée. ».
Le Jury relève que la publicité en cause se présente sous la forme d’un message électronique émanant soi-disant d’une personne dénommée « Karola », dont l’adresse de messagerie serait « caroline@picin.com » et dont une photo en tenue légère est reproduite. Les mentions écrites qu’il comporte, notamment « Je peux me libérer pour toi », « Voir son profil », « Vous avez reçu un message de K-ro26 », le lien intitulé « Réponds-moi » et le texte d’accroche, selon lequel la jeune femme habiterait à proximité du destinataire du courriel, laissent nettement entendre à ce dernier qu’une utilisatrice d’un site de rencontres souhaite entrer en contact avec lui par un message personnel. Or il apparaît que ce courriel permet seulement d’atteindre la page d’accueil du site trèscoquines.com. Le Jury estime par conséquent que le caractère publicitaire et commercial du message n’apparaît pas clairement et que ce dernier est de nature à induire en erreur sur l’offre réellement proposée. En outre, il observe que l’annonceur ne peut être identifié aisément et avec certitude : le message évoque à deux reprises le nom de « Picin » en petits caractères, dont une fois dans l’adresse mail de l’expéditeur, sans que le destinataire puisse déterminer s’il s’agit du nom de l’annonceur.
Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît les dispositions précitées.
Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.
Avis adopté le vendredi 6 mars 2015 par M. Alexandre Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio et MM. Depincé et Leers.