SAINT-GOBAIN

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Plainte rejetée après révision

Avis publié le 16 octobre 2023
SAINT-GOBAIN – 931/23
Plainte rejetée après révision

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • après en avoir débattu lors de la séance du 9 juin 2023,
  • l’avis délibéré ayant été adressé au plaignant ainsi qu’à la société Saint-Gobain, laquelle a introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 de ce règlement ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes concernées et l’agence de la transition écologique (ADEME) à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 6 octobre 2023, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants de la société Saint-Gobain,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 11 avril 2023, d’une plainte émanant d’un particulier tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication de la société Saint-Gobain relative à la production de plaques de plâtre dans son usine de Fredrikstad, en Norvège.

La communication en cause, diffusée sur le site Internet de la société, se présente sous la forme d’un texte d’une page, intitulé « Saint-Gobain – La première production zéro carbone au monde de plaques de plâtre a commencé en Norvège ». En haut à gauche figure la mention « Communiqué de presse – 6 avril 2023 ».

Le texte de la publicité est « Saint-Gobain annonce le démarrage d’une production 100% décarbonée de plaques de plâtre dans son usine de Fredrikstad, en Norvège. La décarbonation du processus de fabrication a été rendue possible grâce au passage du gaz naturel à l’électricité d’origine hydraulique, évitant ainsi 23 000 tonnes d’émissions de CO2 par an. / Grâce à la modernisation de l’usine, à l’amélioration de la récupération de la chaleur et de l’efficacité du processus, la consommation énergétique du site a par ailleurs été réduite de 30%. / Les travaux réalisés ont également permis d’augmenter de 40% les capacités de production de l’usine. Ils renforcent ainsi les positions de leader du Groupe dans la construction légère en Norvège, tout en répondant à une forte demande de solutions durables pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments. / Avec cette première mondiale, Saint-Gobain va être en mesure de lancer en 2023 une gamme complète de plaques de plâtre à l’empreinte carbone la plus faible du marché. / Cet investissement de plus de 25 millions d’euros a été subventionné à hauteur de 7 millions d’euros par l’agence gouvernementale norvégienne Enova. / Cette initiative est une manifestation concrète de l’engagement pris par Saint-Gobain de réduire ses émissions de CO2 scopes 1 et 2 de 33% d’ici à 2030 par rapport à 2017, avec en ligne de mire sa neutralité carbone à horizon 2050.

A propos de Saint-Gobain

Leader mondial de la construction durable, Saint-Gobain conçoit, produit et distribue des matériaux et services pour les marchés de l’habitat et de l’industrie. Développées dans une dynamique d’innovation permanente, ses solutions intégrées pour la rénovation des bâtiments publics et privés, la construction légère et la décarbonation du monde de la construction et de l’industrie apportent durabilité et performance. L’engagement du Groupe est guidé par sa raison d’être « MAKING THE WORLD A BETTER HOME ». 51,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022 168 000 collaborateurs, présence dans 75 pays Engagé à atteindre la Neutralité Carbone à 2050.

Pour en savoir plus sur Saint-Gobain, Visitez www.saint-gobain.com et suivez-nous sur Twitter @saintgobain ». ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que la communication de l’entreprise qui affirme que Saint Gobain va produire des plaques de plâtre « 100% décarbonées » va à l’encontre du décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité.

Il ajoute que cette communication contrevient également aux points 2.1, 2.2, 2.3, 3.1, 3.3, 4.3 et 4.4 de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP.

En outre, elle méconnaît les articles 4 et 5 du Code ICC « Publicité et Marketing » de la chambre de commerce internationale.

La société Saint-Gobain a été informée, par courriel avec accusé de réception du 10 mai 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que, contrairement à ce qui est indiqué dans le descriptif de la plainte, il n’est pas affirmé que la société va « produire des plaques de plâtre « 100% décarbonées » ».

En effet, le communiqué de presse du 6 avril dernier annonce « le démarrage d’une production 100% décarbonée de plaques de plâtre dans [son] usine de Fredrikstad, en Norvège. » Il est ainsi fait référence à une production décarbonée de plaques de plâtre et non pas à des « plaques de plâtre décarbonées ».

Une telle production décarbonée implique une décarbonation des émissions directes générées par le processus de fabrication (scope 1) et indirectes liées à la consommation d’énergie (scope 2), ce qui est parfaitement exact en ce qui concerne les installations industrielles de Fredrikstad.

Comme précisé dans le communiqué du 6 avril, cette décarbonation du processus de fabrication a été réalisée grâce à la substitution intégrale d’une électricité d’origine hydraulique au gaz naturel précédemment utilisé. En raison de son origine hydraulique, la production de cette électricité par le fournisseur est, conformément au cadre de référence utilisé, le Greenhouse Gas Protocol, comptabilisée avec un facteur d’émission égal à 0 en scope 1. Cette électricité hydraulique est ainsi neutre en carbone en ce qui concerne le scope 2, contrairement au gaz naturel précédemment utilisé, qui générait lors de sa combustion des émissions de CO2 impactant le scope 1.

Cette décarbonation de l’outil de production de la société a été rendue possible grâce à l’adaptation des installations et équipements de l’usine de Fredrikstad pour un investissement de plus de 25 millions d’euros, subventionné à hauteur de 7 millions d’euros par l’agence gouvernementale norvégienne Enova.

Cette performance industrielle contribue ainsi à l’atteinte de l’objectif de réduction de 33 %, en valeur absolue, des émissions de CO2 des scopes 1 et 2 en 2030 par rapport à 2017, conformément à la feuille de route de Saint-Gobain. Pour atteindre cet objectif, le Groupe a ainsi décidé d’allouer chaque année, jusqu’en 2030, 100 millions d’euros à des investissements industriels et de recherche et développement consacrés à la réduction de ses émissions de CO2, témoignant ainsi de son engagement pérenne et responsable sur la voie de la transition énergétique et écologique.

Ainsi, le communiqué de presse du 6 avril 2023 vise à relater des faits établis représentant une performance industrielle importante pour le Groupe.

3. L’avis provisoire du Jury

Dans l’avis qu’il a délibéré le 9 juin 2023, le Jury a estimé que la publicité critiquée était de nature à induire en erreur le public quant à la réalité de l’impact environnemental de l’usine dont elle fait la promotion, et qu’elle méconnaissait ainsi le point 2 de la Recommandation « Développement durable » et le principe général de véracité, dans la mesure où la fabrication des plaques de plâtre requiert de l’énergie hydroélectrique dont la production est elle-même émettrice de CO2.

4. La demande de révision et les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

L’avis provisoire du Jury a fait l’objet d’une demande de révision de la société Saint-Gobain, introduite le 26 juin 2023. Le Réviseur de la déontologie publicitaire a rendu les conclusions suivantes, présentées lors de la séance du 6 octobre 2023 :

I) Procédure

Le Jury de déontologie publicitaire est saisi, le 11 avril 2023, d’une plainte émanant d’un particulier (ci-dessous “le plaignant”), demandant qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Saint-Gobain (ci-dessous “Saint-Gobain” ou “l’annonceur”), pour promouvoir sa production de plaques de plâtre dans son usine de Fredrikstad, en Norvège.

La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de l’annonceur, se présente sous la forme d’un texte d’une page, intitulé « Saint-Gobain – La première production zéro carbone au monde de plaques de plâtre a commencé en Norvège ». En haut à gauche figure la mention « Communiqué de presse – 6 avril 2023 ».

Le texte de la publicité est « Saint-Gobain annonce le démarrage d’une production 100% décarbonée de plaques de plâtre dans son usine de Fredrikstad, en Norvège. La décarbonation du processus de fabrication a été rendue possible grâce au passage du gaz naturel à l’électricité d’origine hydraulique, évitant ainsi 23 000 tonnes d’émissions de CO2 par an. / Grâce à la modernisation de l’usine, à l’amélioration de la récupération de la chaleur et de l’efficacité du processus, la consommation énergétique du site a par ailleurs été réduite de 30%. / Les travaux réalisés ont également permis d’augmenter de 40% les capacités de production de l’usine. Ils renforcent ainsi les positions de leader du Groupe dans la construction légère en Norvège, tout en répondant à une forte demande de solutions durables pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments. / Avec cette première mondiale, Saint-Gobain va être en mesure de lancer en 2023 une gamme complète de plaques de plâtre à l’empreinte carbone la plus faible du marché. / Cet investissement de plus de 25 millions d’euros a été subventionné à hauteur de 7 millions d’euros par l’agence gouvernementale norvégienne Enova. / Cette initiative est une manifestation concrète de l’engagement pris par Saint-Gobain de réduire ses émissions de CO2 scopes 1 et 2 de 33% d’ici à 2030 par rapport à 2017, avec en ligne de mire sa neutralité carbone à horizon 2050.

A propos de Saint-Gobain

Leader mondial de la construction durable, Saint-Gobain conçoit, produit et distribue des matériaux et services pour les marchés de l’habitat et de l’industrie. Développées dans une dynamique d’innovation permanente, ses solutions intégrées pour la rénovation des bâtiments publics et privés, la construction légère et la décarbonation du monde de la construction et de l’industrie apportent durabilité et performance. L’engagement du Groupe est guidé par sa raison d’être « MAKING THE WORLD A BETTER HOME ». 51,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022 168 000 collaborateurs, présence dans 75 pays Engagé à atteindre la Neutralité Carbone à 2050.

Pour en savoir plus sur Saint-Gobain, Visitez www.saint-gobain.com et suivez-nous sur Twitter @saintgobain ». ».

Par un avis délibéré le 9 juin, le Jury déclare que cette publicité est de nature à induire en erreur le public quant à la réalité de l’impact environnemental de l’usine dont elle fait la promotion, et qu’ainsi elle méconnaît à la fois le point 2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et le principe général de véracité.

Dans les délais requis, Saint-Gobain introduit une demande de Révision de cet avis ; cette demande est transmise au plaignant, lequel ne présente aucune observation en réponse.

Sur ces bases, le Réviseur de la déontologie publicitaire se rapproche alors du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis contesté, et il procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le Jury a fondé son avis.

De ces échanges et des pièces du dossier il ressort que :

  • la plainte initiale est laconique et se borne à citer (en réponse à une demande de précisions adressée par le Jury au plaignant) le texte des 9 dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP et des 3 articles du Code ICC Publicité & Marketing dont le plaignant allègue la violation ;
  • les arguments développés par Saint-Gobain au soutien de la Révision précisent et développent ceux produits en premier examen devant le Jury ;
  • ces arguments de Révision, transmis au plaignant, n’ont fait l’objet, de la part de ce dernier, d’aucune observation en réponse, et donc d’aucune contradiction ;
  • pas plus ces arguments n’ont-ils pu être soumis au Jury ni donc examinés par lui pour qu’il soit en mesure de rendre un avis définitif circonstancié ;
  • en l’état actuel, la procédure telle qu’ainsi engagée ne permet donc pas au JDP de rendre un avis répondant totalement aux exigences du contradictoire ;
  • par suite, et dans le respect de la lettre et de l’esprit du Règlement intérieur du JDP, il apparaît donc au Réviseur nécessaire que le Jury procède, conformément à l’art 22.2 de ce Règlement, à une seconde délibération sur le dossier en cause, au cours d’une séance à laquelle seront conviées les diverses parties prenantes à l’affaire.

En vue de cette seconde délibération, il est apparu souhaitable au Président du JDP “de recourir à l’article 12 de ce règlement du Jury qui permet de solliciter “les observations de toute personne susceptible d’éclairer utilement le Jury” ; en l’occurrence, c’est l’Ademe (Agence de la transition écologique) qui est choisie pour ce faire.

La réponse de l’Ademe est ensuite transmise au plaignant et à l’annonceur ; les commentaires exprimés par Saint-Gobain sont communiqués au plaignant, lequel fait valoir de brèves observations, par lesquelles il réitère ses critiques contre la publicité en litige.

A partir de ces éléments et de l’ensemble des pièces du dossier, le Réviseur est dès lors en mesure de formuler les conclusions suivantes en vue de la seconde délibération du Jury.

II) Discussion

A) Dans son avis critiqué, le JDP rappelle qu’il résulte des principes généraux de loyauté et de véracité qui sont repris aux articles 4 et 5 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) que, d’une part, la publicité doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance de ces derniers, et que, d’autre part, elle doit être véridique et non trompeuse.

S’agissant de la fabrication des plaques de plâtre Saint-Gobain en Norvège, le Jury estime que l’annonceur peut se prévaloir d’une “décarbonation du processus de fabrication”, celle-ci résultant “de la substitution intégrale d’une électricité d’origine hydraulique au gaz naturel précédemment utilisé pour le fonctionnement de l’usine et dont la combustion produisait des émissions de CO2”.

Mais le Jury estime toutefois “qu’il ne peut être allégué que le processus [de fabrication des plaques] serait intégralement décarboné, au sens où il n’impliquerait plus aucune émission de dioxyde de carbone, alors que l’énergie utilisée pour faire fonctionner l’usine en cause provient du fonctionnement d’installations hydroélectriques qui sont émettrices de CO2, fût-ce dans des proportions limitées. Si le remplacement du gaz naturel par l’hydroélectricité permet ainsi de supprimer les émissions directes (dites de « scope 1 »), il n’en va pas de même des émissions indirectes (dites de « scope 2 »)”.

B) A l’encontre de cette dernière affirmation, Saint-Gobain, en Révision, entend avant tout démontrer que [ses] émissions indirectes (dites de « scope 2 ») sont désormais nulles à la suite de l’alimentation intégrale de [ses] installations industrielles de Fredrikstad en électricité d’origine hydraulique.

A ce stade, il faut rappeler que la critique du plaignant contre la publicité en cause, telle que formulée dans les derniers échanges lors de la Révision, met en cause le “greenwashing” (éco-blanchiment) reproché à l’annonceur, au motif que la fabrication/production de ses plaques de plâtre ne serait pas décarbonée à 100 %.

Cette question peut être abordée de deux manières, selon qu’on examine la formulation de la publicité ou le fond de ce qu’elle recouvre.

1) Pour alléguer cette décarbonation à 100 %, l’annonceur utilise, selon les paragraphes de son communiqué, soit le terme de “fabrication”, soit celui de “production” des plaques de plâtre. D’où cette question : ces deux vocables sont-ils pour autant synonymes ?

Une première réponse à cette question revient à soutenir que, dans l’industrie, les deux vocables fabrication et production recouvrent une même réalité, et que donc on peut indifféremment utiliser l’un ou l’autre.

A l’opposé, on peut estimer qu’en français courant, la fabrication est une opération unique et ponctuelle, aboutissant à la création d’un objet, tandis que la production de cet objet consiste en un processus plus large ; en ce sens, la production recouvre une combinaison plus étendue de plusieurs opérations qui consistent entre autres en :

  • l’extraction des matières premières,
  • leur acheminement jusqu’au site industriel de fabrication,
  • l’utilisation de ce site, construit antérieurement (pour la fabrication proprement dite),
  • le transport de salariés de/vers le site.

Par suite :

  • si l’on peut admettre que le recours à une électricité 100 % hydraulique, pour remplacer le gaz naturel utilisé jusqu’alors, autorise bien Saint-Gobain à faire état de “la décarbonation du processus de fabrication dans son usine de Fredrikstad (sous réserve, comme on le verra plus loin, qu’aucune autre émission de CO 2 de “scope 1” ne soit constatée),
  • en revanche il n’est nullement établi ni même allégué que les autres opérations de production de ces plaques soient “zéro carbone” (comme indiqué notamment dans le titre, ainsi que dans la première ligne, du communiqué de l’annonceur).

Dès lors, rien ne permet d’étendre à l’ensemble des opérations de “production” des plaques en plâtre le caractère “100 % décarboné” qui ne s’attache qu’à leur seule “fabrication”.

Une telle extension conduit en effet à qualifier, notamment dans le titre de la publicité en cause (destiné à attirer l’attention du lecteur), de production zéro carbone” ce qui n’est (comme il est écrit dans le corps du texte) qu’un “processus de fabrication décarboné ; cette assimilation est par suite de nature à entretenir une confusion dans l’esprit d’un consommateur moyen (c’est-à-dire normalement informé, raisonnablement attentif et avisé). Par cette confusion, la publicité en cause porte donc atteinte au principe de véracité posé à la fois par la Recommandation Développement durable de l’ARPP et le Code ICC.

Si le Jury fait sienne cette distinction entre fabrication et production, il rejettera donc la demande de Révision de l’annonceur et confirmera le sens de son avis initial (manquement à la déontologie publicitaire), au prix, il est vrai, d’une substitution de motifs dans son analyse de la publicité en cause.

Si à l’inverse le JDP estime que fabrication et production sont, du moins dans le message contesté, des termes parfaitement synonymes, et que c’est par un simple écart de langage que Saint-Gobain a utilisé indifféremment l’un ou l’autre, alors il faut passer à l’examen du fond de l’affaire.

2) Pour répondre aux critiques, laconiques, du plaignant, l’argumentation de l’annonceur s’appuie sur la succession des éléments suivants :

  • la mesure des émissions de CO 2 repose sur le référentiel GHG Protocol (GreenHouse Gas Protocol) ;
  • les émissions de CO 2 résultant de la fabrication des plaques de plâtre à Fredrikstad sont de scope 1, de scope 2 ou de scope 3 ;
  • les émissions “directes” de scope 1 sont (comme mentionné dans l’avis) inexistantes ;
  • les émissions de scope 2, émissions directes liées à la production d’électricité ou de vapeur par l’hydro-électricien qui alimente l’usine de Fredrikstad, sont, elles aussi, contrairement aux appréciations du Jury, inexistantes puisque provenant de l’hydro-électricité.

Ces diverses allégations de Saint-Gobain ne sont pas réellement contestées par le plaignant, et sont considérées comme “non attaquables” par l’Ademe dans ses observations.

Par voie de conséquence – et sous réserve toutefois que Saint-Gobain, en séance de Révision devant le Jury pour la seconde délibération, décrive avec précision son processus de fabrication à Fredrikstad et démontre ainsi qu’il est sans effet en termes d’émissions de Scope 1 – le Réviseur estime que :

  • l’annonceur apporte bien les éléments qui établissent la réalité des allégations qu’il formule dans la publicité en cause ;
  • la demande de Révision est donc fondée ;
  • dès lors la plainte initiale doit être considérée comme non fondée ;
  • par suite l’avis initial du JDP doit être réformé dans le sens des observations qui précèdent.

III) Conclusion :

Des analyses précédentes il résulte que la demande de Révision de l’annonceur est recevable.

Au terme de cette seconde délibération, l’avis initial du JDP sera confirmé ou modifié en fonction de la réponse apportée par le Jury aux deux questions suivantes.

A) Question A : dans la publicité en cause, la confusion entre fabrication et production porte-t-elle atteinte au principe de véracité ?

1) Si le Jury répond oui :

  • la publicité Saint-Gobain méconnaît le point 2 de la Recommandation « Développement durable » et le principe général de véracité,
  • le sens de l’avis initial du JDP doit donc être confirmé, au prix d’une substitution de motifs.

2) Si le Jury répond non :

  • l’avis définitif dépendra de la réponse à la question B ci-dessous.

B) Question B : les émissions de CO 2 dites de “scope 2” de l’usine Saint-Gobain de Fredrikstad sont-elles inexistantes puisque constituées par les émissions de scope 1 de l’hydro-électricien qui approvisionne l’usine en électricité ?

1) Si le Jury répond oui :

  • la demande de Révision de l’annonceur est fondée ;
  • la plainte initiale ne peut être accueillie ;
  • l’avis initial doit être amendé en ce sens.

2) Si le Jury répond non :

  • la demande de Révision de l’annonceur n’est pas fondée ;
  • le sens de l’avis initial (méconnaissance de la déontologie publicitaire) doit être confirmé, quitte à procéder aux modifications rédactionnelles nécessaires (en veillant à ne pas altérer le sens de l’avis).

L’avis ainsi définitivement adopté par le JDP lors de sa seconde délibération de cette affaire sera publié sur le site du Jury – incluant les présentes conclusions du Réviseur de la Déontologie Publicitaire. ».

5. Les observations formulées lors de la séance du 6 octobre 2023

Lors de la séance, à laquelle le plaignant n’a pas pris part, Saint-Gobain a rappelé l’ambition et les efforts déployés par la société en matière de décarbonation. Il ne s’agit pas de compenser mais d’éviter et de réduire, y compris par des processus de séquestration. L’objectif est une réduction de 33 % en 2030, quelle que soit la croissance de l’activité.

La société est tenue par ses actionnaires et ses partenaires d’utiliser la méthodologie du GHG, qui est reconnue au plan international. Le reporting est annuel et public, et audité.

L’usine de Fredrickstad est une usine norvégienne qui s’adresse exclusivement à la clientèle norvégienne. C’est la seule du groupe Saint-Gobain. Il s’agit d’investissements lourds d’électrification. La société a rappelé le mode de fabrication des plaques de plâtre. Le broyage et la calcination sont traditionnellement faites à l’aide du gaz, de même que le fonctionnement de l’étuve, et ce sont ces opérations qui ont été électrifiées.

Elle a précisé que, dans les prochains jours, sera publiée une fiche d’évaluation environnementale qui précise l’empreinte carbone, laquelle est environ 70 % inférieure à celle qui résulte de l’utilisation des procédés traditionnels.

La société conteste le caractère publicitaire du communiqué de presse.

Elle estime que la distinction entre production et fabrication n’est pas évidente pour le grand public, tout en se disant prête à préciser la rédaction au besoin.

Elle précise enfin que les standards de comptabilisation des émissions carbone (GHG et BEGES) sont très convergents et que le choix de l’un ou de l’autre n’a pas de conséquence déterminante.

6. L’avis définitif du Jury

6.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle que, selon le point 2.1. de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion de la propagande électorale et des documents de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui a pour objet principal d’assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne elle-même, notamment son image de marque auprès du public, ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel de l’objet de la communication s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices incluant principalement son contenu propre, en particulier le caractère éventuellement valorisant, laudatif, incitatif, emphatique, percutant et/ou ramassé du message, la mise en scène ou la mise en forme et les éléments visuels utilisés, qui peuvent contribuer à conférer à la communication une forme publicitaire, ainsi que les modalités et le contexte de sa diffusion. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial.

En revanche, le Jury n’est pas compétent pour examiner les communications dont l’objet principal est de porter à la connaissance du public des informations factuelles, sans visée promotionnelle, notamment pour respecter des obligations légales ou réglementaires de transparence (rapports de gestion, document d’enregistrement universel, rapports extra-financiers…), quand bien même ces informations contribueraient à valoriser l’image de l’entreprise.

La communication critiquée, si elle se présente comme un « communiqué de presse », a pour objet principal de valoriser les efforts de la société Saint-Gobain en matière de réduction de son empreinte carbone, en se prévalant de l’électrification du processus de fabrication des plaques de plâtre dans son usine de Fredrikstad. A cette fin, elle emploie des formules percutantes et promotionnelles, comme « La première production zéro carbone au monde de plaques de plâtre a commencé en Norvège », une « production 100% décarbonée de plaques de plâtre » « les positions de leader du Groupe dans la construction légère en Norvège », « Avec cette première mondiale ». Une telle communication présente un caractère publicitaire, contrairement à ce que soutient le groupe Saint-Gobain, d’ailleurs pour la première fois lors de la séance du 6 octobre 2023.

Le Jury est donc compétent pour se prononcer sur cette plainte.

6.2. Sur les règles applicables

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il n’est pas compétent pour se prononcer sur le respect, par les publicités critiquées devant lui, des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Il ne peut donc examiner le grief tiré de la méconnaissance du décret du 13 avril 2022.

Le Jury rappelle ensuite que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion;
    • 3.3. En particulier : (…) b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif» ;
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :
    • « 3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP ;
    • « 4 Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations».

En outre, il résulte des principes généraux de loyauté et de véracité qui sont repris aux articles 4 et 5 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) que, d’une part, la publicité doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance de ces derniers, et, d’autre part, elle doit être véridique et non trompeuse.

6.3. Sur la publicité critiquée

Le Jury relève que la communication critiquée fait la promotion de la mise en service d’une usine de fabrication de plaques de plâtre de Saint-Gobain en Norvège. Intitulée « La première production zéro carbone au monde de plaques de plâtre a commencé en Norvège », elle annonce le « démarrage d’une production 100% décarbonée de plaques de plâtre ». Il est précisé que, grâce à cette installation, Saint-Gobain « va être en mesure de lancer en 2023 une gamme complète de plaques de plâtre à l’empreinte carbone la plus faible du marché » et que « cette initiative est une manifestation concrète de l’engagement pris par Saint-Gobain de réduire ses émissions de CO2 scopes 1 et 2 de 33 % d’ici à 2030 par rapport à 2017, avec en ligne de mire sa neutralité carbone à horizon 2050 ». Il ressort également de la communication que cette décarbonation complète résulte de la substitution intégrale d’une électricité d’origine hydraulique au gaz naturel précédemment utilisé pour le fonctionnement de l’usine et dont la combustion produisait des émissions de dioxyde de carbone.

En premier lieu, le Jury comprend, à la lecture de la demande de révision de la société Saint-Gobain, des observations présentées par l’ADEME, des conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire ainsi que des éléments librement accessibles en ligne relatifs à la méthodologie de comptabilisation des émissions de CO2 selon la méthode dite GHG (Greenhouse Gas Protocol) utilisée par Saint-Gobain, que l’utilisation de l’énergie hydroélectrique en lieu et place de la combustion de gaz naturel pour l’alimentation de l’usine de Fredrikstad a pour effet non seulement de supprimer les émissions directes imputables à ce site (« scope 1 ») mais aussi les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie (« scope 2 »), contrairement à ce qu’indiquait l’avis provisoire du Jury. En effet, il ressort des éléments précédemment mentionnés, que le plaignant ne conteste pas sérieusement, que le « scope 2 » d’un site correspond non pas à l’ensemble des émissions (scopes 1, 2 et 3) des installations de production d’énergie qui l’alimentent, mais seulement à leurs émissions directes (scope 1). Ainsi, dès lors que les centrales hydroélectriques ne produisent aucune émission directe (scope 1 nul) et que l’usine de Fredrikstad est directement et exclusivement alimentée par l’électricité qu’elles ont produite, le scope 2 de cette usine est également nul, en l’absence d’autres émissions indirectes liées à la consommation d’énergie. Cette analyse n’est pas critiquée par le plaignant. Par suite, les allégations litigieuses n’apparaissent pas contraires aux exigences de véracité et de loyauté.

En deuxième lieu, comme l’indiquent les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire, la notion de « production de plaques de plâtre » apparaît moins précise que celle de « fabrication de plaques de plâtre », qui est plus nettement centrée sur les opérations de confection des plaques elles-mêmes (broyage, cuisson, séchage, découpe…). Toutefois, le Jury estime qu’il ressort clairement de la lecture complète de la publicité que le propos porte exclusivement sur la « décarbonation du processus de fabrication », ce qui permet d’exclure aussi bien les activités situées en amont (fourniture des matières premières) qu’en aval (livraison des plaques notamment). En outre, il est fait état, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, d’une empreinte carbone « la plus faible du marché » et d’un engagement de « réduire » les émissions, auxquels la mise en service de l’usine contribue, de sorte que l’annonceur ne prétend pas que la décarbonation totale dont il se prévaut porterait sur l’ensemble de son activité. Dans ces conditions, le Jury est d’avis qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, n’est pas induit en erreur par la référence à une « production zéro carbone » de plaques de plâtre.

En troisième lieu, il ressort des énonciations non contestées du communiqué et des observations de l’annonceur que l’usine de Fredrikstad est la première au monde à recourir à une électrification complète du processus de fabrication des plaques de plâtre, en lieu et place de la combustion de gaz traditionnellement utilisée dans cette industrie. Différentes améliorations ont en outre été apportées à ce site de production, afin notamment de réduire la consommation d’énergie. Eu égard à la teneur des allégations en cause, l’exigence de proportionnalité figurant au point 3 de la Recommandation « Développement durable » ne peut être regardée comme méconnue.

En quatrième et dernier lieu, la publicité, qui renvoie par ailleurs au site internet de la société Saint-Gobain, apparaît suffisamment explicite et précise pour respecter l’exigence de clarté du message figurant au point 4 de la même Recommandation.

En conséquence, le Jury est d’avis, à l’issue de la procédure de révision, que la plainte doit être rejetée, ainsi que l’a proposé le Réviseur de la déontologie publicitaire.

Avis adopté le 6 octobre 2023, en présence du Réviseur de la déontologie publicitaire, par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Communication Saint-Gobain