JDP Avis n°704/21 – ALIMENTATION POUR CHIENS ET CHATS – Plainte fondée – Demande de révision rejetée

Avis publié le 26 janvier 2021
Plainte fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,
  • et compte tenu de la demande de révision présentée par l’annonceur dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 13 novembre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités d’une société faisant la promotion de ses produits d’alimentation pour animaux familiers.

Les publicités, diffusées sur le site Internet de la marque, montrent différentes photographies de chiens et de chats, des produits alimentaires ne figurant pas dans sa composition (pommes de terre, céréales, huiles végétales…) ainsi qu’un poulet rôti.

Le site qualifie les produits d’« aliments naturels écologiques pour chiens et chats ». Il précise que les croquettes « R… » comportent « le maximum de viande possible et le minimum de glucides possible » et que les croquettes « E…» constituent « un compromis avec légèrement moins de viande et plus de glucides que R… ».

S’agissant du produit « R… chat », un visuel de chat est accompagné des allégations suivantes : « Prévient des risques de diabète de type 2, d’obésité, pancréatite, et de cancer », « Est la plus adaptée aux chats stérilisés, mais aussi aux chats souffrant de diabète et de surpoids », « Régule naturellement la sensation de faim » et « Prévient l’inflammation de l’organisme ». Un autre précise que le produit « prévient aussi parfaitement les problèmes urinaires et rénaux ».

S’agissant du produit R… chien, un visuel de chien est accompagné des allégations : « « Prévient des risques de diabète de type 2, d’obésité, pancréatite, et de cancer », « Est la plus adaptée aux chien stérilisés, mais aussi aux chiens souffrant de diabète et de surpoids », « Régule naturellement la sensation de faim », et « Est anti-inflammatoire pour l’organisme ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant déplore que le site Internet de la marque présente les aliments pour chiens et chats qu’elle commercialise comme « naturels » et « écologiques », avec une représentation graphique des produits carnés par un poulet rôti ainsi que, s’agissant des produits « R… chiens » et « R… chats », des allégations santé.

La société a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 décembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait part de son étonnement à l’égard de cette plainte dans la mesure où les visuels et allégations critiqués ne figurent pas sur ses sites internet. Elle précise qu’elle s’est mise en relation avec la DGCCRF afin de clarifier certains points, dont elle ne précise pas la teneur.

3. L’avis provisoire du Jury et la procédure de révision

A l’issue de sa séance du 8 janvier 2021, le Jury a rendu un avis concluant à la méconnaissance, par les publicités litigieuses, de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP sur plusieurs points et du point 7.3. de la Recommandation « Développement durable ».

Par courriel en date du 20 janvier 2021, la société, auquel cet avis a été notifié, a saisi le Réviseur de la déontologie publicitaire d’une demande de révision de l’avis du Jury.

Par courriel en date du 26 janvier 2021 (dont copie figure en annexe du présent avis), le Réviseur de la déontologie publicitaire a estimé la demande recevable mais non fondée, au motif qu’aucun élément nouveau n’a été produit à l’appui de cette demande, que la procédure prévue par le règlement intérieur du Jury a été respectée et que le demandeur ne fait état d’aucune critique sérieuse et légitime de l’avis, portant sur l’interprétation d’une règle déontologique.

L’avis du Jury est en conséquence devenu définitif, dans la version reproduite ci-dessous, qui tient compte des démarches effectuées par la société et des observations qu’elle a présentées dans le cadre de la procédure de révision.

4. L’analyse du Jury

4.1. Sur l’existence des publicités mises en cause

La société laisse entendre dans sa réponse que son site internet ne comportait pas, à la date de la plainte, les visuels et textes critiqués, en faisant part de son étonnement au Jury sur les termes de cette plainte.

Or il ressort des captures d’écrans réalisés par le secrétariat du Jury à la réception de la plainte, comme d’ailleurs de la consultation de sites archivant les pages internet passées, que les éléments critiqués figuraient effectivement sur ce site internet, qui a, depuis lors, été modifié afin de les supprimer (disparition du poulet rôti, reformulation des allégations à caractère sanitaire…).

Le Jury se prononcera donc sur ces publicités telles qu’elles étaient diffusées sur ce site internet à la date de réception de la plainte, comme il est tenu de le faire.

4.2. Sur la conformité des publicités aux règles déontologiques

Le Jury rappelle tout d’abord qu’en vertu du point 7.3. de la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité  (ARPP) : « Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

Or il constate que les publicités en cause prétendent que les aliments pour chiens et chats commercialisés par la société sont « écologiques », sans la moindre relativisation. Ce terme ne semble d’ailleurs renvoyer qu’à l’absence d’ « ajout chimique » et d’ « expérimentation animale », sans qu’il soit fait état de l’impact écologique de la production du produit. Elles méconnaissent par suite cette règle déontologique.

Le Jury rappelle ensuite que la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP, dispose, dans son point 1, que :

« 1. TOUTE CONFUSION AVEC DES PRODUITS DESTINES A L’ALIMENTATION HUMAINE DOIT ETRE EVITEE

« 1.1 La publicité doit proscrire toute tromperie dans la représentation graphique ou photographique des matières d’origine animale entrant dans la composition des produits, en particulier par l’insertion dans la communication commerciale, d’images suggestives trop valorisantes par rapport aux matières premières réellement utilisées.

Exemples : (…) – poulet entier, pour des sous-produits de poulet ou des protéines animales transformées (farines), destinés à l’alimentation animale (…) ».

Le point 2. (VOCABULAIRE) de la même Recommandation dispose que :

« 2.1 Sans préjudice de l’utilisation réglementaire de la catégorie « viandes et sous-produits animaux » dans la composition (liste des ingrédients), les termes « viande ou viandes » ne peuvent être employés que si la matière utilisée est du muscle squelettique. »

Et « 2.3. Le terme « naturel » peut être employé uniquement pour décrire une substance (issue de plantes ou d’animaux, micro-organisme, minéraux) à laquelle rien n’a été ajouté, mais qui peut avoir été l’objet d’un traitement physique rendant possible son utilisation en petfood, tout en maintenant sa composition d’origine ».

Enfin, le point 3 (SANTE) de cette Recommandation prévoit que :

« 3.1 Les allégations faisant référence au traitement, à la guérison ou à la prévention d’une maladie sont considérées comme des allégations médicales. Le produit est alors un « aliment médicamenteux » ce qui le place dans la catégorie des médicaments vétérinaires. / En conséquence, pour les aliments n’entrant pas dans cette catégorie, les termes tels que « traite, soigne, soulage ou guérit » sont prohibés. (…) ». Par exemple : réduit les récidives de signes de cystite idiopathique féline / réduit le risque de formation des calculs d’oxalate de calcium et de struvite / enrichi en taurine et en L-Carnitine pour aider à soutenir le muscle cardiaque… ».

Le Jury constate, en premier lieu, que les publicités en cause utilisent l’image d’un poulet rôti entier pour promouvoir des produits alimentaires pour animaux familiers. Elles méconnaissent donc directement le point 1.1. de la Recommandation précitée.

Il relève, en deuxième lieu, qu’il est fait état de ce que les produits comportent de la « viande », et même, pour l’une des gammes (R…), un « maximum de viande possible ». Or il ne ressort ni du site internet, ni des observations présentées par la société que la matière utilisée serait du muscle squelettique et, à tout le moins, que les produits de la gamme Référence comprendraient un maximum de muscle squelettique possible. Par suite, ces publicités ne respectent pas le point 2.1. de cette Recommandation.

Le Jury constate, en troisième lieu, que les publicités critiquées prétendent que les aliments commercialisés seraient « naturels ». Or le point 2.3. de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » reproduit ci-dessus précise que le terme « naturel » ne peut être employé que pour décrire une substance précise à laquelle rien n’a été ajoutée et dont la composition d’origine n’a pas été modifiée. Il en résulte nécessairement que cette règle déontologique fait obstacle à ce qu’un produit alimentaire pour chat ou chien qui résulte du mélange d’une multitude de substances, naturelles ou non, soit qualifié, globalement, de « naturel ». En l’occurrence, il ressort du site internet que les produits promus sont composés de nombreux ingrédients de diverses natures et origines (animale, végétale, additifs nutritionnels…). Ce point 2.3. est donc également méconnu.

Enfin, les allégations « Prévient des risques de diabète de type 2, d’obésité, pancréatite, et de cancer », « Prévient l’inflammation de l’organisme » (ou « anti-inflammatoire pour l’organisme ») et « Prévient aussi parfaitement les problèmes urinaires et rénaux » font référence à la prévention de maladies et doivent donc être considérées comme des allégations médicales. Or les produits promus ne constituent nullement des médicaments vétérinaires, qui bénéficieraient des autorisations prévues par le code de la santé publique. En outre, la société n’a nullement justifié de la véracité de ces allégations sanitaires. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, elle a, à l’inverse, modifié son site internet afin de préciser que la composition de ses produits « ne favorise pas l’apparition du diabète de type 2, de l’obésité et du cancer » et « ne favorise pas l’inflammation de l’organisme », ce qui a un sens très différent. Le Jury estime que les formulations critiquées, telles qu’elles figuraient sur le site internet de la boutique de l’entreprise à la date de la plainte, sont susceptibles d’induire en erreur les consommateurs sur les vertus prophylactiques réelles des produits, et traduisent une méconnaissance du point 3.1. de la même Recommandation.

Il résulte de ce qui précède que les publicités en cause, telles qu’elles étaient diffusées à la date à laquelle le Jury a été saisi, méconnaissent à l’évidence le point 7.3 de la Recommandation « Développement durable » et les points 1.1., 2.1., 2.3. et 3.1 de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP.

Le Jury prend note de ce que la société a modifié son site internet afin de supprimer les allégations contestées. Il ne lui appartient pas d’apprécier la conformité des nouvelles allégations aux règles déontologiques, dès lors qu’elles ne font pas l’objet d’une plainte.

Avis adopté le 8 janvier 2021, par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.


DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

A) Par demande formulée par un courriel du 20 janvier 2021 à 14 h 56, l’annonceur a souhaité une révision de l’avis délibéré par le Jury de Déontologie publicitaire (JDP) le 8 janvier 2021 à propos de publicités pour des produits à sa marque, contenues dans diverses mentions formulées sur le site de la société, afin que sa nouvelle rédaction fasse état :

  • de ce que « nous présentons nos sincères excuses au plaignant et que malheureusement ces erreurs étaient dues à un manque de connaissances juridiques de notre part » ;
  • de ce que « nous avions procédé aux changements nécessaires sur nos sites avant même d’avoir été informé de la plainte soumise au JDP » ;
  • de ce que, « dans notre volonté de bien faire, nous avons même décidé de demander conseil auprès de la DGCCRF (…) ».

A la lecture du Règlement Intérieur qui gouverne la mission du Jury et celle du Réviseur, il apparaît clairement qu’une plainte devant le Jury ou une demande de Révision ne peuvent avoir d’autre but que d’apprécier la conformité aux règles de déontologie d’une publicité telle qu’elle est diffusée à la date à laquelle la plainte a été déposée.

Si le Jury peut certes prendre acte de ce que cette publicité n’est ensuite plus diffusée en l’état, une telle modification ne prive pas d’objet la procédure et n’autorise donc pas le Jury à classer la plainte et à s’abstenir de rendre un avis.

En outre, le JDP, parce qu’il ne peut pas s’auto-saisir, n’est par suite pas compétent pour contrôler, dans notre affaire, si la nouvelle version du site internet, qui n’est pas visée par la plainte, est ou non conforme aux règles déontologiques. Cet examen relève de la mission de conseil préalable de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), à laquelle l’annonceur peut, s’il le juge utile, adhérer pour en bénéficier.

Par suite, l’objet-même des demandes de Révision, tel qu’il est formulé, n’est pas au nombre de ceux qui peuvent être retenus.

B) S’agissant du fond de l’avis que la société critique, elle ne fait état d’aucune « critique sérieuse et légitime de cet avis, portant sur l’interprétation d’une règle déontologique » (Art. 22-1 du Règlement du JDP).

C) Pas plus elle ne fait état de la survenance d’un quelconque élément nouveau qui serait de nature à remettre en cause les appréciations formulées par le Jury pour conclure aux manquements qu’il impute à ses publicités.

D) S’agissant de la procédure enfin, l’annonceur regrette de n’avoir pas « eu l’occasion d’échanger sur le sujet ».

Sur ce point, le Réviseur est en mesure de formuler les observations suivantes.

1) le 7 décembre le Président du JDP :

  • a transmis à l’annonceur la plainte à l’encontre de ses publicités en cause adressée au Jury le 13 novembre ;
  • l’a informé que celles-ci seraient examinées selon « la procédure simplifiée », en précisant toutefois (conformément à l’article 12 du règlement intérieur), que, en tant que responsable de ces publicités, il pouvait, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de son courriel, demander expressément à être entendu lors d’une séance ;
  • a précisé que ces publicités « correspondent à un cas relevant d’un manquement flagrant aux dispositions de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP » ;
  • et l’a invité à lui « faire parvenir par écrit (…) tous éléments et arguments utiles ».

2) Par une réponse laconique (votre courriel du 11 décembre), l’annonceur a déclaré : « Je suis surpris de recevoir votre message car il se trouve que les points soulevés par cette plainte ne figurent pas sur nos sites (…) ».

Cette réponse était peut-être exacte à la date où elle fut écrite (11 décembre 2020), mais erronée à la date de la plainte (date qui avait été explicitement portée à la connaissance de la société), car elle ne conteste finalement pas (en Révision) qu’à cette dernière date – celle à laquelle le Jury est tenu de se placer pour statuer – les mentions publicitaires en litige figuraient bien sur le site.

3) Toujours dans sa réponse du 11 décembre, l’annonceur mentionne également que « concernant notre site, nous avons quelques interrogations que nous avons soumises à la DGCCRF. »

Mais :

  • d’une part cette saisine de la DGCCRF n’est pas de nature à empêcher le Jury de procéder aux analyses de conformité qui sont dans sa mission quand il est saisi d’une plainte, de même que, réciproquement, la DGCCRF n’est en rien tenue par les avis rendus par le Jury. Les deux procédures sont parfaitement étanches ;
  • d’autre part, et surtout, la réponse se garde de préciser en quoi consistaient les interrogations et sur quoi elles portaient.

4) Enfin la société n’a pas jugé utile de recourir à la faculté (article 12 du règlement du JDP) qui lui a été offerte de demander à être entendu par le Jury lors d’une séance.

Des divers documents ou circonstances qui précèdent il ressort donc que, cette absence d’échange d’arguments résultant du fait de l’annonceur, elle ne peut par suite être prise en compte pour accueillir la demande de Révision.

E) Pour conclure, le Réviseur constate qu’aucune des conditions mentionnées à l’article 22-1 du Règlement intérieur du Jury n’est réunie pour donner lieu à un second examen de l’affaire en cause par le JDP.

Toutefois, le Réviseur et le Président du Jury – pour tenir compte du fait que la société a finalement fait preuve d’un certain sens des responsabilités d’annonceur, en modifiant ou supprimant du site les mentions qui enfreignaient les dispositions déontologiques applicables – sont convenus que la rédaction de l’avis définitivement publié sera, comme elle l’a souhaité, corrigée afin d’une part de supprimer le troisième paragraphe du point 3.1. de l’avis qui lui a été notifié et d’autre part mentionner à la fin de cet avis que le JDP prend note de ce que l’annonceur précise avoir modifié son site (ce qui ne vaut toutefois pas brevet de conformité).

F) De tout ce qui précède il résulte que :

  • la demande de Révision est recevable et sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury (Article 22-2 du Règlement Intérieur du JDP) ;
  • aucun « élément nouveau » (au sens du Règlement intérieur) n’est apparu depuis l’examen de la plainte initiale par le JDP ;
  • la « procédure » menée devant le Jury n’a pas été contraire au Règlement intérieur du JDP ;
  • l’Avis en cause n’est entaché d’aucune « critique sérieuse et légitime, portant sur l’interprétation d’une règle déontologique ».

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause ni de réformer l’Avis contesté – sauf pour y mentionner lademande de Révision, et pour corriger la rédaction sur les deux points mentionnés au § 2 du E) ci-dessus du présent courrier.

C’est en cette forme et sous ces conditions que l’avis en cause (mentionnant en outre larequête en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et qu’il sera publié – accompagné du présent courrier, lequel constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire