Avis JDP n°105/11 – ORGANISATION ENVIRONNEMENTALE – Plaintes rejetées

Décision publiée le 02.05.2011
Plaintes rejetées     

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants du GIE Atout France, plaignant, de l’association mise en cause, du support et de l’ARPP,

– Le Comité Régional du Tourisme Bretagne s’étant désisté de sa plainte et les autres plaignants ayant été avertis, comme l’ensemble des parties, de la date de la séance par lettre recommandée avec avis de réception du 11 mars 2011,

–  et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi de six plaintes émanant de deux particuliers, ainsi que du groupement d’intérêt économique Atout France, du Comité Régional du Tourisme de Bretagne, de l’Office du tourisme de Binic et du camping Le Panoramic à Binic, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site Internet d’une association de protection de l’environnement, issue d’une campagne comprenant différents visuels.

Le visuel incriminé représente une plage couverte d’algues vertes.

L’une des versions de l’affiche montre la plage déserte accompagnée de la mention en accroche « Arrêtez vos salades », l’autre montre un enfant jouant sur la plage accompagné de l’accroche « Bonnes vacances ».

Sur les deux affiches, un texte figurant en bas de l’image énonce « L’élevage industriel des porcs et les engrais génèrent des algues vertes. Leur décomposition dégage un gaz mortel pour l’homme ».

2.Les arguments des parties

– Les plaignants considèrent que cette publicité porte gravement atteinte à l’image de la Bretagne et qu’elle est de nature à nuire à l’activité des professionnels du tourisme.

Ils ajoutent que cette image est de nature à induire en erreur le public sur la réalité de l’état des plages bretonnes.

Le groupement d’intérêt économique Atout France ajoute que cette publicité revêt un caractère disproportionné et nuit à l’image de la région.

Il précise que la part des touristes français susceptible d’être touchée par cette campagne et se rendant dans la région Bretagne est très importante.

Selon lui, en associant explicitement un argument écologique à l’emploi des termes « Bonnes vacances » dans un sens ironique qui ne peut signifier qu’un appel à un non déplacement touristique, cette campagne revêt un caractère déloyal du fait du dénigrement indirect de l’image touristique de la région concernée, voire, par extension de celle de l’ensemble du territoire national. En laissant entendre que séjourner dans cette région est dangereux pour la santé et que la destination est donc déconseillée, l’affiche en cause est, de surcroît, de nature à choquer la population locale, les professionnels et institutionnels locaux du tourisme, ainsi que les principaux prescripteurs nationaux de séjours dans le ou les territoires concernés et nuit, au-delà de la région concernée à la société dans son ensemble.

Un autre plaignant affirme que cette publicité est une insulte pour les nombreux agriculteurs qui pratiquent une agriculture raisonnée, tentant de rétablir une nature équilibrée et développant l’agriculture biologique dont une part non négligeable de revenus provient de vente directe ou de chambres d’hôtes.

– L’agence qui a réalisé la campagne pour le compte de l’association, fait valoir qu’il s’agit d’une campagne militante dénonçant les méfaits pour la santé et l’environnement des pratiques agricoles intensives.

Elle explique que la campagne, composée de six affiches était destinée à être diffusée dans le métro parisien au mois de février à l’occasion du salon de l’agriculture. Les affiches « Bonnes vacances » et « Arrêtez  vos salades » ont pour objet de dénoncer, auprès du grand public les effets potentiellement mortels de la décomposition des algues vertes générée par l’élevage industriel des porcs et par les engrais.

Elle précise qu’avant même leur diffusion, les affiches ont suscité de vives réactions dans le monde agricole. C’est ainsi que l’association a fait l’objet d’une procédure de référé à la requête de l’Association Inaporc qui a été déboutée de son action. En dépit de cette décision judiciaire, le diffuseur a refusé l’affichage, de sorte que ces visuels ont reçu en réalité une publicité liée aux commentaires sur ce refus tant en presse écrite que sur internet.

L’agence indique que cette campagne a été soumise à l’ARPP et que les textes ont été modifiés conformément aux recommandations de l’Autorité qui n’a plus émis d’objections.

Le support fait valoir qu’en raison de leur caractère non marchand qui participe à la liberté d’expression, les campagnes d’opinion émanant d’organismes reconnus d’utilité publique pour alerter le public sur les problèmes de société ou de santé publique peuvent bénéficier d’une appréciation plus tolérante quant aux slogans et images qu’ils diffusent.

Tel étant le cas en l’espèce, puisque la campagne litigieuse est l’expression d’une opinion que l’association défend et pour laquelle elle est reconnue d’utilité publique.

Il ajoute que le logo de l’association figure sur les visuels et renvoie vers le site internet sur lequel est disponible un dossier très complet sur les algues vertes.

Il fait, enfin, observer que le slogan ne fait aucunement référence, ni aux professionnels du tourisme, ni à la région Bretagne, mais évoque une grave pollution potentiellement dangereuse pour la santé.

Ainsi, il est incontestable que l’objectif de la campagne n’est nullement de porter atteinte à un secteur économique particulier (le tourisme) dans une région déterminée (la Bretagne), mais de susciter une réaction dans l’opinion publique sur une question d’intérêt général.

L’ARPP explique que la campagne lui a été soumise avant diffusion par l’afficheur et qu’à la suite d’un certain nombre de modifications, elle a donné son avis favorable.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Les principes généraux contenus dans le Code sur les pratiques loyales de publicité et de communication marketing de la Chambre de Commerce Internationale disposent qu’en matière de

– « Loyauté : La communication de marketing doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs (article 3) »

– « Véracité : La communication de marketing doit être véridique et ne peut être trompeuse. Elle ne doit contenir aucune affirmation ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations de nature à induire en erreur le consommateur (…) » (article 5) . »

Le Jury observe que les messages publicitaires en cause ont pour objet d’appeler l’attention du public sur le problème d’intérêt général largement connu et non résolu, de la prolifération des algues vertes, dont les émanations à fortes doses sont nocives pour l’homme et qui est due à la pollution des littoraux par un certain nombre d’activités agricoles.

Il relève que ce problème est commun à de nombreuses régions de France et que la Bretagne, ou l’activité touristique qui s’y développe, ne sont pas visées directement ou indirectement par les affiches en cause et ne sont en rien stigmatisées par cette campagne.

Sur le fond du message, le Jury estime qu’il dénonce une réalité reconnue et qu’il n’est nullement trompeur ou dénigrant.

Les termes employés sont seulement de nature à appeler l’attention du public et des pouvoirs publics, ce qui fait partie des objectifs poursuivis par l’association et demeurent acceptables au regard du but d’intérêt général poursuivi.

Enfin le Jury relève que le message en cause, en dénonçant les résultats des excès des modes d’agriculture intensive, ne vise pas les autres modes de production et, au contraire, les valorise.

Il en résulte que les plaintes ne sont pas fondées.