Avis JDP n°279/13 – MÉTHODES D’AMAIGRISSEMENT – Plainte non fondée

Décision publiée le 23.10.2013
Plainte non fondée                           

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le plaignant et les représentants de la société annonceur,

– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 juillet 2013, d’une plainte d’un particulier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un spot publicitaire diffusé à la radio, en faveur d’un programme d’amincissement.

Le texte de cette publicité présente une femme qui se confie à un tiers dont on ignore la qualité, en prononçant la phrase suivante : « Non mais là, c’est plus possible, j’ai vraiment trop grossi hein ?! Mon mari ne me regarde même plus ! Il va s’en trouver une autre, c’est sûr, plus mince en plus. Non mais j’ai vraiment trop grossi quoi ! ».

2.Les arguments des parties

Le plaignant considère que cette publicité constitue une atteinte à l’image de la personne humaine. Lors de la séance, il a, en particulier, précisé qu’elle donne une représentation humiliante d’un groupe social, en l’occurrence les personnes corpulentes. Elle s’inscrit dans un processus de culpabilisation et laisse entendre que les personnes obèses ne pourraient mener une vie affective normale. Par ailleurs, selon lui, ce message radiophonique ne fait pas apparaître clairement que l’interlocuteur de la femme serait un médecin nutritionniste apte à lui délivrer des conseils diététiques avisés. Il a, enfin, relevé que l’annonceur n’en a pas assuré une diffusion aussi importante que ce qu’il avait prévu, ce qui témoigne de sa gêne.

L’annonceur explique qu’il s’agit d’une campagne radiophonique diffusée du 24 juin au 19 juillet 2013 et composé de quatre spots, dont celui qui fait l’objet de la plainte. Elle précise que ce spot met en scène une femme qui raconte au téléphone ses préoccupations à un médecin nutritionniste en qui elle a confiance et qu’elle sait lui vouloir du bien. Elle fait valoir que l’objet de la campagne, dont la réalisation a été confiée à une agence, est de dire tout haut ce que certaines personnes en détresse pensent tout bas. Ceci, afin d’éviter les faux tabous, de permettre aux personnes concernées de réaliser qu’elles ne sont pas seules dans leur cas et de donner aux personnes en surpoids le courage d’agir pour retrouver une meilleure estime de soi.

La société fait valoir qu’elle n’a pas voulu induire qu’une personne en surpoids n’est plus désirable et pourrait faire l’objet d’une infidélité. Elle cite simplement une personne qui réalise qu’une forte prise de poids l’a changée, qui le vit mal et qui s’inquiète des conséquences. Le discours publicitaire tend à « forcer le trait » de la communication pour rendre le message clair et direct.

L’annonceur indique que ce spot ne passe plus sur les ondes depuis le 16 juillet et qu’il ne prévoit pas de le réutiliser.

La radio expose que le spot en cause a été diffusé sur son antenne à raison de 44 passages sur la période du 24 juin au 16 juillet 2013 et que les textes de cette campagne ont été fournis par l’annonceur via sa maison de production.

Elle fait observer que seul l’un des scénarii sur les quatre diffusés fait l’objet de la plainte de la part d’une personne physique isolée dont on ne connait ni la situation, ni les motivations.

Selon elle, le texte de ce spot présente en situation, une femme qui se confie à son médecin, dans une situation qui la stresse : elle a pris beaucoup de poids. Le message prend soin de mettre clairement en scène la protagoniste qui cherche une solution à son problème, qui exagère elle-même quitte à faire de l’autodérision. Ce ne sont pas les propos d’un tiers qui porterait un regard dégradant sur une personne au motif de son poids ou qui profèrerait une menace.

Selon la société, le texte n’est ni voyeur ni malveillant. Il est loin des considérations et des décisions qui ont pu conduire le JDP à prononcer des interdictions de diffusion sur le fondement de l’atteinte au respect de la dignité humaine.

3.Les motifs de la décision du Jury

 La Recommandation « Image de la personne humaine » de  l’ARPP dispose, notamment, dans l’article 2 relatif aux « Stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » que :

« La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

« La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. L’expression de stéréotypes, évoquant les caractères censés être représentatifs d’un groupe social, ethnique, etc., doit tout particulièrement respecter les principes développés dans la présente Recommandation. »

Le Jury relève que la publicité en cause met en scène une femme qui expose avec anxiété sa situation de prise de poids et son inquiétude d’un désintérêt corrélatif de la part de son mari.

Cette situation, exprimée de manière subjective par la personne représentée dans le spot, peut certes renvoyer à une situation vécue, mais elle ne traduit nullement une opinion selon laquelle les personnes en surpoids seraient moins ou ne seraient plus séduisantes, ou que les femmes ne seraient dignes d’intérêt que si elles sont minces ou encore qu’une femme qui a grossi encourrait fatalement le risque de rendre son époux volage.

L’auto dévalorisation du personnage relevée par le plaignant lors de la séance résulte d’une interprétation  subjective, puisque rien dans le message, ni dans le ton adopté pour l’exprimer, ne conduit à penser que ce sentiment exprimé est fondé. Le fait que l’interlocuteur de la personne lui réponde « j’ai la solution (…) Avec mon programme minceur (…) vous allez perdre vos kilos (…) » ne cautionne pas le sentiment exprimé par le personnage féminin, mais offre seulement, par la démarche proposée, la possibilité de perdre le poids qu’elle prétend avoir pris.

Enfin la préoccupation relative à la prise de poids énoncée dans ce spot est directement en lien avec le service offert et ne revêt aucun caractère stigmatisant pour les femmes confrontées à ce qu’elles peuvent, à bon ou mauvais escient, considérer comme un problème.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la publicité en cause respecte les dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP invoquée par le plaignant dans sa plainte.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée ;

– La publicité en cause ne contrevient pas aux dispositions de la Recommandation « Image de la personne humaine » ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant et à l’annonceur ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 4 octobre 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et  Moggio, et MM Benhaïm, Carlo, Depincé et Lacan.