Andros – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 4 octobre 2022
ANDROS – 856/22
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Andros, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 mai 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de communications publicitaires de la société Andros, pour promouvoir son offre de gourdes de compotes recyclables.

La page du site internet en cause comporte un bandeau de tête qui représente la gourde de compote entourée de fruit et de branches stylisées, avec le texte : « le geste qui compte triple ». Juste en-dessous figure le texte « 1, 2, 3, Faites le geste qui compte triple ! Avec une seule gourde recyclable Andros, faites chaque jour 3 actions bonnes pour vous et pour la planète. ». Plus bas, la page affiche trois bandeaux :

  • Le premier, sur fond jaune, énonce : « 1- Dégustez pleiiin de bons fruits à chaque pause », accompagné de la gourde et de fruits ;
  • Le deuxième représente une branche d’arbre stylisée à laquelle sont accrochées une pomme, une poire et une gourde de compote elle-même stylisée de laquelle s’approche une main, ainsi que le texte «2- Explorez de nouvelles saveurs » ;
  • La troisième, sur fond jaune, reproduit le texte : « 3- Agissez pour la planète en triant la gourde avec son bouchon », assorti d’une poubelle de recyclage stylisée dans laquelle une main place la gourde fermée.

Juste en-dessous de ce dernier bandeau, la gourde est de nouveau représentée à côté d’une poubelle jaune, avec les textes : « à trier avec son bouchon », « La gourde recyclable » et « La gourde recyclable Andros est composée de polypropylène, une matière recyclable. Vous pouvez tranquillement la jeter dans le bac de tri, bouchon inclus* ! ».

Une vidéo, également critiquée, est accessible depuis cette page. Elle comporte en substance les mêmes visuels et textes, en animation.

2. La procédure

La société Andros a été informée, par courrier avec accusé de réception du 9 juin 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Son représentant a, comme le prévoit le règlement intérieur, sollicité la tenue d’une séance afin de présenter oralement ses arguments.

Par suite, il a fait état de son impossibilité matérielle de produire des arguments détaillés dans les délais impartis et a sollicité un report. L’examen de cette affaire initialement prévu pour le 1er juillet 2022 a été reporté à la séance du 9 septembre 2022.

3. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que les gourdes de compotes sont présentées suspendues aux branches d’un pommier et d’un poirier, à côté de fruits, comme si ces produits poussaient directement sur les arbres.

A ses yeux, l’allégation « faites chaque jour 3 bonnes actions […] pour la planète » et « agissez pour la planète » sont excessives et de nature à induire le public en erreur sur la réalité de l’impact écologique de ces produits. Le public pourrait penser que les trois gestes indiqués sont de « bonnes actions pour la planète ».

Ensuite, acheter une compote en gourde et la jeter dans le bac de tri ne peut pas être décrit comme une « bonne action » : c’est un moindre mal, par exemple que de jeter la gourde dans la nature ou dans la poubelle classique.

En outre, « Agir pour la planète », c’est acheter et manger des fruits frais, non transformés (et bio si possible). La fabrication des compotes et des gourdes et leur transport ont des impacts négatifs sur l’environnement. Sans remettre en cause le bien-fondé de la démarche de l’annonceur de mettre sur le marché une gourde recyclable, les allégations ne respectent pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Par ailleurs, la représentation visuelle des gourdes comme poussant sur les arbres, au même titre que les fruits, est trompeuse. Elle présente ces produits comme totalement naturels, ce qui n’est bien évidemment pas le cas.

La société Andros fait valoir que la description de la publicité et la plainte font état d’éléments erronés voire dénigrants, qui dépassent les pouvoirs du JDP. Par ailleurs, loin de s’affranchir des règles déontologiques émises par l’ARPP, Andros s’est efforcée, dans le cadre de cette communication, de proposer au consommateur une solution innovante dans ses habitudes de consommation sans exagérer le caractère « durable » de son action.

La société estime que la publicité critiquée est proportionnée, claire et loyale. Le premier message et le second sont dans des polices de caractère différentes, évitant ainsi toute emphase sur la planète. En outre, la plainte effectue un raccourci simplificateur puisqu’il ne s’agit pas de faire de « bonnes actions […] pour la planète » (la phrase est tronquée de façon très opportune) mais bien « 3 actions bonnes pour vous et pour la planète ». De même, il n’est pas écrit « agissez pour la planète » mais bien : « agissez pour la planète en triant la gourde avec son bouchon ».

Le consommateur sait donc que, sur trois gestes :

  • deux gestes lui sont destinés directement (la dégustation de fruits et l’exploration de nouvelles saveurs) ;
  • un geste, le tri, est destiné à une action pour la planète au travers d’un effort de recyclage. La vidéo qui suit directement la phrase incriminée ne laisse d’ailleurs aucun doute à cet égard.

Il s’agit donc bien de souligner le pilier « environnemental » du développement durable par un message strictement proportionné, clair et loyal pour le consommateur, puisque l’action pour la planète à laquelle ce dernier est invité à participer est strictement limitée à l’effort de tri dans le bac jaune de la gourde recyclable Andros. Prétendre que la communication présente la « gourde recyclable » comme « bonne pour la planète » est une interprétation parfaitement fausse. C’est bien l’action de tri qui est présentée comme bonne pour la planète et non la gourde elle-même.

La communication est donc en parfaite conformité avec la Recommandation « Développement durable », notamment ses articles 3, 4 et 5.

D’autre part, la plainte porte sur des éléments excédant les pouvoirs du JDP : le plaignant profite de sa plainte pour émettre un jugement de valeur sur la qualité des produits Andros et estime que la présentation d’une gourde sur un arbre « présente ces produits comme totalement naturels, ce qui n’est bien évidement pas le cas ». Cette affirmation sur l’absence de naturalité des produits Andros est parfaitement fausse et dénigrante, la composition des produits étant au contraire totalement naturelle. En outre, le JDP ne dispose pas des pouvoirs pour se prononcer sur la qualité des produits présentés, en application de l’article 2.1 de son Règlement intérieur.

Quant à la représentation visuelle des « gourdes comme poussant sur les arbres », il s’agit d’une hyperbole humoristique parfaitement autorisée en matière de communication et reconnue par la Cour de cassation, le consommateur moyen raisonnablement attentif et avisé sachant parfaitement qu’une gourde ne pousse pas directement sur un arbre.

La comparaison avec des biscuits apéritifs est inopérante, ceux-ci n’ayant rien à voir avec l’univers fruitier et étant bien plus transformés que des fruits réduits en compote.

Sur l’allégation « Le geste qui compte », Andros souhaite attirer l’attention du JDP sur le contexte entourant la communication objet de la plainte et sur les efforts réalisés par cette dernière pour s’assurer d’une bonne compréhension par le consommateur de l’importance du tri de cette nouvelle gourde. Par an, plus de 600 millions de gourdes de compote sont consommées en France et n’étaient pas recyclables jusqu’à ce qu’Andros parvienne à développer la gourde en mono-matériau polypropylène. Les consommateurs étant habitués depuis de nombreuses années à jeter les gourdes vides avec les ordures ménagères, il s’est révélé particulièrement important d’accompagner ces derniers dans la prise de nouvelles habitudes de recyclage sur ce type de produit.

Le site internet et les trois gestes dont il est fait état dans la communication s’inscrivent donc dans un cadre large de communication d’Andros, le « geste qui compte », c’est-à-dire le geste de tri. Depuis janvier 2021, par le biais de multiples communications notamment sur les réseaux sociaux, Andros invite en effet le consommateur à faire « le geste qui compte » (sans référence à la planète) en précisant qu’il convient de recycler les gourdes dans le bac de tri ou « bac jaune ». A cet effet, les coloris utilisés pour cette campagne sont systématiquement des teintes jaunes, assimilables au bac de recyclage, et non vertes, couleur utilisée à outrance par de nombreux communicants dès qu’il s’agit d’évoquer la durabilité d’un produit.

Les communications ont été réalisées en portant une attention particulière à l’octroi d’une communication loyale aux consommateurs, aux propositions de la Recommandation « Développement Durable » et du Guide anti-greenwashing de l’ADEME.

L’annonceur souligne que Andros reste très attentive à la loyauté de ses communications et porte une grande attention à leur rédaction et leur diffusion.

Lors de la séance, la société Andros a indiqué qu’elle faisait l’objet pour la première fois d’une plainte devant le JDP. Elle a précisé que la justice, saisie par un concurrent, avait confirmé le caractère recyclable de la gourde. Elle a repris en substance son argumentation écrite.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».

  • au titre de la clarté du message (point 4) :

« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP (…) »

  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.

7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.

  • au titre de la présentation visuelle ou sonore (point 8) :

« 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.

8.2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.

8.3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.

8.4 Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure. »

Le Jury relève que la publicité en cause invite le consommateur à effectuer le « geste qui compte triple » avec une seule gourde de compotes recyclable de la marque Andros, qui correspond à trois actions « bonnes pour vous et pour la planète », à savoir « dégustez plein de bons fruits à chaque pause », « explorez de nouvelles saveurs » et « agissez pour la planète en triant la gourde avec son bouchon ».

Le Jury relève en premier lieu que, si les termes « bonnes pour vous et pour la planète » sont placés en facteur commun des trois actions subséquemment décrites, le consommateur peut aisément comprendre que les deux premières se rapportent à l’allégation « bonnes pour vous », relatives aux caractéristiques organoleptiques et sanitaires du produit, alors que la troisième se réfère sans ambiguïté à l’allégation « bonne pour la planète ».

Il constate en deuxième lieu que, ainsi que l’indique l’annonceur dans ses observations écrites et orales, il n’est pas allégué que l’achat et la consommation d’une gourde de compote Andros seraient, en soi, des actions favorables à l’environnement – allégation qui serait contraire aux règles déontologiques précitées compte tenu de l’impact négatif de l’activité de fabrication, de distribution et de consommation de ces produits. La publicité critiquée entend seulement valoriser le caractère recyclable des gourdes commercialisées par l’annonceur, en tant qu’élément différenciant des produits de ses concurrents, en incitant la personne qui a déjà acheté une telle gourde et en a consommé le contenu à accomplir, dans sa situation, la meilleure action pour l’environnement que constitue son placement dans le bac de recyclage, par comparaison à son élimination dans les ordures ménagères ou, pire, son rejet dans la nature. Ce faisant, il n’est pas prétendu que le recyclage serait dépourvu d’impact environnemental et que l’achat de gourdes recyclables Andros aurait un impact équivalent à celui de l’achat de fruits frais.

En troisième et dernier lieu, en revanche, il résulte des termes mêmes du point 8.4 de la Recommandation mentionnée ci-dessus qu’une publicité recourant à un argument écologique ne peut assimiler directement un produit ayant un impact négatif pour l’environnement à un végétal, que le consommateur soit ou non induit en erreur par cette présentation. Ce faisant, la profession a entendu exclure les raccourcis visuels de nature à sur-valoriser le caractère naturel d’un produit manufacturé et à donner le sentiment au consommateur, le cas échéant inconsciemment, qu’il acquiert un produit 100 % naturel, assimilable en tous points à un fruit, un légume, une fleur ou une plante.

En l’espèce, et ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la publicité critiquée recourt à un argument écologique, en valorisant le caractère recyclable de la gourde et sa mise au recyclage comme un bon geste pour la planète. En outre, ce produit, en dépit de sa recyclabilité, présente indéniablement un impact négatif sur l’environnement, compte tenu notamment de l’empreinte carbone des différentes phases de son cycle de vie. Dans ces conditions, et alors même que le consommateur moyen n’est pas induit en erreur par la représentation de gourdes poussant sur les arbres dans la mesure où il est, à l’évidence, à même de comprendre qu’il est ainsi fait référence aux fruits qui composent les compotes qu’elles contiennent, une telle présentation visuelle, assimilant directement la gourde à un fruit poussant sur un arbre, donc à un végétal, est contraire à cette règle déontologique. Le Jury précise à cet égard qu’il est sans incidence que ces éléments visuels figurent en regard du geste 2 (« explorez de nouvelles saveurs »), qui ne constitue pas un argument écologique, dès lors que le point 8.4 s’attache seulement à la présence d’un tel argument dans la publicité dans son ensemble ; au demeurant, l’argument de recyclabilité étant le propos central de la communication en cause et ces différents éléments étant juxtaposés, le consommateur moyen est naturellement amené à les rapprocher.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît uniquement le point 8.4 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 9 septembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicités Andros