Avis JDP n°137/11 – BOISSONS RAFRAÎCHISSANTES SANS ALCOOL – Plaintes fondées

Décision publiée le 29.09.2011
Plaintes fondées

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de l’annonceur ainsi que le représentant de l’ARPP,

– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 juin 2011, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une campagne publicitaire en faveur d’une boisson rafraîchissante aromatisée, diffusée par affichage.

Cette campagne publicitaire se compose de quatre visuels utilisant des animaux personnifiés, un ours, une girafe, une chèvre et une biche,  légèrement vêtus et en train de donner à boire de l’Orangina à des humains.

Seuls trois de ces visuels, ceux utilisant l’image de l’ours, de la girafe et de la biche, sont  critiqués par les plaintes.

2.Les arguments des parties 

 Les plaignants considèrent que trois de ces publicités (biche, girafe et ours) sont « dégradantes pour l’image de la femme » eu égard notamment aux regards des humains sur les décolletés des animaux humanisés. Ils y voient une allusion directe à la zoophilie, à la prostitution et du moins à « des actes sexués des êtres humains ».

L’annonceur précise  tout d’abord que l’un des visuels en cause présente l’image d’une biche et non d’une girafe et que rien ne permet d’évoquer l’idée de la prostitution ou celle de relations sexuelles contre de l’argent, ni même de relations sexuelles tout court, cette déformation résultant d’une  interprétation liée à la morale du plaignant. La deuxième plainte présente la campagne comme « montrant des animaux aux attributs sexuels » et le plaignant y voit une allusion directe à la zoophilie,  ce que l’annonceur rejette.

En effet, il conteste le caractère prétendument sexuel de la campagne. De tels visuels ne prétendent à aucun réalisme et doivent être considérés au travers du prisme de l’humour. Ensuite,  il est faux de prétendre qu’ils seraient d’une manière ou d’une autre en relation avec le sexe. En effet, aucun attribut sexuel n’est montré, aucun acte sexué n’est représenté, aucune relation sexuelle tarifée ou non n’est envisagée et bien entendu aucune zoophilie n’est même suggérée.

Cette campagne évoque davantage le réconfort que peut procurer la boisson : le fait de prendre une personne sur ses genoux et de la serrer dans ses bras n’ayant jamais eu par lui-même de connotation sexuelle.

Pour ce qui concerne le visuel de l’homme plus âgé, le fait que ses yeux soient tournés vers la poitrine de l’animal posé sur ses genoux tout en étant fermés peut être compris comme évoquant l’envie, la tendresse ou le regret mais en aucun cas comme une pratique sexuelle.

La société rappelle que cette campagne s’inscrit d’ailleurs dans le fil de celles diffusées  par la marque depuis des années, les consommateurs y étant parfaitement habitués et sachant apprécier immédiatement le caractère décalé.

Le concept de cette communication a été mis en place par l’agence en charge de la création, son but est de jouer visuellement sur le second degré de la signature en axant la communication sur des animaux « humanisés » pour le côté « naturel » et en jouant sur la féminité, la sensualité, la générosité pour le côté «  pulpeuse».

Il convient d’observer que cette campagne n’a aucun caractère discriminatoire, les animaux étant parfois mâles ou femelles, tandis que les personnages humains sont alternativement homme ou femme.

Cette campagne  ne porte en aucune façon atteinte à l’image de la personne humaine en ce qu’elle ne propage aucune image d’une personne humaine portante atteinte à sa dignité ou à la décence : elle n’utilise pas la nudité ; elle ne recourt à aucune représentation dégradante ou humiliante, qu’elle soit explicite ou implicite ; elle ne réduit aucun personnage à la fonction d’objet ; elle n’évoque d’aucune façon l’infériorité d’un groupe social ; elle est suffisamment originale pour ne pas exprimer de stéréotype lié à un groupe social ou ethnique ; elle ne valorise aucun sentiment ou comportement d’exclusion ou d’intolérance ; elle n’induit aucune idée de soumission ou de dépendance, ne présente aucune situation de  domination ou d’exploitation et n’a aucun lien avec quelque violence que ce soit.

Pour ces raisons, la société demande que la plainte soit rejetée.

La société d’affichage explique que la marque a décidé, depuis quelques années, de mettre en scène un bestiaire anthropomorphe décalé pour décrire les caractères « pulpeux » et « naturel » de sa boisson.

La Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP dispose que « la publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ». Si les visuels incriminés sont certes des mises en scène provocantes, ils ne sont pas pour autant répréhensibles au regard de cette Recommandation. Il est en effet très exagéré de déclarer que ces images proposeraient un « modèle de relation homme-femme basé sur un échange de relation contre de l’argent, la notion de prostitution n’étant nulle part évoquée ni même suggérée.

Quant à l’allusion à la zoophilie, la représentation très humanisée des animaux la rend inexistante. Enfin, il peut être constaté que les visuels représentant des animaux « mâles », même s’ils reposent sur le même principe, n’ont pas provoqué les mêmes réactions.

En résumé, pour l’afficheur, il s’agit d’un message humoristique décalé, basé sur l’irréalité des situations et détournant certains codes de la publicité comme la marque le fait dans ses spots télévisés.

 3.Les motifs de la décision du Jury

 Il résulte des dispositions déontologiques, notamment celles contenues dans la Recommandation «Image de la Personne Humaine » que :

1/1 : « La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence  » ;

1/3 : « De façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite,est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine » ;

Le Jury note tout d’abord que, contrairement à ce qu’allèguent les plaintes, aucun de ces trois visuels, qui ne comportent aucune représentation d’acte sexuel, ne peut être interprété  comme une allusion ou une incitation  à la zoophilie ou à la prostitution.

Sur les publicités mettant en scène un ours ou une girafe, le Jury relève que ces  publicités qui représentent une femme et un adolescent vêtus, assis respectivement sur les genoux d’un  ours et d’une girafe, buvant avec une paille la bouteille de soda que l’animal leur tend, illustrent sur un ton humoristique et en mettant en scène une situation totalement irréelle, le réconfort que peut apporter l’absorption de la boisson, sans comporter d’images choquantes ou contraires à la décence.

Elles ne contreviennent donc pas aux recommandations précitées.

Sur la publicité mettant en scène une biche et un homme âgé, le Jury observe qu’elle montre une biche humanisée, vêtue d’un bikini ou de sous-vêtements, chaussée d’escarpins à talons aiguilles, dans une posture avantageuse, la bretelle de soutien-gorge abaissée sur ses bras et un homme d’un certain âge, plus petit, en pantoufles, tenant la biche assise sur ses genoux  et qui plonge son regard dans son décolleté largement dénudé en buvant à la paille la boisson qu’elle lui tend.

Cette publicité ne se borne pas au traitement humoristique d’une situation censée évoquer la tendresse mais utilise un mode de représentation égrillard, de nature à choquer par l’image qu’elle en donne, tant les personnes d’un certain âge que les femmes, sans que le détournement utilisé par la représentation d’un animal au lieu et place d’une femme atténue cette dérive.

Elle avait d’ailleurs été déconseillée à l’affichage par l’ARPP.

Elle contrevient donc aux recommandations précitées.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont fondées en ce qu’elles concernent la publicité comportant la biche qui méconnaît les points 1/1 et 1/3 de la Recommandation « Image de la personne humaine »; elles sont rejetées en ce qui concerne les deux autres publicités;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de veiller à ce que la publicité utilisant l’image de la biche ne soit plus diffusée;

– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, à l’agence et à l’afficheur;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 9 septembre 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Drecq  et MM Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers, et Raffin.