AMAZON EUROPE – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 16 juin 2022
AMAZON EUROPE – 802/21
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • l’avis délibéré ayant été adressé au plaignant ainsi qu’à la société Amazon Europe, laquelle a introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 de ce règlement ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes intéressées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 3 juin 2022, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants de la société Amazon Europe,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 novembre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée sur Internet, en faveur de la société Amazon Europe, pour promouvoir son offre de livraison par véhicules électriques.

La publicité en cause, montre un homme en gilet jaune s’apprêtant à ouvrir la porte arrière d’une voiture de livraison. Celle-ci porte l’inscription : « Je livre électrique pour une ville propre ».

Le texte accompagnant cette image est « A pied, à vélo ou en véhicule électrique, Amazon s’engage à vous livrer de façon plus écologique. A Paris, 2/3 de nos livraisons sont sans émission carbone ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que cette publicité ne respecte pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

En effet, un véhicule de livraison électrique a nécessairement un impact environnemental, pendant toutes les phases de son cycle de vie, y compris la phase de roulage dès lors que l’électricité d’origine renouvelable possède une intensité carbone qui ne saurait être nulle, même adossée à un système de compensation carbone.

L’annonceur, avec la mention « sans émission carbone » induit le public en erreur et minimise l’impact écologique de son activité.

La société Amazon Europe a été informée, par courriel avec accusé de réception du 19 novembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société Amazon Europe n’a pas présenté d’observations.

3. L’avis délibéré par le Jury le 10 décembre 2021

Lors de sa séance du 10 décembre 2021, le Jury a adopté un avis faisant droit à la plainte au motif que la publicité critiquée méconnaissait les points 1.1., 2.1 et 3.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

4. La demande de révision et les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

La société Amazon Europe a introduit une demande de révision contre l’avis délibéré le 10 décembre 2021. L’affaire a été réexaminée lors de la séance du 3 juin 2022 au cours de laquelle le Réviseur de la déontologie publicitaire a présenté les conclusions suivantes :

Ce dossier Amazon pose un problème de procédure autant que de fond.

A) Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 novembre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, afin de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée par Internet, en faveur de l’annonceur Amazon Europe, pour vanter l’offre de ses livraisons assurées “de façon plus écologique”.

La publicité en cause montre un homme en gilet fluorescent manœuvrant la porte arrière d’une voiture de livraison ; sur celle-ci on lit : « Je livre électrique pour une ville propre ».

Les deux textes accompagnant cette image sont : « A pied, à vélo ou en véhicule électrique, Amazon s’engage à vous livrer de façon plus écologique » et « A Paris, 2/3 de nos livraisons sont sans émission carbone ».

Huit jours plus tard, la société Amazon Europe est informée, par courriel avec accusé de réception du 19 novembre 2021, de la plainte (dont copie lui est transmise, l’anonymat du plaignant étant protégé) ainsi que des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur est également informé de ce que cette affaire fera l’objet d’un examen en application de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury, à moins qu’Amazon ne demande expressément, dans un délai de 15 jours, la tenue d’une séance avec audition des parties.

Cette communication n’est suivie d’aucune réaction de la société Amazon Europe, laquelle ne présente ainsi pas d’observations.

Le 10 décembre, le Jury délibère l’avis qui est aujourd’hui en litige, après quoi cet avis est notifié aux parties (dont Amazon) le 15 décembre, par un courriel avec accusé de réception, courriel qui mentionne en outre la faculté de “former une demande en Révision” (dans un délai de 15 jours).

Ces délais de recours en Révision ayant expiré, l’avis du JDP est alors, conformément au Règlement, publié sur le site du Jury le 4 janvier 2022.

Plus de deux mois plus tard, par un courriel du 22 mars 2022, la société Amazon informe le Président du JDP de ce qu’elle :

  • a découvert, “par hasard”, l’avis du JDP la concernant ;
  • n’a reçu notification ni de la plainte initiale, ni de l’avis délibéré par le Jury ;
  • demande au Jury “d’organiser une audition qui lui permettrait de faire valoir ses arguments, dans le respect du contradictoire” ;
  • sollicite, en attendant, que l’avis litigieux soit retiré du site du JDP.

Par réponse du 25 mars, le secrétariat du Jury informe Amazon que :

  • le règlement du JDP “ne permet pas [au Jury] de revenir de lui-même sur un avis rendu”,
  • la demande de l’annonceur “est donc analysée comme une demande de Révision”,
  • comme telle, cette demande est “transmise au Réviseur pour examen”.

B) Ainsi saisi de cette demande, le Réviseur constate que :

  • les pièces du dossier ne permettent d’établir, de manière formelle, ni que les documents adressés par le secrétariat du JDP à l’annonceur ont fait l’objet d’un accusé de réception, ni qu’à l’inverse ils ont fait l’objet d’un message d’erreur ou de non réception ;
  • il en résulte un doute sur la connaissance qu’a pu avoir Amazon de ces documents, et par suite un doute sur le respect du contradictoire dans l’examen de la plainte contre la publicité en litige ;
  • or le contradictoire est l’une des exigences fondamentales qui gouvernent la procédure devant le JDP ;
  • par suite, puisque doute il y a, le Réviseur estime que ce doute doit profiter à la partie à qui peut faire grief la position adoptée par le Jury – en l’occurrence l’annonceur, dès lors le JDP a estimé la publicité Amazon contraire à la déontologie publicitaire.

Dès lors, à titre exceptionnel, et compte tenu des circonstances de l’affaire, le Réviseur estime que la réception par Amazon de l’avis délibéré par le Jury n’étant pas établie de manière formelle, la date à partir de laquelle peut être introduit un recours en Révision n’est donc pas non plus établie.

Dans ces conditions, et faute de date certaine, il n’est pas possible de déclarer irrecevable pour tardiveté la demande d’Amazon considérée comme un recours en Révision.

C’est pourquoi le Réviseur, estimant que la demande d’Amazon revient à soutenir que la procédure devant le Jury n’a pas été menée conformément au règlement du JDP” (article 22.1 du Règlement), il se rapproche alors “du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis dont la révision est demandée et procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis” (même article 22.1).

Sur la base des éléments qui précèdent, le Réviseur décide donc que :

  • la demande d’Amazon doit s’analyser comme un recours en Révision ;
  • ce recours est recevable ;
  • l’affaire doit faire l’objet d’une seconde délibération devant le Jury, au cours d’une séance à laquelle les parties peuvent participer ou être représentées ;
  • en attendant, la publication de l’avis contesté sur le site du JDP doit être suspendue.

Le Réviseur informe alors Amazon des décisions qui précèdent et l’invite (courriel du 1er Avril 2022) à lui faire parvenir “tous éléments ou arguments utiles” dans un délai de deux semaines.

Dans ce délai, Amazon produit un mémoire en réponse à la plainte initiale, en deux exemplaires, dont l’un – destiné au plaignant – est expurgé de quelques chiffres que l’annonceur réserve au Jury mais qu’il ne souhaite pas communiquer au plaignant en raison du “secret des affaires” (tel que visé à l’article 12-2° du Règlement du JDP).

C’est cette version expurgée qui a été communiquée au plaignant, en lui précisant que dans l’examen de ce recours, “il va de soi que, par équité, ni le Jury ni le Réviseur ne pourront se fonder sur ces éléments occultés par l’annonceur”.

Le plaignant ayant à son tour répondu au mémoire d’Amazon, tous les éléments sont réunis pour permettre au Jury, en seconde délibération, de régler ce litige.

C) Dans l’avis contesté, le Jury relève d’abord “que la publicité litigieuse allègue que deux tiers des livraisons réalisées par Amazon à Paris sont « sans émission carbone », en raison du recours à la livraison pédestre, au vélo et aux véhicules électriques”.

Or, poursuit le JDP dans l’avis en litige, “toute livraison comporte des incidences directes ou indirectes en termes d’émissions de dioxyde de carbone, en tenant compte de l’ensemble des étapes de la prestation. Ainsi, si le fait de livrer un colis en vélo ou en véhicule électrique n’occasionne aucune émission directe en phase de roulage, tel n’est pas le cas de toute la phase amont, dès réception de la commande, incluant la préparation du colis et sa mise à disposition dans des hubs”.

L’avis litigieux en induit que “la publicité litigieuse laisse ainsi abusivement accroire au client parisien d’Amazon que la commande qu’il passe n’entraînera aucune émission de gaz à effet de serre, l’incitant à commander davantage encore, donc à occasionner plus de nuisances environnementales”.

Et le Jury d’en conclure “que cette publicité méconnaît les dispositions déontologiques rappelées” par lui dans l’avis.

1) Dans le mémoire qu’elle produit en Révision pour demander la réforme de cet avis, Amazon commence par longuement rappeler diverses considérations générales, parmi lesquelles :

  • sa “volonté d’être l’entreprise la plus tournée vers ses clients au monde”,
  • son objectif de tendre vers un avenir zéro émission nette de CO2″,
  • sa décision de cofonder, en 2019 (avec Global Optimism), The Climate Pledge, afin “d’impulser une action collective multisectorielle”,
  • le fait qu’une “étude récente est venue démontrer le progrès que représente le commerce en ligne par rapport au commerce physique en matière d’émission de CO2”.

Pour intéressantes que soient ces considérations, elles ne répondent pas aux analyses contenues dans l’avis incriminé – notamment sur les opérations de “livraison”, qui sont au cœur du litige.

2) De fait, dans notre langage courant, un acte de livraison recouvre un double sens :

  • au sens étroit (première interprétation), c’est l’acte de transport de l’objet commandé par le consommateur, qui permet de strictement acheminer ce produit, depuis le lieu de stockage de l’objet jusqu’au point où le client le réceptionne ;
  • mais au sens large (seconde interprétation), il s’agit, pour les achats à distance, de l’ensemble des diverses opérations qui s’enchainent, depuis la réception de la commande du client jusqu’à l’acheminement du colis au point de réception (avec certains exemples de ces phases mentionnés par le Jury dans son avis).

Dans son argumentation en Révision, l’annonceur choisit de considérer que les “livraisons” qu’il mentionne dans sa publicité ne visent (première interprétation) que les opérations finales de “délivrance” des colis.

Mais le Jury, dans sa mission d’analyse d’une publicité, ne peut se borner à ne retenir que les seules intentions ou explications de l’annonceur ; car une fois l’annonce émise, une publicité échappe à son auteur, et son sens devient alors celui qu’en perçoivent les consommateurs. Le Jury doit donc se mettre à la place du public qui est visé (ou atteint) par cette publicité. Il doit notamment rechercher quel est le sens que perçoit “un consommateur moyen (c’est-à-dire « normalement informé, raisonnablement attentif et avisé »)” à la “lecture” de l’annonce incriminée – lecture qui est forcément fugace (puisque la rapidité est l’un des traits de la publicité).

Or, de ce point de vue, Amazon, dans sa publicité en litige, joue habilement sur ces deux acceptions, comme l’a relevé implicitement le Jury dans l’avis en cause : le consommateur – à la lecture du mot “livraison” tel qu’intégré dans le visuel en cause – peut, en toute bonne foi, oublier que cette “livraison” de sa commande comporte d’autres opérations que l’acheminement terminal de son colis, ces autres opérations sur lesquelles la publicité en débat ne lui fournit aucune indication/information sur leur caractère “écologique”.

C’est donc à bon droit que le Jury, dans l’avis contesté, a estimé que la publicité en cause ne prend pas en compte les diverses “étapes de la prestation” fournie par Amazon lorsque cette société assure la “livraison” d’un colis.

Par suite, si l’on peut – à partir des chiffres communiqués par Amazon au Jury de manière confidentielle – admettre la véracité, à Paris, des pourcentages des divers modes des livraisons effectuées par l’annonceur, ces chiffres ne répondent pas à l’analyse très rigoureuse de cette publicité à laquelle s’est livré le Jury, au regard des exigences posées par la Recommandation Développement durable de l’ARPP, notamment dans ses points 1.1, 2.1, 3.1 et 3.2.

Au surplus, on mentionnera la sensibilité particulière du corps social à ces questions d’empreinte carbone et par suite la vigilance et la précision dont les annonceurs doivent faire preuve dans leurs allégations.

3) Quant aux engagements futurs qu’entend prendre Amazon pour “réduire l’impact environnemental de l’ensemble de ses activités”, le Jury ou le Réviseur ne peuvent que constater qu’ils sont sans influence sur la conformité du message litigieux à la déontologie publicitaire en vigueur aujourd’hui.

D) En conclusion, et pour toutes les raisons qui précèdent, le Réviseur demande au JDP, au terme de ce second examen de l’affaire en cause :

a) de déclarer recevable la demande de Révision présentée par Amazon ;

b) de confirmer la teneur de son avis délibéré le 10 décembre 2021 qui établit que la publicité en cause méconnait les dispositions mentionnées ci-dessus de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;

c) de modifier ou compléter en tant que de besoin la rédaction de son avis définitif pour répondre aux moyens ou arguments soulevés par les parties durant la phase de Révision ;

d) d’ordonner la publication de cet avis définitif conformément aux dispositions du règlement du JDP.

5. Les arguments présentés lors de la séance du 3 juin 2022

Lors de cette séance, les représentants de la société Amazon ont confirmé ne jamais avoir reçu la plainte ni l’avis, avant de découvrir cet avis sur le site internet du Jury. C’est la raison pour laquelle aucune observation n’a été produite, contrairement à la pratique habituelle de l’entreprise.

Ils ont regretté que les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire leur soient parvenues quelques jours seulement avant la séance.

La société estime que le terme de « livraison » est tout à fait clair, lorsqu’on se reporte au dictionnaire Larousse, et ne se réfère qu’à la remise du colis au destinataire. Le propos de la publicité n’est pas de prétendre que les commandes passées sur le site d’Amazon seraient sans carbone. Un consommateur ne peut raisonnablement pas penser que, lorsqu’il passe une commande, il n’en résulte aucune empreinte carbone sur l’intégralité du cycle. La publicité doit être appréhendée de façon globale : elle n’évoque que les livraisons effectuées « à Paris », par les trois modes de livraison énumérés.

Sur le plan factuel, l’allégation litigieuse est corroborée par les chiffres. En outre, la publicité relativise l’argument écologique (« plus écologique »).

Il a enfin été rappelé que la livraison sans carbone n’est qu’une des nombreuses actions menées par le groupe (notamment dans le domaine de l’aviation) pour réduire son empreinte écologique et atteindre la neutralité carbone dès 2040 (soit avant l’échéance de 2050 fixée par les Accords de Paris).

6. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit que :

  • au c) de son point 1.1., « La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement» ;
  • en son point 2.1 que « La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable» ;
  • en son point 3.1 que : « Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit» et en son point 3.3. que « a/ L’argument publicitaire ne doit pas porter sur plus de piliers du développement durable, plus d’étapes du cycle de vie ou plus d’impacts qu’il ne peut être justifié / b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif. ».

Le Jury relève que la publicité litigieuse allègue que deux tiers des « livraisons » réalisées par Amazon à Paris sont « sans émission carbone », en raison du recours à la livraison pédestre, au vélo ou aux véhicules électriques.

Ainsi que l’a relevé le Réviseur de la déontologie publicitaire, cette publicité présente un caractère équivoque en raison de la polysémie du terme « livraison », qui peut aussi bien se rapporter, au sens large, à l’ensemble des opérations effectuées par Amazon permettant de satisfaire la demande du client final, incluant l’approvisionnement des plateformes, leur fonctionnement et l’acheminement du colis de la plateforme à son destinataire final que, au sens strict, au seul trajet réalisé par le livreur entre le lieu de stockage du colis et le lieu de sa remise (« dernier kilomètre »). Il y a d’ailleurs lieu d’observer que, sur son propre site internet (« livraison en X jours »), Amazon se réfère également au terme « livraison » dans la première acception.

Le Jury relève, il est vrai, que la publicité critiquée mentionne plusieurs modes de livraison au sens strict (notamment la livraison pédestre ou à vélo, qui ne sauraient renvoyer aux opérations logistique situées en amont), comporte un visuel représentant manifestement un livreur qui s’apprête à remettre un colis au destinataire à l’aide d’un véhicule électrique sur lequel figure la mention « Je livre électrique pour une ville propre », et ne se réfère qu’à Paris, autant d’éléments qui peuvent venir au soutien de la lecture proposée par l’annonceur. Toutefois, relevant, d’une part, que le premier élément du texte publicitaire figure en petits caractères et que l’œil du consommateur est essentiellement attiré par l’accroche « A Paris, 2/3 de nos livraisons sont sans émission carbone , d’autre part, que l’allégation « sans émission carbone » présente un caractère particulièrement valorisant, le Jury estime qu’un consommateur parisien moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, aura tendance à penser, intuitivement, que le transport du produit commandé sur le site internet d’Amazon sera dépourvu d’impact environnemental, pour ce qui concerne l’émission de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas le cas compte tenu de l’ensemble du « cycle de vie » du service. Ainsi comprise, cette publicité occulterait l’empreinte carbone qui résulte de l’ensemble des opérations de transport en amont, qui sont indissociables de la livraison du « dernier kilomètre » en ce qu’elles lui sont nécessaires, et qui représentent d’ailleurs l’essentiel des émissions.

En tout état de cause, à supposer qu’on retienne la seconde acception du terme « livraison » proposée par Amazon, cette publicité poserait encore difficulté dans la mesure où l’utilisation d’un véhicule électrique afin d’assurer les livraisons occasionne nécessairement, fût-ce indirectement, des émissions de CO2. Ainsi, même en s’en tenant à l’analyse de l’empreinte carbone du « dernier kilomètre », le fait qu’Amazon fasse appel à des livreurs utilisant un véhicule électrique fait obstacle à la revendication « sans émission de carbone » pour décrire l’empreinte carbone de ces opérations, en l’absence de précision selon laquelle cette allégation s’entendrait de la seule phase de roulage de ce type de véhicules.

Sans sous-estimer l’ampleur des efforts consentis par Amazon afin de réduire l’empreinte carbone de son activité, le Jury est donc d’avis que cette publicité, telle qu’elle est conçue, méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis définitif adopté le 3 juin 2022, en présence de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, par M. Lallet, Président, MMmes Boissier et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Pour visualiser la publicité Amazon Europe, cliquez ici.