ZITY – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 7 juin 2022
ZITY – 840/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 mars 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une affiche publicitaire en faveur du groupe Renault, pour promouvoir son offre de voitures en libre-service de marque Zity.

Le visuel publicitaire en cause montre une voiture, de couleur blanche et verte, portant la marque Zity sur les portières, le capot et la plaque d’immatriculation.

Le texte accompagnant cette image, inscrit en gros caractères en accroche, en vert et noir, est « Léo, ouvre ta fenêtre, regarde ce qu’il tombe et ose me dire que tu prendrais ton vélo ».

Au bas de l’affiche, le texte est : « Pour toi Léo, et vous tous amis parisiens. Zity, la voiture en libre-service ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que cette publicité, incite clairement les Parisiens à louer une voiture dès qu’il pleut au lieu de prendre leur vélo, comme si les capes de pluie n’existaient pas, ni les parapluies pour les piétons, ni les nombreux transports en commun de la capitale.

Cette publicité méconnaît donc le point 1.2 de la recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Il rappelle que les « mobilités actives » (la marche et le vélo) ainsi que les transports en commun, sont établis dans la loi française comme des solutions, dont la promotion est même devenue une obligation pour la publicité automobile depuis le 1er mars.

Ici, l’annonceur, qui propose un service de location automobile de courte durée, n’est pas tenu par la loi d’afficher ces messages de promotion des mobilités actives et des transports en commun. Cependant, la promesse de durabilité affichée sur la page d’accueil du site de Zity est en complète contradiction avec l’accroche de cette publicité, qui met l’accent sur l’inconfort du vélo et présente la location de voiture comme la solution la plus évidente en cas de pluie, dans une ville qui propose pourtant de nombreux transports en commun à ses habitants.

Enfin, le prénom employé et le ton de la publicité donnent une idée de l’âge de la cible, qui, à moins d’une situation de handicap, se trouve en pleine santé et tout à fait capable de marcher (au moins jusqu’au métro ou l’arrêt de bus). Or, ce n’est pas en incitant la jeunesse urbaine (privilégiée en matière de transports) au moindre effort qu’on la prépare à un avenir doublement contraint, par les effets de la dérive climatique et les mesures radicales que demande l’Accord de Paris.

La société Renault et la société d’affichage Clear Channel, ont été informées, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 avril 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elles ont été également informées que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société Renault n’a pas présenté d’observations.

La société Clear Channel confirme que la campagne visée à bien été lancée par Zity à Lyon et a été affichée par Clear Channel France à Paris et que plusieurs visuels ont été présentés : quelqu’un devait vous conduire en voiture et vous « plante » au dernier moment ; les transports en commun ne permettent pas d’arriver à destination ; ou bien il pleut des cordes et vous n’êtes pas emballé par une sortie à vélo.

Elle considère que la campagne est caractérisée par son second degré et met en lumière la complémentarité des modes de transport ainsi que les circonstances dans lesquelles cette complémentarité s’exerce. Le service proposé par Zity constitue selon elle une offre additionnelle de services qui vient en complément des modes de transports à privilégier en agglomération, à savoir : transports en commun, vélo, marche. L’idée n’est pas de systématiser un comportement (ici, la voiture au lieu du vélo quand il pleut), mais d’attirer l’attention sur un service méconnu et complémentaire, avec un trait d’humour.

Elle relève trois points :

  1. la publicité objet de la plainte ne discrédite, selon elle, ni les principes, ni les objectifs, ni les conseils ou solutions communément admis en matière de développement durable (ici, l’usage du vélo). A l’inverse, elle sous-entend qu’en-dehors de ces cas météorologiques exceptionnels, le vélo reste une solution à privilégier.
  2. Le trait humoristique et le côté suggestif du message (cf. « Ose me dire ») véhiculent un message faible, une suggestion, et non une prise de position ferme de la part de Zity face aux vélos.
  3. En proposant de l’autopartage 100% électrique, Zity est elle-même une solution de transport officiellement reconnue comme durable par l’Etat : en plus des labels Île-de-France autopartage et Lyon Métropole Autopartage, Zity est agréée par le Ministère des Transports pour recevoir les paiements des titres-mobilités pour les trajets domicile-travail (Forfait Mobilités Durables), au même titre que les réparateurs de vélos ou les solutions de covoiturage.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

[…]

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

1.2 La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine. »

Le Jury relève que la publicité en cause présente son offre de voitures électriques en libre-service en ville comme une alternative à la bicyclette en cas de pluie, sur un mode humoristique qui sous-entend que, lorsqu’il pleut, l’option du vélo n’est pas crédible : « Léo, ouvre ta fenêtre, regarde ce qu’il tombe et ose me dire que tu prendrais ton vélo ».

Le Jury estime que l’expression très subjective « regarde ce qu’il tombe », sans précision textuelle sur l’intensité des précipitations ni illustration visuelle, ne garantit pas que la situation climatique en cause soit au nombre de celles qui rendent l’usage du vélo impossible, excessivement pénible ou dangereux. Elle ne suffit donc pas à établir une circonstance justifiant de substituer l’automobile à la bicyclette. Ainsi, en s’adressant à un personnage imaginaire dont rien ne permet de penser qu’il serait inapte à utiliser un vélo, même par temps de pluie, la publicité conduit à tenir pour acquis que la pluie est une raison suffisante pour ne pas circuler à vélo. Au surplus, en employant les termes « ose me dire », l’annonceur semble renvoyer à un sentiment de culpabilité du possesseur de vélo, sans que l’ambiguïté des formules n’ait été explicitée à l’occasion de la plainte.

Le Jury considère que cette publicité valorise donc clairement le choix de la location de courte durée d’une voiture en ville plutôt que la pratique du vélo, ce qui constitue, même si la première est électrique, une option nécessairement plus polluante et moins vertueuse. De ce fait, la publicité peut être considérée comme étant de nature à véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît, dans cette mesure, les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 6 mai 2022 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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