Avis JDP n°32/09 – CONSTRUCTEUR AUTOMOBILE – Plainte rejetée

Décision publiée le 14.12.2009

Plainte rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu successivement les représentants de l’annonceur, de l’agence de communication et de l’ARPP,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties et de l’ARPP,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi d’une plainte, en date du 28 octobre 2009, émanant d’un particulier, lui demandant de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur du film publicitaire télévisé en faveur du modèle X de l’annonceur.

Ce film, intitulé « Atmos », se présente sous la forme d’un reportage au sein d’une communauté d’écologistes radicaux qui ont décidé de vivre sans émettre un seul gramme de CO2. Au représentant de la communauté qui explique que l’objectif zéro CO2 est atteint, le journaliste fait remarquer qu’en parlant, il émet quand même un peu de CO2.

La signature de la publicité est « On ne peut pas vivre sans émettre de CO2, tâchons déjà d’en rejeter un peu moins. »

2.Les arguments des parties

Le plaignant considère que cette publicité délivre un message faussé au public concernant la réalité des émissions des véhicules automobiles alors que le modèle promu ne constitue pas une avancée notable en matière d’émissions de CO2 par rapport à ce qui est proposé sur le marché et que cette mise en scène porte atteinte aux efforts entrepris et à entreprendre pour réduire ces émissions en les dénigrant.

Par ailleurs, la juxtaposition de l’argument « tâchons d’en rejeter un peu moins » avec la présentation de la voiture, aboutit, selon le plaignant, à la présentation de la voiture individuelle comme élément de progrès et participant à la lutte contre le réchauffement climatique alors même que les experts s’accordent pour insister sur l’indispensable besoin de développer l’usage des transports en commun au détriment de la voiture.

L’ARPP précise qu’elle a été consultée préalablement à la diffusion de cette campagne par l’agence de communication, qui est un de ses adhérents, pour une diffusion en télévision.

Dans un contexte de sensibilité particulière et de surveillance accrue des publicités se réclamant des problématiques du développement durable, certains produits et secteurs font l’objet d’une vigilance particulière, comme le secteur automobile.

A ce titre, c’est avec la plus grande attention que l’ARPP a procédé à l’examen de cette campagne au regard des recommandations « Développement durable » et « Arguments écologiques » alors applicables. Ses observations ayant été prises en compte, l’ARPP a indiqué à l’agence que son message était diffusable en l’état.

Plus précisément, l’ARPP indique avoir, dès les premiers échanges, principalement alerté l’agence d’une part, sur le risque de tourner en dérision des actes de particuliers ou des actions menées en faveur du développement durable et d’autre part, sur la nécessité de ne pas présenter de geste contraire au respect de l’environnement.

L’ARPP indique avoir également demandé à l’agence de veiller à écarter la représentation de scènes de vie réalistes au sein de la communauté au profit de scènes totalement décalées et surréalistes (exemple du scooter à voile…), ceci afin de ne pas stigmatiser des pratiques alternatives existantes.

D’un autre côté, l’ARPP a relevé que le message emploie un discours nuancé et une promesse relativisée, basés sur un objectif de moindres émissions de CO2 concernant l’un des modèles de l’annonceur éligible au bonus écologique (« On ne peut pas vivre sans rejeter de CO2. Tâchons déjà d’en rejeter un peu moins. X. 119g de CO2 et 4,5 litres/100kms”).

Enfin, l’ARPP a pris note des éléments dont disposait l’annonceur pour justifier les allégations environnementales concernant sa gamme de modèles équipés des technologies Y.

Le syndicat représentant les régies de télévision ayant diffusé cette campagne rappelle l’avis favorable de l’ARPP précité. Il s’en remet à l’appréciation du Jury.

L’annonceur a exposé les résultats d’une étude comparative justifiant les allégations de la campagne concernant les rejets de CO2 du modèle présenté comparés à ceux de ses concurrents. Elle insiste sur le caractère honnête et réaliste de cette campagne qui parle des progrès accomplis aujourd’hui par la marque et engage à agir immédiatement pour avoir des comportements moins dommageables pour l’environnement .Elle souligne qu’elle a pris soin de représenter une communauté d’écologistes tellement utopique qu’il ne peut être fait aucun rapprochement avec la réalité. Elle rappelle que la communication de la marque a toujours employé l’humour sans jamais tomber dans le dénigrement.

L’agence de communication explique qu’elle dispose d’une étude pré-testant le concept, ainsi que d’une autre post-testant le film. Ces tests permettent de justifier que le message est positivement perçu par les consommateurs : en effet, le pré-test met en évidence que le message est compris et considéré comme « responsabilisant », le post-test souligne l’accueil général favorable réservé à la campagne.

Elle fait valoir aussi que l’aspect humoristique volontairement irréaliste et décalé de la représentation donnée par cette campagne d’une communauté d’écologistes radicaux rapproché du rappel de la nécessité d’adopter aujourd’hui une consommation réfléchie, mesurée et raisonnée, sont bien compris par le consommateur.

Pour répondre à la demande de son client, l’agence de communication explique qu’elle a voulu développer un discours vrai destiné à démontrer que, pour la marque, l’écologie ne doit pas être de la science fiction. C’est ce qui a conduit à mettre en scène un monde imaginaire.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose, notamment, que :

– La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.(1)

– Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable. (7.1)

– La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité. La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement. (9 et 9/1-c).

Le Jury constate en premier lieu, que la publicité en cause ne porte pas un message trompeur quant aux qualités écologiques du modèle de véhicule présenté.

Il relève en second lieu, que si les visuels utilisent un message critiquant des comportements écologiques extrêmes, la mise en scène, qui reste dans le registre de l’humour décalé, permet de comprendre à l’évidence qu’il s’agit d’un univers totalement imaginaire qui ne correspond en rien à des actions concrètes en faveur de l’environnement. Cette campagne ne peut donc être comprise par le public comme dissuadant d’adopter un comportement respectueux de l’environnement alors surtout que, par ailleurs, elle souligne que, dès aujourd’hui, des progrès sont possibles de la part de chacun dans ce domaine.

Le Jury considère donc que ce message n’est pas contraire aux principes déontologiques rappelés ci-dessus.

4.La décision du Jury

– La plainte est rejetée.

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, à l’agence de communication, au syndicat représentant les régies de télévision.

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 4 décembre 2009 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mme Moggio, MM. Benhaïm, Carlo, Leers et Raffin.