Décision publiée le 24.04.2012
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 9 mars 2012, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en presse, en faveur d’une société proposant des solutions logicielles et informatiques dans le secteur du BTP, pour son site Internet.
Le visuel critiqué présente, sous forme d’un dessin stylisé, une femme giflant un homme, celui-ci grimaçant de douleur.
Le texte utilisé en signature est « Une déclaration mal préparée, ça laisse des traces ! »
2.Les arguments des parties
Le plaignant considère que cette image est choquante par la violence qui est présentée et qui n’est pas justifiée et qu’elle entre selon lui dans le champ de la Recommandation Image de la personne humaine dans ses points 3/3 et 3/4.
Il ajoute que ce visuel est déplacé dans une publication professionnelle alors que les professionnels sont régulièrement alertés sur la violence au travail.
Par ailleurs, la diffusion de cette annonce le lendemain de la journée mondiale de la femme lui paraît douteuse.
La société annonceur a été informée par courrier du 14 mars 2012 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle n’a pas transmis d’arguments en réponse à la plainte.
L’agence de communication, créatrice de la campagne, précise qu’il s’agit d’une saga comprenant deux visuels alternatifs dans un même support et qu’il n’a jamais été question de nuire ou de présenter de façon choquante ou violente des relations entre les personnes mais bien, selon un décalage humoristique publicitaire de jouer sur les termes « déclaration: d’amour versus chantier (activité de l’annonceur) » et « laisser des traces » à l’image des documents du site Internet, d’où l’illustration de la gifle (objet) et des bisous.
Elle ajoute qu’il s’agit d’un plan média uniquement BtoB (20 supports) et relève le ton humoristique modéré de la campagne.
Elle présente cependant ses excuses à l’émetteur de la plainte.
Le groupe de presse explique avoir pris en compte différents éléments pour accepter la parution de cette annonce, à savoir, une représentation graphique de type vignette de bande dessinée ne mettant pas en scène de vraies personnes, l’utilisation des codes de la bande dessinée c’est-à-dire, des mouvements et expressions amplifiés et soulignés dans le style propre à une exagération publicitaire de la situation et un décalage humoristique sur le thème « déclaration », celle d’un homme à une femme dans le visuel et celle objet des services de l’annonceur, déclaration préalable aux travaux.
Il ajoute que cette création a paru pour la première fois dans l’hebdomadaire en cause, le 2 décembre 2011, associée à un second visuel qui se présente sous le même format de bande dessinée. Ce visuel montre un ordinateur sur l’écran duquel apparaît une femme et au premier plan, un homme souriant portant sur la joue des traces de rouge à lèvres laissées par des baisers et accompagné du slogan « une bonne adresse, ça se remarque ».
Compte tenu de ces éléments, cette création est apparue au groupe de presse comme relevant de l’hyperbole publicitaire non contraire aux règles professionnelles de la publicité.
Il affirme avoir décidé de suspendre la diffusion du visuel critiqué dans l’attente de la décision du Jury.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation «Image de la personne humaine» de l’ARPP prévoit dans son point 3 « Soumission – Dépendance – Violence » que :
3.3 « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique ».
3/4. « La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence ».
Le Jury constate que le visuel critiqué qui représente, dans le cadre d’un univers professionnel, une femme giflant avec force un homme, en vêtement de chantier, qui grimace de douleur, constitue une scène de violence.
Certes, ce visuel accompagné de l’accroche « Une déclaration mal préparée, ça laisse des traces ! » est traité selon les codes de la bande dessinée, c’est à dire qu’il ne représente pas de « vraies personnes » mais des dessins et repose sur l’exagération des mouvements, des expressions et des attitudes.
Toutefois cette explication ne suffit pas à justifier le choix de la représentation d’une scène aussi violente dans le cadre des relations au travail, lesquelles font précisément l’objet aujourd’hui d’une attention particulière quant à leur climat.
Une telle représentation méconnaît donc les Recommandations précitées de l’ARPP.
Toutefois, le Jury relève que l’agence a présenté ses excuses au plaignant et que le support a suspendu la diffusion du visuel dans l’attente de la décision du Jury.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée en ce que la publicité en cause méconnaît les points 3.3 et 3.4 de la Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP ;
– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité cesse et à ce qu’elle ne soit pas reconduite ;
– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, à l’agence de communication et au groupe de presse ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le 6 avril 2012, par Mme Hagelsteen, Présidente, Mmes Drecq et Moggio, et MM Benhaïm, Leers et Lacan.