WINAMAX – TBWA Paris – Affichage – Télévision – Plainte partiellement fondée – Demande de révision rejetée

Avis publié le 18 novembre 2022
WINAMAX – 892/22
Plainte partiellement fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations, dans le cadre de la procédure d’urgence,
  • après avoir entendu le Président du Conseil Paritaire de la Publicité, plaignant, ainsi que les représentants de la société Winamax, de l’agence de communication TBWA Paris et du Syndicat national de la publicité télévisée, par visioconférence,
  • après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé au Président du Conseil Paritaire de la Publicité, aux médias concernés ainsi qu’à la société Winamax et à son agence de communication TBWA, laquelle a introduit, avec l’accord de l’annonceur, une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 4 novembre 2022, d’une plainte émanant du  Conseil Paritaire de la Publicité (CPP), représenté par son Président, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire de la société Winamax, pour promouvoir son offre de jeux d’argent.

La campagne en cause comporte, en premier lieu, une vidéo diffusée sur Internet et en télévision. Les images montrent, dans une ville imaginaire, des femmes et des hommes portant un masque de chat, s’élançant de manière effrénée à la poursuite d’une pelote de laine géante, dans une mise en scène analogue à celle d’un film d’action. La séquence finale montre la pelote qui tombe dans l’eau, les premiers personnages se jetant eux-mêmes à l’eau pour l’attraper après avoir marqué un temps d’arrêt. Le texte inscrit à l’écran en très gros caractères est : « Winamax – Le plus important c’est de gagner ».

La campagne comprend, en second lieu, des affiches publicitaires qui montrent, sous forme de dessins, une pelote de laine rouge au premier plan et, à l’arrière, plusieurs personnages portant un masque de chat, qui tendent la main pour l’atteindre. L’action se déroule soit dans une rue, soit au-dessus des toits de la ville, soit dans un tunnel de métro. Le texte accompagnant ces images est, là encore : « Le plus important c’est de gagner – Winamax ».

Sur l’ensemble des images du film publicitaire et au bas des affiches, un large bandeau sur fond jaune porte les mentions règlementaires suivantes : « les jeux d’argent et de hasard peuvent être dangereux. Perte d’argent, conflits familiaux, addiction…Retrouvez nos conseils sur JOUEURS-INFO-SERVICES.FR (09.74.75.13.13 – appel non surtaxé) ».

2. La procédure

Le bureau du CPP a sollicité la mise en œuvre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur. Celle-ci est de droit, conformément à ces dispositions.

La société Winamax, l’agence de communication TBWA Paris ainsi que les supports de diffusion télévisée et d’affichage ont été informés, par courriel avec avis de réception du 7 novembre 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Ces sociétés ont également été informées que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur du Jury, lors de la séance du 16 novembre 2022 à 9 heures.

3.Les arguments échangés

Le Conseil Paritaire de la publicité (CPP), représenté par son Président, rappelle que sa saisine s’inscrit dans le cadre du nouveau règlement intérieur de l’instance qui lui permet de saisir le JDP, le cas échéant selon la procédure d’urgence.

Le CPP estime que cette campagne ne respecte pas plusieurs règles déontologiques :

  • En premier lieu, le slogan « L’important c’est de gagner » est incompatible avec la notion de jeu responsable et méconnaît ainsi le point 4 de la Recommandation « Jeux d’argent » dans sa version en vigueur ;
  • En deuxième lieu, la présence des personnages masqués, dont l’âge est impossible à déterminer, dans une mise en scène très évocatrice pour le jeune public, est contraire au point 2 de la même Recommandation sur la protection des mineurs ;
  • En troisième lieu, le CPP s’interroge sur la représentation de la violence dans certains visuels, qui lui paraît contraire au pont 4.3 de la Recommandation « Image et respect de la personne ».

Le CPP estime enfin que cette campagne est particulièrement inopportune alors que la France se prépare à accueillir les Jeux Olympiques. En effet, « L’important c’est de gagner » est l’inverse de la devise des Jeux : « l’important c’est de participer ».

Lors de la séance, le Président du CPP a insisté sur le caractère problématique, à ses yeux, du slogan, qui joue sur l’émotion et peut inciter à des prises de risques excessives. Il est revenu sur la représentation de la violence. Il s’est interrogé sur la cible de la publicité au regard de la catégorie d’âge.

La société Winamax et l’agence de communication TBWA Paris expliquent que Winamax a toujours souhaité développer une démarche en totale conformité avec les normes de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) et les règles déontologiques de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Elles soutiennent que cette collaboration a permis que les publicités ne contiennent pas de mention de gain immodéré, ni de glorification du vainqueur, ni de valorisation sociale, ni d’identification possible pour les publics fragiles, ni promotion du pari sportif ou du poker.

Elles indiquent avoir saisi l’ARPP pour avis préalable sur cette campagne, en ce compris sa signature, ce qui a donné lieu à de nombreux échanges : 7 conseils préalables, des échanges de messages par mails et en visioconférence, avant les trois avis définitifs favorables pour les trois versions du film.

Les sociétés souhaitent apporter des précisions sur les trois points contestés par la plainte :

1)  Le Président du CPP estime en premier lieu que la signature du film de la campagne, « Le plus important c’est de gagner », serait « incompatible avec la notion de jeu responsable (Recommandation ARPP Jeux d’argent V2, 4) ».

Il est rappelé que le 5° de l’article 11.1 du règlement intérieur du JDP dispose que « la plainte doit être clairement motivée, c’est-à-dire indiquer de façon précise en quoi la publicité mise en cause soulèverait un problème déontologique ». Les sociétés considèrent que la plainte du CPP n’indique pas en quoi la publicité serait contraire à la notion de « jeu responsable » de la recommandation. Par suite, la plainte est irrecevable.

Elles relèvent que, sur la recommandation de l’ANJ, elle a remplacé l’ancienne signature de Winamax « Grosse cote, gros gain, gros respect » par « Le plus important, c’est de gagner », afin de respecter le nouveau règlement sur les paris sportifs.

Dans cette optique, Winamax et son agence TBWA ont choisi une communication publicitaire différente de celles qui ont précédé, sur la base d’une signature s’inscrivant dans un discours de transparence et responsable sur les raisons de jouer à un jeu d’argent : on ne fait pas un pari pour perdre (de l’argent en particulier), que le pari soit sportif ou non. En particulier, un pari même sportif reste fondé sur une espérance de gain et non sur le simple plaisir de jouer ou de participer comme dans une activité purement sportive. La transparence et la responsabilité de Winamax reposent sur le rappel net de cette distinction, d’où la signature : « Le plus important, c’est de gagner ».

Il a été donc été fait le choix d’utiliser une allégorie du jeu d’argent où tout le monde court après un résultat qui peut être celui de n’importe quel type de succès, comme un chat court après sa pelote de laine, sans que cela soit assimilé à un exploit sportif ni à une recherche exclusive d’un gain financier. Winamax a choisi de ne pas montrer la victoire : aucun chat n’attrape la pelote.

2)  Le Président du CPP relève également dans sa plainte le fait que les personnages sont masqués, estimant que cela contrevient à la Recommandation « Jeux d’argent » dans la mesure où cela rendrait l’âge impossible à déterminer et que cela ferait référence à des critères « jeunesse ».

Selon l’annonceur et l’agence, la Recommandation « Jeux d’argent » interdit seulement de « représenter des mineurs en situation d’achat ou de pratique du jeu, fussent-ils accompagnés d’adulte(s) » (article 2 a)). En l’espèce, aucun mineur (ni aucun personnage) n’est en situation de pratique de jeux d’argent dans le film. Aucun élément du film ne laisse suggérer que des mineurs puissent jouer à ces jeux (article 2 b), n’utilise des éléments spécifiquement attractifs pour des jeunes publics (article 2 c), ne présente les jeux d’argent comme des signes du passage à l’âge adulte (article 2 d) ou ne présente le jeu d’argent comme un cadeau qu’un enfant peut offrir ou recevoir (article 2 e).

Les sociétés ajoutent que le parti créatif de faire porter un masque de chat aux personnages a été pris en étroite collaboration avec l’ANJ et l’ARPP, afin :

  • d’une part, de ne pas identifier un public fragile et stigmatiser une population en particulier ;
  • d’autre part, de s’inscrire dans un univers fantastique et surréaliste afin que les actions des protagonistes ne soient pas assimilées à des comportements dangereux reproductibles.

Elles relèvent que les choix stylistiques ont également été faits de façon à identifier des personnages adultes (carrures, costumes, conducteurs de véhicule, habits de travail notamment). Aucun code vestimentaire ni aucun comportement associé à une génération de moins de 18 ans n’apparaît à l’écran, où l’on ne voit pas les visages.

Elles estiment qu’il ne leur revient pas de prouver, a contrario, que les personnages ne sont pas des mineurs, dans la mesure où cela consisterait à inverser la charge de la preuve.

3)  Par ailleurs, le Président du CPP estime qu’en regardant dans le détail sur certains visuels, on peut se poser la question de la représentation de la violence (mains posées sur la tête…)

Il n’y a qu’un seul visuel avec la main posée sur la tête et Winamax comme TBWA Groupe étudient l’opportunité de ne plus utiliser ce visuel ou de le retravailler afin de supprimer la perception négative que pourrait donner cet aspect spécifique de la scène. Par conséquent, le visuel actuel ne sera plus utilisé à compter du 1er décembre 2022.

4)  Enfin, le Président du CPP estime que cette campagne est inopportune car, au moment où la France se prépare à accueillir les Jeux Olympiques, « Le plus important c’est de gagner » est l’inverse de la ligne des JO, « l’important c’est de participer ! ».

L’annonceur et l’agence soutiennent qu’il s’agit d’un grief qui n’est en relation avec aucune règle déontologique de l’ARRP et qui donc doit être rejeté.

Elle insiste sur la distinction entre le pari sportif et le sport. C’est précisément dans le but d’établir une distinction claire et nette entre les deux que la signature « Le plus important c’est de gagner » a été élaborée dans une démarche de transparence et de responsabilité, ainsi pour rappeler au public que le pari n’est pas un sport, étant observé que la devise officielle des JO est en réalité « plus vite, plus haut, plus fort ».

Lors de la séance, la société Winamax a rappelé qu’elle inscrivait l’élaboration de ses communications dans un dialogue permanent avec l’Autorité nationale des jeux, qui est l’autorité légitime et de référence dans ce domaine. Elle fait preuve d’une grande vigilance sur le lien entre jeux d’argent et émotions, notamment celles que dégage le sport. La réglementation n’autorise pas à confondre les deux ni à valoriser la convivialité liée aux paris. Ses communications relèvent du registre de l’évocation et non de l’incitation directe. Contrairement aux campagnes précédentes, il n’y a aucune forme de glorification du vainqueur. La campagne en cause ne représente pas de gagnant, personne n’attrapant la pelote – alors que, dans une première version du film, l’un des participants réussissait à l’attraper. Il a été précisé qu’un pré-test avait été effectué sur le slogan, montrant, sans surprise, que la communication était clivante et que les non-joueurs en avaient une perception négative.  L’annonceur a pointé la différence subtile de sens entre « Le plus important, c’est de gagner », signature de la campagne, et « L’important, c’est de gagner », que mentionne la plainte.

S’agissant du grief sur la protection des mineurs, Winamax rappelle que sa cible privilégiée sont les jeunes de 25 à 35 ans. Ainsi, aujourd’hui, un lecteur moyen de mangas a 34 ans, ce qui est notamment dû au coût de ces ouvrages. Il en va de même pour les jeux vidéos, pour lesquels la moyenne d’âge est de l’ordre de 40 ans. Les codes utilisés sont évocateurs pour ces publics. En revanche, l’annonceur a veillé à ne pas représenter des personnes d’un univers spécifiquement enfantin. Les personnages sont clairement des adultes. Les couleurs utilisées (noir, blanc et rouge) éloignent aussi des éléments visuels classiquement attractifs pour les mineurs, alors même qu’on pouvait, ce faisant, instiller l’idée d’agressivité.

L’agence TBWA Paris insiste sur le fait qu’il est question de jeux d’argent. On ne peut pas faire croire qu’on partage les valeurs du sport. Il ne doit pas y avoir de confusion avec la logique sportive selon laquelle l’important est de participer, y compris au regard des bienfaits du sport. Elle a veillé à ne pas s’approprier la philosophie de P. de Coubertin. Quand on joue à un jeu d’argent, l’important est de gagner : ce n’est pas un sport. Personne n’a de plaisir à perdre un pari. L’agence rappelle que l’ARPP a rendu plusieurs conseils sur cette campagne et estimé que, compte tenu notamment de la distance à la réalité, la publicité était acceptable. Elle estime que le grief sur la violence n’est pertinent que pour un seul visuel, sur lequel un personnage met sa main sur le masque d’un autre, qui ne sera pas rediffusé par précaution. Elle se réfère en outre aux observations de Médiatransport, d’autant plus significatives qu’elle émane d’un acteur qui n’est pas à l’origine de la campagne.

La société Médiatransports, précise que la campagne publicitaire est actuellement diffusée sur les réseaux exploités par Metrobus Ile-de-France et Médiagares sur différents types de supports (affiches papier et affichage digital « DOOH »). Elle précise qu’elle a accepté ces publicités après consultation de l’ARPP, qui n’a relevé aucun manquement aux règles déontologiques.

Elle estime que le slogan n’incite pas à une pratique du jeu excessive ou immodérée susceptible de mettre le joueur en péril financier, social ou psychologique. Par opposition aux valeurs sportives selon lesquelles « l’important, c’est de participer », le slogan de Winamax rappelle l’importance du gain sans lequel il n’y aurait pas de participation aux paris sportifs.

A ses yeux, l’ambiance de la campagne litigieuse ne s’adresse pas spécialement aux mineurs. Les visuels représentent une version fantaisiste d’un match imaginaire avec des joueurs portant des casques, comme cela est courant dans de nombreux sports. En outre, les univers imaginaires ne sont pas réservés à la jeunesse, d’autant plus qu’il se dégage une ambiance assez sombre de cette campagne.

Enfin, la société relève que, comme dans de nombreux sports, il peut exister une certaine brutalité, ce qui justifie la présence d’éléments de protection comme les casques. Cette campagne n’est donc pas contraire au point 4.3 de la Recommandation « Image et respect de la personne ».

Elle considère au total que cette campagne ne méconnaît pas les règles déontologiques en vigueur. Elle précise qu’elle s’engage à l’interrompre si le Jury était d’un avis contraire.

– Le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), qui n’a pas produit d’observations écrites, a rappelé en séance qu’il était présent au sein du Conseil paritaire de la publicité et avait donc suivi les débats ayant précédé la plainte. Il a insisté sur la sensibilité du sujet, justifiant que l’ARPP s’y penche sérieusement. Dès l’instant que l’ARPP a validé le film télévisé, le SNPTV n’a pas vu d’obstacle à la diffusion.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que, comme toute publicité en faveur de paris sportifs, la campagne publicitaire en cause doit se conformer à la réglementation en vigueur (notamment le décret du 4 novembre 2020 encadrant les communications commerciales du secteur) mais aussi avec les dispositions de la Recommandation « Jeux d’argent » de l’ARPP.

Cette règle déontologique a été voulue par l’interprofession publicitaire afin de garantir la protection de l’ensemble des publics exposés à la publicité des jeux d’argent et de hasard.

Elle fait l’objet d’une vigilance toute particulière dans le cadre de l’examen des publicités de ce secteur, quel que soit le support de diffusion.

Elle a été mise à jour récemment, la deuxième version du texte étant applicable depuis le 1er septembre 2022. Pour cette modification, tout comme pour le texte initial, l’ARPP a pris en compte les préoccupations de l’ensemble des parties prenantes, notamment celles des associations de consommateurs et familiales, dans le cadre du CPP mais aussi des pouvoirs publics grâce à de nombreux échanges avec l’ANJ. Elle met notamment l’accent sur la pratique d’un jeu responsable, la responsabilité sociale, la protection des mineurs.

L’intervention de l’ARPP sur cette campagne a pris donc en compte ces éléments. Les conseils délivrés se sont inscrits également dans le cadre des échanges étroits menés avec l’ANJ, étant précisé que la société Winamax a elle-même des échanges réguliers avec cette autorité. L’agence en charge de la réalisation du spot TV, TBWA\Paris, lui a confirmé avoir partagé le script TV avec l’ANJ en mai 2022 et avoir eu un accord de principe de la part de l’Autorité.

Le projet a donné lieu à plusieurs échanges, entre l’ARPP et l’agence TBWA\Paris, son adhérent, dans le cadre du conseil préalable délivré sur les projets de publicité. Puis, le film a été validé dans ses versions définitives (dans différentes durées), entre le 27 et le 29 septembre 2022.

Le film télévisé est diffusé en télévision depuis cette date, sans intervention de l’ARCOM, instance de contrôle de la publicité audiovisuelle.

Concernant les projets d’affichage, dont les visuels reprennent des extraits du film, sous forme dessinée, l’ARPP a essentiellement formulé des réserves sur la conformité du message de mise en garde avec les dispositions de l’arrêté du 29 juillet 2022.

Sous cette réserve et compte-tenu des éléments précisés en préambule, ces affiches ainsi que les versions numériques (DOOH) ont ainsi été considérées comme conformes aux règles en vigueur.

L’ARPP rappelle que, parmi les missions de l’ANJ figurent la possibilité de faire retirer toute communication commerciale non conforme d’un opérateur ainsi que l’approbation de la stratégie promotionnelle de l’année à venir des opérateurs de jeux d’argent, comme prévu par l’article 6 du décret du 4 novembre 2020. Elle n’est pas intervenue en l’espèce.

L’ARPP rappelle en outre que la Convention de partenariat sur les communications commerciales des opérateurs agréés, conclue en 2013 avec l’ARJEL, prévoit notamment la possibilité pour l’ANJ de saisir le JDP de toute publicité ne lui paraissant pas conforme aux règles déontologiques, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

4. L’analyse du Jury

4.1. Recevabilité de la plainte

La plainte du Conseil Paritaire de la Publicité, représenté par son Président, met en cause la campagne publicitaire décrite au point 1 au regard des points 2 et 4 de la Recommandation « Jeux d’argent » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et du point 4.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne », par une argumentation qui permet de comprendre la nature des reproches qui lui sont adressées.

Par suite, et contrairement à ce qu’indiquent l’annonceur et l’agence, la plainte est recevable.

4.2. Rappel des règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle que la Recommandation « Jeux d’argent » de l’ARPP, dans sa nouvelle version applicable aux publicités diffusées à compter du 1er septembre 2022, dispose :

  • En son point 2 (« Protection des mineurs ») : « En plus du respect de la Recommandation « Enfant» de l’ARPP, la publicité des jeux d’argent ne doit pas s’adresser aux mineurs compte tenu de l’interdiction légale dont ils font l’objet. / A cet effet, la publicité des jeux d’argent ne doit pas, de quelque manière que ce soit : (…) b/ suggérer que des mineurs puissent jouer à ces jeux, ni présenter les jeux d’argent comme un loisir généralement réservé à des mineurs ou spécifiquement pratiqué par ces derniers, y compris dans un contexte familial ; / c/ utiliser des éléments visuels, sonores, verbaux ou écrits, ou des personnalités, personnages, réels ou imaginaires, la rendant spécifiquement attractive pour des jeunes publics (…)
  • En son point 3 (« Les valeurs sociales »), qui rappelle à titre liminaire l’article 1er du code Publicité et marketing de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) selon lequel « Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle», que : « (…) la publicité pour les jeux d’argent ne doit pas, de quelque manière que ce soit : / (…) g/ inciter à des comportements incivils, violents voire illicites » ;
  • Et en son point 4 (« Jeu responsable ») : « La publicité des jeux d’argent ne doit pas valoriser, banaliser ou inciter à une pratique du jeu excessive, immodérée ou susceptible de mettre le joueur en péril financier, social ou psychologique. / A cet effet, la publicité des jeux d’argent ne doit pas, de quelque manière que ce soit : (…) / c/ associer des situations de jeu répétitives, incontrôlées, compulsives ou des mises excessives à des émotions fortes ; / d/ représenter, en les valorisant, des comportements de joueurs compulsifs tels que définis par les autorités médicales ; / e/ inciter à des mises ou des prises de risque excessives, de nature à mettre le joueur en difficulté ; / (…) i/ donner l’impression que des pertes au jeu excessives au regard de la situation du joueur pourraient être sans conséquence ; (…)».

Le point 4.3 de la Recommandation « Image et respect de la personne » prévoit en outre que : « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. / La notion de violence recouvre au minimum l’ensemble des actes illégaux, illicites et répréhensibles visés par la législation en vigueur. / La violence directe se traduit par la représentation de l’acte de violence proprement dit ; la violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence ; la violence morale comprend notamment les comportements de domination, le harcèlement (moral et sexuel) ». Son point 4.4. dispose que « La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence ».

4.3. Analyse de la conformité de la campagne publicitaire critiquée aux règles déontologiques

Le Jury relève que la campagne publicitaire qui fait l’objet de la plainte a pour objet de promouvoir les services de jeux de la société Winamax (paris sportifs, poker en ligne…), en recourant à un slogan (« Le plus important, c’est de gagner ») qui détourne à l’évidence l’adage bien connu dans le milieu sportif et, plus largement, dans le cadre de toute compétition : « l’important, c’est de participer ».

Ce slogan est illustré par une vidéo assimilable à un très court-métrage cinématographique qui met en scène, de nuit, dans une ambiance moite et un environnement urbain de « bas-fonds » éclairés par les néons blafards des commerces, des humanoïdes portant un masque de chat qui se lancent à la poursuite d’une pelote de laine rouge géante roulant et rebondissant à travers la ville. Au passage de la pelote, les femmes et les hommes-chats se trouvant à proximité se joignent à cette course effrénée, les uns et les autres n’hésitant pas à jaillir des bâtiments en faisant exploser une vitrine ou à sauter des toits, des balcons ou d’un train sur des enseignes lumineuses ou des voitures qu’ils détériorent, comme d’autres éléments du mobilier urbain se trouvant sur leur passage, jouant des coudes pour écarter un rival et ne craignant pas, pour parvenir à leurs fins, de renverser une table et la vaisselle qui s’y trouve, le chargement d’un camion, un empilement de caisses portées par une personne et tout ce qui se trouve sur leur chemin. Alors que la pelote passe entre un véhicule de police et une fourgonnette derrière laquelle des criminels armés de fusils s’abritent pour ne pas être atteints par des tirs des forces de l’ordre, ceux-ci se mettent à leur tour à courir après, se joignant à la foule qui se déverse sur un quai portuaire. La pelote termine sa course dans l’eau du port, à quelques mètres du bord. Les premiers poursuivants, arrivés à l’extrémité du quai, hésitent, craignant de se mouiller, puis décident finalement de se jeter à l’eau, illustrant le slogan de la campagne qui s’affiche alors à l’écran.

Les affiches publicitaires, quant à elles, s’apparentent à des extraits de cette mise en scène, sous forme de dessins, dans différents environnements urbains. On y voit des femmes et hommes-chats se jetant sur une pelote de laine rouge en s’efforçant de devancer voire d’écarter les autres compétiteurs.

4.3.1. Sur le respect des règles relatives au « Jeu responsable » (point 4 de la Recommandation « Jeux d’argent »)

Le Jury constate que le slogan de l’ensemble de la campagne publicitaire met en valeur la prééminence de l’objectif financier (« le plus important ») sur la simple participation aux jeux d’argent promus. Il estime qu’un tel slogan rappelle une évidence qui tient à ce que, le plus souvent, les parieurs (comme les joueurs de poker en ligne) attachent plus d’importance au gain qu’au seul plaisir de jouer. S’il est vrai que l’adage « L’important, c’est de participer » vise à encourager une pratique sportive ou, plus largement, de compétition, saine et respectueuse des autres (« fair-play »), en invitant à relativiser la défaite, le Jury considère que le seul détournement de cet adage n’implique pas de lire a contrario le slogan critiqué comme un encouragement à recourir à tous les moyens, le cas échéant illicites (triche, trucage, violence…), pour remporter la victoire. L’expression « Le plus important » montre en outre que d’autres considérations peuvent entrer en ligne de compte dans le choix de se livrer aux jeux d’argent, quoique plus secondairement, ce qui peut notamment renvoyer au simple plaisir de participer et d’échanger avec d’autres joueurs. De même, le Jury considère que ce slogan, qui apparaît dans le film et sur les affiches concomitamment au large bandeau sur fond jaune portant les mentions règlementaires sur la prévention contre les dangers des jeux d’argent, n’incite pas en soi à une pratique du jeu excessive ou immodérée qui consisterait à continuer à jouer jusqu’à l’obtention d’un gain, au risque de se mettre en difficulté, d’autant qu’il est rare que les parieurs ne gagnent jamais, fût-ce sur des cotes modestes.

Par suite, le Jury considère que, pris isolément, le slogan « Le plus important, c’est de gagner », n’est pas contraire au point 4 de la Recommandation « Jeux d’argent ».

Le Jury estime toutefois que la conformité de cette allégation à ces règles déontologiques ne peut faire abstraction du contexte dans lequel elle s’inscrit. En effet, le sens qu’elle revêt pour le public dépend étroitement des autres éléments, notamment visuels, des publicités en cause. Il en va ainsi, en particulier, s’agissant du film publicitaire qui se conclut sur la reproduction du slogan, lequel se conçoit ainsi comme une sorte de synthèse du propos général de la publicité.

Le Jury constate à cet égard que la scène de ce film, dont l’esthétique, le rythme et le déroulé évoquent des films d’action américains ou hongkongais, se déroule dans un univers imaginaire et futuriste vraisemblablement inspiré des mangas et des comics, peuplé d’humanoïdes bipèdes dotés de pouvoirs évoquant les aptitudes des félins (détente exceptionnelle, capacité à se réceptionner sans blessure après une chute de plusieurs mètres…) et partageant avec eux certaines caractéristiques (appétence pour le lait, miaulements…). La campagne repose ainsi clairement sur un parallèle entre, d’une part, la concurrence entre des chats pour s’emparer d’une pelote de laine et, d’autre part, la compétition entre les joueurs recourant aux services de Winamax et cherchant à remporter le jackpot. Cette campagne représente donc, de façon métaphorique, des joueurs en situation de jeu.

Le Jury observe que ce parallèle conduit à assimiler le comportement des parieurs et joueurs de poker et autres jeux d’argent à celui de chats « conditionnés » pour attraper une pelote de laine. Animés par leur seul instinct, abandonnant toute rationalité et mus par un réflexe irrépressible – dont témoigne le déclenchement des lumières sur leur masque félin dès que la pelote passe près d’eux – qui rend leur comportement presque frénétique, ils apparaissent manifestement prêts à abandonner séance tenante toute autre activité, des plus banales (se restaurer ou téléphoner) aux plus importantes (opération d’arrestation de dangereux criminels par les forces de l’ordre) et à prendre tous les risques pour parvenir à leur fin, sans égard pour les dégâts que leur cavalcade peut causer et sans craindre de bousculer un autre compétiteur, au risque de le blesser, jusqu’à se mettre dans une situation de très grand inconfort et potentiellement risquée, symbolisée par la plongée des femmes et hommes-chats dans l’eau. Cette séquence illustre les très importants sacrifices qu’un joueur est prêt à consentir pour gagner, y compris en ignorant ses phobies les plus profondes et les plus instinctives (ce qu’un chat ne ferait pas nécessairement dans cette situation, d’ailleurs) Il en va de même des autres séquences représentant des actions violentes sur les biens et, dans une moindre mesure, les personnes, quand bien même la vidéo ne montre-t-elle aucun blessé et que les pouvoirs sur-humains des protagonistes donnent à penser qu’ils s’en sortiront en général indemnes. Le jeu semble ainsi transformer les protagonistes jusque-là essentiellement humains et vaquant à des occupations normales en animaux déchaînés, ce qui renvoie à une forme d’altération sinon d’abolition du discernement humain incompatible avec une pratique du jeu raisonnée.

Le Jury estime que cet effet est considérablement renforcé par le fait que l’ensemble des personnages représentés dans la vidéo, de façon indifférenciée, participent à la course-poursuite (ou souhaiteraient ardemment le faire, comme ceux qui se trouvent dans le train), comme si l’annonce d’un jackpot important devait nécessairement conduire toute personne informée à jouer, quelle que soit sa situation personnelle, l’ampleur des efforts (financiers le cas échéant) à consentir et les conséquences préjudiciables qui pourraient s’y attacher.

Tout en étant conscient de la distance qu’introduit le caractère irréaliste et parfois burlesque de la vidéo, dont la qualité scénographique renvoie aux meilleurs films d’action, le Jury considère que, par le jeu métaphorique sur lequel repose le scénario tel qu’il vient d’être décrit, ce film publicitaire valorise et incite à une pratique du jeu immodérée susceptible de mettre le joueur en péril financier, social ou psychologique, ou, à tout le moins, associe situation de jeu compulsive et émotions fortes et incite à des prises de risques excessives de nature à mettre le joueur en difficulté. Il contrevient ainsi, à ses yeux, au point 4 « Jeu responsable » de la Recommandation « Jeux d’argent », en dépit du message d’avertissement légal qui apparaît sur la vidéo.

Le Jury estime qu’il en va différemment des affiches publicitaires, lesquelles doivent faire l’objet d’une analyse autonome dès lors qu’une partie du public a pu y être exposée sans avoir connaissance du film auquel elles font écho. Or si ces affiches reposent sur la même métaphore, celle-ci est moins explicite et elles ne représentent que quelques personnages impliqués dans la « compétition », sans qu’on puisse en déduire que toute femme ou tout homme-chat de cet univers serait « programmé » pour y prendre part, au mépris le cas échéant de sa situation personnelle.

4.3.2. Sur le respect des règles relatives à la « Protection des mineurs » (point 2 de la Recommandation « Jeux d’argent »)

Le Jury considère, en premier lieu, que la circonstance que les personnages représentés, qui peuvent être considérés comme étant en situation de jeu compte tenu de la métaphore sur laquelle joue la campagne publicitaire, soient masqués, ce qui ne permet pas d’exclure qu’ils soient mineurs, ne permet pas de caractériser un manquement aux a/ et b/ du point 2 de cette Recommandation. Ces règles déontologiques ne peuvent être méconnues que si les publicités mettent en scène des personnes identifiées comme mineurs ou clairement reconnaissables comme tels. Or en l’espèce, la corpulence des acteurs ou des personnages dessinés donne à penser qu’ils sont majeurs et, à tout le moins, aucun indice ne permet de tirer la conclusion inverse. En outre, il n’est pas allégué que des actrices et acteurs de moins de 25 ans joueraient dans le film publicitaire ; en tout état de cause, cette règle a été conçue pour éviter que des majeurs de moins de 25 ans ne soient confondus, en raison de leurs traits juvéniles, avec des mineurs. Or, précisément, les traits des protagonistes ne sont pas apparents en l’espèce.

En second lieu, si la mise en scène et l’univers dans lequel elle s’inscrit rendent cette campagne publicitaire indéniablement attractive pour des adolescents, le Jury estime qu’elle ne l’est pas « spécifiquement » pour des jeunes publics et ne leur est donc pas « adressée », au sens du c/ du point 2 de la Recommandation « Jeux d’argent ». En effet, d’une part, elle recourt aussi à des codes et références issus de films relativement anciens et fait ainsi tout autant écho aux goûts de majeurs amateurs de cinéma d’action fantastique. Le Jury relève d’ailleurs que la bande-son de la vidéo est reprise du film Snatch de Guy Ritchie, qui s’adresse au moins autant aux adultes qu’aux adolescents. D’autre part, les couleurs choisies pour les affiches publicitaires (essentiellement le noir et le blanc, ainsi que du rouge saturé) correspondent davantage à un univers adulte. Enfin, comme l’indique l’annonceur, l’âge moyen des lecteurs de mangas et de jeux vidéos auxquels la campagne publicitaire fait écho est supérieure à 30 ans. Il ne peut donc être déduit de l’esthétique générale de la campagne et de ses sources d’inspiration que celle-ci serait spécifiquement attractive pour les mineurs.

4.3.3. Sur le respect des règles relatives à la représentation de la violence (point 4.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne »)

Le Jury rappelle que, si cette règle déontologique prescrit aux professionnels « d’éviter » toute scène de violence, cette contrainte doit s’apprécier au regard tant de la nature du produit ou du service promu que du contexte spécifique de la publicité critiquée. Ce dernier peut ainsi justifier la représentation de gestes ou de propos qui pourraient, dans d’autres contextes, être perçus comme violents et prohibés par la déontologie publicitaire.

En l’occurrence, le Jury observe que les protagonistes du film publicitaire ne se soucient en aucune manière du sort de leurs rivaux, qu’ils écartent parfois physiquement. S’il est vrai que certains gestes peuvent évoquer une compétition sportive (rugby, football américain…), cette analogie n’est pas celle qui vient spontanément à l’esprit s’agissant d’une course-poursuite anarchique et destructrice en milieu urbain, où tous les coups sont permis et qui ne répond ainsi manifestement à aucune « règle du jeu ». Il ressort du reste des observations de l’annonceur et de l’agence que ces derniers n’ont, précisément, pas entendu représenter une compétition sportive, mais la pratique d’un jeu d’argent.

Pour autant, dans le contexte particulier du film publicitaire, eu égard aux codes habituels des films d’action dont il s’inspire, à l’impossibilité de déterminer ce qui, dans l’univers représenté, est ou non légalement admissible, à l’absence de représentation de personnes mortes, blessées ou en souffrance, et alors que les services proposés par Winamax, s’ils mettent des joueurs en compétition, n’impliquent aucune forme de violence entre eux, le Jury estime que celle-ci ne méconnaît pas, en l’espèce, le point 4.3 de la Recommandation « Image et respect de la personne ».

S’agissant des affiches publicitaires, le Jury relève que l’une d’elles (avec des immeubles en arrière-plan) représente un homme ou une femme-chat repoussant un concurrent en appuyant sa main sur le masque de ce dernier, dans un geste qui semble vigoureux et potentiellement dangereux, alors que des éclats entourent le personnage écarté et que son masque semble détérioré. Ainsi que l’admettent l’annonceur et l’agence, qui se sont engagés à la retravailler ou à ne plus la diffuser, cette affiche comporte une scène de violence qui méconnaît cette règle déontologique. Il en va différemment des autres affiches, y compris de celle qui représente les compétiteurs dans le métro, dans laquelle le protagoniste en tête ne semble faire qu’effleurer le masque de son rival, sans indice de brutalité.

Le Jury ne sous-estime pas les fortes contraintes juridiques et déontologiques pesant sur les professionnels concernés et les efforts qu’ils ont consentis en l’espèce, en lien avec les organismes compétents qui ne s’y sont pas opposés, pour concevoir cette campagne publicitaire dont la qualité et la créativité ne sont pas en cause. Il lui revient toutefois de porter une appréciation propre et de rendre un avis indépendant sur le respect des règles déontologiques dont le contrôle lui a été confié par l’ARPP, en tenant compte de la responsabilité sociale et professionnelle particulière qui pèse sur les opérateurs de jeux en ligne, eu égard aux risques que présentent les services qu’ils proposent.

En conséquence de l’analyse précédemment exposée, le Jury est d’avis que :

  • le film publicitaire critiqué méconnaît le point 4 de la Recommandation « Jeux d’argent» dans la mesure et pour les motifs indiqués ci-dessus ;
  • l’affiche publicitaire représentant la course-poursuite aérienne sur fond de gratte-ciel est contraire au point 4.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne» ;
  • la plainte n’est pas fondée pour le surplus.

Avis adopté, dans le cadre de la procédure d’urgence, le 16 novembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Boissier ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


La société TBWA, agence de communication de la société Winamax, à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 18 novembre 2022, a adressé, le même jour, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 24 novembre 2022.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

1. La plainte :

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 4 novembre 2022, d’une plainte émanant du Conseil Paritaire de la Publicité (CPP), représenté par son Président, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire de la société Winamax, pour promouvoir son offre de jeux d’argent.

La campagne en cause comporte, en premier lieu, une vidéo diffusée sur Internet et en télévision. Les images montrent, dans une ville imaginaire, des femmes et des hommes portant un masque de chat, s’élançant de manière effrénée à la poursuite d’une pelote de laine géante, dans une mise en scène analogue à celle d’un film d’action. La séquence finale montre la pelote qui tombe dans l’eau, les premiers personnages se jetant eux-mêmes à l’eau pour l’attraper après avoir marqué un temps d’arrêt. Le texte inscrit à l’écran en très gros caractères est : « Winamax – Le plus important c’est de gagner ».

La campagne comprend, en second lieu, des affiches publicitaires qui montrent, sous forme de dessins, une pelote de laine rouge au premier plan et, à l’arrière, plusieurs personnages portant un masque de chat, qui tendent la main pour l’atteindre. L’action se déroule soit dans une rue, soit au-dessus des toits de la ville, soit dans un tunnel de métro. Le texte accompagnant ces images est, là encore : « Le plus important c’est de gagner – Winamax ».

Sur l’ensemble des images du film publicitaire et au bas des affiches, un large bandeau sur fond jaune porte les mentions règlementaires suivantes : « les jeux d’argent et de hasard peuvent être dangereux. Perte d’argent, conflits familiaux, addiction…Retrouvez nos conseils sur JOUEURS-INFO-SERVICES.FR (09.74.75.13.13 – appel non surtaxé) ».

2. La procédure :

 Le Bureau du CPP a sollicité la mise en œuvre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur (R.I.) du JDP. Celle-ci est de droit, conformément à ces dispositions.

La société Winamax, l’agence de communication TBWA Paris ainsi que les supports de diffusion télévisée et d’affichage ont été informés, par courriel avec avis de réception du 7 novembre 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Ces sociétés ont également été informées que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur du Jury, lors de la séance du 16 novembre 2022 à 9 heures.

Le 18 novembre, l’agence de communication TBWA a reçu l’avis délibéré par le JDP ; elle a aussitôt formulé une demande de Révision de cet avis, cette demande ayant, le même jour, reçu l’accord formel de l’annonceur Winamax.

Le 21 novembre dans l’après-midi, ont été produits par l’agence TBWA les arguments venant au soutien de la demande de Révision.

Sur cette base, et à partir de l’ensemble des éléments du dossier, le Réviseur de la déontologie publicitaire s’est aussitôt rapproché du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis en litige et il a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Après quoi le Réviseur a apporté à la demande en Révision de Winamax la présente réponse.

3. La Révision :

L’annonceur fait valoir 2 arguments au soutien de sa demande :

  • des manquements à la procédure du Règlement intérieur du Jury
  • une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury.

A) Procédure

1) absence de motivation claire et précise de la plainte initiale (Art 11.1 5° du R.I.) :

a) Si l’annonceur soutient que le plaignant ne détaille pas “en quoi” la publicité Winamax soulèverait un problème déontologique, il ressort des termes mêmes de la plainte initiale que celle-ci se réfère avec précision aux paragraphes de la Recommandation Jeux d’argent de l’ARPP qu’elle estime méconnus par la publicité ; la plainte précise en outre les éléments de la publicité qu’elle conteste (le slogan ; la présence de personnages masqués ; la représentation de la violence) en les rapportant aux règles déontologiques qu’elle estime méconnues.

b) De manière voisine, l’annonceur fait remarquer que, dans la plainte initiale, le slogan incriminé est ainsi formulé : “l’important c’est de gagner”, alors que son intitulé exact est : “Le plus important c’est de gagner”. Si cette approximation est incontestable, elle est toutefois sans influence sur la recevabilité de la plainte, dès lors qu’il ressort des éléments du dossier, ainsi que du texte même de l’avis, que le Jury a rétabli de lui-même l’exactitude des choses et ne s’est pas mépris sur la réalité du slogan mentionné dans la publicité.

Dans ces conditions, le Jury n’a pas enfreint les règles de procédure applicables à ses travaux en estimant que la plainte du CPP s’appuie sur “une argumentation qui permet de comprendre la nature des reproches qui sont adressées” à la publicité en cause. Par suite, l’annonceur n’est pas fondé à soutenir que la plainte initiale serait irrecevable.

2) le Jury s’est prononcé au-delà des faits de la cause :

Certes, prise au pied de la lettre, la plainte met précisément en cause le slogan du film, le recours à des personnages masqués et la représentation de la violence ; mais ces trois points explicitement soulevés ne revêtent pas un caractère exclusif ou exhaustif : dans la plainte est visée de manière plus générale “la campagne publicitaire de Winamax”, critiquée à la fois comme contraire aux “règles déontologiques de la publicité” et comme “inopportune” au regard des prochains Jeux Olympiques de Paris.

En outre, en recherchant si – au-delà de son slogan ou de ses personnages – le film dans son ensemble n’était pas contraire au caractère “responsable” que la déontologie impose aux publicités pour les jeux (comme la plainte le soutient expressément), le Jury n’a pas introduit de nouveau critère pour analyser le film contesté, et il reste dans la droite ligne de l’argumentation du plaignant.

L’annonceur n’est donc pas fondé à reprocher au Jury d’avoir, dans son avis, distingué le libellé du slogan publicitaire (pris au pied de la lettre), du contexte, notamment visuel ou sonore, au terme duquel apparaît ce slogan : en effet la publicité est un message global, dans lequel – c’est tout l’art du publicitaire – les mots, les images et les sons se répondent ; il n’est donc pas critiquable de les analyser comme un tout – ainsi que l’a fait le JDP.

L’annonceur ne peut donc pas soutenir que le Jury aurait ce faisant outrepassé sa compétence ou procédé à une analyse déformée du litige en cause.

B) Fond

1) La demande en Révision souligne d’abord la contradiction entre d’une part l’avis du JDP et d’autre part les positions adoptées dans cette affaire par l’ARPP ou l’ANJ (Autorité nationale des jeux).

On observera d’abord que – contrairement à ce que soutient la demande en Révision – le JDP (ni le Réviseur) n’est pas une “instance de l’ARPP”, mais seulement une “instance associée“, conçue comme totalement indépendante de l’ARPP quand cette dernière a créé le Jury puis le Réviseur.

Quant à la circonstance que “la responsabilité des avis du Jury et des actes du Réviseur de la déontologie publicitaire est assumée par l’ARPP” (Art. 25 du Règlement du JDP), elle a pour seul objet, le cas échéant, de fournir un recours ou une garantie à toute personne qui s’estimerait lésée par les actes du JDP ou du Réviseur ; elle n’établit, ni même ne suppose, que le JDP (ou le Réviseur) soit soumis dans ses appréciations aux positions de l’ARPP.

On rappellera en outre que JDP, ARPP et ANJ sont absolument indépendants ; par suite aucun des trois n’est lié par les positions de l’un des deux autres.

Enfin, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le Jury, sans méconnaitre son indépendance, a, pour analyser la campagne en débat, pris en considération les positions respectives de l’ARPP et de l’ANJ, qui sont d’ailleurs largement citées dans l’avis contesté.

Au total, cette divergence entre les positions du JDP et celles de l’ARPP ou de l’ANJ ne peut donc à soi seule constituer un moyen de Révision.

2) En Révision, l’annonceur soutient ensuite que le JDP aurait procédé à une “interprétation erronée du film publicitaire” en cause.

a) Il est exact que l’avis se prononce, avec force précisions et nuances, sur la teneur générale du film ainsi que sur les divers éléments dont il se compose. Les nombreux détails qui ressortent de la manière dont le Jury décortique le message suffisent à établir que l’avis est plus que balancé ; c’est ainsi d’ailleurs que plusieurs des critiques du plaignant sont écartées.

Reste que, sur plusieurs points, le Jury, se plaçant implicitement dans la position d’un “consommateur moyen (c’est-à-dire « normalement informé, raisonnablement attentif et avisé »)”, a été conduit, pour remplir sa mission, à se livrer à une interprétation du message en litige, d’où il a conclu que :

  • le film publicitaire critiqué méconnaît le point 4 de la Recommandation « Jeux d’argent » pour plusieurs des nombreux motifs indiqués dans l’avis ;
  • l’affiche publicitaire représentant la course-poursuite aérienne sur fond de gratte-ciel est contraire au point 4.3. de la Recommandation « Image et respect de la personne » ;
  • la plainte n’est pas fondée pour le surplus.

b) Sur le film publicitaire, il apparait que l’annonceur et son agence sont en désaccord avec les analyses du Jury, d’où leur demande de Révision, exprimée de manière argumentée et souvent subtile.

Le Réviseur observe ces divergences entre les intentions de l’annonceur (et de son agence) quant au sens à donner au message et la lecture du film que peut en faire le public, telle qu’exprimée dans l’avis en cause.

En effet, il est clair qu’au regard de la déontologie publicitaire, une publicité ne peut se lire à la seule aune des intentions des professionnels qui l’ont conçue ou validée ; en dernière analyse, c’est au regard de la lecture qu’en fait le “consommateur moyen” que doit se prononcer le Jury quand il est saisi – en tenant compte du contexte social dans lequel la communication est diffusée et de la responsabilité sociale pesant sur les professionnels concernés.

De ce point de vue, il n’appartient pas au Réviseur de se prononcer mot à mot sur le détail de chacune des appréciations du Jury ; il lui revient en revanche de vérifier que, dans leur ensemble, les interprétations du film faites par le JDP ne sont pas grossièrement erronées et que les analyses du Jury ne déforment ni ne dénaturent le ton ou la teneur du message publicitaire en cause ; or tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

c) De même ne peut-on suivre l’argumentation de la demande en Révision sur le caractère plus ou moins métaphorique du film.

En effet, ce n’est pas le caractère réaliste ou métaphorique en soi d’un message qui le rend “conforme” ou non à la déontologie : tout dépend de la forme, de la teneur ou du contexte de cette publicité. Ainsi le Jury pourra-t-il estimer que, dans tel message, “le choix d’une situation réaliste (…) contribue à renforcer le processus d’identification entre le public et le personnage du film” [avis du JDP du 6 juillet 2017 cité par Winamax] et que dans telle autre publicité, c’est le caractère métaphorique qui facilite une telle assimilation ; tout est affaire d’espèce ou de contexte.

C’est donc en vain que la demande en Révision tente d’opposer l’avis en cause dans la présente affaire à un précédent avis du JDP ou à certaines déclarations de la Présidente du Jury en 2018.

d) Il en va de même pour l’analyse du slogan du film (“Le plus important c’est de gagner”). Le Jury a d’abord estimé que, au mot à mot, et “pris isolément”, ce slogan n’est pas en soi contraire au point 4 de la Recommandation Jeux d’argent de l’ARPP applicable à l’affaire ; mais toujours dans sa mission de se prononcer sur la conformité du message à la déontologie en vigueur, le Jury a estimé ne pouvoir “faire abstraction du contexte dans lequel s’inscrit” cette allégation et devoir tenir compte du “sens qu’elle revêt pour le public”, lequel “dépend étroitement des autres éléments, notamment visuels des publicités en cause”.

Ce faisant, le Jury n’a fait qu’analyser la plainte dont il était saisi. Ses appréciations, loin d’être contradictoires (contrairement à ce que soutient la demande en Révision), témoignent au contraire d’une analyse du message nuancée et équilibrée.

e) S’agissant de la représentation de la violence critiquée par la plainte initiale, le Jury, au terme d’une analyse fouillée, conclut que le film publicitaire en cause “ne méconnaît pas, en l’espèce, le point 4.3 de la Recommandation Image et respect de la personne“.

En revanche, il observe que l’une des affiches publicitaires de la campagne en cause comporte “une scène de violence qui méconnait cette règle déontologique” ; il donne acte à l’annonceur et à l’agence, qui “admettent” ce point, de leur engagement de “retravailler” cette affiche, voire de “ne plus utiliser ce visuel à compter du 1er décembre 2022″ (mémoire de TBWA au Jury en réponse à la plainte initiale ; p. 3 § 4).

4. Rédaction :

On observe que dans la rédaction de l’avis (“3. Les arguments échangés”), la numérotation des articles de la Recommandation Jeux d’argent qui figure au bas de la page 3, elle-même fidèlement reprise des documents produits par l’annonceur et de l’agence, est erronée.

Conformément à l’article 22.2 du R.I., le Réviseur demande donc au Jury, dans son avis définitif, de corriger cette erreur matérielle.

5. Conclusion :

a) Pour conclure, il ressort des analyses qui précèdent que la demande en Révision présentée au nom de Winamax n’établit pas que l’avis du Jury en litige comporterait des manquements à la procédure devant le Jury ou serait entaché d’une “critique sérieuse et légitime” (au sens de l’article 22 du Règlement intérieur du JDP).

Par suite, il n’y a pas lieu de réformer l’avis du JDP contesté.

Toutefois, le Réviseur, au titre de l’article 22.2 du R.I., demande au Jury d’apporter, dans son avis définitif, les modifications rédactionnelles mentionnées au § 4 ci-dessus, lesquelles ne modifient pas le sens de l’avis initial, ni ne remettent en cause l’analyse de la publicité litigieuse à laquelle a procédé le Jury.

b) De ces éléments il résulte que la demande de Révision de Winamax est recevable – et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury – mais non fondée.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • pour corriger certaines inexactitudes de rédaction, notamment celles mentionnées au a) ci-dessus,
  • pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • pour y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause ainsi complété ou corrigé (mentionnant en outre le recours en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié sur le site du JDP – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de Winamax.

Alain GRANGE-CABANE

Réviseur de la déontologie Publicitaire


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