ALPRO – Affichage – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 9 août 2021
ALPRO – 765/21
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant, les représentants de la société Alpro et l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP),
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 4 mai 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités de la société Alpro, pour promouvoir ses produits alimentaires à base de lait d’amande.

Les publicités en cause, diffusées en affichage présentent :

  • pour la première affiche, un pot de yaourt nature aux amandes. La mention « 100% végétal » est apposée à proximité de la brique et en dessous « C’est bon ça ! ». Le texte accompagnant ce visuel est, en accroche « Savourez sans mettre la planète à l’amande » et en caractères plus petits au bas de l’affiche « Nos amandes poussent sous le soleil de Méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie » ;
  • pour la seconde affiche, une brique de lait d’amande au goût chocolat/noisette. La mention « 100% végétal » est apposée à proximité de la brique et en dessous « C’est bon ça ! ». Le texte accompagnant ce visuel est, en accroche « Préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat » et en caractères plus petits au bas de l’affiche « Prenez des boissons végétales. Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans. Puis recommencez ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant indique qu’Alpro est une entreprise agroalimentaire du groupe Danone qui commercialise des produits d’origine végétale. La campagne d’affichage valorise les atouts intrinsèques de ces produits dans la lutte contre le changement climatique ainsi que les efforts de la marque pour réduire son empreinte environnementale.

Il précise que la consommation de produits d’origine végétale peut être un levier efficace pour « contribuer » à la lutte contre le changement climatique. Mais deux arguments publicitaires de la campagne ont une portée beaucoup plus large et ne respectent pas les règles déontologiques en vigueur.

Selon lui, l’argument « Sans mettre la Terre à l’amande » traduit la notion d’absence totale d’impacts négatifs associés à la consommation du produit. Si les impacts sont moindres que d’autres produits à base de lait de vache par exemple, il est trompeur de laisser croire au public qu’il n’y en a aucun. Il en déduit que cet argument contrevient au point 3 de la Recommandation « Développement durable » sur la « proportionnalité des messages ».

Le plaignant soutient également que l’argument « Préservons la Terre » laisse accroire que la consommation de cette boisson végétale goût chocolat-noisette serait un geste protecteur, un écogeste, ce qui est abusif. Les efforts de l’entreprise pour réduire l’impact carbone du produit (-35%) sont intéressants, mais ils ne signifient pas l’absence totale d’impact et, par ailleurs, la « préservation de la planète » ne doit pas être analysée au seul filtre de l’indicateur carbone.

Le plaignant estime, à propos de l’allégation « La seule planète où il y a du chocolat », que la culture du cacao est un « désastre écologique et humain ». Tant sur le visuel que sur le site web de la marque, nous n’avons aucune information sur le sourcing du cacao. Il existe sur le marché des alternatives bio et équitables, comme par exemple la boisson « riz, quinoa, cacao » proposée par la marque Alter Eco. Finalement, cet argument contrevient aux points 2 et 3 de la Recommandation « Développement durable » respectivement sur la véracité des actions et sur la proportionnalité des messages.

Il ajoute que, sur son site web, la marque présente les atouts des protéines et ingrédients d’origine végétale et les actions mises en place pour réduire l’empreinte environnementale de leur activité : approvisionnement local, soja d’Europe ou du Canada (« ainsi, il est garanti sans OGM et ne provient pas de zones déforestées »), amandes méditerranéennes (« elles n’ont donc que peu de chemin à faire pour vous retrouver »), irrigation majoritairement à l’eau de pluie, transport par bateau… Il considère que la démarche est louable et doit être valorisé mais que plusieurs éléments de langage sont de nature à induire le public en erreur et traduisent un manque de maturité de la marque ou de l’agence sur les enjeux de communication plus responsable.

Il estime qu’intituler la rubrique « Bon pour la planète » est clairement abusif et traduit une posture « triomphaliste », une absence de modestie par rapport aux enjeux, à la portée des actions mises en place et aux marges de progression (sur le sourcing de produits bio et équitables par exemple).

Concernant le texte « On s’engage à faire au mieux pour la préserver : on a par exemple entrepris une démarche de certification B-Corp, et on l’a menée à bien avec succès. » » *Il s’agit d’une norme internationale indépendante qui certifie l’engagement RSE d’une entreprise », le plaignant soutient que c’est inexact dès lors que B Corp n’est pas une « norme internationale » comme l’ISO 26000. La démarche B Corp est pilotée par un organisme privé qui présente un certain nombre d’intérêts mais soulève aussi des critiques et des interrogations.

Concernant les allégations « Le petit pas pour la planète qui marche » « Si on vous dit que manger = la solution » : le plaignant relève que l’alimentation est un des leviers importants de lutte contre les changements climatiques mais pas le seul.

Concernant l’argument « utiliser des ingrédients issus de l’agriculture régénératrice » : il ajoute que les géants de l’industrie agroalimentaire comme Danone, Syngenta ou Coca-Cola affirment s’engager dans cette voie, sans toutefois chercher une certification officielle (comme celle proposée par Ecocert).

Le plaignant a développé ces éléments sur les deux visuels en cause lors de la séance en visioconférence.

La société Alpro a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 juin 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant fait valoir à titre liminaire qu’Alpro propose aux consommateurs une gamme complète d’alternatives végétales aux produits laitiers. Cette gamme, commercialisée principalement en grandes surfaces, se compose de produits ne contenant ni lactose ni ingrédients d’origine animale (gamme certifiée végane) et sont destinés aux personnes ne pouvant ou ne souhaitant pas consommer ces derniers ou souhaitant varier leur alimentation, dans le cadre d’un régime flexitarien par exemple.

La société indique être un acteur engagé dans la réduction de l’impact environnemental de ses produits alimentaires reconnu comme privilégiant une tonalité simple, humoristique et décalée dans ses campagnes pour faciliter la compréhension des consommateurs et les aider à faire un choix éclairé sur les alternatives végétales aux produits laitiers qui sont des produits encore émergents sur le marché français.

Sur le message publicitaire : « Savourez sans mettre la planète à l’amande », l’annonceur retient qu’une publicité doit être interprétée dans sa globalité en considération non seulement d’un des slogans principaux qu’elle comprend mais également des autres messages et précisions portés sur la publicité analysée ainsi que des images l’illustrant. En effet, le code de l’ARPP, guide des recommandations (2017), souligne en page 5, en matière de déontologie publicitaire que « Le public doit pouvoir trouver sa place, dans la perception du message ; il faut lui conserver une capacité de distanciation, la liberté de penser, d’imaginer, de rêver et de réagir. Des règles trop strictes réduiraient la publicité à une injonction, à un message simpliste, exclusivement descriptif. »

En l’espèce, il relève que le texte est critiqué sans prise en considération des images l’illustrant (un pot de 500 g d’alternative au yaourt, décoré de dessins d’amande) ni des précisions l’assortissant qui sont : – « 100% végétal » et – « Nos amandes poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie ».

L’annonceur considère que le slogan « Savourez sans mettre la planète à l’amande » est un jeu de mots humoristique, comportant volontairement une faute d’orthographe, afin de promouvoir un produit à base d’amandes. Ainsi, la faute d’orthographe atténue et nuance déjà volontairement la portée du message qui ne peut être extrapolé en une affirmation globalisante. En outre, l’intention de ce message publicitaire est d’être compris par le plus grand nombre, en restant simple et facilement compréhensible, tout en étant justifié par des éléments précis.

Il souligne que les deux mentions « 100 % végétal » et « Nos amandes poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie » viennent expliciter les raisons des avantages à caractère environnementaux évoqués et nuancent la portée du slogan principal ; les vocables « majoritairement » et l’indication de la provenance des amandes nuançant de nouveau le propos.

Pour lui, le ton volontairement humoristique et décalé de cette campagne a précisément vocation à interpeler les consommateurs et à attiser leur curiosité pour les inciter à prendre complétement connaissance de la campagne.

Il ajoute que le jeu de mots humoristique traduit qu’en consommant végétal:

  • il diminue son impact environnemental : il est aujourd’hui unanimement reconnu que l’alimentation végétale est celle qui a le plus bas impact en émission de CO2, que c’est également celle qui consomme le moins d’eau et qui nécessite le moins de terre, et que le consommateur qui opte pour cette substitution réalise donc une économie de CO2,
  • il consomme des produits à base d’amandes « qui poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie » et non un produit à base d’amandes produites dans le cadre d’une agriculture intensive voire éloignée, ce qui aboutit bien à un impact en faveur l’environnement.

L’annonceur considère qu’il respecte le principe de clarté du message en ajoutant l’image de son produit à base d’amandes (venant expliquer le jeu de mots et la faute d’orthographe) et les deux précisions, permettant d’expliquer les qualités revendiquées pour ce produit, qui sont claires et lisibles conformément à la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP.

Il indique que les usines Alpro disposent d’un plan de réduction du gaspillage de l’eau et Alpro s’est engagée à réduire la consommation d’eau de 60% (par kg de produit) d’ici à 2025.

Enfin, dans sa lutte pour diminuer l’impact environnemental de ses produits, Alpro soutient qu’il dispose désormais, pour certaines de ses gammes, d’emballages bio-sourcés à 89%, qui ont réduit leur empreinte carbone de 18% par rapport aux emballages traditionnels précédents. Le consommateur n’est donc pas induit en erreur sur les caractéristiques du produit eu égard d’une part, au ton volontairement humoristique et décalé de l’accroche illustrée par l’image d’un produit à base d’amandes et l’ajout de deux mentions complémentaires suffisamment claires, et d’autre part, aux multiples actions menées par Alpro, pour limiter les impacts de ses produits sur l’environnement, conformément au point « proportionnalité des messages » de la Recommandation de l’ARPP.

Sur le message « préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat », il considère que la critique formulée l’est sans le recul approprié eu égard au ton humoristique du message, sans prise en compte de la publicité dans sa globalité ni de ce qu’il s’agit d’un message à prendre au second degré.

La société Alpro estime que ce message a pour vocation de rappeler la singularité de la planète Terre et de créer un déclic quant à l’importance de faire des petits pas pour la préserver et de ce qu’il doit s’agir de l’affaire de tous. S’agissant de la véracité des actions de l’annonceur, le plaignant souligne que « les efforts de l’entreprise pour réduire l’impact carbone du produit (-35 %) sont intéressants » mais il considère que cela ne signifie pas une absence totale d’impact carbone.

Sur ce point, l’annonceur estime que le plaignant se méprend puisque la précision « Prenez des boissons végétales, diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35 % en 10 ans, puis recommencez » ne traduit justement pas une absence totale d’impact carbone.

Il ajoute que le plaignant reproche par ailleurs à Alpro de sous-entendre que « la préservation de la planète » ne doit pas être analysée au seul filtre de l’indicateur carbone. Or, Alpro ne prétend nullement que la réduction de l’impact carbone serait l’unique manière de préserver la planète. Si certes, l’alimentation végétale est celle qui a le plus bas impact en émission de CO2, c’est également celle qui consomme le moins d’eau et nécessite le moins de terre.

La société indique entreprendre des actions sur les trois piliers du développement durable :

  • Elle s’efforce de diminuer son impact sur l’environnement en ayant diminué son impact carbone de -35 % en 10 ans sur la fabrication de ses produits, en diminuant ses consommations d’eau, en biosourçant certains de ses packagings et ses matières premières, en utilisant des matières recyclables et dans la mesure du possible recyclées et en plastique végétal, en privilégiant des producteurs locaux ou proches de ses usines,
  • Elle mène des actions avec ses partenaires pour les aider à optimiser leurs consommations d’eau. Elle a intégré dans sa stratégie le concept de « One Planet Thinking », développé par WWF et UICN de manière à lier son impact environnemental mondial à la capacité de la planète,
  • Elle a notamment fait mesurer par l’organisation à but non lucratif américaine B Lab son impact social et environnemental et a obtenu la certification B CorpTM.

Enfin le cacao utilisé est certifié par UTZ13, association qui a pour objectif de promouvoir un mode de production durable notamment pour le cacao ; son programme et label permettent aux producteurs de mettre en valeur des pratiques agricoles durables tout en améliorant leurs conditions de vie et de travail tout en respectant les ressources de la planète.

La société en déduit que ses actions en matière environnementale sont réelles tandis que la publicité humoristique en cause, prise dans sa globalité, ne sous-entend pas une absence totale d’impact négatif pour la planète, pas plus qu’elle traduit un message excessif, la précision « Prenez des boissons végétales, diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35 % en 10 ans, puis recommencez » correspondant à la réalité de l’une des actions menées par Alpro en matière de développement durable.

Sur les éléments de langage critiqués sur le site web, le plaignant considère que les actions de la société Alpro en matière d’environnement sont « louable(s) et doi(vent) être valorisé(es) », mais que des éléments de langage sont de nature à induire en erreur.

S’agissant de la certification « B. Corp », elle soutient qu’il s’agit d’une certification octroyée aux sociétés répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public.

Elle relève que la critique du plaignant résulte d’une mauvaise traduction de l’anglais qui a conduit à l’emploi du mot « norme » au lieu de « certification », qui ne distingue pas le standard de la norme. Cette définition avait été reprise par Alpro sur son site mais a depuis été corrigée, pour être remplacée par la mention suivante : « Il s’agit d’une certification internationale indépendante qui certifie l’engagement RSE d’une entreprise ».

S’agissant de la mention « Si on vous dit que manger = la solution », la société répond qu’il s’agissait d’un intitulé posant une question type « Foire aux Questions », pour déterminer le faux du vrai. La lecture de la réponse dénonce au contraire la surconsommation. Néanmoins, afin d’expliciter davantage le contenu de la rubrique, la société l’a modifié comme suit : Une norme technique est un référentiel publié par un organisme de normalisation officiellement agréé par un État via une organisation nationale de standardisation (comme Afnor pour la France), agréé au niveau Européen (comme le CEN ou le ETSI), ou encore issu d’un traité international (comme ISO).

Selon la société, l’expression « Agriculture régénératrice » désigne un ensemble de pratiques agricoles ayant pour objectif la protection des sols, le bien-être animal, et l’accompagnement des agriculteurs. Elle englobe aussi bien l’agriculture conventionnelle que biologique. Il n’est nul besoin qu’un terme soit certifié pour être utilisé, ni encore besoin d’obtenir une certification pour utiliser ce terme dès lors que les pratiques agricoles utilisées correspondent bien à cette définition. Alpro dit être en partenariat avec des agriculteurs mettant en place des pratiques agricoles ayant pour objectif de protéger les sols, le bien-être animal, ainsi que l’accompagnement desdits agriculteurs.

Par conséquent, la société considère qu’il ne peut lui être reproché de mentionner qu’elle veut « accélérer vers une agriculture régénératrice » et que « D’ici à 2025, 100 % des ingrédients cultivés en France seront issus de l’agriculture régénératrice ».

Lors de la séance du 2 juillet, la société a repris l’ensemble de ces arguments.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) explique avoir été interrogée en avril 2021, par l’afficheur Médiatransports, membre de l’ARPP, en vue d’un conseil avant diffusion.

La demande portait sur le visuel « Savourez sans mettre la planète à l’amande » sous forme d’affichage digital. Le visuel « Chocolat » ne lui ayant pas été soumis pour conseil préalable.

L’ARPP rappelle que, de manière générale, elle accorde une vigilance toute particulière au recours à des arguments écologiques en publicité. Au quotidien, l’Autorité veille à ce que les messages publicitaires ne contiennent pas de visuels ou d’allégations pouvant être perçus comme contraires au respect de l’environnement.

Le projet a été examiné au regard des dispositions de la Recommandation « Développement durable » et du contexte actuel de forte vigilance concernant le lien entre publicité et climat.

En particulier, l’alerte a porté sur le point 3.2 de la Recommandation qui prévoit que « Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

Pour le visuel en cause, il a été relevé d’une part que l’annonceur pouvait démontrer des engagements en matière d’environnement. Il est nécessaire en effet d’être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité.

D’autre part, conformément à ce que prévoit la Recommandation, un début d’explication devait figurer dans la publicité, par la formule « Nos amandes poussent sous le soleil de Méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie ».

L’ARPP a cependant relevé que cette mention n’était pas complétée par un renvoi à une rubrique dédiée du site Internet de l’annonceur permettant d’obtenir des informations précises et détaillées sur cette action et sur les engagements plus globaux de l’entreprise, comme l’exige le texte.

Au final, l’ARPP a considéré que, même si la mention « sans mettre la planète à l’amande » renvoie à un jeu de mots, il n’en demeure pas moins que celle-ci constitue une formulation globale et excessive induisant à tort une totale innocuité environnementale du produit promu. En effet, l’unique plus-value environnementale revendiquée en l’espèce est une hydratation des amandes majoritairement à l’eau de pluie.

Dès lors, la réponse de l’ARPP a été défavorable pour ce qui est du texte qui a paru non conforme aux dispositions de la Recommandation « Développement durable ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point7):
    • « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;
    • lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;
    • dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;
    • les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury relève que la campagne publicitaire en cause, composée de deux affiches, présente deux produits alimentaires de la société Alpro à base de lait d’amande.

A titre liminaire, le Jury rappelle à cet égard qu’en vertu de l’article 2.2 de son règlement intérieur, il se prononce exclusivement sur la conformité (ou la non-conformité) des messages publicitaires contestés avec :

  • les règles professionnelles (dites « Recommandations ») publiées par l’ARPP,
  • les principes généraux issus du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales. Ces principes s’appliquent à toute publicité, commerciale ou non.
  • les engagements publiés, pris par l’interprofession, à l’égard des pouvoirs publics en ce qui concerne le contenu de la publicité et dont l’ARPP est cosignataire.

La compétence du Jury, qui est donc limitée au contenu du message publicitaire, exclut toute appréciation de la qualité intrinsèque des produits promus et des conditions de leur production, notamment en comparaison avec d’autres produits. A cet égard, le Jury ne peut se prononcer sur les arguments comparatifs ou faisant reproche à la société Alpro de ne pas rechercher une certification officielle.

3.2. Sur le respect des règles déontologiques par la première affiche (yaourt aux amandes)

La première affiche montre la photographie d’un pot de yaourt nature aux amandes. Le texte accompagnant ce visuel est, en accroche, « Savourez sans mettre la planète à l’amande » puis, en caractères plus petits au bas de l’affiche, « Nos amandes poussent sous le soleil de Méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie ». Deux mentions « 100% végétal » et « C’est bon ça ! » sont apposées à proximité de la brique et en dessous.

Le Jury constate, en premier lieu, que l’expression « mettre à l’amende » renvoie à l’idée d’une peine pécuniaire en cas de contravention à une norme. Stricto sensu, le fait de ne « pas mettre à l’amende » traduit l’absence d’infraction, mais non l’absence d’impact négatif. Par ailleurs, le Jury considère que l’orthographe du mot « amande » donne une tonalité volontairement humoristique et décalée au slogan qui semble inviter le consommateur à participer à une action en faveur de l’environnement à la mesure d’une consommation alimentaire de lait d’amande, sans l’induire en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés des produits en matière de développement durable ou leur innocuité environnementale.

En deuxième lieu, le Jury relève que la mention selon laquelle le produit est « 100 % végétal » correspond à une description factuelle du produit promu et constate que le plaignant reconnaît lui-même que la consommation d’une alimentation végétale, à bas impact en émission de CO2, peut être un levier efficace pour contribuer à la lutte contre le changement climatique, ce qui crée un lien avec une référence à la planète et n’est pas de nature à induire le public en erreur sur les avantages à caractère environnementaux du produit au sens des points 2 et 3 de la Recommandation « Développement durable ».

Le Jury estime cependant, en troisième lieu, que la mention « Nos amandes poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie » n’est pas complétée par un renvoi à une rubrique du site Internet de l’annonceur qui permettrait au consommateur de savoir en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées au sens du point 4 de la Recommandation précitée.

Dans ces conditions, le Jury considère que la première affiche méconnaît le point 4 de la Recommandation « Développement durable », en l’absence de renvoi explicitant l’allégation « Nos amandes poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie ».

3.3. Sur le respect des règles déontologiques par la seconde affiche (lait d’amandes goût chocolat)

La seconde affiche montre la photographie d’une brique de lait d’amande au goût chocolat/noisette, comportant les mêmes mentions « 100% végétal » et « C’est bon ça ! », mais cette fois accompagnées des textes « Préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat » et, en caractères plus petits au bas de l’affiche, « Prenez des boissons végétales. Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans. Puis recommencez ».

Le Jury relève, d’une part, que la mention « Préservons la Terre » correspond à une formulation globale qui n’est en rien relativisée et méconnaît ainsi directement, sans que puisse être invoqué le prétexte humoristique qu’il s’agit de la « seule planète où il y a du chocolat », le point 7 de la Recommandation « Développement durable ».

Le Jury considère, d’autre part, que l’expression « Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans », si elle n’est pas en soi disproportionnée ni pas de nature à induire le public en erreur, impose cependant le renvoi à une rubrique du site Internet de l’annonceur informant le consommateur sur le détail de cette action et les engagements globaux de l’entreprise conformément au point 4 de la même Recommandation.

Dans ces conditions, le Jury, tout en prenant acte des engagements de la société Alpro en matière d’environnement et des efforts d’adaptation auxquels elle a procédé, notamment en modifiant certaines expressions figurant sur son site (telles que « manger = la solution » corrigée en « manger = une solution »), est d’avis qu’en l’état de leur présentation au moment de la plainte, les deux affiches publicitaires en cause présentent certaines allégations qui méconnaissent, dans la première, le point 4 (pour la formule : « Nos amandes poussent sous le soleil de méditerranée et s’hydratent majoritairement à l’eau de pluie ») et, dans la seconde, les points 4 ( pour les mentions : « Prenez des boissons végétales. Diminuez l’impact carbone de leur fabrication de -35% en 10 ans. Puis recommencez ») et 7 (« Préservons la Terre, c’est la seule planète où il y a du chocolat ») de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 2 juillet 2021 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, substituant le président empêché, Mme Charlot, ainsi que MM. Depincé et Le Gouvello.

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