SAMSONITE

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Plainte fondée

Avis publié le 4 juillet 2023
SAMSONITE – 932/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 24 avril 2023, d’une plainte émanant d’un particulier tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Samsonite, pour promouvoir son offre de bagages de voyage.

La publicité en cause, diffusée par affichage sur la devanture d’un magasin dans l’enceinte de la gare Saint-Lazare à Paris, montre l’image en grand format de la planète Terre, dont les continents sont de couleur verte.

Les textes accompagnant cette image sont « Expect a cleaner planet. Samsonite », « Made with Recyclex Material technology », « From » inscrit en caractères verts et suivi de deux pictogrammes représentant une bouteille en plastique et un pot de yaourt puis le terme « To » également en vert, suivi d’un pictogramme représentant deux valises.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que ce visuel contrevient aux dispositions de la loi « Toubon » imposant que le texte soit écrit en français ainsi qu’à plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Concernant le point 8 sur la représentation visuelle : le visuel de la planète Terre de couleur verte en grand format, ainsi que le pictogramme de la Terre avec les flèches circulaires induisent le public en erreur sur les propriétés environnementales des valises. Même si elles sont fabriquées en tout ou partie avec des matériaux recyclés, cela ne signifie pas qu’elles sont sans aucun impact sur l’environnement.

Concernant les points 2 et 3 sur la véracité et la proportionnalité des messages : le visuel ne précise pas quelle est la proportion de plastique recyclé dans les produits commercialisés par rapport au volume total de plastique qui compose chaque produit ni quelle est la proportion de plastique par rapport aux autres matériaux présents dans chaque produit (une valise n’est certainement pas fabriquée à 100% avec du plastique). On ne sait pas si la proportion de matières recyclées est suffisamment significative pour être revendiquée.

Avec une allégation comme « des bouteilles en plastique aux valises », on pourrait comprendre que 100% de la valise est fabriquée en plastique recyclé, ce qui n’est certainement pas le cas.

C’est en visitant le site associé, en cliquant sur la rubrique « Produits innovants » que l’on comprend que le tissu « Recyclex » est « fabriqué à partir de bouteilles en plastique 100% recyclé » et que « Recyclex Material Technology » est leur « gamme de tissus et de coques créés à partir de matériaux recyclés » (mais on ne connait pas la proportion de matières recyclées). Ces précisions devraient être apportées directement sur le visuel, conformément au point 2.3 de la recommandation.

Enfin, le message publicitaire n’exprime pas avec justesse les propriétés des produits, ce qui est contraire au point 3.1.

La société Samsonite a été informée, par courriel avec avis de réception du 10 mai 2023 et par courrier avec accusé de réception du 15 mai 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir qu’elle investit continuellement dans la durabilité de sa production (qualité des produits, emploi de matériaux recyclés, ateliers de réparation), ainsi que le décrit la page www.samsonite.fr/durabilite/ à laquelle renvoyait la publicité critiquée.

La société souligne que la publicité en question a cependant été retirée de tous ses magasins début mai, soit quelques jours seulement après l’envoi de la plainte et bien avant qu’elle ait eu connaissance de tout mécontentement.

Elle ajoute qu’elle s’engage à communiquer sur les qualités environnementales de ses produits de façon loyale et respectueuse des recommandations de l’ARPP.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP, notamment du point « 3. Règles d’intelligibilité », « La clarté d’une publicité impose que les mentions soient intelligibles […] ».

Par ailleurs, la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) : « 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée».
  • au titre de la « présentation visuelle » (point 8) : « 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient. »

Le Jury relève que la publicité en vitrine est constituée d’une toile publicitaire devant laquelle sont exposés quatre produits de la marque. Au centre de la toile figure un visuel de la planète Terre, de couleur vert clair et vert foncé, légèrement plus grand que la taille des valises. Au-dessus sont inscrites les mentions « Expect a cleaner planet. Samsonite. From [pictogramme Bouteille plastique, pot de yaourt] to [pictogramme valises] ». Au-dessous, figurent un pictogramme de planète dont la circonférence est représentée par trois flèches, le texte « Made with Recyclex Material technology » et un QR code qui renvoie vers la page RSE de la marque : www.samsonite.fr/durabilite.

En premier lieu, le Jury rappelle qu’en vertu du point 2.1 de son règlement intérieur, il se prononce sur la seule conformité aux règles déontologiques des publicités qui font l’objet des plaintes dont il est saisi et ne saurait apprécier leur conformité à la loi. A ce titre, l’absence d’astérisque renvoyant à une traduction en français du message, telle que prévue par la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, ne relève pas de son champ de compétence.

En revanche, le Jury considère que le texte en anglais d’une publicité ne saurait être intelligible sans sa traduction en français lisible dans des conditions normales de lecture.

Il constate que l’ensemble du texte est rédigé en anglais sans autre renvoi que le QR code, ce qui ne permet pas d’assurer l’intelligibilité du message et ne respecte donc pas le point 3 de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP.

En second lieu, le Jury relève que les allégations environnementales en cause s’attachent à mettre en valeur la fabrication de valises à l’aide de bouteilles et de pots de yaourt, dans une visée de recyclage et d’économie circulaire, signalée par la figuration d’une Boucle de Moebius autour d’un petit pictogramme. L’ensemble doit permettre d’arriver à une planète « plus propre » représentée par le grand globe terrestre.

Or le renvoi vers le site www.samsonite.fr/durabilite permet de constater que les valises présentées ne sont ni intégralement constituées de bouteilles ou pots de yaourt recyclés, ni elles-mêmes intégralement recyclables dès lors que seule la coque est mentionnée comme recyclable. A titre d’exemple, il est indiqué, s’agissant des coques de valises Essens, que « les déchets plastiques à usage unique sont transformés en bagages durables, légers et résistants. Ces coques sont fabriquées avec au moins 70 % de polypropylène recyclé à partir de déchets de post-consommation tels que les pots de yaourt, tandis que la doublure intérieure et la sangle intérieure sont fabriquées respectivement avec 97 % et 100 % de PET recyclé de post-consommation, dans le cadre de notre initiative de technologie des matériaux Recyclex™. »

Sans remettre en cause l’importance des efforts consentis par l’annonceur pour utiliser des produits recyclés dans la composition des bagages qu’il commercialise, cette allégation générale n’est pas justifiée dès lors, d’une part, que les valises ne sont ni composées entièrement des matériaux recyclés cités, ni totalement recyclables et, d’autre part, que la fabrication et la distribution comportent nécessairement des conséquences négatives significatives sur l’environnement. Le Jury considère que le message laisse ainsi percevoir, à l’aide principalement de pictogrammes, une action en faveur de l’environnement et de réduction des déchets, sans relativisation ni justification, et qu’il est en conséquence disproportionné et de nature à induire le public en erreur sur les propriétés des bagages promus et la portée des actions de l’annonceur en matière de développement durable au sens des points 2.1, 2.2, 2.3, 3.1, 3.2, 4.6 et 8.1 de la Recommandation « développement durable ».

Tout en prenant acte du retrait immédiat de la campagne publicitaire par l’annonceur, le Jury est donc d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 9 juin 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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