Décision publiée le 26.06.2013
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu les représentants de l’annonceur, de l’agence de communication et de l’ARPP,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 avril 2013, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en télévision, en presse et sur Internet, en faveur d’une enseigne de distribution, pour son lait de toilette pour bébés.
Le film télévisé montre une femme dans une chambre d’enfant, s’occupant d’un bébé, avec le texte « Un prix bas pour vous, ça change quoi ? Un ingrédient qui fait débat ? Chez X, les prix bas n’ont rien à cacher ! La preuve, avec ce lait de toilette … à 1.45€. Il est conçu sans phénoxyéthanol un conservateur sujet à controverse et contient de l’huile d’amande douce connue pour ses propriétés adoucissantes. C’est ça un prix bas qui n’a rien à cacher. X, le commerce profite à tous ».
L’annonce presse montre une paire de chaussons de laine bleue pour bébé devant laquelle est présenté le lait de toilette de la marque. En-dessous du flacon est inscrite la mention « SANS PHENOXYETHANOL – A l’huile d’amande douce ».
Au-dessus, figurent les allégations « Chez X, les prix bas n’ont rien à cacher. 1,45€ Lait de toilette bébé X – le flacon de 250 ml – soit le litre 5,80€ ». La publicité est signée « X Le commerce qui profite à tous ».
Le message présent sur le site Internet de l’annonceur indique quant à lui : « Un prix bas pour vous ça change quoi ? ». Il est suivi de la photographie du lait de toilette présenté à côté des mêmes chaussons de bébé. Le texte poursuit « Un ingrédient qui fait débat ? Chez X, les prix bas n’ont rien à cacher ! Découvrez en toute transparence comment les magasins X parviennent à vous proposer des produits de qualité au meilleur prix. Ce lait de toilette … à 1,45 € est conçu sans phénoxyéthanol, un conservateur sujet à controverse. Il contient de l’huile d’amande douce connue pour ses propriétés adoucissantes… ».
2.Les arguments des parties
Le plaignant considère que la revendication « Sans Phénoxyéthanol » est l’argument principal de cette publicité, ce qui va à l’encontre de la Recommandation « Produits Cosmétiques » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité. Il ajoute que cette allégation est en outre dénigrante.
Il précise que le phénoxyéthanol fait partie des conservateurs autorisés dans les produits cosmétiques (entrée 29 de l’annexe V de la Directive 76/768/CEE, dite Directive Cosmétique) jusqu’à la concentration de 1 %. Le fait qu’un ingrédient fasse « débat » n’autorise pas à dénigrer les concurrents qui l’utilisent alors même qu’il est régulièrement autorisé.
L’agence de communication fait valoir qu’elle a pris soin d’élaborer le film publicitaire en concertation avec l’ARPP et que, d’autre part, les publicités évoquées ne sont pas en contradiction avec la Recommandation « Produits cosmétiques ».
Sur le premier point, l’agence précise qu’après avoir soumis un premier projet de story-board qui a fait l’objet d’un conseil négatif avec demande de modification de l’ARPP, elle lui a soumis deux nouveaux story-boards prenant en compte les remarques de l’Autorité, qui a émis deux avis positifs datés du 8 et du 13 février 2013.
Elle oppose qu’en l’espèce, l’argument principal n’est pas l’absence de phénoxyéthanol mais la politique de prix bas de l’annonceur puisque la précision sur l’absence de l’ingrédient apporte simplement au consommateur une information complémentaire au même titre que la présence dans la composition du produit d’huile d’amande douce, elle aussi systématiquement indiquée dans les différents messages.
L’agence ajoute que la campagne n’est pas dénigrante. Elle précise, à ce titre, que le phénoxyéthanol est utilisé par un grand nombre d’industriels et est donc a priori présent dans un assez grand nombre de produits, y compris ceux qu’elle distribue.
Par ailleurs, en n’évoquant que la substance elle-même, la campagne ne vise pas un concurrent en particulier ni un produit spécifique et ne cherche pas à se comparer à d’autres produits.
L’agence fait encore valoir que la campagne ne met pas en avant un risque ou un danger pour la santé ni l’environnement mais mentionne seulement que la substance « fait débat » ou est « sujet à controverse » et fait observer que l’annonce presse quant à elle, indique uniquement « sans phénoxyéthanol » sans préciser que ce conservateur fait débat.
L’annonceur expose que la publicité se situe dans le cadre d’une campagne institutionnelle 2012-2013, « discours prix » dans laquelle il a mis en avant un certain nombre de produits : pommes, kiwis, œufs, lardons, cabillaud, l’ensemble des spots diffusés étant construit sur un modèle identique dont l’argument principal est un prix bas et transparent. Il estime que la publicité critiquée ne présente aucun caractère dénigrant.
L’annonceur ajoute qu’il n’entend pas s’immiscer dans un débat scientifique dans lequel il n’aurait aucune légitimité sur l’utilisation du phénoxyéthanol et n’émet aucun avis sur ce point, mais qu’en sa qualité d’opérateur économique et de commerçant, il se doit de s’intéresser aux sujets faisant l’objet d’un débat sociétal ou de préoccupations d’intérêt général et de satisfaire ses clients.
Il fait valoir que la controverse dont fait l’objet la substance en cause a suscité une demande des consommateurs de produits qui n’en contiennent pas et qu’il lui appartient, en sa qualité de commerçant, de satisfaire cette demande comme l’ont déjà fait de grandes marques.
La société de télévision publique indique qu’elle n’est pas concernée par la plainte, cette campagne n’ayant pas été diffusée sur les chaînes de télévision dont elle assure la régie.
L’ARPP indique que les publicités visées par la plainte et diffusées en presse et sur Internet ne lui ont pas été soumises pour conseil, mais qu’elle a examiné le spot TV avant sa diffusion.
L’Autorité précise qu’elle a convenu, avec son adhérent, de modérer les allégations pouvant être analysées juridiquement comme déloyales, lors des premières soumissions et a invité à la modification de formules trop vagues, susceptibles de faire porter la suspicion sur tous les produits proposés par des concurrents à prix bas.
Elle relève que, dans le spot TV, seuls trois plans sur neuf sont consacrés à l’argumentaire « sans » et que l’argumentaire utilisé dans le film, ne constitue pas l’argument principal du message qui est celui selon lequel « les prix bas qui n’ont rien à cacher ». L’absence d’un ingrédient dans ce contexte ne pouvant s’analyser que comme une illustration de cette politique de l’annonceur.
Elle a dès lors considéré que la publicité télévisée en cause respectait les règles en vigueur et pouvait donc être validée sans restriction.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP prévoit notamment, en son point 2.2 relatif aux « Allégations “sans”, que :
« a/ Afin de contribuer à une image valorisante des produits cosmétiques, la publicité doit être essentiellement consacrée aux arguments positifs.
b/ A ce titre, l’utilisation d’une allégation indiquant l’absence d’un ou de plusieurs ingrédients ou d’une catégorie d’ingrédients n’est possible que si cette allégation respecte les conditions spécifiques suivantes :
b/1 Elle ne constitue pas l’argument principal du produit mais apporte au consommateur une information complémentaire;
b/2 Elle n’est pas dénigrante, notamment elle ne met pas en avant un risque ou un danger pour la santé ou l’environnement;
b/3 Elle est loyale et non mensongère, en particulier lorsque l’ingrédient ou la combinaison d’ingrédients peuvent être apportés de manière indirecte, notamment par l’intermédiaire d’une autre matière première. »
Le Jury relève que le film télévisé débute par l’interrogation « Un prix bas, pour vous ça cache quoi ? un ingrédient qui fait débat ? ». Ces deux questions étant suivies de l’affirmation « Chez X les prix bas n’ont rien à cacher » laquelle est prononcée, puis apparaît écrite en blanc sur un fond rouge.
Cette introduction est suivie de la présentation du produit et de son prix, puis de l’image d’un ourson en peluche tenant un panonceau sur lequel est inscrit « sans phénoxyéthanol » et de la phrase indiquant que le produit « (…) est conçu sans phénoxyéthanol, un conservateur sujet à controverse », suivie d’une phrase énonçant que le produit contient de l’huile d’amande douce et, enfin, de la conclusion « C’est ça un prix qui n’a rien à cacher », prononcée sur une image représentant la mère et le bébé, ainsi qu’en surimpression, la photo du flacon du produit avec son prix qui est inscrit en blanc sur fond rouge.
La publicité sur internet est introduite par la phrase « Un prix bas, pour vous ça cache quoi ? » en caractères majuscules et gras qui surmonte l’image du produit et des chaussons qui sont suivis d’un texte en caractères simples et rouges « Un ingrédient qui fait débat ? chez X, les prix bas n’ont rien à cacher ! Découvrez en toute transparence, comment les Magasins X parviennent à vous proposer des produits de qualité au meilleur prix ».
Ce n’est qu’ensuite qu’apparaît en caractères simples et noirs la phrase « Ce lait de toilette à 1,45 euros est conçu sans phénoxyéthanol un conservateur sujet à controverse (…) ».
Enfin, la publicité parue en presse écrite fait apparaître le flacon de produit, sous lequel est inscrite la mention en caractères gras et rouges « Sans phénoxyéthanol ». L’ensemble est surmonté d’un bandeau rouge dans lequel est inscrit le prix en caractères blancs, de grande taille et gras.
Il ressort de l’ensemble des présentations du message publicitaire dans les divers médias, que la mention « Sans phénoxyéthanol » est toujours présentée en complément de l’information sur le prix et sa transparence, qui apparaît comme la mention principale tant par la place de son énoncé dans le message, que par la forme et la couleur des caractères, ainsi que par le fond de l’inscription.
La mention est par ailleurs suivie du slogan « X le commerce qui profite à tous » dans les publicités télévisées et presse. Ainsi la mention « sans » n’est pas l’allégation principale des messages en cause qui renseignent avant tout sur le prix et la composition du produit vendu, dans un objectif de transparence que veut mettre en œuvre l’exploitant de la marque.
Cette mention contribue à diffuser l’idée que le prix bas permet, néanmoins, d’offrir un produit conforme aux attentes du consommateur.
Par ailleurs, la précision selon laquelle le phénoxyéthanol « fait débat » ou est « sujet à controverse » est une donnée objective exempte de toute appréciation sur le caractère fondé ou non de ce débat. Cette référence peut renvoyer les consommateurs à se renseigner sur la question mais n’introduit pas de dénigrement des produits qui pourraient contenir du phénoxyéthanol, lesquels sont très nombreux et d’ailleurs vendus dans les supermarchés de l’enseigne.
L’allégation ainsi critiquée ne permet d’identifier en particulier aucun produit, aucune marque, aucun distributeur. Elle ne peut être analysée comme étant dénigrante.
Elle ne présente enfin aucun caractère déloyal ou mensonger.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Jury considère que la campagne en cause pour le lait de toilette pour bébés est conforme à la Recommandation « Produits cosmétiques ».
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée ;
– La publicité en cause est conforme aux dispositions précitées de la Recommandation « Produits cosmétiques » de l’ARPP ;
– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, à l’agence, à la régie de la chaîne de télévision publique et au syndicat représentant les autres services de télévision;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.
Délibéré le 7 juin 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM Benhaïm, Carlo, Depincé et Leers.