Décision publiée le 23.10.2013
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte de l’association Agir pour l’environnement, en date du 23 juillet 2013, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité d’un constructeur automobile, en faveur d’un de ses modèles de véhicules.
Cette publicité, diffusée en presse, présente la voiture à l’arrêt, devant un mur, accompagnée de l’accroche publicitaire : « Obtenez tout ce dont vous rêvez, sans négocier ».
Sous l’image, le texte énonce : «X. Soyez exigeant… Elle vous offre des performances extrêmes et émet de très faibles émissions… ». En bas de page figurent des précisions sur les performances du véhicule notamment : « … émissions de Co2, (en g/km) : de 113 à 159… ».
2.Les arguments des parties
L’association plaignante estime que l’assertion « émet de très faibles émissions… » induit le lecteur en erreur puisque le modèle présenté rejette de 113 à 159 g de CO2 par kilomètre (CO2/km), ce qui ne peut objectivement pas être caractérisé d’émissions « très faibles ».
L’annonceur fait valoir que le modèle promu est une berline du segment D, dont la moyenne d’émission de CO2 pondérée est de 122,6 g de C02/km. Cela représente une émission inférieure à la moyenne nationale des véhicules de son segment, qui est de 124 g/km. Le modèle présenté sur la publicité est d’ailleurs un modèle non soumis au malus écologique.
La société affirme également que la réduction du taux d’émission de gaz à effet de serre sur ses modèles est l’une des priorités du groupe, qui a travaillé à la réduction des émissions de CO2 sur l’ensemble de sa gamme. Plus concrètement, le modèle émet une moyenne de 25g de moins de C02/km que l’ancien modèle, pour une puissance quasiment équivalente.
Enfin, l’annonceur fait valoir qu’elle s’attache à apporter un message clair et véridique à ses clients et prospects. Pour cela, et dans le respect des articles 1 et 3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, le taux exact d’émissions de C02 est clairement et lisiblement spécifié sur la communication, de manière à accompagner de précisions chiffrées l’impact du produit sur l’environnement.
Malgré tout, pour éviter tout risque de confusion, l’annonceur a pris l’initiative de modifier le texte de cette communication, qui paraîtra dans le magazine d’une compagnie aérienne, en octobre, novembre et décembre 2013.
3.Les motifs de la décision du Jury
La Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose, notamment, que :
1/1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.
2/1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.
3/6 Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée.
6/1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
Le Jury relève que la publicité litigieuse met en avant la performance écologique d’une gamme de véhicules qui produiraient de « très faibles émissions ». Il constate toutefois que la seule mention de la fourchette d’émissions de CO2 (de 113 à 159 g/km) ne fournit aucune indication sur les bases de comparaison utilisées, de sorte que le consommateur ignore si la faiblesse alléguée des émissions de gaz carbonique doit s’apprécier par rapport aux anciens modèles de la marque, aux véhicules de la même catégorie commercialisés par d’autres marques, ou encore de l’ensemble des véhicules neufs mis sur le marché. Cette publicité méconnaît donc le point 3/6 de la Recommandation « Développement durable ».
En outre, le Jury estime que la société n’a pas fait la démonstration, qui lui incombe, de la véracité de cette allégation. En particulier, ni la fourchette d’émissions indiquée (113-159 g/km), ni le taux d’émission moyen de 122,6 g/km évoqué dans le courrier qu’elle a adressé au Jury ne permettent de considérer que les émissions des véhicules de la gamme seraient objectivement « très faibles ». D’une part, la performance écologique alléguée n’est que très légèrement inférieure à la moyenne nationale en 2012 (124 g/km), et, même en faisant abstraction des véhicules électriques, elle reste significativement supérieure à celle de nombreux autres véhicules neufs, notamment des véhicules de classe B (entre 101 et 120 g/km) qui représentaient 41 % des ventes en 2011 selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. D’autre part, si la société indique que le modèle représenté dans la publicité ne subit pas de malus écologique, il est constant qu’il ne bénéficie pour autant d’aucun bonus écologique, susceptible de venir au soutien de l’allégation litigieuse.
Dans ces conditions, le Jury considère que cette publicité est de nature à induire en erreur le public sur la réalité des propriétés du produit et de son incidence sur l’environnement, et qu’elle méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il prend note de ce que la société a supprimé la mention litigieuse dans ses nouvelles publicités.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité est contraire à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP ;
– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante et à l’annonceur ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.
Délibéré, le vendredi 4 octobre 2013 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé et Lacan.