Avis publié le 29 décembre 2022.
VOLKSWAGEN T-CROSS – 885/22
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 6 octobre 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Volkswagen France, pour promouvoir son modèle de véhicule T-Cross.
La publicité en cause, diffusée en affichage, montre le véhicule circulant dans une rue, au milieu de bâtiments.
Le texte accompagnant cette image énonce « Pourquoi être équipé quand on peut être suréquipé ? », ainsi que différentes mentions relatives à une offre tarifaire promotionnelle et à l’organisation de portes ouvertes. Les informations imposées par la réglementation, relatives à l’étiquette CO² et au message renvoyant aux mobilités actives sont insérées au bas de l’affiche.
2. Les arguments échangés
– Le plaignant énonce que cette publicité, qui fait la promotion du « toujours plus », n’est pas compatible avec les objectifs climatiques, dans un contexte de fin de l’abondance, de crise énergétique qui menace l’hiver, de risques de pénurie alimentaire et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cette publicité lui paraît être à contre-courant des nouveaux comportements de marketing et de consommation qu’il conviendrait d’adopter le plus rapidement possible si nous voulons être sérieux sur les sujets de la sobriété énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique.
Il rappelle que ce véhicule de plus de 4 mètres de long pèse, dans sa version de base, environ 1350 kg et quelques dizaines de kilos de plus en fonction des niveaux de finition. Il émet entre 122 et 199 gCO2/km (Source : données constructeurs reprises par largus), soit très largement plus que la moyenne CAFE requise par la réglementation européenne (95g/km en moyenne annuelle constructeur en 2022). Sa fabrication entraîne l’émission d’environ 6 tCO2eq, et son utilisation émettra a minima 20 tCO2 supplémentaires (calcul sur la base de 150 000 km avec 130g/km), selon The Shift Project, Climobil.
En considérant que ce véhicule sera en circulation pendant quinze ans, dans les conditions d’usage des véhicules actuelles, cette voiture vendue neuve en 2022 n’est pas compatible avec notre budget carbone permettant de maintenir le réchauffement climatique sous les +2°C.
Des équipements complémentaires, offerts au client, vont aggraver les émissions de fabrication, les émissions à l’usage et puiser davantage dans les ressources qui se raréfient.
Le plaignant ajoute que le caractère gratuit de ces externalités n’est absolument pas de nature à encourager une consommation raisonnée et à faire prendre conscience de la situation dans laquelle nous sommes et à laquelle nous sommes, ici et maintenant, désormais confrontés par ses conséquences. Cette incitation au consumérisme et à la surconsommation n’est plus compatible avec les limites planétaires, quasiment toutes dépassées.
Enfin, il rappelle que l’ADEME vient de publier l’exemple d’une entreprise qui change son modèle d’affaires dans un sens plus responsable sur ses sujets, en affirmant « Le modèle classique d’entreprise, qui consiste à faire du profit en incitant à consommer, n’est pas compatible avec les enjeux climatiques. ». Le plaignant souhaite que les services marketing des entreprises évolueront rapidement, sous l’impulsion du Jury, notamment en sanctionnant les publicités non compatibles de nos objectifs planétaires.
– La société Volkswagen France a été informée, par courriel avec avis de réception du 28 octobre 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
La société souhaite tout d’abord réaffirmer l’engagement, au quotidien, de Volkswagen Group France, de toujours respecter les recommandations de l’ARPP, et de collaborer avec elle en vue d’assurer la diffusion d’une publicité fiable et loyale à l’égard des consommateurs.
En l’espèce, le plaignant estime que la publicité est contraire à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, en faisant le lien entre les équipements supplémentaires qui pourraient être installés par l’acquéreur du véhicule grâce à l’offre de Volkswagen, et des surconsommations liées au poids additionnel que pourraient engendrer ces équipements.
D’un point de vue technique, il est inexact de conclure que des équipements supplémentaires ont systématiquement un impact néfaste sur l’environnement. En l’occurrence, sur les 19 équipements disponibles en option, 89 % d’entre eux n’augmentent pas les émissions de CO2 et les 11 % restants ont un impact faible qui n’ont pas d’incidence sur la classe de rejet de CO2 du véhicule. A titre d’exemple, parmi les équipements proposés, l’assistant de maintien de trajectoire, l’appel d’urgence, le système de détection de fatigue du conducteur ou encore le système « Front assist » avec fonction de secours en ville et détection des piétons améliorent la sécurité du conducteur et des passagers du véhicules, sans induire de surconsommation ou de rejet de CO2 supplémentaires. D’autres équipements permettent quant à eux une conduite plus vertueuse : l’option de « Sélection du profil de conduite » permet d’influer sur la gestion moteur, la réponse à l’accélérateur ou encore le passage des rapports afin de limiter la consommation de carburant et l’option de « Navigation connectée » propose des itinéraires tenant compte des conditions de circulation.
L’esprit de cette publicité n’était naturellement pas l’incitation au « toujours plus », mais plutôt, dans un contexte d’inflation et de hausse des prix, de permettre à des ménages désireux d’acheter un véhicule d’accéder à des équipements auxquels ils n’auraient pas pu accéder du fait de contraintes de budget.
En outre, les rejets de CO2 des équipements d’une valeur inférieure ou égale à 500 € (correspondant à la valeur de l’offre Volkswagen) sont soit nuls, soit infimes (1 gramme supplémentaire de CO2 par kilomètre).
– La société d’affichage JC Decaux a également été informée de la plainte, par courriel avec avis de réception du 28 octobre 2022.
Elle n’a pas présenté d’observations.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit en son point 1 relatif aux « Impacts éco-citoyens », que :
« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.
Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple : (…)
b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire. A ce titre, elle ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage.
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement. »
Le Jury relève que la publicité en cause fait la promotion du véhicule T-Cross de la marque Volkswagen, représenté sur le visuel, en informant le public d’une offre tarifaire promotionnelle (« jusqu’à 3000 € d’avantage client pour l’achat d’un T-Cross » et de l’organisation de portes ouvertes. Elle incite les consommateurs à choisir ce modèle « suréquipé » de préférence à un modèle simplement « équipé », à travers la question : « Pourquoi être équipé quand on peut être suréquipé ? ».
Le Jury rappelle que la publicité en faveur des véhicules automobiles, y compris les plus polluants le cas échéant, n’est en elle-même interdite par aucune règle déontologique. La simple incitation faite au consommateur d’acquérir un tel véhicule ne se heurte ainsi à aucune Recommandation ni aucun principe. Il revient toutefois à l’annonceur, au titre de sa responsabilité sociale et professionnelle, de faire preuve d’une vigilance particulière lorsqu’il promeut des produits ou des solutions ayant un impact environnemental élevé.
Le Jury observe que le terme « suréquipé » désigne, dans la terminologie commerciale traditionnelle appliquée aux véhicules automobiles, des voitures qui comportent des équipements et fonctionnalités non disponibles sur les modèles de base, en vue, principalement, d’améliorer la sécurité et le confort de conduite, mais aussi d’optimiser la consommation de carburant. Le « sur- » équipement s’entend ainsi par comparaison au modèle de base, ainsi qu’au prix payé par le consommateur, à l’instar d’un « sur-classement » en matière de voyage aérien. Il ne traduit pas le fait que le véhicule en cause comporterait trop d’équipements au regard des besoins du client, lesquels sont d’ailleurs très variables d’une personne à l’autre, ou des options inutiles en soi ou redondantes entre elles. Le Jury admet toutefois que ce terme ambigu peut être mal compris et qu’il est, dans le contexte actuel d’encouragement à la sobriété, peu approprié à une communication pleinement acceptée par le public. Si la déontologie publicitaire n’en proscrit pas l’usage, aux yeux du Jury, il ne peut donc qu’inviter les annonceurs dans le domaine automobile à s’abstenir d’y recourir autant que possible et à lui trouver des alternatives plus adaptées (comme « tout équipé »).
Le Jury comprend que la question posée dans la publicité signifie que, grâce à l’offre avantageuse dont il est fait la promotion, le consommateur pourra prétendre à un modèle « suréquipé » à un prix équivalent ou avoisinant celui auquel est normalement commercialisé le modèle dépourvu des options. Cette allégation, dont la portée est par ailleurs explicitée dans les mentions figurant en bas de l’affiche, n’incite pas le consommateur à acquérir un modèle « suréquipé » alors qu’il n’en aurait pas besoin.
Il résulte de ce qui précède que cette publicité ne peut être considérée comme véhiculant un message contraire aux principes communément admis du développement durable, et, en particulier, elle ne valorise pas des idées contraires aux objectifs du développement durable ni n’incite à des modes de consommation excessifs.
Par suite, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions précitées.
Avis adopté le 2 décembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.