AVIS JDP n° 388/15 – INSTITUTIONNEL SANTE – Plainte non fondée

Avis publié le 08 février 2016
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’association plaignante d’une part et, de l’annonceur, de la société de production, de l’organisme représentant les intérêts des services de télévisions, de l’une des régies de télévision concernée, d’autre part,
  • et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 25 octobre 2015 d’une plainte d’un mouvement citoyen belge de défense, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire télévisée, en faveur d’un organisme public de santé, pour promouvoir la vaccination contre la grippe.

Cette campagne comporte plusieurs spots publicitaires mettant en scène un animateur de télévision de France télévisions, déclarant, face à la caméra :

– William Leymergie : « Ca va bien ?… Oui ! Vous êtes en forme et jeune…comme moi ! Mais certains d’entre vous ne se méfient pas de la grippe…et pourtant, après 65 ans, le risque d’hospitalisation est multiplié par 3. Un autre chiffre, l’hiver dernier 91% des personnes décédées à cause de la grippe étaient des séniors. Moi, j’ai choisi le vaccin. Et vous, vous êtes vacciné ? »

– Julien Lepers : « Aujourd’hui, pas de champion et pas de question mais une affirmation : la grippe est une maladie dangereuse, surtout pour les séniors et ceux qui souffrent de certaines maladies chroniques. Il y a pourtant un moyen simple de l’éviter : le vaccin contre la grippe ! En étant vacciné, vous la combattez mieux et vous limitez les risques de complication. Et vous, vous êtes vacciné ? »

– Sophie Davant : « Protéger ma famille, c’est une priorité. La grippe, c’est 3 millions de consultations l’hiver dernier. C’est une maladie grave pour les plus fragiles et elle se transmet très facilement. Alors, s’il y a des séniors dans votre entourage, rappelez-leur que le vaccin est le moyen le plus efficace de se protéger et de protéger ses proches. Et vous, vous êtes vacciné ? »

– Cyril Féraud : «  Aujourd’hui, c’est d’un sujet grave dont je veux vous parler. La grippe. Pour les plus fragiles et notamment les séniors, elle peut entrainer des complications sévères et parfois même des hospitalisations. Parce que l’épidémie est imprévisible, n’attendez pas. Faites-vous vacciner au plus tôt car c’est le moyen le plus efficace de vous protéger. Face à la grippe, on ne rigole pas. Et vous, vous êtes vacciné ? »

– Marina Carrère d’Encausse : « Aujourd’hui, je voudrais vous parler du vaccin contre la grippe. Ce vaccin sauve des vies car oui, la grippe peut tuer. Après 65 ans ou si vous avez une maladie chronique, vous êtes plus fragile face au virus. Le vaccin limite les complications  et réduit de 35% le risque de décès chez les séniors. C’est le moyen le plus efficace de vous protéger. Et vous, vous êtes vacciné ? »

– Laurent Romejko : « Bientôt l’hiver et avec lui la grippe revient. Les personnes atteintes d’une maladie chronique y sont très sensibles. L’an dernier, 74% des cas graves admis en réanimation suite à une grippe souffraient de diabète, de problème cardiaque ou d’une autre maladie chronique. Pourtant, un simple vaccin suffit pour limiter les risques de complications. Et vous, vous êtes vacciné ? »

Les spots se terminent par le texte écrit, prononcé également par une voix-off : « Grippe : pour éviter l’hospitalisation, passez à la vaccination » et sont signés « L’assurance maladie ».

2. Les arguments échangés

– Le Collectif plaignant considère que cette publicité présente un caractère trompeur.

Il expose qu’elle ne permet aucunement d’informer les téléspectateurs sur le caractère controversé de l’efficacité de la vaccination contre la grippe au sein de la littérature médicale. Il estime que l’efficacité du procédé est promue de façon exagérée et racoleuse, alors que la publicité ne dit rien des risques graves de ces vaccins (qui pouvent donner lieu à des décès et à des hospitalisations), qui sont pourtant cités à la fois dans la littérature médicale officielle et dans les banques de données médicales professionnelles.

Selon lui cette publicité présente la vaccination comme le seul moyen de protection efficace, ce qui n’est pas prouvé dès lors, par exemple, que plusieurs produits naturels ont déjà été scientifiquement démontrés capables d’entraîner un renforcement du système immunitaire et de plusieurs groupes de globules blancs impliqués dans la défense générale du corps contre les microbes. Par ailleurs, contrairement à ce qui est affirmé, le vaccin ne constitue pas une protection automatique contre la grippe et il repose sur un pari puisque 3 souches sont sélectionnées chaque année et qu’elles peuvent muter ensuite, rendant le vaccin inefficace.

Il ajoute que la publicité induit d’autant plus en erreur qu’elle joue sur des visages familiers d’animateurs bien connus des consommateurs-patients/téléspectateurs, a fortiori pour les sujets les plus âgés, qui ont le moins accès à internet pour avoir une analyse différente des messages avant de se faire vacciner, et risquent de se trouver dans une situation d’abus de faiblesse. Par ailleurs ces animateurs n’ont pas de compétences médicales particulières pour parler en toute connaissance de cause des effets du vaccin contre la grippe.

Le Collectif souligne en outre que ce message publicitaire joue sur la corde affective et que l’annonceur viole le devoir d’information prescrit dans la loi du 4 mars 2002 sur les droits du patient, qui prévoit notamment le droit à un consentement libre et éclairé.

Il renvoie à la décision rendue en la matière en novembre 2011 par le Jury d’Ethique Publicitaire, instance belge, selon laquelle : “Le Jury a constaté que les spots radio et TV mentionnent entre autres ce qui suit : “La vaccination est une protection utile et efficace. Elle nous permet d’éviter les maladies et leurs complications”. Le Jury est d’avis que ces affirmations, qui ne sont nullement atténuées par des mises en garde, suggèrent que l’effet de la vaccination est assuré à 100% et omettent de mentionner les risques éventuels. Etant donné les enjeux en matière de santé et le manque de certitude quant à une efficacité totale et quant à l’absence de tous risques, le Jury a estimé que les affirmations susmentionnées sont trop absolues et de nature à induire le consommateur en erreur au sens des articles 3 et 5 du code de la Chambre de Commerce Internationale. Eu égard à ce qui précède, le Jury a pris une décision de modification et a dès lors demandé à l’annonceur d’atténuer les affirmations en question de manière à ce que les spots ne soient plus en infraction avec les dispositions évoquées.”

– L‘annonceur oppose que les films contestés ne sont pas des spots publicitaires, mais des messages d’intérêt général, diffusés en dehors des espaces habituellement consacrés aux publicités, selon un plan média qui tient compte des horaires les plus adéquats pour toucher les publics ciblés ; ils sont présentés comme des messages d’intérêt général et n’ont pas pour objectif d’inciter les téléspectateurs à consommer un produit en particulier. L’annonceur ajoute qu’il n’a pas d’intérêt commercial ou financier et qu’il s’agit de messages à caractère non-marchand.

L’organisme ajoute que ces messages sont le fruit d’une démarche plus large de politique sanitaire publique : lannonceur n’est pas une autorité médicale. Il n’interprète pas les résultats des études scientifiques et médicales et ne fixe pas les objectifs de santé publique, qui sont déterminés par les autorités sanitaires.

La campagne publicitaire en cause a été développée à la suite d’un processus initié par le législateur et avec la collaboration de plusieurs entités spécialisées. La loi de santé publique du 9 août 2004 définit des objectifs de santé quantifiés, susceptibles d’être atteints dans la population ou dans des groupes de population. Parmi ces objectifs, a été fixé, en matière de lutte contre la grippe, celui d’un taux de couverture vaccinale d’au moins 75% dans tous les groupes à risque : personnes souffrant d’une affection de longue durée, professionnels de santé et personnes âgées de 65 ans et plus (alors de 65%) avant 2008 (objectif 39).

La vaccination des seniors est donc un objectif de santé publique et la campagne se doit d’atteindre une certaine efficacité, ce que le JDP a d’ailleurs déjà accepté de prendre en considération dans des décisions antérieures portant sur des sujets d’intérêt général (cf. notamment la décision n°105/11 publiée le 2 mai 2011).

Le ministère des affaires sociales et de la santé a, en conséquence, élaboré les recommandations vaccinales 2015 après avis du Haut Conseil de la santé publique et publié le

Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2015 au sein duquel il était indiqué notamment que « la vaccination contre la grippe est recommandée chaque année pour les personnes âgées de 65 ans et plus ».

La CNAMTS a, sur la base de ces objectifs, élaboré une campagne de communication visant la cible et les objectifs dictés par la politique de santé publique de l’Etat. Cette campagne a été élaborée en collaboration étroite avec le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) et l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES).

L’ARPP, consultée avant la diffusion de la campagne, a examiné les projets de messages et a estimé qu’ils étaient conformes aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur. C’est donc seulement sur les directives du ministère de la santé, afin de respecter un objectif de santé publique, et après validation de l’ARPP, que les spots ont été diffusés. De plus, ils sont insérés dans une campagne multi‐canal permettant une large diffusion des informations relatives aux vaccins.

L’annonceur oppose par ailleurs que, contrairement à ce qu’affirme le collectif plaignant, l’efficacité de la vaccination anti-grippale n’est pas «éminemment» controversée au sein de la littérature médicale. Les liens fournis par le collectif plaignant dans sa plainte renvoient simplement vers son propre site, qui n’a aucune légitimité médicale, aucun texte ne venant à l’appui de ses assertions. En revanche, la majorité de ladite littérature s’est prononcée en faveur de la vaccination – par exemple, l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique du 28 mars 2014 relatif à l’efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière notamment chez les personnes âgées et à la place de la vaccination des professionnels de santé dans la stratégie de prévention de la grippe (synthétisant environ 130 études) indique que « la balance bénéfice/risque de la vaccination reste positive chez les personnes âgées ».

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande également la vaccination pour  les groupes à risque : « La grippe est un problème de santé publique sérieux qui provoque des maladies graves et des décès dans les populations à plus  haut risque […] Le moyen le plus efficace de se prémunir de la maladie ou d’une  issue grave est la vaccination. Des  vaccins sûrs et efficaces existent et sont utilisés depuis plus de 60 ans » «  en pratique, il paraît justifié d’inciter à la vaccination les personnes âgées ayant des facteurs de risque de complication […] ainsi que leur  entourage et leurs soignants. Chez les  personnes âgées de plus  de 65 ans en bonne santé, les bénéfices de la vaccination grippale saisonnière annuelle semblent modestes, mais le  balance bénéfices-risques reste plutôt favorable » : la vaccination contre la grippe saisonnière est qualifiée d’« essentielle ». La campagne a en outre reçu le soutien de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé qui a indiqué que « la vaccination reste le moyen le plus efficace pour prévenir la maladie et protéger les populations les plus vulnérables ».

L’annonceur indique s’être appuyée pour élaborer sa campagne sur l’avis du Haut Conseil  Santé Publique qui doit, dans ses missions, fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire. Pour remplir ses missions, le Haut Conseil en Santé Publique s’appuie sur des études scientifiques fiables. Elle invite le Jury à replacer les messages dans  leur contexte : ils ont été diffusés après l’envoi aux populations concernées (personnes âgées) de flyers précisant que l’efficacité  du vaccin peut être « modérée ». Elle précise que le médecin est au cœur du dispositif et sera à même de conseiller au mieux les patients. Dans ce cadre, il ne peut sérieusement être reproché aux messages mis en cause de faire une présentation déloyale de la vaccination contre la grippe.

Sur le grief reprochant à la publicité de taire les risques graves des vaccins (décès et  hospitalisations) cités dans la littérature médicale officielle et les banques de données médicales professionnelles, l’annonceur oppose que le plaignant ne mentionne aucun article ou ouvrage précis qui ferait état des risques qu’il invoque, alors qu’à l’inverse, la littérature médicale officielle abonde dans le sens d’effets peu gênants dans une très grande majorité des cas. Elle cite à ce sujet l’avis du HCSP du 28 mars 2014 qui indique : « les réactions indésirables liées aux vaccins sont bénignes et transitoires (…), divers symptômes ou affections neurologiques (…) ont également été observés très rarement ».

Elle ajoute que les vaccins, comme tous les médicaments, font l’objet d’une surveillance régulière de la sécurité tant au niveau national qu’au niveau européen. L’ANSM, agence publique chargée de la sécurité sanitaire des médicaments et produits de santé, publie sur son site le profil de sécurité des vaccins : «Plus de cinquante années  d’utilisation dans le monde de ces vaccins trivalents en confirment la sécurité d’emploi. Les effets indésirables les plus fréquents sont  des effets bénins et transitoires comme des réactions au site d’injection (douleurs et rougeurs), voire des réactions systémiques telles que des douleurs musculaires, des malaises, des céphalées et/ou une fièvre légère ».

En outre, avant de prendre la décision de lancer une campagne de santé publique, notamment de vaccination, les autorités sanitaires procèdent à une analyse minutieuse de la balance  risques/bénéfices. C’est après une telle analyse que les autorités sanitaires ont identifié que la  vaccination des patients de plus de 65 ans comportait davantage de  bénéfices que de risques. En particulier, concernant par exemple le syndrome de Guillain‐Barré évoqué par Initiative Citoyenne, le rapport du HCSP fait état de ce « qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve indiquant que ce syndrome constitue une réaction préoccupante liée à la vaccination. Une revue de  la littérature montre que ce risque rare est d’environ 1 cas de plus par million de personnes vaccinées par rapport à la fréquence attendue du SGB dans la population adulte, qui est de l’ordre de 2,8 cas par an pour 100 000 habitants dans la population générale française. En revanche, la grippe est considérée comme un  des facteurs possibles du SGB avec une incidence de l’ordre de 4 à 7 pour 100 000  sujets grippés ».

L’annonceur ajoute qu’en tout état de cause, les annonceurs de médicaments n’ont pas l’obligation de faire état des potentiels effets indésirables de leurs produits dans les publicités qu’ils diffusent et que dans ces conditions, elle-même ne peut être tenue d’une telle obligation.

Concernant le prétendu sous‐entendu selon lequel le vaccin ne pourrait pas donner lieu à des  complications : la phrase en cause signale que « l’an dernier 74% de cas graves admis en réanimation suite à une grippe souffraient de  diabète, de problèmes respiratoires, cardiaques ou d’une autre maladie chronique. Pourtant, un simple vaccin suffit pour limiter les risques de complication ». L’expression « un simple vaccin suffit pour limiter les risques de complication » renvoie sans ambiguïté aux complications liées à la grippe chez les personnes sensibles et ne sous‐entend pas que le vaccin ne peut lui-même donner lieu à des complications.

Sur le grief, reprochant à la campagne de présenter la vaccination comme le seul moyen de protection efficace, l’annonceur indique que contrairement à ce que déclare le collectif plaignant, les messages poursuivis ne présentent pas la vaccination comme le seul moyen de protection efficace, ni comme un moyen efficace à 100% mais comme le moyen le plus efficace, ce qui est prouvé. Aucune étude ne démontre la meilleure efficacité d’une autre stratégie.

Rien n’interdit donc à l’annonceur de dire dans ses messages que la vaccination est le moyen le plus efficace, pour les personnes de plus de 65 ans, de lutter contre la grippe.

Sur le grief relatif à un prétendu abus de faiblesse des personnes âgées, l’annonceur indique que les personnes âgées sont la cible prioritaire de la campagne et qu’il est donc normal que la campagne utilise des éléments propres à pouvoir les toucher efficacement.

Sous ce grief, le collectif plaignant reproche également à l’annonceur de jouer sur la corde affective/sociale. Cet argument ne peut toutefois pas sérieusement être retenu, puisqu’il s’agit de l’essence même de la publicité. Le plaignant ne précise d’ailleurs pas en quoi cela constituerait une violation des règles de la déontologie publicitaire.

Par ailleurs, un courrier d’accompagnement assorti d’un flyer, dont les messages télévisés sont le prolongement, a été adressé aux personnes ciblées, indiquant notamment : « Pour en savoir plus sur la vaccination, consultez le document ci-joint et parlez-en avec votre médecin». In fine, ce sont bien les professionnels de santé (principalement les médecins) qui procèdent à la vaccination et pourront aider le patient à prendre la décision, selon les risques qu’il présente, de se faire vacciner ou non. Le contexte dans lequel ont été diffusés les messages permet donc aux patients de faire leur  choix en toute  connaissance de cause.

– La régie des chaînes de télévision publique française expose que campagne ne s’adresse pas à proprement parler à des « consommateurs » dès lors qu’on ne « consomme » pas du vaccin, et il s’agit  d’un cas très éloigné des critères énumérés, certes à titre indicatif, par l’article 5 de ces dispositions générales ICC.

Elle ajoute que les plaignants ont dénaturé les propos réellement tenus par les différents intervenants mis en scène. Ainsi, cette campagne n’a jamais indiqué que le vaccin était le seul moyen de protection contre la grippe. Il a été seulement indiqué que le « vaccin est le moyen le plus efficace de se protéger », ce qui non seulement n’est pas la même chose, mais de surcroît signifie très précisément qu’il existe d’autres moyens de protection contre la grippe que le vaccin.

Selon elle le reproche d’abus de faiblesse invoqué à l’encontre de l’annonceur relève du procès d’intention. En l’occurrence les éléments chiffrés fournis dans la campagne (« la grippe, c’est 3 millions de consultations l’hiver dernier », « le vaccin réduit de 35% le risque de décès chez les seniors », « 74% des cas graves admis en réanimation suite à une grippe souffraient (…) d’une maladie chronique », « 91% des personnes décédées à cause de la grippe étaient des seniors » ; etc. ») constituent des données objectives et vérifiables. La seule obligation déontologique applicable en l’espèce est la capacité de l’annonceur à en apporter la preuve. Or les plaignants n’ont pas contesté ces éléments chiffrés, se bornant à renvoyer à des sources éparses.

Par ailleurs, l’argument selon lequel l’annonceur aurait violé les obligations relatives au devoir d’information du patient, issu de la loi française n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ne peut davantage être retenu. En effet, le jury n’est pas compétent pour se prononcer sur les manquements à la loi, mais uniquement sur les éventuelles méconnaissances des règles déontologiques.

– Le syndicat représentant les chaînes de télévision privées fait valoir que, conformément à la procédure d’avis préalable dans le cadre de l’autodiscipline mise en place depuis 1990 par l’interprofession publicitaire sur délégation du CSA, ce film a été diffusé dans la mesure où il a reçu un avis favorable de l’ARPP sans commentaire.

– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a indiqué par écrit  être intervenue sur cette campagne dans le cadre d’un conseil préalable délivré à son adhérent la société de production, en octobre 2015.

L’ARPP a, à ce titre, examiné 6 projets de films, sous forme de scripts et a considéré que ceux-ci pouvaient être finalisés. Après l’examen des spots, qui lui ont été soumis une fois réalisés conformément aux projets transmis préalablement, elle a délivré un avis favorable de diffusion à l’ensemble de la campagne.

L’Autorité a pris en compte à la fois le propos de la campagne, son émetteur et le fait que celle-ci s’inscrive dans un historique de communication de la part de l’annonceur rappelant l’existence de la vaccination anti-grippe et de précédents messages diffusés depuis de nombreuses années sur ce sujet, sur de nombreux médias.

De plus, cette campagne cible certaines populations, soit en fonction de l’âge, soit atteintes de pathologies/maladies chroniques, pour lesquelles la grippe peut entrainer des complications, elle ne présente pas le vaccin contre la grippe comme devant être systématiquement proposé.

L’ARPP ajoute qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le bien fondé des préconisations émanant des autorités de santé sur des questions de santé publique et qu’elle ne saurait remettre en cause les données chiffrées émanant des autorités. En tout état de cause, aucune information complémentaire quant à un éventuel avertissement officiel des autorités médicales sur les dangers de la vaccination, n’a été porté à sa connaissance.

Sur le contenu des publicités, il lui est donc apparu que rien dans les visuels ou les textes qui les accompagnaient ne contrevenait aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur.

3. L’analyse du jury

Le Jury rappelle que le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale dispose, en son article 1er, que toute communication commerciale doit être « loyale et véridique ».

L’article 5 du même code précise que « la communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / [Elle] ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : / – des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que (…) l’efficacité et les performances (…) ».

Le Jury relève que si la campagne en cause poursuit un objectif de santé publique et émane d’un organisme public dont le but est non marchand, les spots en cause, en tant qu’instrument de promotion, constituent des publicités au sujet desquelles il est compétent pour donner son avis au regard des règles de la déontologie publicitaire.

Le Jury souligne que s’il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité ou non de cette campagne, qui s’inscrit dans le cadre d’une démarche de politique sanitaire publique encouragée par le législateur (notamment par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui a fixé un objectif quantifié portant sur la vaccination contre la grippe saisonnière pour certaines catégories de personnes estimées à risque) et élaborée sous l’égide du ministère des affaires sociales et de la santé, de l’Institut de Veille Sanitaire, et de différentes autorités sanitaires, il lui appartient cependant de vérifier si les publicités diffusées dans le cadre de cette campagne sont conformes aux règles déontologiques.

Si l’association plaignante allègue que les publicités en cause sont trompeuses, dès lors qu’elles ne donnent pas d’information sur le caractère controversé de la vaccination antigrippale ni sur les risques que comportent ce type de vaccin, qu’elles indiquent que le vaccin est le seul moyen de lutter contre la grippe, et qu’elles véhiculent leur message sur un mode affectif, en utilisant des visages connus de personnalités de la télévision, sans éléments suffisants pour que le public-cible soit suffisamment informé sur les risques graves de ces vaccins ni les modes alternatifs de lutte contre la grippe, le Jury relève cependant que :

– les publicités télévisées ont été diffusées immédiatement après l’envoi aux personnes-cibles d’un courrier explicatif assorti d’un « flyer », indiquant que le vaccin peut n’être que d’une efficacité modérée, qu’il peut  avoir des effets secondaires et renvoyant les intéressés vers leur médecin pour parler de la vaccination ;

– les publicités en cause ne mentionnent pas que le vaccin est le « seul » outil efficace contre la grippe ni qu’il est systématiquement efficace, mais qu’il reste le moyen « le plus efficace » pour lutter contre la grippe ;

– enfin, le dispositif de vaccination repose sur le médecin qui doit être obligatoirement consulté avant la première vaccination antigrippale, afin notamment d’évaluer la pertinence de la vaccination pour la personne concernée.

Le Jury relève en outre que la décision du Jury belge d’Ethique Publicitaire de novembre 2011 se prononçait sur une campagne relative à la vaccination en général et non sur une campagne portant sur la vaccination contre la grippe saisonnière pour les personnes à risque, et qu’elle ne peut, en tout état de cause, constituer un précédent.

Le Jury est, au regard de l’ensemble de ces éléments, d’avis que la publicité de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie ne contrevient pas aux dispositions précitées.

Avis adopté le vendredi 8 janvier 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Sophie-Justine Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.