Décision publiée le 28.03.2012
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties, dans les conditions prévues par l’article 12, alinéa 2, 3°, du règlement intérieur,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 2 février 2012, comme l’article 11 de son règlement intérieur le permet, d’une plainte émanant de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (l’ARPP), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’une plateforme de trading en ligne diffusée par une régie publicitaire à côté du journal d’un site d’information sur internet.
Cette publicité se présente sous la forme d’une bannière publicitaire. Elle comporte la photographie d’une femme, accompagnée du texte : « 100€ par jour ça vous dit ? Apprenez à saisir les opportunités les plus rentables du marché… ».
Un bouton « Cliquez ici » renvoie vers le site Internet de l’annonceur dont la première page comporte la photo d’une jeune femme souriante a côté du texte suivant : « Devenez un vrai trader ! Recevez votre guide Trader Pro dès aujourd’hui. Profitez de notre PDF en exclusivité et apprenez à trader, même si vous n’avez jamais tradé auparavant. Ce kit d’apprentissage vous expliquera le fonctionnement du marché des devises, le plus liquide, dynamique et lucratif du monde (…) ».
Ce texte est suivi d’un autre, en note de bas de page, libellé en très petits caractères et dans les termes suivants : « Le trading ne sera autorisé qu’après réception de tous les documents requis. Avertissement lié au risque : Les produits forex sont des produits utilisant un effet de levier et de ce fait le trading des devises comporte un degré élevé de risque susceptible de ne pas convenir à tout le monde et où vous risquez de perdre le montant investi. X vous recommande de vous assurer que vous comprenez les risques associés avant de prendre toute décision concernant les produits de X. Il est recommandé de faire appel à un avis extérieur et indépendant si nécessaire. X est un nom commercial utilisé par Y qui possède une licence et qui est régulée par la Cyprus Securities and exchange Commission : Cysec numéro de licence (…) ».
2.Les arguments des parties
L’ARPP énonce que cette publicité ne respecte pas la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers – Publicité pour les produits financiers permettant de s’exposer sur le
Forex, les indices boursiers, le cours des matières premières avec un effet de levier » en ce que l’accroche « 100 € par jour ça vous dit ? » présente le trading en Forex comme pouvant offrir des gains réguliers et sûrs, cette information n’étant pas justifiable et étant non équilibrée par des informations en petits caractères qui ne respectent pas non plus, dans leur présentation, la fiche de doctrine de l’ARPP.
L’Autorité indique être intervenue à de nombreuses reprises auprès de cet annonceur pour lui communiquer la Fiche de doctrine élaborée par les représentants des différentes professions du secteur publicitaire.
La régie de publicité a été informée par courriel du 8 février 2012 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.
Elle n’a pas présenté d’observations.
La société annonceur a été informée par courriel du 8 février 2012 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.
Elle fait valoir qu’elle est identifiée dans ses publicités par son nom ainsi que le nom de son directeur. Concernant l’équilibre dans ses publicités, elle précise qu’elle ne promet pas d’éventuels bénéfices sans donner une juste indication des risques potentiels.
Elle ajoute que le message de mise en garde de ces risques ne peut, selon elle, être inséré sur une bannière qui se présente comme un « teaser » du service ayant pour but d’inciter le consommateur à lire davantage. La société précise qu’elle a pris des mesures et mis en place des procédures, pour protéger ses éventuels clients et afin de s’assurer qu’ils ne soient pas induits en erreur ou insuffisamment informés.
Par exemple, avant de pouvoir devenir client, la personne doit confirmer qu’elle a bien lu, compris et approuvé tous les risques. Ces avertissements peuvent être consultés sur un lien vers le site Internet de l’annonceur.
Enfin, la société fait valoir que le client ne peut pas perdre plus que son investissement.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » de l’ARPP qui a été adoptée le 27 mai 2011 par le Conseil d’administration de l’ARPP et fait l’objet, depuis, d’une diffusion auprès des adhérents et d’une publication sur le site internet de l’ARPP dans la rubrique « Règles déontologiques » dispose :
2-1-2 Clarté, loyauté et véracité de la publicité
- b) Équilibre de la publicité
« Le contenu de la publicité et des promesses annoncées doit être véridique et répondre au principe de loyauté.
En ce sens, l’ensemble de la publicité doit être équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques inhérents à la souscription de ce dernier.
Cet équilibre de la publicité, recommandé par divers régulateurs européens, implique la présence, dans toute publicité, quel que soit le support de diffusion utilisé, d’une information claire, intelligible et parfaitement lisible et/ou audible sur les risques propres à l’activité ou au(x) produit(s) visé(s).
Lorsque la présentation de ces risques se traduit à l’écrit par une mention, celle-ci devra se distinguer, par tous moyens, des autres informations (et, notamment, ne pas être accolée aux autres mentions) sauf impossibilité technique liée au format et, à l’oral, un énoncé audible devra se distinguer clairement de toutes autres informations.
Dans tous les cas, la publicité ne peut laisser penser que le consommateur ne prend aucun risque et/ou que son risque est limité. ».
Le Jury relève que la bannière invitant à cliquer pour atteindre la page d’accueil du site de l’annonceur énonce la possibilité de gagner 100 euros par jour, mais ne comporte aucune information sur les risques inhérents aux placements présentés ensuite qui peuvent être considérables.
Certes, ainsi que le mentionne la société annonceur, les bannières sont une forme de publicité particulière appelant, par un message accrocheur, à se rendre sur le site de l’annonceur qui mêle une publicité et une offre de service. Elles sont en général de surface réduite et il n’est pas possible d’y mentionner un grand nombre d’informations.
Cependant, dans la mesure où les bannières comportent un message d’offre particulièrement attractive, la précaution d’équilibre doit s’appliquer dès ce stade de la publicité et l’annonceur doit donc veiller à ce les bannières comportent au moins une mention afférente aux risques des investissements en cause.
Par ailleurs, la page d’accueil du site comporte certes un message clair relatif aux risques encourus par les placements sur le Forex. Cependant, ces messages énoncent seulement que l’investisseur risque de perdre « le montant investi » et non davantage, ce qui est pourtant le danger essentiel de tels placement dans certaines circonstances. Le message d’avertissement n’est donc pas à la mesure du risque encouru.
Par ailleurs, ce message est libellé en caractères qui ne sont pas suffisamment apparents pour satisfaire aux exigences d’équilibre énoncées dans la Fiche de doctrine de déontologie publicitaire rappelée ci-dessus.
En conséquence, le Jury considère que la publicité en cause contrevient aux dispositions de l’article 2-1-2 b) de la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » de l’ARPP.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité en faveur de l’annonceur contrevient aux dispositions de l’article 2-1-2 b) de la fiche de doctrine « Publicité des produits financiers » de l’ARPP;
– La présente décision sera communiquée au plaignant, à la régie publicitaire, et à l’annonceur ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP ;
– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité ne soit plus diffusée.
Délibéré le 9 mars 2012, par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem,Vice-Présidente, Mmes Drecq et MM Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.