OPEL CORSA

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Plaintes fondées

Avis publié le 31 janvier 2024
OPEL CORSA – 982/24
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’un des plaignants particuliers, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 novembre 2023, de deux plaintes de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Opel, pour promouvoir son modèle de véhicule Opel Corsa.

La publicité en cause, diffusée sur la page Facebook de la marque, montre le véhicule à l’arrêt dans un décor blanc et bleu fictif, accompagné des textes : « Corsa passe et tu t’écartes, Corsa domine et tu t’inclines », « #YesOfCorsa », « Est-ce qu’on peut faire des longs trajets en nouvelle Corsa Electric ? », « Une recharge vous emmène de Cannes à Marseille en passant par Saint-Tropez ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants énoncent que cette publicité suggère que les propriétaires de ce véhicule peuvent demander aux autres usagers de se pousser, de se mettre de côté et induit un faux sentiment de domination et de violence. Elle incite les conducteurs à se sentir les rois de la route et à ne pas respecter les autres usagers.

L’un des plaignants ajoute que ce message ne respecte pas l’article 75 de la loi LOM (2019-1428) et de l’article 7 de la loi Climat et Résilience (2021-1104), concernant la publicité sur les véhicules à moteur :

  • L’étiquette énergie du véhicule n’apparaît pas (Article L229-64 du code de l’environnement).
  • La promotion, pourtant obligatoire (article D. 328-3 du Code de la Route), des modes de déplacements alternatifs (« Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer », ou « Au quotidien, prenez les transports en commun », ainsi que le mot-dièse #SeDéplacerMoinsPolluer). Cette disposition est en vigueur depuis plus d’un an, soit depuis le 1er juin 2022.

Selon lui, le choix des termes utilisés est également contestable : en effet, l’utilisation des mots « tu t’écartes » et « Corsa domine », « tu t’inclines », risquent d’induire un sentiment de toute puissance et de développer l’agressivité des conducteurs de véhicules, ce qui est contraire au 5ème item des recommandations de l’ARPP concernant la publicité automobile. A noter qu’il s’agit d’une reprise d’une phrase d’une influenceuse (Marina passe et tu t’écartes, Marina domine et tu t’inclines), complètement déplacée dans ce contexte.

La société Opel a été informée, par courriel avec accusé de réception du 29 novembre 2023, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société fait valoir que, à l’occasion de la sortie de la Nouvelle Corsa Electric, elle a souhaité concevoir plusieurs posts sur les réseaux sociaux en rapport avec des références de culture populaire française.  Elle a ensuite travaillé autour d’insights français connus par la majorité de sa cible (20-35 ans). Les références se basent autour de meme, de films de musiques et d’émissions de télévisions.

Le post se présente au format carrousel :

1/Une question liée aux performances de la voiture

2/Le slogan de la campagne « Yes Of Corsa »

3/Une référence de la culture populaire française Accompagné d’un wording dans la même tonalité humoristique.

Le texte « Corsa passe et tu t’écartes, Corsa domine et tu t’inclines » est tiré d’une séquence d’une émission de télévision « Confessions intimes – Nous sommes des bimbos et alors ! » qui est devenue virale sur les réseaux sociaux : « Marina passe et tu t’écartes, Marina domine et tu t’inclines ». Certains utilisateurs (tels que des influenceurs) modifient son sens pour s’adapter à des faits d’actualité sur un ton humoristique.

La marque a tenté au maximum d’utiliser cette référence de manière explicite grâce à la rime en a (Marina et Corsa) et à l’utilisation de guillemets qui marque le discours rapporté. Elle a volontairement fait le choix d’utiliser cette référence uniquement dans le wording du post de manière humoristique, la véritable accroche de la campagne étant « Yes Of Corsa ».

Ce post dans sa globalité ne vise pas à communiquer sur un comportement à adopter derrière son volant sur la route. A fortiori, le visuel utilisé ne représente pas de scène de circulation automobile. Le véhicule a été placé dans un contexte classique ; l’arrière-plan est intentionnellement épuré et ne suscite pas de déplacement dangereux.

La société ajoute qu’à la réception des deux plaintes, elle a pris la décision de retirer promptement l’annonce publicitaire du réseau social Facebook. Bien que sa volonté de communiquer reposait avant tout sur un positionnement drôle, elle comprend qu’il existe une ambiguïté qui peut être source de malentendu sur ses intentions créatives auprès des internautes.

L’annonceur affirme avoir également pris en compte le fait que le post publicitaire ne comportait pas les mentions requises au regard de la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019. Le post est resté en ligne sur Facebook pendant une durée limitée avec pour conséquence une visibilité réduite de l’annonce.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle d’abord qu’il n’a pas pour mission de faire respecter les prescriptions légales imposées aux messages publicitaires portant sur certains produits, de sorte qu’il n’est pas compétent sur l’absence de l’étiquette énergie du véhicule prévue par l’article L229-64 du code de l’environnement et la mention relative à la promotion des modes de déplacements alternatifs prévue par l’article D. 328-3 du Code de la Route.

Le Jury rappelle ensuite que, selon la recommandation « Automobile » de l’ARPP prise en son point 5, la publicité pour un véhicule de tourisme « ne doit pas susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent ou portant atteinte aux autres usagers de la route. »

Le Jury relève en l’espèce que la publicité litigieuse consiste en un visuel destiné aux réseaux sociaux, publié au format dit « carrousel » et comportant trois écrans successifs introduits par la mention litigieuse : « Corsa passe et tu t’écartes, Corsa domine et tu t’inclines » :

  • le premier de ces écrans fait apparaître le modèle de la voiture promue, sur fond bleu et blanc accompagné de cette interrogation : « est-ce qu’on peut faire des longs trajets en nouvelle Corsa Electric ? »,
  • le deuxième écran comporte la mention : « Yes of Corsa » en lettres majuscules colorées,
  • le troisième écran répond à la question posée sur le premier écran en précisant : « une recharge vous emmène de Cannes à Marseille en passant par Saint-Tropez ».

La mention litigieuse fait certes explicitement référence à une expression utilisée pour vanter son apparence physique, par l’une des protagonistes d’un reportage diffusé dans le cadre de l’émission « confessions intimes », laquelle a connu un grand succès, notamment auprès du public ciblé par cette campagne publicitaire.

Néanmoins, si l’expression ainsi replacée dans son contexte, ne renvoie en effet pas en elle-même à un comportement violent ou agressif et si le jury entend qu’elle vise avant tout à conférer une note d’humour à cette publicité, il convient d’observer, d’une part, que la référence, de l’aveu même de l’annonceur, pour être très générationnelle, n’est pas perceptible par tous, et d’autre part, surtout, qu’elle traduit, quoiqu’il en soit l’idée d’une hiérarchie et même, d’un rapport de force qui prend un sens particulier s’agissant d’un véhicule motorisé.

A cet égard, le fait que ce dernier ne soit pas représenté en situation, c’est dire en train de circuler sur une route, ne change rien au fait que l’expression litigieuse, indépendamment même du contexte dont elle est tirée, et dès lors qu’elle est appliquée à une voiture, induit très explicitement l’idée que cette dernière bénéficierait sur la voie publique d’une sorte de priorité qui lui permettrait de s’imposer systématiquement sur tous les autres usagers de la voie publique, en raison de sa seule présence.

Ce faisant, elle accrédite l’idée, même sur un ton humoristique, que le conducteur de ce véhicule pourrait dominer la route, ce qui est la marque d’un comportement routier peu compatible avec le code de la route et l’exigence d’une conduite respectueuse de chacun.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées. Il prend note de ce que l’annonceur a d’ores et déjà retiré cette annonce.

Avis adopté le 12 janvier 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Lucas-Boursier et Thomelin.


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