Avis JDP n°222/12 – SITE D’INFORMATION SUR LES MÉDIAS – Plainte fondée

Décision publiée le 19.12.2012
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants des sociétés A et B

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 février 2012, d’une plainte émanant de la société A afin qu’il se prononce sur la conformité, au regard des règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet et par courrier électronique, en faveur du site internet d’information sur les médias de la société B.

Le visuel en cause comporte un graphique en couleurs représentant le nombre de visites sur le site de la société B pour les mois de juin, septembre, novembre 2011 et janvier 2012.

Le texte accompagnant ce graphique est « Janvier 2012 nombre de visites record… Le site leader d’information des décisionnaires médias ».

2.La procédure

A la réception de la plainte, une procédure de traitement amiable a été tentée.

Un courrier a été adressé à l’annonceur, par le secrétariat du Jury en mars 2012, pour l’informer de la plainte et solliciter les éléments de justification de ses allégations publicitaires. Une lettre de relance a été adressée en juin 2012, sans recevoir de réponse.

La plainte a donc été présentée pour examen en séance par les membres du Jury de Déontologie Publicitaire.

Lors de la séance, le représentant de la société Blogsmédia a indiqué ne pas avoir reçu ces courriers.

3.Les arguments des parties

La société plaignante considère que la notion de « leader », employée dans toutes les dimensions de la communication du site de l’annonceur (logo sur home page, bannières et e-mailing) est mensongère et porte atteinte de ce fait à la concurrence. Elle précise que le site ne délivre aucune information sur ce positionnement de « Leader ».

Elle ajoute que, dans la profession, il existe plusieurs sources d’évaluation d’audience possibles :

L’organisme de diffusion et de contrôle sur Internet qui mesure la fréquentation des sites Internet. Sur ce critère, le leadership du site internet de l’annonceur est loin d’être établi.

Des études Adhoc réalisées par des instituts d’études, tiers de confiance. Par exemple, l’étude IPSOS réalisée en décembre 2011 pour mesurer l’audience de la newsletter difusée par la société A.

La société plaignante indique que le site internet de l’annonceur évolue dans un monde « business to business ». Le modèle économique des acteurs de l’information des annonceurs repose sur les ressources publicitaires qui seront captées. Pour maximiser ces ressources, l’ensemble de ces sites doit convaincre les annonceurs avec toutes sortes d’arguments commerciaux. Se proclamer « leader » sans le prouver peut donc inciter des annonceurs à opter pour un choix non éclairé.

La société annonceur explique que son site internet a été lancé en novembre 2008, et qu’il est à ce jour le seul site d’information/actualité exclusivement consacré aux médias publicitaires et destiné aux décisionnaires medias.

La mention «Le site leader d’information des décisionnaires médias» est la signature publicitaire de la société, et l’expression de son positionnement éditorial. Elle est partie intégrante du « bloc marque » et indissociable du logo et est utilisée depuis août 2010.

Elle ne correspond donc pas à un argumentaire ou une accroche publicitaire liée à une campagne.

La société annonceur précise que le mot « leader » est ici utilisé dans sa signification «qualitative» et non « quantitative», c’est-à-dire au sens de porte-parole, de chef d’un mouvement. Le concept éditorial est unique dans la mesure où le web magazine de la société est le seul à ne traiter que l’information destinée aux décisionnaires médias pour les aider à optimiser les plans médias (achat d’espace) : actualité des régies publicitaires (offres rédactionnelles, commerciales, études d’audience, nouveaux supports publicitaires…) à l’exception de tout autre sujet.

Elle fait valoir que les différents opérateurs  ne sont pas actifs sur le même marché qu’elle. Ainsi, le site internet de la société A n’est pas à proprement parler un site d’information puisqu’il consiste en l’agglomération de fiches régies/supports délivrant des données de diffusion, audience et tarifs des supports. Le support d’information de cette entité est « 100 médias », newsletter quotidienne non mesurée par l’organisme de diffusion et de contrôle sur internet et dont la diffusion est l’objet d’un chiffre déclaratif (nombre d’abonnés).

4.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que les dispositions relatives à la véracité et la loyauté contenues dans le code de la chambre de commerce international (code ICC) consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale prévoient que :

Article 3 : Loyauté

« La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des  consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs.

Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être

Signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

Article 5 : Véracité

« La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse.

La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur… ».

 Par ailleurs la Recommandation de l’ARPP « Vocabulaire publicitaire » énonce à son article 1 que les locutions « Le premier, le meilleur, le numéro 1, le spécialiste (…) présentent le double inconvénient d’être vagues et de prêter facilement à la contestation. (…) L’utilisation de ces termes ou de tout terme analogue est donc à éviter lorsque l’annonceur n’est pas en mesure de prouver qu’ils correspondent à une réalité précise. Lorsqu’une justification peut être apportée, il est recommandée de corriger le caractère vague et général de la formule en précisant en quoi la prestation ou le bien possède la qualité qu’on lui attribue »

Le Jury relève que la publicité pour le site internet de l’annonceur comporte, outre le graphique en couleurs représentant le nombre de visites sur le site pour les mois de juin, septembre, novembre 2011 et janvier 2012, le texte inscrit en capitales suivant « Janvier 2012, nombre de visites record 41 121, source OJD / ESTAT Médiamétrie ». Dans cette accroche le mot « Record » est inscrit en rouge, alors que les autres mots le sont en noir, et il figure en caractères de taille plus importante que les autres.

Sous ce visuel est inscrite la signature revendiquée par la société B annonceur «  Le site leader d’information des décisionnaires médias ».

Le Jury observe que la revendication de la position de « leader » par le site de l’annonceur est formulée de façon générale comme concernant « les décisionnaires médias » sans que la société B ne donne d’éléments pour justifier cette affirmation et permettre au lecteur du message la possibilité d’en vérifier la réalité.

S’il existe des différences de nature des sites de la société B et de la société A et donc des publics intéressés par chacun, il n’en demeure pas moins que les « médias planner » sont intéressés par toute offre qui puisse leur permettre une connaissance plus exacte et plus fine des audiences des médias et que le terme « leader » est de nature à induire une confusion sur la place occupée sur le secteur concerné par la société B et sur une éventuelle reconnaissance par les professionnels.

A cet égard, l’intention exprimée par le représentant de la société annonceur d’utiliser le qualificatif « leader » dans sa signification «qualitative» et non « quantitative» n’est pas de nature à empêcher ou atténuer cette confusion, dans la mesure où ce terme est utilisé précisément dans un domaine de mesures quantitatives et que son interprétation prioritaire dans l’esprit du lecteur ne peut dès lors qu’être de même nature.

En outre la société annonceur ne justifie pas que son site figure systématiquement et durablement au premier rang des consultations, selon les mesures de l’office de justification de la diffusion donnent au site de la société B.

Pour l’ensemble de ces raisons le Jury considère que la publicité diffusée pour promouvoir le site internet  de la société B  ne respecte ni les dispositions de l’article 3 du code ICC, ni celles de l’article 1 de la Recommandation de l’ARPP Vocabulaire publicitaire et que la plainte est fondée.

5.La décision du Jury

– La plainte est fondée;

– La publicité diffusée pour le site internet de la société B ne respecte pas les dispositions de l’article 3 du code ICC, ainsi que celles de l’article 1 de la Recommandation de l’ARPP Vocabulaire publicitaire ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures permettant de faire cesser cette publicité ;

– La présente décision sera communiquée aux sociétés A et B;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 7 décembre 2012 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, ainsi que MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.