Avis JDP n°205/12 – PLATEFORME DE TRADING EN LIGNE – Plainte rejetée

Décision publiée le 21.06.2012
Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de la société plaignante et de la société annonceur,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 30 mars 2012, d’une plainte émanant d’une société de trading en ligne, afin qu’il se prononce, sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur de la société annonceur pour son site internet de courtage en ligne, diffusée en presse.

Cette publicité montre un « Pie » anglais, entamé, posé dans une assiette.

La photo est surmontée par l’accroche « Quitte à prendre quelque chose aux anglais, autant prendre leur expertise boursière ».

Sous la photo, figure la phrase suivante : « Le fameux broker anglais débarque en France », et, dans un cercle «  Frais de courtage gratuits et remboursement de frais de transfert pendant un an pour toute inscription avant le 31/05/2012 * ».

L’astérisque renvoie à la précision suivante : « offre valable uniquement pour les citoyens français (personnes physiques) résidant en France….. »

2.Les arguments des parties

Le plaignant, qui exerce une activité de courtage, expose que la société annonceur se présente dans cette publicité comme étant « fameuse » alors qu’elle est très peu connue au Royaume-Uni et fait valoir que le fait de réserver l’offre aux citoyens français résidant en France, constitue une pratique discriminatoire.

Elle explique qu’une récente étude d’un cabinet de services financiers a classé le courtier en ligne annonceur à la 14ème place des courtiers en ligne en Grande-Bretagne, avec environ 2 à 3 % de part de marché et à la 17ème place en termes de renommée, toujours en Grande-Bretagne, avec 13 % de reconnaissance de la part des clients actifs sur le trading en ligne.

Sur la question de la discrimination, elle conteste l’argumentation de défense de la société annonceur selon laquelle un courtier en ligne serait dans la quasi-obligation de pratiquer une telle discrimination afin de répondre aux exigences réglementaires françaises.

Elle considère que la publicité constitue une discrimination pure et simple d’une offre promotionnelle liée à une condition de nationalité,  et constitue une violation de la Recommandation  « Image de la personne humaine », de l’ARPP.

Le Groupe de presse diffuseur précise que le visuel émanant de la société annonceur est paru dans les deux publications suite à une réservation d’espace publicitaire via l’agence de l’annonceur.

Dès réception de la plainte, le groupe s’est tourné vers l’agence pour demander une modification du message sous astérisque. L’agence leur a indiqué que l’annonceur ne souhaitait pas modifier cette mention, restant dans l’attente de la décision du JDP le 1er juin 2012.

L’annonceur oppose que la publicité litigieuse est en parfaite conformité vis-à-vis des règles déontologiques encadrant la publicité.

La société annonceur souligne qu’elle est effectivement une société connue sur le marché du courtage au Royaume-Uni depuis sa création en 2000, que son site est « Le numéro six du courtage en ligne outre–Manche, avec 14 000 clients » (Le Figaro du 23 mars 2012) et « XXX – qui affiche un chiffre d’affaires de plus de 5 millions d’euros en 2011 – estime entre 3 et 4% sa part de marché en Grande-Bretagne, où il est présent depuis 2000. » (Les Echos du 25 avril 2012).

Elle précise que les conditions limitatives pour pouvoir bénéficier de l’offre objet de la publicité litigieuse ne constituent pas une forme de discrimination au sens de l’article 4 du Code ICC lequel dispose que « La communication commerciale doit respecter la dignité humaine et ne doit encourager ou cautionner aucune forme de discrimination, y compris fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle ».

Selon elle, la simple lecture de cet article suffit pour constater que le type de discrimination visée est celle qui porte atteinte à la dignité humaine d’un individu ou d’un groupe de personnes, comme dans les exemples donnés lorsqu’elle a pour objet « la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle ».

 Elle ajoute qu’au sens de l’article 4 du Code ICC la notion de discrimination s’entend donc dans le contexte de la protection des droits de l’Homme, cette analyse étant confirmée par les Recommandations  « Races, religions, ethnies – Octobre 1998 » et « Image de la personne humaine – Octobre 2001 » publiées par l’ARPP.

Elle rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine – Octobre 2001 » expose explicitement  que « Le respect de la dignité de la personne humaine est un principe universel. En matière de publicité, le [Code ICC] illustre ce principe par des dispositions générales, reconnues par tous, qui posent les principes de décence, de non-discrimination et plus largement de responsabilité sociale dans la représentation de la personne humaine, quels que soient, notamment, ses origines, ses opinions ou croyances, son sexe ou son âge ».

Elle ajoute que la double condition cumulative de citoyenneté française et de résidence sur le territoire français est une délimitation commerciale du domaine de l’offre de l’annonceur, qui a été décidée pour des raisons pratiques de bonne gestion et même, pour partie, imposée par le respect des diverses législations et réglementations auxquelles doit se conformer l’annonceur dans son activité réglementée de courtage financier international.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP précise en préambule que « Le respect de la personne humaine est un principe universel. En matière de publicité, le code de  pratiques loyales de la chambre de commerce internationale (CCI) illustre ce principe par des dispositions générales, reconnues par tous, qui posent des principe de décence de non-discrimination, et plus largement de responsabilité sociale dans la représentation de la personne humaine  (…). Ainsi, La publicité ne doit cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe ou l’âge, ni porter en aucune façon atteinte à la dignité humaine”. Art 4 du Code de la C.C.I. ».

L’article 4 du code de la CCI énonce que « La communication de marketing doit respecter la dignité humaine et ne doit encourager ou cautionner aucune forme de discrimination (…) ».

Le Jury relève que ces recommandations et dispositions visent le principe de non-discrimination comme élément du principe du respect de la dignité de la personne tel qu’il s’inscrit dans le cadre des droits de l’Homme.

La discrimination, ainsi proscrite, ne concerne pas les différences qui pourraient être faites entre les personnes dans le cadre d’une offre économique, ni la réservation d’un type de prestations à certaines catégories de clientèles.

Par ailleurs, la présentation de l’annonceur comme étant un « fameux broker » est un procédé hyperbolique, fréquent en matière de publicité, qui ne saurait induire le consommateur en erreur.

En conséquence, le Jury considère que la publicité en cause ne méconnaît pas les règles déontologiques rappelées ci-dessus.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée;

– La publicité de la société annonceur ne contrevient pas à l’article 4 du code ICC ni aux recommandations de l’ARPP;

– La présente décision sera communiquée à la société plaignante, à la société annonceur et au Groupe de presse diffuseur ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 1er juin 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, suppléant la Présidente empêchée, Mme Drecq et Moggio, MM Benhaim, Carlo et Lacan et Leers.