Avis publié le 26 mai 2021
Plaintes partiellement fondées
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
– après avoir entendu les représentants de la société annonceur, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
– et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
- Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 février 2021, de deux plaintes émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités en faveur d’une société, diffusées sur le site Internet de la marque, concernant deux modèles.
La première publicité présente une photographie de nuit du modèle 1, à l’arrêt, avec en arrière-plan, la pyramide du Louvre et une partie du bâtiment.
La seconde publicité montre le véhicule 2 positionné sur une voie pavée donnant accès à la cour du Louvre.
- Les arguments échangés
– Le plaignant considère que la publicité représentant le véhicule 2 sur la place du Carrousel, à l’Ouest du Louvre à Paris, dans le sens Nord vers le Sud utilise une voie fermée à la circulation générale et réservée aux bus, vélos et taxis, et ce depuis de nombreux mois. Pas moins de 4 panneaux « sens interdit » en barrent l’accès côté Nord. Pourtant de nombreux conducteurs, à l’instar de la société, font fi du code de la route et des panneaux et l’empruntent.
Selon le plaignant, cette dernière donne le mauvais exemple, en représentant sur la publicité la voiture sur une voie de bus, interdite à la circulation générale. Cela lui paraît d’autant plus problématique que les conducteurs pourraient vouloir reproduire la photo et donc enfreindre le code de la route.
Il relève également que la publicité pour le véhicule 1, le représente apparemment en stationnement, avec au fond la pyramide du Louvre et tout au fond à gauche le bras ouvert sur les Tuileries, ce qui situe le véhicule nécessairement à l’est de la pyramide du Louvre.
Or, cet espace est entièrement piéton, et en aucun cas ouvert à la circulation. Cela pourrait laisser penser au futur acheteur ou conducteur que grâce au 4×4, il peut s’affranchir du code de la route, monter sur les trottoirs et stationner ou circuler sur les espaces piétons.
– La société a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 10 mars 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.
Son représentant fait valoir les éléments suivants :
– Concernant le véhicule 2, il s’agit d’un montage photo, le véhicule ayant été intégré en post-production au fond pris en photo. L’autorisation de la mairie de Paris et celle du Musée du Louvre ont été obtenues pour organiser ce « shooting » et réaliser ce montage. Rien ne donne à penser sur ce visuel que le véhicule serait sur une voie de bus/taxis/vélos puisqu’il n’y a ni marquage, ni panneau. Par ailleurs, le véhicule est positionné dans le bon sens de circulation contrairement à ce qui est précisé dans la plainte. Toutefois, l’annonceur indique pouvoir envisager le retrait de ce visuel de ses sites internet.
– Concernant le véhicule 1, la plainte fait référence à un visuel qui est diffusé depuis trois ans sur de nombreux supports (télévision, affichage, presse ou digital) et qui a été validé par l’ARPP à de multiples reprises. Malgré sa médiatisation, ce visuel n’a d’ailleurs, jusqu’à ce jour, jamais fait l’objet de remarques.
La société rappelle les dispositions de l’article 4 de la Recommandation « Automobile » de l’ARPP, selon lesquelles la publicité pour un véhicule de tourisme : « ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du Code de la route ou les impératifs de sécurité ». Elle considère qu’il ne s’agit pas ici, de manière évidente, d’un véhicule dans des conditions normales d’usage. En effet, la voiture représentée sur ce visuel est à l’arrêt, sans conducteur, sans trace de « rouling » et n’est jamais en mouvement dans le film publicitaire dont ce visuel est issu.
L’intention de la marque est de présenter un objet de design automobile et de le mettre en résonance avec un objet de design architectural, et en aucun cas d’inciter les consommateurs à enfreindre les règles du code de la route. L’atmosphère générale du visuel est clairement fantastique. Ce visuel est utilisé depuis 2018 avec le véhicule 1 (non 4×4), il n’y a donc aucune volonté de mettre le véhicule dans une situation spécifique 4×4. Le sujet est l’électrification, symbolisée par la foudre, et le design.
L’annonceur souhaite pouvoir continuer à utiliser cette imagerie identitaire de la marque issue de son partenariat avec le Musée du Louvre.
Lors de la séance, les représentants de la société font valoir les mêmes arguments et soulignent que l’arrière-plan composé de monuments emblématiques de Paris est une caractéristique de ses campagnes publicitaires.
- L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Automobile » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose, dans son point 4 intitulé « code de la route », que :
« La publicité… ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du code de la route ou les impératifs de sécurité ».
Le Jury considère que cette règle déontologique, qui a pour objet d’éviter toute incitation à utiliser un véhicule dans des conditions contraires aux exigences qu’il mentionne, fait obstacle, en principe, à ce que la publicité représente un véhicule arrêté ou stationné en méconnaissance des articles R. 417-9 à R. 417-13 du code de la route, notamment, en vertu du 6° du III de l’article R. 417-10 de ce code, sur une aire piétonne.
Cette règle déontologique ne s’applique toutefois que si le véhicule est mis en scène « dans des conditions normales d’usage ». Cette condition est indépendante du point de savoir si le véhicule se trouve en contravention ou non avec le code de la route. Elle conduit à exclure du champ de l’interdiction posée par le point 4 de cette Recommandation le cas dans lequel le véhicule n’est pas présenté par la publicité dans sa fonction usuelle de moyen de locomotion, comme tel soumis aux prescriptions du code de la route, mais, par exemple, dans une fonction détournée ou comme un simple objet d’exposition. Parmi les indices à prendre en compte pour apprécier si le véhicule est mis en scène dans des conditions normales d’usage au sens de cette Recommandation, il y a lieu de tenir compte, notamment, de la présence ou non d’un conducteur ou de passagers, de l’accessibilité ou de l’inaccessibilité physique de l’emplacement où il se trouve, telle qu’elle ressort de la publicité, du réalisme de la mise en scène et du contexte général dans lequel le véhicule est représenté, notamment son caractère éventuellement décalé.
En premier lieu, le Jury relève que la première publicité présente une photographie de nuit du modèle 1 à l’arrêt devant la pyramide du Louvre et, en arrière-plan, une partie du bâtiment. Le ciel est traversé d’éclairs et le paysage illuminé par les halots de réverbères et l’illumination de l’intérieur de la pyramide. Le véhicule se reflète au sol comme sur un miroir, donnant le sentiment qu’il flotte sur l’eau.
Le Jury considère que l’ambiance irréelle créée par les jeux de lumière et de miroir donne à la représentation du modèle 1 un caractère fantastique où l’arrière-plan des bâtiments du Louvre apparaît comme un décor pour la voiture exposée sans conducteur. Même si l’esplanade du Louvre autour de la Pyramide est un espace piéton, une telle mise en scène irréaliste du véhicule exclut que celui-ci soit considéré comme présenté dans des conditions normales d’usage au sens du point 4 de la Recommandation précitée. La plainte visant cette publicité n’est donc pas fondée.
En revanche, le Jury constate que l’autre publicité est une photographie du véhicule 2 positionné sur une voie pavée donnant accès à la cour du Louvre, comme provenant de l’espace nommé « guichets du Louvre » qui permet la circulation depuis la rue de Rivoli.
Le Jury retient que la société ne conteste pas que le véhicule soit stationné sur une voie réservée aux bus, taxis et vélos et indique avoir obtenu l’autorisation de la mairie de Paris pour la prise de photographie du lieu et le montage avec une image du véhicule. Une telle autorisation, pour les besoins de la réalisation de la publicité, ne saurait cependant justifier sa représentation dans la publicité, afin de ne pas inciter la généralité des automobilistes à emprunter des voies ou des espaces interdits aux automobiles particulières.
Aucun élément de la photographie utilisée ne donne à penser que le véhicule ne serait pas présenté dans des conditions normales d’usage, quand bien même est-il immobile et sans conducteur ou passager visible. Le véhicule est positionné sur la chaussée, sans artifice de mise en scène ou accessoire (tel qu’un podium, un socle…), qui permettrait de l’assimiler à un objet exposé ou une pièce de collection. Enfin, contrairement à la précédente publicité, et alors même qu’il s’agit en réalité, selon les observations présentées par les représentants de la société, d’un photomontage, les conditions de sa mise en scène ne peuvent être considérées comme irréalistes pour les observateurs.
Dans ces conditions, le Jury est d’avis que, à la différence de la première publicité pour le modèle 1, la publicité pour le modèle 2 en cause méconnaît le point précité de la Recommandation « Automobile » de l’ARPP. Il prend note de ce que l’agence n’a, en aucun cas, eu l’intention d’inciter à un usage de l’automobile contraire au code de la route et de ce qu’il n’est pas envisagé de réutiliser ce visuel pour d’autres campagnes publicitaires.
Avis adopté le 2 avril 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.