YAMAHA – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 8 mars 2021
YAMAHA – 707/21
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la succursale française de la société Yamaha Motor Europe, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 octobre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités de la société Yamaha Motor Europe, ayant pour objet de promouvoir son modèle de moto Yamaha T-Max.

Les publicités en cause, diffusées sur Internet, notamment sur le site Internet de la marque, représentent des photographies et une vidéo du véhicule  T-Max circulant sur une route, dans un espace urbain.

Les textes publicitaires en cause sont : « Dès que vous tournez la poignée des gaz, vous ressentez le surplus de puissance du moteur de 560 cm³, qui délivre des accélérations encore plus franches », « un look plus incisif qui inspire le respect sur la route », « Et en ville, il n’a pas d’égal ».

2. La procédure

– Dans un premier temps, afin d’analyser la recevabilité de la plainte, le Jury de déontologie Publicitaire a adressée, le 26 novembre 2020, un courriel au plaignant lui demandant de communiquer au secrétariat le lien précis renvoyant vers la vidéo publicitaire incriminée.

Parallèlement, par courriel du 26 novembre 2020, la société Yamaha Motor été informée de la plainte dont copie lui a été transmise. Il lui a été demandé à des précisions concernant la nature de la voie sur laquelle le véhicule serait présenté, selon le plaignant, roulant à contre sens.

La société Yamaha Motor a par suite été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 janvier 2021, de l’examen de la plainte et des dispositions dont la violation est invoquée.

3. Les arguments échangés

Le plaignant relève que cette publicité n’est pas conforme aux règles déontologiques n°1, 4 et 5 de l’ARPP.

En particulier, la publicité emploie des termes argumentant sur la vitesse.

Le plaignant soutient que les différentes photos et la vidéo mettent en avant des contraventions aux règles du Code de la route ou aux impératifs de sécurité : Tout conducteur qui s’apprête à apporter un changement dans la direction de son véhicule doit avertir de son intention les autres usagers, ce n’est pas le cas dans une des vidéos où le pilote prend également beaucoup d’angle avec sa machine. En outre, le conducteur roule tantôt à gauche de la bande blanche, tantôt à droite alors que le décor reste le même. Cela laisse clairement penser qu’il y a infraction sur l’une ou l’autre des photos.

Enfin, la publicité emploie des termes pouvant susciter un comportement agressif vis-à-vis des autres usagers de la route.

La société Yamaha Motor Europe fait valoir tout d’abord qu’elle collabore quotidiennement avec l’ARPP pour s’assurer que ses publicités sont toujours conformes à la règlementation et à l’esprit des recommandations.

Elle ajoute, la publicité qui fait l’objet de la plainte est une publicité européenne qui s’inscrit dans un cadre règlementaire paneuropéen.

Selon la société, le texte de publicité n’argumente pas sur la vitesse du véhicule (règle n°1), mais sur les caractéristiques essentielles du produit, il contient le mot « puissance », mais non le terme « vitesse », étant précisé que la recommandation de l’ARPP sur les deux roues ne contient pas de prescription relative à la puissance.

Elle relève que le dictionnaire Robert définit la puissance d’un appareil comme son « pouvoir d’action » alors que la vitesse correspond au « Fait ou pouvoir de parcourir un grand espace en peu de temps ». En l’espèce, c’est bien le pouvoir d’action du scooter qui est visé.

En l’espèce, l’annonceur considère que l’augmentation de la puissance est l’une des caractéristiques du Tmax modèle 2020 par rapport au modèle 2019 : c’est donc la différence entre le nouveau et l’ancien modèle que la publicité vise à souligner.

Sur la règle déontologique relative au respect du code de la route (règle n°4), la société estime que le plaignant ne vise pas de manquements spécifiques au code de la route, mais émet une supposition de manquement. En outre, le plaignant ne vise pas à quel moment précis le conducteur n’aurait pas signalé un changement de direction. En l’occurrence, à 23-24 secondes, le conducteur met bien son clignotant conformément aux dispositions du Code de la route.

Sur le fait que le pilote prenne beaucoup d’angle avec sa machine, l’annonceur relève qu’aucune disposition du code de la route n’interdit à un pilote de prendre de l’angle en scooter ; la prise d’angle étant par ailleurs l’une des caractéristiques de la conduite d’un deux-roues. Selon lui, l’angle pris par le pilote n’est en outre aucunement excessif au regard des impératifs de sécurité.

Sur le fait que le conducteur roule tantôt à gauche tantôt à droite de la ligne blanche (règle n°4), la société indique que lorsque cette publicité a été tournée, les voies étaient fermées à la circulation pour les besoins du tournage.

Cependant, la société, soucieuse de respecter les règles déontologiques de l’ARPP, indique avoir présenté une demande de suppression des photos litigieuses auprès de sa maison-mère.

Sur la règle déontologique relative au comportement agressif (règle n°5), la société estime que l’appréciation du plaignant est hors contexte et subjective.

Elle relève que le texte « Et en ville il n’y a pas d’égal » renvoie au fait qu’en Europe le Tmax est numéro un des ventes chaque année depuis deux décennies et n’a « pas d’égal » du fait de son succès commercial considérable.

Elle considère que ce slogan n’est pas une incitation à avoir des comportements agressifs.

Concernant le texte « L’habillage intègre les clignotants avant à LED et donne à ce modèle incontournable un look plus incisif qui inspire le respect sur la route », la société souligne que le plaignant a tronqué la citation qui n’a pas le même sens que ce qu’il tente de faire croire.

Selon elle, cette formulation n’incite pas les conducteurs à avoir un comportement agressif sur la route. En effet, le caractère incisif se réfère uniquement au look du véhicule. L’expression « look incisif » signifie ainsi « look marquant » et ne vient aucunement encourager les usagers à un comportement agressif.

En conséquence, la société Yamaha Motor Europe s’engage à faire le nécessaire pour supprimer l’image de franchissement de ligne blanche et considère que, pour le reste, la plainte n’est pas fondée.

Le conseil de la succursale française de la société Yamaha Motor Europe a confirmé ces éléments dans les observations présentées en séance.

  1. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Deux roues à moteur » de l’ARPP dispose :

« 1. VITESSE

La publicité ne doit pas argumenter sur la vitesse, non plus qu’exploiter l’attrait que celle-ci pourrait représenter, tant dans l’expression visuelle, sonore, qu’écrite dans les messages ;

4. CODE DE LA ROUTE

Elle ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des deux roues à moteur en contravention avec les règles du Code de la route ou les impératifs de sécurité (notamment, les utilisateurs de deux roues à moteur porteront toujours un casque homologué).

5. COMPORTEMENT AGRESSIF

Ne pas susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent, ou portant atteinte aux autres usagers de la route (notamment, les produits ne seront jamais présentés en situation de “Wheeling”, ou roulant sur un trottoir, etc.) »

Le Jury relève que la vidéo de promotion en cause, diffusée sur internet, présente un motard portant un casque et une tenue de cuir adaptée, au guidon d’une moto TMAX en milieu urbain tandis que plusieurs personnages interrompent leur activité de peinture, de musculation, de réunion ou de repos alors qu’un T rouge s’inscrit dans leur pupille. Entre chaque séquence montrant un personnage nouveau, le film suit la circulation de la moto qui emprunte des routes à plusieurs voies, à l’air libre ou dans un tunnel. Aucun signe de double sens, ni aucun autre véhicule n’apparaît à l’image. La moto franchit une ligne en pointillés blancs lors d’un mouvement accentué de la moto. Pour finir, le motard entre dans un hangar où l’attendent les personnages. Se succèdent alors plusieurs gros plans sur différentes parties de la moto.

La campagne publicitaire de promotion comporte également des photographies en pleine page et en vignettes. Deux photographies consécutives représentent la moto sur le même tronçon de route comportant une ligne blanche, le véhicule étant positionné sur la même voie, le motard circulant dans une direction sur une photo et dans l’autre sur la seconde photo. Les visuels sont accompagnés des textes suivants : « Un nouvel habillage intègre les clignotants avant à LED et donne à ce modèle incontournable un look plus incisif qui inspire le respect sur la route » et « Dès que vous tournez la poignée des gaz, vous ressentez le surplus de puissance du moteur de 560 cm³, qui délivre des accélérations encore plus franches. Lorsque vous parcourez de longues distances sur les grands axes routiers, c’est l’un des moyens de transport les plus pratiques et les plus confortables. Et en ville, il n’a pas d’égal ».

Le Jury constate, en premier lieu, que le point 1 de la Recommandation « Deux roues à moteur » précitée renvoie aux représentations de la vitesse dans les publicités. Il observe cependant que les différentes images du véhicule T-Max n’évoquent pas sa vitesse et que le texte associé, qui vante les mérites de la puissance du moteur, a pour objet de valoriser la capacité d’accélération du véhicule et non sa vitesse, tout en faisant référence à des conditions de transport « pratiques » et « confortables ». Dans ces conditions, la publicité ne peut être perçue comme argumentant sur la vitesse du véhicule au sens du point 1 précité.

En deuxième lieu, le Jury relève que la mention d’un « look plus incisif » renvoie à la ligne esthétique de la carrosserie de la moto, dont l’habillage intègre les clignotants. Ni le mot « incisif », qui ne se rapporte pas à l’attitude du conducteur, ni la formule « il n’a pas d’égal », qui présente le modèle comme le meilleur sans connotation violente, ne sont donc de nature à susciter chez les conducteurs un comportement agressif au sens du point 5 de la même Recommandation.

Le Jury relève, en troisième lieu, que la mise en scène de la moto T-Max dans la vidéo évoque une conduite sportive du véhicule dans un milieu urbain. Contrairement à ce que soutient le plaignant, un clignotant apparaît sur l’image à l’occasion du changement de direction en cause. Si plusieurs séquences montrent le dynamisme de la moto, notamment lors du franchissement d’une ligne en pointillés blancs assortie d’un mouvement accentué de la moto, il n’apparaît pas que ces situations, réalisées dans un environnement dégagé, font apparaître une conduite dangereuse et une infraction au code de la route.

En revanche, le visuel présentant deux photographies où la moto circule, pour la première, sur la voie de gauche et, pour la seconde, sur la voie de droite, sur un espace dont l’environnement et les abords où sont stationnés des véhicules laissent penser qu’il s’agit d’une route de circulation à double sens, révèle manifestement une conduite à contre-sens sur la photo sur laquelle le motard se trouve sur la voie de gauche. Par suite, le Jury est d’avis que le visuel montrant ces deux photographies méconnaît le point 4 de la Recommandation précitée.

Le Jury prend acte de la proposition de la société Yamaha Motor Europe de supprimer les photos litigieuses afin de rendre la campagne publicitaire conforme aux Recommandations de l’ARPP.

Il résulte de cette analyse que le visuel représentant deux photographies de la moto T-Max dans des conditions de circulation à contre-sens méconnaît le point 4 de la Recommandation « Deux roues à moteur » de l’ARPP, les autres éléments de la campagne publicitaires n’étant pas contraires à cette Recommandation.

Avis adopté le 5 février 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Lacan, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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