Décision publiée le 28.03.2012
Plainte rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu le représentant de l’Association France Nature Environnement (FNE),
– et, après en avoir délibéré,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 9 janvier 2012, d’une plainte émanant de l’Association France Nature Environnement (FNE), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’un site Internet d’une société créant des sites Internet qui donne une liste de sites présentés comme des « plages privées », sur le littoral méditerranéen.
2.Les arguments des parties
L’association plaignante considère que ce site internet, qui a pour objectif de mettre en relation d’une part, des « gérants de plages privées » qui disposent a priori d’une concession d’utilisation du domaine public maritime leur permettant d’accueillir des visiteurs sur une plage afin d’y organiser des évènements et d’autre part, des personnes cherchant à passer un moment dans un endroit tranquille du littoral, ne respecte pas les dispositions déontologiques en vigueur.
Elle explique que la notion de « plage privée » n’existe pas en droit positif français : l’article L.2124-3 du Code général de propriété des personnes publiques prévoit que « des concessions d’utilisation du domaine public maritime comportant maintien des terrains concédés dans le domaine public peuvent être accordées ». Ceci implique la possibilité d’une certaine occupation privative des plages, dans des conditions strictement délimitées par les textes : le texte précité vient en effet immédiatement préciser que « L’accès des piétons aux plages et leur usage libre et gratuit par le public sont régis par les dispositions de l’article L.321-9 du code de l’environnement », lequel indique le fait que de telles concessions « préservent la libre circulation sur la plage et le libre usage par le public d’un espace d’une largeur significative tout le long de la mer. ».
Cette préservation d’un accès du public à un certain espace de la plage est une conséquence du principe essentiel posé par ce même article, à savoir que « L’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages.».
La nécessité de préserver la fonction d’accueil de public de la plage explique enfin que l’article L.2124-4 du Code général de la propriété publique indique que « tout contrat de concession doit déterminer la largeur de l’espace mentionné au dernier alinéa de l’article L.321-9 du même code en tenant compte des caractéristiques des lieux ».
En d’autres termes, une plage étant fondamentalement destinée à l’accueil du public, toute concession doit préserver une bande « significative » de plage sur laquelle le public peut circuler : il n’existe donc pas de plage privée.
Le site Internet en cause laisse donc entendre aux consommateurs que les plages référencées sur le site étant privées, ils pourraient être les seuls à en profiter. Il s’agit évidemment d’un argument commercial très attractif, le cadre du littoral et la préservation de l’intimité étant deux critères importants dans la recherche d’une destination de vacances.
Toutefois, cet argument est mensonger car les clients ne pourront jamais profiter à eux seuls de l’ensemble de la plage puisque celle-ci est par nature réservée à l’accueil du public.
La FNE relève en second lieu que la formule « plage privée » provoque chez le consommateur le sentiment qu’il peut jouir de la plage comme si elle lui appartenait en propre. Ce sentiment de propriété comporte le risque que le consommateur abuse du bien dont il pense qu’il est le sien et le dégrade. Or, les plages sont des ressources naturelles fragiles qu’il convient de protéger contre des comportements irresponsables (dépôt de déchets, activités inadaptées, atteinte à la biodiversité …). Leur appartenance au domaine public entraine d’ailleurs un régime de protection renforcé justifiant des sanctions particulières (contraventions de grande voirie).
La société annonceur a été informée par courrier du 8 février 2012 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
La société fait valoir qu’elle entend par « plage privée » un restaurant de plage, expression faisant partie du langage courant si elle n’existe pas en droit positif français.
Elle ajoute que la phrase « rendez-vous sur une plage privée pour profiter d’un cadre agréable » n’avait pas pour objet de tromper les consommateurs, que le cadre agréable peut aussi signifier l’agencement de l’établissement, mais que celle-ci a d’ores et déjà été remplacée par la phrase « rendez-vous sur une plage privée et profitez d’un cadre agréable ».
En outre, l’expression « plage privée » n’induit pas que le consommateur puisque jouir de la plage comme son bien, et la dégrader. En effet, les gérants de plage sont soumis à des règles strictes d’occupation des plages afin notamment de veiller au respect de l’environnement, sous peine de voir résilier leurs concessions s’ils ne les respectent pas.
Enfin, un texte d’explication a été rajouté sur le site Internet donnant des explications précises sur ce qu’il faut entendre exactement par l’expression « plage privée ».
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation «Développement durable» de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :
« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité
9/1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique etc…), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.
b/ La publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.
D’autre part, la Recommandation «Communication publicitaire digitale» de l’ARPP prévoit que :
« Toute communication publicitaire digitale doit se conformer aux règles du droit positif, être loyale, honnête et véridique ».
Enfin, les dispositions du Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale de la Chambre de Commerce Internationale, relatives aux principes de la loyauté et de véracité en publicité disposent que:
« La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs.
Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération.
La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse.
La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur… »
Le Jury relève qu’il est vrai que le terme « plage privée » n’existe pas en droit positif français puisque, ainsi que le rappelle l’article L.321-9 du code de l’environnement, « l’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages. » et que « les concessions de plage …préservent la libre circulation sur la plage et le libre usage par le public d’un espace d’une largeur significative tout le long de la mer ».
Il note cependant que le terme « plage privée » est un terme usuel qui est passé dans le langage courant et qui désigne la partie de la plage sur laquelle une concession d’utilisation du domaine public a été accordée à un tiers afin, sous réserve de respecter certaines conditions et limites garantissant notamment le libre accès mentionné plus haut, d’en autoriser l’occupation privative.
Le public connaît cette distinction et ne peut être trompé par cette qualification ni d’ailleurs encouragé, de ce fait, à des comportements répréhensibles sur le domaine public.
Par suite, le site Internet exploité par la société annonceur ne méconnaît pas en utilisant ce terme les Recommandations mentionnées ci-dessus.
Cette société a d’ailleurs pris maintenant la précaution d’expliciter sur son site le sens exact des termes « plage privée ».
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée;
– La présente décision sera communiquée à l’association FNE ainsi qu’à la société annonceur;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le 9 mars 2012, par Mme Hagelsteen, Présidente, Mmes Michel-Amsellem, Vice-Présidente, Mme Drecq, et MM Benhaïm, Carlo, Leers et Lacan.