Avis JDP n°84/11 – DISTRIBUTION – Plainte fondée

Décision publiée le 19.01.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 31 octobre 2010 d’une plainte émanant d’un particulier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un prospectus publicitaire diffusé par une enseigne de distribution, dans les boîte aux lettres, pour informer de ce qu’elle organisait une foire aux plantes.

Parmi celles-ci sont présentées diverses plantes d’intérieur qualifiées de « dépolluantes » dont les photos sont accompagnées d’un texte intitulé « Les plantes purifient l’air de nos intérieurs » et rédigé dans les termes suivants : « Les plantes sont les poumons de notre planète. Elles renouvellent et filtrent l’air. Vous pouvez reproduire leurs effets positifs en les plaçant dans toutes les pièces. (…) Un dracaéna ou une fougère donneront un cadre agréable et propice à votre activité en plus de la dépollution de l’air qu’elles produiront.

Pour en savoir plus rendez-vous sur www … com ».

 2.Les arguments des parties

– Le plaignant, qui est un particulier, considère que l’emploi du terme « dépolluantes » contrevient à la Recommandation développement durable de l’ARPP.

Il indique avoir contacté l’annonceur pour avoir des précisions sur ces allégations et que celui-ci l’a invité à consulter deux sites Internet qui comporteraient différentes études dans ce domaine.

Le plaignant précise qu’il n’est actuellement pas prouvé scientifiquement que les plantes d’intérieur citées par l’annonceur aient une action bénéfique réelle sur les pollutions domestiques.

Il ajoute que la société en cause généralise abusivement un prétendu effet universel en attribuant par exemple au dracanéa ou à la fougère une dépollution que l’on peut imaginer parfaite puisqu’aucune précision n’est donnée sur les gaz détruits et les conditions pour l’obtenir. Selon lui, l’amalgame entre « plantes poumons de la planète » et « plantes dépolluantes aux effets positifs à l’intérieur » est fallacieux car ces affirmations ne sont pas de même nature. L’expression « poumon de la planète » est communément employée au sujet de la transformation gaz carbonique-oxygène issue de la photosynthèse, alors que l’annonce porte sur la vente de plantes censées favoriser la dépollution des composés organiques volatiles (COV) toxiques.

Il souligne encore qu’en première page, la société prétend donner des « conseils d’expert », s’attribuant des compétences qu’elle ne possède manifestement pas et soutient, enfin, que cette publicité pourrait être dangereuse dans le cas où un particulier identifiant une source de pollution nocive se contenterait de croire qu’il peut la faire disparaître par le seul placement à proximité de plantes vantées à tort comme efficaces.

L’emploi du terme « dépolluantes » constitue donc, selon lui, une allégation mensongère sur des propriétés écologiques non avérées d’un produit, avec pour objectif une augmentation des ventes.

– La société annonceur, propriétaire de l’enseigne, soutient qu’elle a apporté, par courrier, au plaignant une réponse relative aux capacités d’assainissement de l’air par les plantes, telles qu’indiquées sur son prospectus, sérieuse, objective et vérifiable.

Elle fait valoir que cette réponse mentionnait deux sites Internet d’organismes dont le professionnalisme et la notoriété sont bien connus, l’ADEME et l’association Plant’Airpur qui collabore de manière officielle au programme scientifique Phytair avec le Centre Scientifique et Technique du bâtiment et la Faculté de pharmacie de Lille, ainsi qu’avec l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI), entité placée sous la tutelle des ministères en charge du logement, de l’Ecologie et de la Santé.

Selon l’annonceur, le plaignant semble ignorer la vocation scientifique et d’intérêt public du programme Phytair en cours depuis 2004 et les conditions de réalisation de ces recherches selon une méthodologie et des protocoles scientifiques d’évaluation objective très stricts, notamment, en laboratoire.

Il précise que la réalisation de la phase I du programme Phytair, en 2004, a démontré de manière incontestable que les végétaux ont une capacité épuratrice de l’air, que la phase II, en 2006, a confirmé l’utilité des plantes pour la mise en évidence de la présence et des effets des polluants et qu’il est établi que l’absorption par les plantes en pot apparait bien comme équivalente à celle des plantes hors pot.

Selon lui, il apparaît donc bien, à la lecture des rapports et études scientifiques françaises et internationales que certaines plantes d’intérieur, dont celles citées par l’enseigne, ont une action bénéfique réelle et significative sur l’assainissement de l’air.

C’est pourquoi il considère que les quelques mentions accompagnant le visuel de certaines des plantes sur le prospectus sont en adéquation avec les connaissances scientifiques actuelles.

De même, le parallèle entre les plantes « poumons de la planète » et leur potentiel d’assainissement de l’air intérieur ne paraît pas fallacieux, les plantes étant reconnues comme pouvant absorber des composants toxiques pour l’homme et l’air intérieur ou extérieur.

Concernant plus spécifiquement l’allégation « dépollution », l’annonceur affirme qu’elle est spécifiquement et communément employée dans un but d’intelligibilité pour le consommateur moyen et signifie que certaines plantes peuvent permettre de réduire, grâce à leur métabolisme, la quantité des polluants intérieurs.

Il admet cependant que l’action de ces plantes, bien que réelle, est encore mal connue dans ses mécanismes et aurait mérité un message plus nuancé, au moins sur l’usage du terme « dépolluantes ».

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation «Développement durable» dispose que :

  • La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. (1/1)
  • Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. (1/3)
  • L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité. (1/4)
  • L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées. (3/1)
  • Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. (3/4)

Le Jury observe que, pour justifier de la réalité de l’affirmation selon laquelle les plantes sont « dépolluantes », l’annonceur se fonde en réalité uniquement sur les termes d’un programme d’étude dénommé « Programme Phytair » réalisé pendant plusieurs années (2005 à 2009), par l’association Plant’air pur d’Angers, la faculté de pharmacie de Lille, le CSTB de Nantes et, pour la dernière phase, en association avec le laboratoire de physico-chimie des processus de combustion et de l’atmosphère du CNRS.

La lecture de cette étude permet de constater que ses conclusions sont plus réservées que celles que l’annonceur en retire puisqu’il est indiqué, notamment, que « les plantes n’ont pas toutes le même potentiel d’absorption des polluants, et que les performances d’une même plante varient selon le polluant », « que les conditions [des expériences menées] quoi que nécessaires pour des raisons expérimentales ne reflétaient que partiellement la réalité » ; qu’il est nécessaire d’« affiner la connaissance du rapport dépollution/surface foliaire (autrement dit quelle surface de plante est nécessaire pour dépolluer l’air intérieur et en combien de temps) », que « les capacités d’épuration des plantes sont confirmées, mais nécessitent d’être pondérées par le rôle du sol » et que la dernière étape du programme « doit permettre de progressivement quitter les conditions de laboratoire (enceintes et conditions contrôlées) pour s’approcher des conditions du mode de vie quotidien, car même si le programme Phytair II a permis d’évoluer vers des conditions plus réalistes en matière d’exposition et de doses, certains paramètres tels que les volumes, les circulations d’air, l’influence de l’aération (…) n’ont pas encore pu être pris en compte. Or, ces variables sont incontournables pour obtenir des données sur les capacités effectives de végétaux placés en conditions réelles, dans la perspective du développement d’un système d’épuration ».

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le caractère « dépolluant » des plantes annoncé par la société annonceur n’apparaît pas suffisamment significatif pour pouvoir être revendiqué et qu’il n’est pas encore, à ce jour, étayé d’éléments suffisamment sérieux, objectifs et vérifiables.

Par ailleurs, l’amalgame effectué entre le fait communément connu et admis que les végétaux sont « le poumon de la planète » et l’affirmation selon laquelle les plantes présentées seraient « dépolluantes » constitue une présentation fallacieuse  de la réalité.

Enfin, le Jury relève que la publicité en cause n’indique nullement en quoi les produits retenus présentent les qualités revendiquées et que le renvoi au site de la société n’apporte aucune information en ce sens.

Le prospectus publicitaire soumis au Jury contrevient donc aux dispositions de la Recommandation Développement durable précitées.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée;

– La présente décision sera communiquée au plaignant et à la société annonceur;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP ;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures permettant de mettre fin à cette campagne et de faire en sorte qu’elle ne soit pas renouvelée.

Délibéré le vendredi 7 janvier 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio, et MM Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.