Avis JDP n°204/12 – PRÊT A PORTER – Plainte fondée

Décision publiée le 21.06.2012
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré, selon les dispositions de l’article 12, alinéa 3, de son règlement intérieur ;

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 3 avril 2012, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité, aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée par voie d’affichage et sur Internet, en faveur d’un magasin de déstockage, pour promouvoir ses ventes de vêtements.

Le visuel critiqué présente une femme sortant d’une matière noire, les yeux fermés, et laissant apparaître son torse marqué au fer rouge du logo de la marque utilisée par la société, ensanglanté.

Le texte utilisé en signature est « Brand passion ».

2.Les arguments des parties

Le plaignant considère que cette image constitue une incitation à la violence contre les femmes, et mène à les considérer comme des objets, du bétail que l’on peut marquer au fer rouge.

Il relève le « jeu de mots », les « marques », et l’apposition d’une marque sur la peau d’une femme. Cette marque, apposée sur une femme blafarde, veut peut-être démontrer la passion des femmes pour les « marques ». La marque apposée en rouge sang, qui coule, évoque un passé historique récent dans notre pays et d’autres, ainsi que reculé, où l’on marquait au fer rouge les humains, femmes comprises, pour divers motifs (esclavage, criminelles, sorcières éventuellement etc.).

Sans remonter jusque-là, le fait d’apposer une marque sur une femme, dans le temps présent, assimile la femme à un produit, sur lequel on appose un label, donc à un objet que l’on peut acheter ou traiter de toutes les manières desquelles on traite un objet.

Tous ces messages subliminaux contribuent, selon lui, à influencer en continu les esprits, à renforcer le statut encore inférieur des femmes et à attenter à leur dignité. Cette publicité est donc humiliante et attente à la dignité humaine. Elle réduit la femme à la fonction d’objet, elle cautionne l’idée d’infériorité de la femme, induit une idée de soumission et de dépendance et suggère, en message subliminal, la violence.

L’annonceur a été informé par courrier avec avis de réception du 11 mai 2012, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Ce même courrier l’a averti de ce que la plainte serait examinée selon la procédure simplifiée prévue par l’article 12, alinéa 3, du règlement intérieur du Jury, mais qu’il pouvait demander à être entendu en séance. Il n’a pas présenté d’arguments en réponse à la plainte.

La société d’affichage indique ne pas être l’afficheur de ce visuel.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation «Image de la personne humaine» de l’ARPP prévoit dans son point 3 « Soumission – Dépendance – Violence » que :

3/1. « La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes ».

3/3. « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique ».

3/4. « La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence ».

Le Jury constate que l’image sur laquelle repose la publicité de la société annonceur, présente une femme marquée au fer rouge.

Cette image présentée à titre de promotion d’une enseigne de vêtements a pour effet de banaliser les violences faites aux femmes. Elle induit, de plus, le stéréotype de soumission de celles-ci et les dévalorise.

Une telle représentation méconnaît donc les Recommandations précitées de l’ARPP.

4.La décision du Jury

– La plainte est  fondée en ce que la publicité en cause méconnaît les points 3.1, 3.3 et 3.4 de la Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité cesse et à ce qu’elle ne soit pas reconduite;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à la société annonceur, et à la société d’affichage, mise en cause par erreur ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 1er juin 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Moggio, MM Benhaïm, et Carlo.