Décision publiée le 14.12.2009
Plainte rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu l’annonceur, représenté par son avocat,
– et, après en avoir délibéré,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 octobre 2009, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité, au regard des règles déontologiques en vigueur, d’un prospectus publicitaire d’une société spécialisée dans la vente en ligne de cartes de visite.
Cette publicité se présente sous la forme d’un prospectus inséré dans le colis de livraison d’une commande effectuée en ligne par le plaignant. Ce prospectus comporte des photos de cartes de visite et l’accroche « Félicitations ! recevez 250 cartes de visites GRATUITES » ; l’accroche est suivie des indications « personnalisation en ligne en 5 minutes / choisissez parmi 42 modèles en couleur. »
2.Les arguments des parties
Le plaignant considère que cette publicité est déloyale car elle ne précise pas que des frais de port qui s’élèvent au minimum à 6,28 euros pour un tarif lent et à 10,70 euros pour un délai standard, doivent être payés.
Selon lui cette publicité devrait, au minimum, faire figurer un astérisque après la mention « GRATUITES » et indiquer « hors frais de port ».
La société X, annonceur, oppose qu’elle n’est pas membre de l’ARPP. Elle conteste la procédure préalable à la séance en ce que la plainte qui lui a été communiquée a été rendue anonyme, que le courrier l’informant de la saisine et du jour de la séance a été adressé à la société XY et non X, qu’il ne comportait pas un exemplaire du règlement intérieur du Jury et que le délai qui lui a été accordé pour présenter des observations n’était pas suffisant.
Elle conteste devoir respecter, dans sa communication commerciale, toutes règles autres que celles contenues dans les dispositions légales et réglementaires applicables et fait observer que les règles issues du Code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing publié par la Chambre de Commerce Internationale, qui n’ont aucune valeur juridique, ne sauraient lui être opposables.
Sur le fond, l’annonceur soutient que sa communication commerciale est conforme aux dispositions légales applicables et qu’elle fournit au public une information véridique et exhaustive compte tenu de sa nature.
Elle fait observer que l’utilisation des termes «cartes de visites gratuites» et « 1 porte-cartes gratuit » est parfaitement légitime au regard des dispositions de l’article L. 121-1-1 19° du Code de la consommation, puisque les produits présentés ne donnent lieu à aucune facturation, hormis les frais de livraison, ce qui est conforme à ces dispositions et à l’article 7 du Code consolidé de la CCI qui admet expressément l’utilisation du terme «gratuit» notamment « lorsque l’unique obligation est le paiement de frais d’expédition et de traitement, pour un montant n‘excédant pas les coûts estimés à exposer par l’opérateur du marché ».
Par ailleurs, elle fait observer que cette publicité invite le consommateur à se connecter à l’adresse indiquée pour prendre connaissance de l’offre de produits incluant la possibilité de recevoir gratuitement 250 cartes de visites à choisir parmi 42 modèles différents à personnaliser en ligne et un porte-cartes et que, par ce biais, le consommateur est clairement et précisément informé sur la première page visible du contenu de l’offre et du fait que « les frais de port et de traitement, la qualité supérieure et le téléchargement de photo/logo ne sont pas compris à moins que le contraire ne soit spécifié. Chaque produit est sujet au paiement intégral des frais de port et de traitement auxquels il est généralement soumis ».
Ainsi, selon la société, tout consommateur qui reçoit le prospectus et qui se connecte à l’adresse indiquée est immédiatement informé du fait que les frais de livraison sont à sa charge. L’information donnée sur le site internet se situe dans le prolongement immédiat du message commercial contenu sur la carte publicitaire avec lequel il forme un tout indissociable.
Enfin, l’information sur le montant des frais de livraison est fournie de manière détaillée avant la validation de la commande, en parfaite conformité avec les dispositions de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix, qui exigent que dans les cas de vente à distance, « le consommateur [soit] informé, de façon complète, du montant des frais de livraison, par tous moyen approprié, avant la conclusion du contrat. »
3.Les motifs de la décision du Jury
Sur la procédure,
Sur la compétence du Jury de Déontologie Publicitaire
Le Jury de déontologie publicitaire rappelle que, créé par décision du conseil d’administration de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (l’ARPP) il est une instance associée au dispositif de régulation professionnelle de la publicité, telle que définie dans les statuts de l’ARPP. Celle-ci est une autorité indépendante des pouvoirs publics, administrée par les trois professions impliquées dans la production et la diffusion des campagnes publicitaires (annonceurs, agences et médias) qui s’est donné pour but de mener toute action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine, dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité.
Ainsi que le précise l’article 3, alinéa 3 des statuts du Jury, ses décisions concernent seulement les questions relatives à la déontologie que la profession, dans ses différentes composantes, s’est fixée. Elles s’inscrivent dans ce seul cadre.
Le champ d’action que s’est fixée l’ARPP et dont découle celui du Jury de déontologie qui lui est associé, n’est pas limité aux comportements de ses adhérents. L’article 3 du règlement intérieur du Jury précise que celui-ci est compétent pour traiter les plaintes portant sur des publicités, que les professionnels qui en sont à l’origine soient ou non adhérents de l’ARPP.
En conséquence, le fait que l’annonceur ne soit pas adhérent à l’ARPP et au système d’autorégulation dont elle est l’émanation est sans portée sur la compétence du Jury pour connaître des plaintes portant sur des publicités dont cette société est à l’origine.
L’anonymisation de la plainte
L’examen du Jury et la décision qu’il est conduit à prononcer portent sur la conformité, ou non, d’un message publicitaire, aux principes déontologiques fixés par l’ensemble des acteurs de la profession, au travers des recommandations de l’ARPP qui reprennent ceux édictés par la Chambre de Commerce Internationale. Il importe donc que les parties mises en cause soient informées des manquements qui leur sont reprochés afin qu’elles puissent faire valoir toutes les explications et tous les arguments nécessaires à la défense de leurs intérêts mais le fait que l’identité de l’auteur de la plainte, lorsqu’il s’agit d’un particulier, ne soit pas connue de celles-ci n’est pas de nature à nuire à la mise en oeuvre de cette défense.
Le respect des droits de la défense
Le Jury rappelle que son règlement intérieur figure sur son site internet dont l’adresse est donnée dans le courrier informant les personnes mises en cause de la plainte et de la date de la séance ; il est donc facilement accessible.
Il relève que l’annonceur a été informé par courrier du 10 novembre 2009 de l’existence de la plainte, dont il a reçu copie, de la publicité critiquée et du manquement reproché, ainsi que du délai pour présenter ses observations et de la date de la séance. Il n’a adressé de demande de report ni du délai ni de la date de séance, et a présenté des observations sur la procédure et sur le fond. Il a enfin pu présenter oralement ses arguments lors de la séance. Le Jury estime donc que le délai imparti a été suffisant pour lui permettre de préparer et présenter utilement sa défense.
Sur le fond,
Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions des articles 1 et 5 du code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la Chambre de Commerce Internationale, auquel renvoie le préambule des Recommandations déontologiques de l’ARPP, que « La communication de marketing doit être véridique et ne peut être trompeuse (…) » et qu’elle « (…) ne doit contenir aucune affirmation (…) qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur (…)».
Il observe que le prospectus soumis à son examen indique que celui qui le détient se voit offrir « 250 cartes de visites gratuites » ainsi qu’un porte carte et l’invite à se connecter à une adresse en ligne pour personnaliser les cartes en question et passer sa commande.
Cette publicité ne comporte aucune mention relative aux frais de port.
Le Jury relève cependant que ce procédé est admis par l’article 7 du code de la CCI qui précise que le terme « gratuit » peut être utilisé lorsque l’offre ne comporte pas d’autre obligation que celle de payer les frais d’expédition ou de traitement. Par ailleurs, il observe que l’adjectif « gratuit » est bien rattaché aux cartes de visites et n’induit pas que les frais de livraison le soient.
Enfin, le processus de commande mentionne effectivement le montant à payer des frais de port à deux reprises et notamment avant l’envoi de la commande.
Il en résulte que, s’il eût été certes plus clair et préférable que la publicité en cause mentionne que la gratuité des cartes de visites s’entendait « hors frais de livraison ou de port », elle n’est toutefois pas de nature à tromper le consommateur et ne comporte pas de violation des recommandations déontologiques rappelées ci-dessus.
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée ;
– La publicité de l’annonceur ne contrevient pas aux dispositions invoquées ;
– La présente décision sera communiquée au plaignant et à l’annonceur.
Délibéré le vendredi 4 décembre 2009 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mme Moggio, MM. Benhaïm, Carlo, Leers et Raffin.