TOTAL CLUB – Affichage – Plainte non fondée

Avis publié le 9 novembre 2020
TOTAL CLUB – 682/20
Plainte non fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’association Les Chiennes de garde et de la société Total, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 13 août 2020, d’une plainte émanant de l’association Les Chiennes de garde, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage, en faveur de la société Total, pour promouvoir ses stages de récupération de points du permis de conduire, proposés dans le cadre du programme Total Club.

La publicité en cause, diffusée sur une affiche mobile extérieure dans les stations Total, montre la photographie d’une femme brune, les yeux écarquillés et la bouche grand ouverte dans une expression marquant à la fois l’étonnement et l’inquiétude. Elle porte un pull-over bleu et se tient la tête avec les mains.

Cette image est accompagnée du texte « Si seulement Laura connaissait nos stages de récupération de points ».

Le visuel de la carte Total Club est positionné à côté de l’inscription « Stages pris en charge pour récupérer 4 points ».

2. Les arguments échangés

L’association Les Chiennes de Garde considère que cette publicité use de stéréotypes sexistes. Elle sous-entend que les femmes ne sont pas capables de conduire sans perdre de points et qu’elles sont assez stupides pour ne pas savoir comment les récupérer. Or les stages de récupération de points sont suivis à 79 % par des hommes, les femmes étant plus prudentes et respectant davantage le code de la route.

En outre, la grande bouche ouverte, dans une position qui n’est pas naturelle, avec un rouge à lèvres très visible est une sexualisation de cette femme sans aucun rapport avec l’objet de la publicité. Il s’agit d’un pur outil de marketing. L’association rappelle que deux tiers des personnes sexualisées dans la publicité sont des femmes.

La société Total a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 septembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant explique que la société, pour promouvoir les avantages de la carte Total Club, a décidé de communiquer sur quatre thèmes : l’assistance dépannage, l’assistance en cas d’enlèvement du véhicule et de dépôt à la fourrière, le stage de récupération de points et le dépannage en moins d’une heure.

L’objectif était de réaliser une campagne humoristique. Quatre affiches représentant quatre personnages n’ayant pas encore la carte et qui expriment la surprise, le dépit, l’inquiétude et la déception afin de caricaturer l’effet « sans carte ».

Trois affiches sur quatre représentent des hommes (Eric, Marc et Paul), trois sur quatre des personnes ayant la bouche ouverte et l’affiche représentant Laura doit être lue en comparaison avec les autres.

La société relève que la diversité des personnages choisis au regard des quatre situations permet d’exclure toute volonté de sexisme. Elle ajoute que le rouge à lèvres n’est en rien sexualisant et que la jeune femme n’est pas présentée dans une situation plus défavorable que les hommes. En outre, le choix d’utiliser le personnage de Laura pour le thème de la récupération de points ne résulte absolument pas d’une volonté de décrire les femmes comme de mauvaises conductrices. Elle indique que le même grief lui aurait été fait par l’association plaignante si la femme avait été associée au dépannage ou à la mise à la fourrière du véhicule.La société relève que de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux ne partagent pas l’analyse de l’association plaignante.

Elle considère que la plainte n’est pas fondée.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose que :

« 1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

2.2. La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3. La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Par ailleurs, le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale dispose, à son article 1er, que « Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle » et à son article 2, que « La communication commerciale doit respecter la dignité humaine et ne doit encourager ou cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle ».

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée sur une affiche mobile extérieure dans les stations Total, montre la photographie d’une femme brune, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte dans une expression marquant à la fois l’étonnement et l’inquiétude, accentuée par le fait qu’elle se tient la tête avec les mains.

Cette image est accompagnée du texte « Si seulement Laura connaissait nos stages de récupération de points ». Le visuel de la carte Total Club est positionné à côté de l’inscription « Stages pris en charge pour récupérer 4 points ».

Le Jury constate, tout d’abord, que la publicité constitue l’une des quatre affiches diffusées lors de cette campagne publicitaire, dont trois autres affiches mettent en scène des hommes. Les personnages sont tous représentés dans des attitudes théâtralisées similaires, pour vanter les mérites de divers services d’assistance comparables offerts aux bénéficiaires de la carte Total club. Dans ce contexte, la représentation d’une femme sur l’affiche relative aux stages pour la récupération de points de permis de conduire n’a ni pour objet ni pour effet d’insinuer que seules les femmes, ni même principalement elles, auraient vocation à bénéficier de cet avantage parce qu’elles seraient moins habiles au volant ou respecteraient moins le code de la route.

Le Jury estime, ensuite, que le caractère outré de l’expression de la jeune femme relève de la licence humoristique, sans que l’ouverture de la bouche et le maquillage créent en l’espèce une situation sexualisée ou dégradante pour la personne. L’expression théâtrale de l’étonnement, manifestée par l’ouverture de la bouche, se retrouve sur deux autres affiches de la même campagne, représentant des hommes. L’image de la jeune femme en pull-over, dont on ne voit que le visage, les bras et le haut du buste, n’est ni indécente, ni de nature à réduire le rôle de la femme dans la société ou à cautionner les comportements sexistes.

Le Jury souhaite rappeler que les dispositions de la Recommandation « Image et respect de la personne » précitée n’impliquent pas que les femmes soient représentées en publicité dans des situations qui les valorisent spécialement.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 2 octobre 2020 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

Pour visualiser la publicité Total Club, cliquez ici.