Avis JDP n°22/09 – BOISSON ENERGISANTE – Plaintes rejetées

Décision publiée le 22.09.2009

Plaintes rejetées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu successivement les représentants de l’ARPP, ainsi que de l’annonceur, de l’agence de communication et de l’afficheur ;

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi les 21 et 22 juin 2009, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par voie d’affichage, en faveur de l’annonceur pour sa boisson éponyme.

Cette campagne comporte trois visuels représentant en gros plan, sur fond de décor de plage, un corps d’homme, photographié en dessous des épaules et au dessus des genoux, vêtu d’un maillot de bain à l’intérieur duquel a été glissée, soit une canette, soit une bouteille, de la boisson, en lieu et place du sexe. Le récipient a été « pixellisé ».

L’image est assortie de la mention « Choisis ta taille sur xxx.com» et du renvoi au site Internet de l’annonceur par la mention figurant en encadré « En clair sur le Net ».

2.Les arguments des parties

Les plaignants considèrent que cette campagne présente un caractère pornographique et pervers et porte atteinte à la décence. Ils soutiennent que le slogan « Choisis ta taille (…) » est ambigu et tendancieux. Ils critiquent particulièrement la diffusion par voie d’affichage sur des lieux publics et notamment des abribus qui imposent ces photos au regard de tous et notamment des enfants.

L’ARPP indique avoir été consultée, préalablement à la diffusion de cette campagne, par l’agence de communication qui est adhérente.

Elle expose avoir répondu, qu’en raison du positionnement du produit au niveau du sexe dans le maillot des hommes et de la mention « Choisis ta taille sur xxx.com » qui en accentuait le caractère indécent, les visuels transmis n’étaient pas diffusables, en application des dispositions de la Recommandation Image de la personne humaine et en particulier celles relatives au respect de la décence.

L’Autorité précise avoir, à la suite de cet avis, reçu des projets modifiés dans lesquels la canette apparaissait intégralement masquée et comportant la mention « Toute la vérité sur xxx.com » qu’elle a alors validés, mais que ces projets n’ont pas été ceux diffusés.

L’Autorité fait valoir que, s’agissant du respect de la décence, une part de subjectivité peut être admise, mais que les visuels critiqués doivent être appréciés au regard de la perception générale du corps social vis à vis de ce type d’images. S’agissant d’une diffusion en affichage, support qui s’impose à tous, et en particulier à la vision par le jeune public dont la sensibilité peut s’en trouver heurtée, cette marge de tolérance peut difficilement être retenue.

L’annonceur précise avoir, par l’intermédiaire de son agence de publicité, soumis ses projets à l’ARPP qui, après avoir fait modifier les visuels initiaux, les a validés.

Cette société oppose que la campagne ne peut être considérée comme portant atteinte à la dignité humaine en ce qu’elle ne comporte aucune image qui déshumaniserait le personnage présenté. Elle fait valoir que l’image d’hommes en maillot de bain ne heurte pas la bienséance et que le caractère pornographique invoqué par les plaintes n’est nullement constitué puisque la représentation d’un homme en maillot de bain dans lequel se trouve une canette n’apparaît pas comme la représentation d’une chose obscène. Elle rappelle à cet égard que l’ARPP a elle-même défini l’indécence comme consistant dans « la représentation d’un acte sexuel de manière suffisamment explicite pour choquer les plus jeunes » [1] . Enfin, concernant le slogan « Choisis ta taille (…) », l’annonceur fait observer qu’il figure juste à côté des différents modèles de canettes et bouteilles de la boisson et qu’il renvoie explicitement à la taille du récipient, toute autre interprétation étant subjective.

Le support de diffusion fait observer que la publicité en cause a aussi été diffusée par voie de presse. Cette société reprend les mêmes arguments et fait valoir que la campagne vise simplement à mettre en valeur le produit considéré, sur un mode léger, à travers une présentation humoristique de la virilité. Elle ajoute que les images en cause ont engendré seulement trois plaintes et que les collectivités publiques ne lui ont adressé aucune réaction d’hostilité ou de désapprobation.

L’agence auteur de la campagne explique tout d’abord que c’est pour des raisons liées à la direction artistique que le résultat final de la campagne n’est pas exactement conforme à la maquette validée par l’ARPP. Elle fait valoir que, toutefois, le procédé de pixellisation demandé par l’Autorité a été respecté.

Elle fait observer que chaque âge interprète différemment l’image d’un homme avec une canette dans un maillot de bain et qu’il faut se garder de plaquer des pensées d’adulte dans la tête d’un enfant. Il admet que la publicité ne soit « pas du meilleur goût » mais fait observer qu’elle ne comporte pas de nudité ni d’atteinte à la dignité, les hommes présentés étant caricaturaux et les images destinées à faire rire. Elle oppose que la qualification de pornographie est disproportionnée dans la mesure où les hommes sont tous vêtus et où aucun acte sexuel n’est présenté. Elle fait enfin valoir que les images critiquées relèvent d’un humour « potache » et sont moins choquantes que bien d’autres auxquelles le public est confronté, tant dans la presse que sur internet.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la Personne Humaine » de l’ARPP dispose, dans son point 1-3, que « d’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment  au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine » et énonce dans son point 2-1, que « la publicité ne doit pas réduire la personne humaine… à la fonction d’objet » .

Cette disposition précise également, en renvoyant à l’article 2 du Code de la Chambre de Commerce Internationale, que «La publicité doit proscrire toute déclaration ou présentation visuelle contraire aux convenances selon les normes couramment admises ».

Le Jury relève que si les visuels utilisent un message implicite, la « pixellisation » telle qu’elle a été réalisée permet de constater que c’est bien une canette, dans un cas, ou une bouteille, dans l’autre, qui sont photographiés. Ces représentations ne peuvent donc être interprétées autrement que pour ce qu’elles montrent qu’en fonction de connaissances sur les mécanismes de la sexualité de celui qui les regarde.

Par ailleurs, les images qui mettent en scène des hommes, pour l’un, doté d’une musculature excessive, pour l’autre, couvert de cicatrices et de sparadrap et, pour le troisième, doté des accessoires (bijoux, lunettes de soleil et maillot de bain « panthère »), caractérisant un « dragueur », sont caricaturales, relèvent du « kitsch », voire du ridicule, et invitent d’emblée à regarder les photos avec une certaine distance.

Le Jury relève encore que le slogan « Choisis ta taille sur xxx.com », qui n’est critiqué qu’en sa connotation sexuelle, est inscrit sous les différentes formes de récipients offerts à la vente et ne renvoie à la taille du sexe que de manière implicite.

Il considère que ces images et ce slogan résultent d’un parti pris de traitement publicitaire de genre graveleux et de « mauvais goût » volontairement choisi, selon leurs propres déclarations, par l’agence et l’annonceur, lesquels ont indiqué s’être référés à des films et à certains humoristes particulièrement appréciés par un public jeune, qui constitue la cible du message. Ces représentations, si l’on peut regretter leur orientation délibérée, ne peuvent, toutefois, pas être qualifiées ni de pornographiques, ni d’indécentes, en ce qu’elles ne montrent ni nudité, ni acte sexuel, et jouent sur un message suffisamment implicite pour ne pas être perçu d’emblée par une partie du public. Elles demeurent dans les limites de ce qui peut être admis compte tenu de l’évolution du corps social et de l’imagerie à laquelle il est, dans ses diverses activités, confronté. Par ailleurs, se présentant l’un et l’autre sous une certaine forme d’humour, même si elle n’est pas admise par tous, ni le slogan ni l’image ne peuvent, enfin, être considérés comme avilissants.

En conséquence, le Jury considère que les plaintes ne sont pas fondées.

4.La décision du Jury

– Les plaintes ne sont pas fondées

– La présente décision sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, à l’agence de communication et au support de diffusion. Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 4 septembre 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, et MM Benhaim, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.