Décision publiée le 02.05.2011
Plainte rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu les représentants de la société annonceur et de son agence ainsi que l’ARPP,
– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 26 février 2011 d’une plainte émanant d’un particulier afin qu’il se prononce, sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, du film publicitaire intitulé «Cochons volants », diffusé en télévision, en faveur d’une boisson énergisante.
Ce film met en scène, sous forme de dessin animé un petit garçon qui verse deux canettes de la boisson dans l’auge des cochons puis demande l’autorisation à sa mère de se rendre au « Club des grands » laquelle lui répond « Quand les cochons auront des ailes ».
Les images montrent alors les cochons volants devant la ferme.
Le plan final présente le petit garçon accoudé à un comptoir sur lequel apparaissent des jambes de danseuse vêtue de bas-résilles.
2.Les arguments des parties :
– Le plaignant, considère que cette publicité est choquante car elle montre un enfant accédant au monde interdit des adultes et incite les enfants à transgresser les interdits. Elle pourrait donc avoir des conséquences sur le développement psycho-socio-affectif des enfants.
– L’annonceur fait valoir que ce film publicitaire montre une facette de la personnalité de la marque, volontairement non conventionnelle, anticonformiste et misant sur l’autodérision. C’est pourquoi les publicités télévisées de la marque usent du même style et du même ton pour communiquer des valeurs qui sont propres à la marque.
La société précise que cette campagne publicitaire met en avant de façon détournée une expression populaire « Quand les poules auront des dents » transformée en «Quand les cochons auront des ailes», cette expression ayant été poussée dans le spot télévisé jusqu’à représenter des cochons volants mais n’en demeure pas moins fantastique et inconcevable dans la vraie vie.
Par ailleurs ce spot joue avec humour et second degré sur la malice et l’ingéniosité d’un jeune garçon cherchant à obtenir l’accord de sa mère. L’enfant obtient gain de cause sans pour autant transgresser les lois et conditions imposées par les adultes. Il n’y a donc pas d’apologie quant à la transgression des règles mais plutôt une mise en avant de l’ingéniosité d’un enfant malicieux cherchant à convaincre sa mère pour obtenir une autorisation.
Enfin, la société rappelle que cette publicité a été validée au préalable par un avis de diffusion favorable de l’ARPP le 16 décembre 2010.
– La régie de la chaine de télévision publique rappelle que le film incriminé vise à illustrer l’expression « Quand les cochons auront des ailes », plutôt connue en français sous la forme « Quand les poules auront des dents », et signifiant l’impossibilité de survenance d’un évènement ou de réalisation d’un projet.
Le fait que les cochons soient en l’occurrence dotés d’ailes grâce à la marque, évènement évidemment impossible, est donc un traitement distancié de l’expression prise non seulement au pied de la lettre, mais même en l’occurrence à contrepied.
Il est néanmoins reproché à ce film publicitaire, par une éducatrice spécialisée, de promouvoir un produit permettant aux enfants de transgresser les interdits du monde des adultes. L’aversion personnelle déclarée par la plaignante à l’encontre de cette boisson – dont elle précise qu’elle devrait être interdite aux enfants – explique sans doute son hostilité à l’égard de cette campagne, sous couvert d’une prétendue préservation nécessaire des interdits qui ne saurait ici prévaloir.
Vouloir en effet interdire la transgression des interdits, qui selon la plaignante serait attentatoire au « développement psycho-socio-affectif des enfants », c’est très précisément nier le rôle constructeur de la fantasmagorie chez l’enfant. Sans naturellement verser dans une exégèse pseudo-bettelheimienne, il suffit de se reporter par exemple à n’importe lequel des Contes de fée pour s’apercevoir qu’il n’est très précisément question que de la transgression des interdits. Ce n’est pas pour autant à notre connaissance qu’ont été interdites aux enfants les œuvres de Perrault et des Frères Grimm.
C’est donc à juste titre que ce message publicitaire des « Cochons volants » a d’une part été validé par le service de visionnage de l’ARPP, qui ne l’a pas jugé contraire aux règles posées par sa Recommandation « Enfant », et d’autre part diffusé sur les chaînes de télévision dont les espaces publicitaires sont commercialisés par la Régie.
– L’ARPP explique que ce message s’inscrit dans le cadre d’une campagne comprenant plusieurs films et utilisant des codes habituellement associés à la marque: une saynette sous forme de dessin animé stylisé qui, par sa forme, introduit nécessairement une distance dans l’appréciation du message, un ton humoristique lié à l’absurde, la référence aux «ailes »/ à l’expression « donne des ailes » montrant des personnages ou animaux ailés.
3.Les motifs de la décision du Jury
La Recommandation «Enfant» de l’ARPP dispose, notamment, que :
Préambule :
La communication de marketing ne doit pas exploiter l’inexpérience ou la crédulité [des enfants ou des adolescents](article 18 du code CCI).
La communication de marketing ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique (article 18 du code CCI).
Le respect de ces principes doit s’apprécier selon la sensibilité du corps social à un moment donné et selon celle du public exposé à la publicité.
- Responsabilité sociale :
La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :
2/2 Elle ne doit pas légitimer des comportements qui seraient contraires aux principes de citoyenneté, aux règles du savoir-vivre, de l’hygiène de vie, de protection de l’environnement ou de respect des autres.
2/3 La publicité ne doit pas dévaloriser l’autorité, la responsabilité ou le jugement des parents et des éducateurs. »
Le Jury relève que le film publicitaire en cause qui repose d’une part, sur le détournement d’une expression populaire transformée en « Quand les cochons auront des ailes » et d’autre part, sur la malice et l’ingéniosité d’un jeune enfant qui cherche à obtenir l’accord de sa mère, n’excède pas, compte tenu du traitement visuel restant dans les codes du dessin animé pour enfant d’une histoire totalement irréelle, ce qui peut être admis au regard de la sensibilité de la majorité du public même si la dernière scène peut apparaître choquante pour certains.
Par conséquent, elle reste dans la limite de ce qu’autorisent les Recommandations précitées de l’ARPP.
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée ;
– Le message publicitaire en cause ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation Enfant ;
– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur et à l’agence, ainsi qu’aux services de télévision concernés et à l’ARPP ;
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 8 avril 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice- Présidente et MM. Benhaïm, Lacan, Leers et Raffin.