Avis JDP n°167/12 – RADIO – Plainte rejetée

Décision publiée le 18.01.2012
Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le plaignant,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 31 octobre 2011 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’une station de radio diffusée au cinéma.

Cette publicité met en scène un jeune homme qui rejoint trois autres garçons dans une voiture stationnée dans une zone pavillonnaire. Apparaît alors une femme adulte qui l’appelle par son prénom, Corentin, lui enjoint de rentrer à la maison pour ranger sa chambre et crie sur un ton vindicatif et autoritaire. Au lieu de s’exécuter, le jeune homme monte progressivement le son de la radio pour couvrir les cris de sa mère, laquelle sans le vouloir, adopte une gestuelle identique à celle des chanteurs de Rap, parfaitement en rythme avec les paroles de la chanson diffusée à la radio.

Le film est signé « Monte le son ! [Nom de l’annonceur]. Un maxx de tubes».

2.Les arguments des parties 

 Le plaignant énonce que cette publicité constitue une incitation au non respect des parents.

Il ajoute que les seuls bénéficiaires de cette publicité seraient les médecins spécialistes en ORL en raison des déficiences de l’ouïe provoquées par un son trop fort.

L’agence de communication qui a réalisé ce film intitulé « Corentin » explique qu’il illustre le concept publicitaire «Louder is Better» qui caractérise la campagne pour l’annonceur afin de renforcer la signature de marque « Un Maxx de Tubes« .

Elle précise que les « tubes » de musique diffusés par cette radio sont présentés comme des soupapes, des moments pendant lesquels l’auditeur se fait aspirer dans un monde meilleur. Leur écoute transforme une situation négative en scène positive. L’auditeur bénéficie alors d’un moment de décompression, par lequel il peut s’extraire un temps de la réalité.

Le spot publicitaire montre que la musique forte, pour quelques instants, peut rendre la réalité plus agréable pendant ce temps.

C’est donc bien un message métaphorique, écrit au second degré et qui est à prendre comme tel, une publicité clairement écrite sur le ton de l’humour dont l’objectif est de traduire une promesse fédératrice et positive.

Enfin, pour ce qui est du choix de la situation du fils avec la mère, il ne peut échapper au spectateur que le fils est un jeune majeur et qu’il correspond à la cible de communication de l’agence, à savoir, les 18-24 ans.

L’histoire racontée par le spot est celle d’un jeune adulte de 20 ans, qui souhaite partir avec ses amis en vacances mais dont la mère, surprotectrice, essaie à tout prix de l’en empêcher.

Le grief formulé contre cette publicité est qu’elle ne respecterait pas l’autorité parentale. Or, cette autorité parentale prend fin à 18 ans, à la majorité.

Le fait que Corentin entre en voiture avec ses amis, visiblement du même âge, y compris le conducteur, le rend immédiatement identifiable comme majeur. C’est, selon l’agence, une situation très commune pour la cible, qui lui parle parfaitement.

L’annonceur n’a pas présenté d’observations.

La régie de cinéma qui a diffusé le film a fait valoir que le ton de cette campagne était humoristique et devait être reçu comme tel. Soucieuse de respecter les décisions du Jury, elle expose qu’elle a demandé une version retravaillée du film pour la prochaine campagne de diffusion.

L’autre régie de cinéma a fait valoir qu’elle n’est pas la régie publicitaire du distributeur de films et qu’elle n’a pas commercialisé cette campagne.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Enfant » de l’ARPP dispose que :

« La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :

La publicité ne doit pas présenter favorablement des actes antisociaux ou délictueux, ni inciter les enfants à commettre de tels actes.

Elle ne doit pas légitimer des comportements qui seraient contraires aux principes de  citoyenneté, aux règles du savoir-vivre, d’hygiène de vie, de protection de l’environnement ou de respect des autres.

La publicité ne doit pas dévaloriser l’autorité, la responsabilité ou le jugement des parents et des éducateurs. »

Le Jury relève que le film critiqué montre un jeune homme dont il n’est pas possible de déterminer l’âge précis, mais qui apparaît avec une certaine évidence proche de la majorité.

Il n’est pas contesté que la femme soit sa mère.

Il observe que la mise en scène décrite ci-dessus illustre essentiellement des difficultés de compréhension générationnelles comme en connaissent bien des familles, qu’elle est certes moqueuse pour le personnage qui représente la mère, mais que l’ironie s’exprime avec humour et sans agressivité, la mère finissant, malgré elle, par entrer dans le monde musical des jeunes gens.

S’il est certes regrettable que la scène montre un jeune qui désobéit aux injonctions de sa mère, cette impression est néanmoins tempérée par le fait que ce dernier parait avoir un âge à tout le moins proche de la majorité, âge auquel l’opposition aux parents est une chose courante  et l’a été de tout temps, ainsi que par le constat que le jeune homme n’accomplit aucun acte de quelque façon interdit ou dangereux pour lui ou autrui et qu’il ne profère aucune parole grossière, malveillante ou déplacée à l’égard de sa mère et, enfin, par le fait que finalement, le personnage de la mère rejoint le monde musical des jeunes, ce qui confirme le traitement humoristique de cette scène.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qui composent le spot publicitaire qu’il ne peut être regardé comme une remise en cause sérieuse de l’autorité parentale et ne valide pas de tels comportements.

Il ne contrevient donc pas aux règles déontologiques rappelées ci-dessus.

Par ailleurs, le Jury note que la régie de cinéma a demandé une version retravaillée de ce film pour sa  campagne de diffusion qui se déroule du 4 au 31 janvier et donne acte à l’autre régie de cinéma de ce qu’elle n’a pas commercialisé cette campagne.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, à l’agence, aux régies de cinéma ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 6 janvier 2012 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Moggio, MM Benhaïm, Carlo et Lacan.