AGENCE CALEDONIENNE DE L'ENERGIE

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Plainte fondée

Avis publié le 2 avril 2024
AGENCE CALEDONIENNE DE L’ENERGIE– 996/24
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 janvier 2024, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par l’Agence Calédonienne de l’Energie pour promouvoir la voiture électrique.

La publicité en cause, diffusée sur la page Facebook de l’Agence ainsi que sur la version en ligne du titre de Presse « Les Nouvelles Calédoniennes », présente, sur fond vert, une voiture à proximité d’une borne électrique, dont on n’aperçoit que le bas de caisse et les roues, la forme du véhicule étant reproduite par la photographie sous la forme d’une forêt entourant un plan d’eau et survolée par des oiseaux, avec deux éoliennes en arrière-plan.

Les textes accompagnant ces images sont, en accroche : « La voiture électrique, c’est écologique », « 5 x moins polluant qu’une voiture essence ou diesel » et « Jusqu’à 600000 Frs de prime électrique d’achat électrique », ces deux dernières mentions faisant l’objet d’une précision au bas de la publicité (uniquement pour la publicité mise en ligne sur le site Facebook) : « Pour plus d’informations, rendez-vous sur je-roule-en-electrique.nc » et : « Avec le soutien financier du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de l’Union Européenne et selon conditions ».

Au bas à gauche de la publicité, figurent le logo du Gouvernement de Nouvelle Calédonie et de l’Agence calédonienne de l’énergie ainsi que deux pictogrammes représentant, pour l’un un câble électrique enserrant une voiture vue de l’arrière, pour l’autre un câble électrique formant une voiture vue de profil, traversée d’un éclair électrique.

Sur le site Facebook, une autre publicité de l’Agence calédonienne de l’Energie comporte une courte vidéo donnant à voir des paysages calédoniens en vue aérienne avec incrustation du terme : « écologique » et précédée d’un texte reprenant notamment l’expression : « La voiture électrique, c’est écologique ».

Enfin, toujours sur le site Facebook, la plainte critique un autre visuel vantant la mobilité électrique et comparant, dans un schéma les émissions de CO2 d’une voiture thermique et d’une voiture électrique. Ce visuel est précédé de la phrase : « Saviez-vous que la voiture électrique n’émet ni CO2, ni particules lorsqu’elle circule ? Son impact carbone provient uniquement de sa phase de production.”

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que ces publicités, qui présentent la voiture électrique comme « écologique », contiennent des informations trompeuses et peuvent être qualifiées de greenwashing.

Il affirme que la production d’un véhicule électrique est plus polluante que celle d’’un véhicule thermique et que la production électrique en Nouvelle-Calédonie est fortement carbonée.

Il critique les données chiffrées communiquées (“5 fois moins polluant” et comparatifs des émissions) en ce qu’elles correspondent à la situation européenne et sont fausses ou inadaptées dans le contexte calédonien.

L’Agence Calédonienne de l’Energie a été informée, par courriel avec accusé de réception du 1er février 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

A titre liminaire, elle s’interroge sur la compétence du Jury à traiter une plainte sur une publicité diffusée exclusivement sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et à destination de sa population.

Sur le fond, l’Agence Calédonienne de l’Energie fait valoir que les données qui ont servi de base à la campagne qu’elle a menée sur l’électromobilité proviennent de l’association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE) dont elle est adhérente et souligne, en les examinant point par point (cycle de vie du véhicule, fabrication, mix énergétique), leur pertinence en dépit des particularités géographiques de la Nouvelle-Calédonie.

La SARL GD Connexion, pour « Les Nouvelles calédoniennes » qui a diffusé la publicité, a également été informée de la plainte, par courriel avec accusé de réception du 6 février 2024.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

S’agissant d’abord de la compétence du Jury, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2.1 du règlement intérieur, celui-ci « a pour mission de se prononcer, de manière indépendante, sur le respect des règles déontologiques mentionnées à l’article 2.2. dans les messages publicitaires diffusés en France (…) ».

Le règlement ne prévoit aucune exception pour la Nouvelle-Calédonie qui ne dispose par ailleurs pas d’une autorité de régulation professionnelle propre en matière de publicité.

Le Jury est donc compétent pour statuer sur la plainte reçue à l’encontre de l’Agence Calédonienne de l’Energie.

Sur le fond, le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

(…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

  • au titre des présentations visuelles ou sonores (point 8) :
    • « Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.
    • Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.
    • Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.
    • Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure.

Le Jury relève d’abord que la publicité en cause est placée sous le signe du slogan : « La voiture électrique, c’est écologique », apposé sur un visuel végétal de forêt avec un véhicule dont on n’aperçoit que le bas de caisse et les pneus, le reste de la carrosserie ayant été remplacée par des éléments naturels (eau, rochers, arbres) dessinant la silhouette du véhicule.

Dès lors d’une part, que la production du véhicule a nécessairement conduit à l’émission de CO2 et que ce véhicule n’est pas intégralement recyclable, et, d’autre part, que l’électricité utilisée par un véhicule électrique est issue d’un mix énergétique, composé de diverses sources dont les énergies fossiles, le Jury estime que l’allégation « écologique », ainsi illustrée avec l’assimilation du produit à un environnement naturel alors qu’un véhicule, même électrique, présente un impact négatif pour l’environnement, ne respecte par les recommandations précitées au titre de la proportionnalité et de la présentation visuelle du message publicitaire.

Ensuite, la seule donnée chiffrée pour appuyer le propos publicitaire (« 5 x moins polluant »), outre qu’il renvoie à une notion particulièrement floue, n’est accompagnée d’aucune référence permettant de déterminer sa source et, le cas échéant, de la vérifier et d’en apprécier la fiabilité.

Par ailleurs, le visuel comportant le schéma comparatif des émissions d’une voiture électrique et thermique, outre qu’il ne fait pas davantage apparaître de source alors qu’il comporte des données chiffrées précises, est accompagné d’un texte qui est inexact en ce qu’il affirme que la voiture électrique n’émet pas de particules lorsqu’elle circule alors qu’il est admis qu’elle en émet bien du fait de l’usure des freins et des pneus.

De ce point de vue, le message publicitaire encourt donc bien la critique au titre de la véracité des actions.

En conséquence, le Jury est d’avis que les publicités critiquées méconnaissent les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 8 mars 2024 par M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicité Agence Calédonienne de l’Energie