Décision publiée le 26.09.2012
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré ;
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 25 mai 2012, d’une plainte émanant de l’association des médecins indépendants pour l’environnement et la santé (AMIES), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une inscription apposée par la société X de traitement des déchets sur le mur de son incinérateur.
Le texte en cause est «X, – de déchets + d’énergie ».
2.Les arguments des parties
Le plaignant, l’association des médecins indépendants pour l’environnement et la santé, énonce que cette inscription publicitaire est trompeuse.
En effet, les fours-chaudières et les équipements de production d’énergie électrique sont identiques depuis la mise en service de 1999.
Les déchets incinérés restent également les mêmes en composition et en PCI. Il s’ensuit que cette production d’énergie électrique reste sensiblement constante d’une année sur l’autre et est essentiellement tributaire du rendement de Carnot de l’installation et de l’autoconsommation de l’usine.
Donc, si on prétend incinérer moins de déchets et produire plus d’énergie électrique, il s’agit manifestement d’une publicité mensongère car moins de déchets incinérés c’est obligatoirement moins d’énergie électrique produite.
L’usine produit environ 62 000 à 65 000 mégawatts de l’heure par an (en sortie de l’alternateur) mais il faut retirer l’autoconsommation qui est de l’ordre de 12000 mwh/an.
Elle brûle en effet quelque 128 000 T/an mais elle fonctionne environ 8000 heures par an; ce qui démontre que les 7500 heures par an imposées par le programme de l’usine ne sont pas respectées ou que la charge nominale des fours est dépassée.
L’annonceur fait valoir qu’en tant que délégation de service public pour le compte du syndicat mixte de traitement des déchets ménagers, il est attentif à la véracité de l’information en matière de gestion des déchets.
Il relève, d’une part, qu’il n’est pas un professionnel de la communication qui serait tenu de respecter les règles déontologiques de la profession publicitaire, la société X étant l’exploitante d’une installation classée au titre du Code de l’environnement, et d’autre part que la signature du centre de valorisation énergétique X visée par la plainte ne correspond pas à une publicité de manière générale et plus précisément dans les termes du Code ICC consolidé.
En effet, la société de traitement des déchets est une société ad hoc créée spécifiquement après attribution du marché d’exploitation de l’unité de valorisation énergétique pour la bonne gestion de la délégation de service public. De par sa convention d’exploitation, son activité est contractuellement prévue jusqu’en 2024 avec un volume défini et un prix conventionnel actualisé suivant des indices. Le client (le syndicat mixte), dans ce cadre, garantit à la société X l’exclusivité de ses flux de déchets à valoriser. Pour cette raison, la société de traitement des déchets n’a pas d’intérêt commercial à influencer le comportement des consommateurs. De plus, l’outil de production est saturé.
L’annonceur fait valoir également que la signature « X» est utilisée sur sa façade, ses supports de présentation et son rapport annuel de service public. Sont ainsi exclus pour cette signature « toute forme de communication commerciale pratiquée par les médias, habituellement en échange d’un paiement ou d’une contrepartie de valeur ».
L’activité de la société de traitement des déchets, exclusivement tournée vers les collectivités locales et les entreprises dans le cadre d’une délégation de service public et de contrats soumis au code des marchés publics, n’a aucune vocation à s’adresser aux consommateurs auxquels elle n’a rien à vendre.
Sa dénomination sociale et sa signature n’ont aucun caractère commercial ou publicitaire.
Néanmoins, sur le fond, l’entreprise X indique qu’elle assure, depuis 1999, pour le compte du syndicat mixte, la valorisation énergétique par incinération des déchets ménagers des habitants de l’Est de l’Hérault et de l’Ouest du Gard. Son activité est placée sous la surveillance des autorités de police environnementale, en particulier du Préfet et de la DREAL.
La société X n’a fait l’objet d’aucun procès verbal de constat d’infraction pour un prétendu non respect de l’arrêté d’exploitation du 10 décembre 2009. Elle précise qu’à l’heure actuelle, les déchets recyclables représentent 25% de la poubelle des ménages. Les 75% restants sont composés de déchets qui n’entrent pas dans le cadre de la collecte sélective et du tri et ne peuvent donc pas être recyclés et transformés en nouvelles matières. Parmi ces 25% de déchets recyclables, deux tiers sont effectivement triés par les particuliers et entrent dans un process de recyclage. Le tiers restant rejoint les ordures ménagères. Pour préserver au mieux les ressources naturelles, il est donc impératif de trier toujours plus et toujours mieux ses déchets, pour recycler tout ce qui peut l’être.
La société de traitement des déchets explique que sa mission, au sein du système global de traitement des déchets du syndicat mixte est donc de prendre en charge les déchets qui peuvent être recyclés afin qu’ils trouvent une utilité par leur transformation en énergie.
Les récentes évolutions des textes réglementaires dans le domaine de la gestion des déchets (grenelle de l’environnement) confirment l’incinération avec production d’énergie, comme un moyen moderne et efficace pour valoriser les déchets. Pour aller encore plus loin, il faudrait d’ailleurs trier davantage pour apporter sur la société X essentiellement des déchets à potentiel énergétique avéré.
La société X fait valoir qu’il est l’un des premiers centres français de valorisation énergétique à avoir obtenu la double certification ISO 14001 et OHSAS 18001 pour la qualité de son système de management environnemental et les conditions de santé et de sécurité au travail.
Concernant la démarche de communication et les outils déployés, l’annonceur explique que le secteur des déchets est par nature méconnu du grand public et que la société X n’y fait pas exception. Une démarche de communication strictement informative a par conséquent été enclenchée autour d’un objectif prioritaire qui est de faire connaître et reconnaître la société comme une référence locale en matière de gestion des déchets.
Plusieurs thématiques ont été abordées dans la concrétisation de cette communication :
– L’affirmation d’un positionnement pour faire comprendre le métier de la société de traitement des déchets
– Une communication ouverte vers l’extérieur, proactive
– Une usine qui devient un lieu d’échanges et de pédagogie
La création d’une signature résumant la mission de la société X s’est donc largement imposée pour affirmer la mission de production d’énergie à partir des déchets et inscrire l’activité de la société X dans la prévention par la transformation des déchets en ressources.
Le « – de déchets » appelle à mieux trier et participer collectivement à orienter les bons déchets vers la bonne filière de tri et d’élimination. L’incinération permet de diminuer de 90% le volume de déchets à éliminer.
Le « + d’énergie » pour travailler qualitativement sur un vrai déchet combustible et recevoir à terme uniquement des déchets non recyclables et avec un potentiel énergétique avéré. La vocation de la société X est de transformer en énergie les déchets qui ne peuvent être recyclés, en complément de combustibles fossiles.
Cet objectif ne peut cependant être atteint sans la coopération de l’ensemble des acteurs du territoire (Etat, collectivités, associations, professionnels et bien sûr, les producteurs publics et privés de déchets).
L’annonceur précise que :
Une plaquette de présentation synthétique des activités de la société X est disponible à l’usine et en téléchargement sur le site web.
Un rapport annuel grand public a été élaboré. Diffusé à plus de 300 exemplaires, ce document d’une cinquantaine de pages explique de manière particulièrement détaillée et transparente le bilan technique de la société de traitement des déchets (son activité et les modalités de son exploitation) ainsi que son bilan environnemental (les contrôles réglementaires, le suivi et les études environnementales et sanitaires du site). La 4ème édition est parue au mois de juillet 2012.
Un site web dédié à la société X permet à tout type de public de consulter les informations sur l’activité de l’unité telles que le détail du process et donne accès aux résultats des mesures en temps réel de l’activité à la suite des contrôles réglementaires. On peut donc, selon la société X, constater que le dispositif d’information autour de la sa mission et de ses activités est complet en terme d’outils et systématiquement axé sur la pédagogie.
L’annonceur rappelle encore que n’ayant rien à vendre, il ne fait donc pas de publicité ni dans la forme que revêtent les outils élaborés ni dans le fond des messages diffusés.
La société explique avec force et conviction son métier et son utilité sociale, dans un contexte d’enjeux environnementaux forts liés à la raréfaction des ressources naturelles.
Il précise que le secteur des déchets fait partie des activités confrontées au phénomène appelé NYMBY (Not In My BackYard) qui engendre des réactions d’opposition aux projets ou aux évolutions des unités de traitement des déchets. La difficulté dans une problématique NYMBY est de ne pas perdre de vue l’enjeu, donc la nécessité de l’intérêt général, tout en ouvrant le dialogue au niveau des parties prenantes afin de contribuer à l’amélioration du projet initial. Dans le cas de la société X, la communication vise donc à créer les conditions de la confiance dans le mode d’exploitation de l’installation de traitement des déchets, par une information vérifiable, transparente et la volonté du dialogue avec l’ensemble des publics.
Sur la véracité de la signature, la société X fait valoir que l’ADEME précise sur son site Internet deux avantages propres à l’incinération : « diminue fortement le volume des déchets (90% de réduction environ) et leur masse (70% environ)… l’incinération permet de tirer le meilleur parti du contenu énergétique des déchets den produisant de la chaleur susceptible d’alimenter un réseau de chaleur urbain et/ou d’être transformé en électricité ».
Il s’agit donc bien de la définition d’une filière qui diminue les déchets et majore l’énergie.
D’autre part, d’un point de vue légal, la société de traitement des déchets précise que conformément à l’arrêté ministériel du 20 septembre 2002 modifié, l’évaluation de la performance énergétique est réalisée selon l’annexe V. L’arrêté ministériel du 3 août 2010 précise que l’opération de traitement des déchets par incinération peut être qualifiée d’opération de valorisation si toutes les conditions suivantes sont respectées :
Le performance énergétique de l’installation est supérieure ou égale à 0.65 pour les installations autorisées après le 31 décembre 2008 ou à 0.60 pour les autres installations ;
L’exploitant évalue chaque année la performance énergétique de l’installation et les résultats de cette évaluation sont reportés dans le rapport annuel d’activité… ;
L’exploitant met en place les moyens de mesures nécessaires à la détermination de chaque paramètre pris en compte pour l’évaluation de la performance énergétique. Ces moyens de mesure font l’objet d’un programme de maintenance et d’étalonnage défini sous la responsabilité de l’exploitant. La périodicité de vérification d’un même moyen de mesure est annuelle. L’exploitant doit tenir à disposition de l’inspection des installations classées les résultats du programme de maintenance et d’étalonnage.
La performance énergétique a été évaluée par la société X pour l’année 2010 à 60.54% et, en tenant compte de l’énergie thermique auto-consommée pour le réchauffage des eaux et de la bâche alimentaire, cette évaluation atteint 69.02%.
La formule remise en cause par M. S, rédacteur de la note technique transmise par l’association plaignante, a été formulée par le Dr R à la demande de la Commission européenne afin d’établir un critère normatif de performance énergétique (et non de rendement scientifique) entre les usines d’incinération en Europe. Les seuils de 0.6 et 0.65 ont été fixés par la Commission en fonction des résultats des usines européennes pour ne pas avoir plus de la moitié des usines existantes qui atteignent ces seuils et ainsi non seulement insuffler une dynamique d’amélioration de performances mais aussi clarifier l’usage du terme « valorisation énergétique ». En conséquence, la performance énergétique de la société X dépassant les seuils, permet de qualifier l’opération de traitement des déchets par incinération, de valorisation. Le plaignant précise d’ailleurs la même référence légale au début de sa note et c’est bien celle-ci qui s’impose à la société X, par droit, pour définir l’unique formule où un exploitant est légitime à formuler le terme « valorisation énergétique ».
D’un point de vue thermodynamique, le rappel élémentaire présenté par le plaignant est, selon la société X, connu et courant dans la profession.
Les chiffres ci-après sont factuels et ne peuvent être contestés :
le site vend au fournisseur d’électricité 56000MWh, soit plus de 80% de sa production(le reste étant destiné aux éléments internes du process).
Le site reçoit néanmoins effectivement 128000 t/an mais n’en traite que 120000. Le reste est orienté vers d’autres installations en raison de la saturation de l’outil de la société X.
La teneur en imbrûlés des mâchefers de la société de traitement des déchets est inférieure à 2% et non 5% comme annoncé.
La société X affirme que sa signature s’appuie sur des qualifications institutionnelles et réglementaires de sa filière, sous le contrôle de la Préfecture et de l’inspection des installations classées.
3.Les motifs de la décision du Jury
La Recommandation «Développement durable» de l’ARPP dispose que :
Véracité des actions
1/3 « Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. »
1/4 « L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité.
Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus. »
Proportionnalité des messages
2/1 « Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose.
La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit. »
2/2 « Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. »
Clarté du message
3/2 « Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement. »
3/5 « Tout message publicitaire reposant sur une étude scientifique doit en indiquer la source. »
3/6 « Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée. »
9/1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement.
D’autre part, le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale relatives, dans son paragraphe relatif à la véracité en publicité, dispose que :
Article 5. Véracité
« La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse.
« La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, »
Le Jury relève que le fronton du bâtiment de l’annonceur porte en caractères particulièrement visibles la mention « X – de déchets + d’énergie »
La plainte soutient que cette publicité a un caractère mensonger et affirme que « si on prétend incinérer moins de déchets et produire plus d’énergie électrique, il s’agit manifestement d’une publicité mensongère car moins de déchets incinérés c’est obligatoirement moins d’énergie produite ».
Le Jury constate que l’inscription en cause a, ainsi que le développe la société X, pour objectif de faire valoir l’activité de cette société, tant auprès des collectivités locales, des éventuels commanditaires, que des personnes habitant dans l’environnement de l’incinérateur.
En conséquence, bien que ne visant pas directement les consommateurs, cette inscription constitue bien un message publicitaire. Le Jury est dès lors compétent pour en apprécier la conformité aux règles déontologiques que se sont fixés les professionnels du secteur.
Le Jury considère que l’inscription « – de déchets, + d’énergie » signifie clairement que l’usine objet de cette promotion incinère des déchets pour en retirer de l’énergie et non pas, comme le soutient la plainte, que l’usine permettrait de produire moins de déchets.
Dans ces conditions, l’inscription en cause ne peut être considérée comme susceptible d’induire le lecteur en erreur sur l’activité De la société X et son action sur l’environnement.
En conséquence, le Jury considère que le texte en cause ne contrevient pas aux règles déontologiques rappelées ci-dessus.
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée.
– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante AMIES et à la société X;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le 7 septembre 2012, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM Benhaim, Depincé, Lacan et Leers.