Avis JDP n° 535/18 – COIFFEUR- BARBIER – Plaintes partiellement fondées

Avis publié le 23 octobre 2018
Plaintes partiellement fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations, et, pour les cinq premiers plaignants particuliers, à prendre part à la séance,
  • après avoir entendu les représentants de la société annonceur et des associations Le Collectif 13 droits des femmes, Les Chiennes de garde, et Osez le féminisme !,
  • après en avoir débattu,
  •  et compte tenu de la demande de révision présentée par les représentants de la société annonceur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 7 et le 21 juillet 2018, de cinq plaintes émanant des associations Les Chiennes de garde, Osez le féminisme !, Collectif 13 Droit des femmes, Femmes solidaires et la Fédération des Bouches du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples et de quarante-deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par affichage mural, en faveur d’une société, pour promouvoir son activité de coiffeur-barbier.

Le visuel publicitaire présente un corps de femme nu, cadré en dessous de la poitrine et au dessus des genoux, qui porte plusieurs tatouages et pose la main gauche devant son pubis. Six mains d’hommes tenant des outils de coiffure et de tonte de barbe sont disposées tout autour de son bassin.

Le texte accompagnant cette image est : « Pas sûr d’être rasé de près ? Faites confiance à nos mains d’experts ».

2. Les arguments échangés

– Les plaignants particuliers considèrent que cette publicité porte atteinte à la dignité des femmes et encourage les violences sexuelles contre les femmes.

– L’association Les Chiennes de garde relève que les clients de ce barbier sont exclusivement masculins mais qu’il choisit d’utiliser le corps dénudé d’une femme sans tête et sans jambe. Il place au centre de l’image un sexe féminin, qu’une femme protège de sa main gauche. Six mains d’hommes munies de rasoirs et autres objets tranchants, entourent le sexe de cette femme, comme pour s’amuser de la menace potentielle de voir ce sexe de femme coupé, mutilé, introduit. Elle relève que le choix de l’affiche a porté sur un sexe de femme et non un sexe d’homme.

L’association soutient que cette image participe de la culture du viol en diffusant l’idée selon laquelle il serait normal, banal, amusant, d’exposer les filles et les femmes à la menace de l’agression, à la menace du viol et de les maintenir sous contrôle, par cette peur. Selon elle, la banalisation des violences facilite le passage à l’acte.

– L’association Osez le féminisme 13! indique avoir été alertée par des passantes non adhérentes de l’association au sujet de cette affiche. En accord avec leurs réactions, l’association a demandé le retrait de l’affiche via Facebook et par un communiqué de presse qui a été relayé par des chaînes de télévision les 10 et 11 juillet 2018.

L’association indique avoir également alerté la mairie d’Aix-en-Provence, par l’intermédiaire de l’élue concernée, qui a soutenu cette démarche, et avoir également obtenu le soutien du MRAP, des Chiennes de Garde, du collectif 13 droits des femmes, et de nombreuses autres associations locales.

Elle estime, tout d’abord, que cette affiche porte atteinte à la dignité des femmes car elle exploite un tronc de femme, nue, alors que, s’agissant d’un barbier-coiffeur pour hommes exclusivement, il ne s’agit pas d’illustrer l’activité du commerce. Ce mécanisme d’exploitation du corps des femmes, qui consiste à les morceler pour n’en retenir que les parties “qui font vendre”, jusqu’à les réduire symboliquement, visuellement et physiquement, à l’état d’objet, relève du “publisexisme”.

Elle indique ensuite que cette affiche mime, selon elle, une situation de violence physique puisque les mains de cette femme sont placées de manière à protéger son sexe, entouré par 6 mains, exclusivement masculines, qui convergent vers ce sexe féminin en tenant des objets coupants tels qu’un rasoir et des paires de ciseaux. Dans la littérature, y compris dans l’ouvrage de vulgarisation rédigé par Marlène Schiappa, (La culture du viol, 2017), les effets désastreux de cette menace de violence permanente, entretenue par le vocabulaire et par les images, sur la santé mentale et physique des filles et des femmes, ont été maintes fois soulignés.

L’association ajoute que ce visuel est complété de la mention écrite « rasé de près ? », qui, accolée à hauteur du sexe féminin, sous-entend « rasée de près ? ». Cette affiche réussit donc, selon elle, à mimer à la fois une violence que les femmes devraient craindre mais aussi une injonction, celle d’éliminer les poils du pubis, au même titre qu’il est nécessaire pour un homme de se couper la barbe ou les cheveux ; l’intimité des femmes est donc mise au même plan qu’un visage d’homme, c’est à dire à une partie du corps exposée en permanence à la vue de tous et toutes.

Elle souligne en outre que l’affiche est située dans l’espace public, dans un quartier passant, à proximité de plusieurs écoles maternelles, primaires et collèges, à moins de 300 mètres.

L’association en déduit que l’affiche de la société annonceur porte atteinte au principe de respect de la personne humaine, en particulier de la dignité des femmes, et ce dans l’espace public.

– L’association Collectif 13 Droit des femmes énonce que le collectif, qui regroupe 24 associations qui militent en faveur des droits des femmes et est rattaché au Collectif National Droit des femmes, souhaite s’associer aux démarches d’Osez le féminisme contre cette affiche.

Celle-ci a choqué et fait réagir au-delà du réseau de militantes. Le message d’alerte, diffusé sur Facebook, a été relayé plus de 30000 fois, quand les messages d’Osez le féminisme 13 sont généralement relayés 1000 à 2000 fois.

L’association soutient que, dès lors que la société annonceur vend ses services à des hommes et non à des femmes, cette affiche ne peut être interprétée dans son sens premier : il ne s’agit pas pour une femme de voir son sexe rasé de près. Il s’agit de renforcer le stéréotype revenant à dire qu’une femme devrait épiler cette partie intime de son corps et par une déduction « tirée par les cheveux », déduire que les hommes devraient, de la même manière, prendre soin de leur barbe et cheveux.

Mais l’épilation des parties intimes pour les femmes relève d’une pression sociale, pour la satisfaction des hommes – pression clairement signifiée par l’image, puisque ce ne sont pas moins de six mains d’hommes qui se proposent de faire respecter cette injonction sexiste.

Selon l’association, cette affiche est donc sexiste, mais aussi violente, car cette femme protège son sexe de l’assaut de ces six mains d’hommes. Cette fois encore, on ne peut qu’interroger le niveau symbolique de l’image puisqu’il ne s’agit pas des services annoncés et vendus par la boutique de l’annonceur.

L’image rappelle des situations d’agressions sexuelles, de viol et d’excisions. L’association rappelle que 84 000 femmes sont violées tous les ans en France et que 60 000 femmes sont excisées en France. Ce sont, selon elle, autant de victimes, qui ont à être confrontées, dans l’espace public, à la violence de ce contenu symbolique.

– L’association Femmes solidaires énonce que cette publicité expose un sexisme assumé dans l’espace public. Cette publicité fait référence, selon elle, au viol et aux mutilations sexuelles.

– La Fédération des Bouches du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples énonce que, sur l’image une femme protège son sexe avec une main et tout autour de ce sexe, on voit des mains d’hommes, avec des instruments de coiffeur-barbier, mais à aucun moment on ne peut voir le visage de la femme ni sa réaction.

Pour résumer, cette publicité montre une femme nue, qui n’a qu’une main pour protéger son sexe, lequel attire les mains des hommes.

Or l’annonceur est, selon les informations disponibles sur sa page Facebook et sur internet, uniquement destiné à une clientèle masculine, et l’utilisation d’une femme nue pour cette publicité réduit donc la femme à un objet sexuel, ayant comme unique but d’attirer le regard du client potentiel en l’excitant. En cela, cette publicité est contraire aux règles déontologiques 1-2, 2-1 et 2-2.

La Fédération ajoute que le mouvement “#Metoo” et” #balancetonporc” ont révélé au grand jour que, tout au long de leur vie, de nombreuses femmes étaient victimes d’agression ou de harcèlement sexuel. Or la publicité diffusée par la société annonceur participe à la diffusion et la normalisation de ce type de comportements. En effet, montrer le corps nu d’une femme, ou dans ce cas une partie de ce corps, en centrant la vue sur son sexe entouré de main et cela sans qu’il soit possible de voir la réaction de la femme, peut dans certains esprits, entretenir ou créer l’idée qu’il est normal d’agir envers une femme sans son consentement et sans se soucier de ce qu’elle peut penser ou ressentir. En cela, cette publicité contrevient aux règles déontologiques 1-1, 1-2, 1-3, 2-1 et 2-3.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 16 juillet 2018, été informée des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant fait valoir tout d’abord, qu’il est essentiel de comprendre l’idéologie et la démarche portées par les associés de l’entreprise. Créée il y a deux ans, la société se fonde sur un concept de salon de coiffure spécialisé dans la coupe homme et dans le travail de la barbe. Un premier salon a été ouvert en 2015, suivi d’un second. Un troisième salon a été inauguré au courant du mois d’août.

La force, la fraîcheur et le dynamisme du concept proposé par les associés ne repose pas seulement sur un salon destiné aux soins pour les hommes mais sur une nouvelle appréhension de la notion d’esthétisme, libérée des stéréotypes. Par leur démarche humaine mais aussi publicitaire les salons de l’annonceur sont représentatifs d’une nouvelle vision du rapport au corps, loin des clichés qu’hommes et femmes ont longtemps subis et qu’ils subissent encore.

L’affiche représente un corps sur un fond blanc, visible partiellement depuis le haut du nombril jusqu’aux genoux. Le modèle, au centre de l’affiche, se tient debout dans une posture simple. Il arbore une série de tatouages et sa main se trouve positionnée sur le sexe. Autour de la main du modèle mais sans contact avec le corps, six mains, visibles depuis l’avant bras, sont positionnées. Chaque main tient un accessoire faisant référence à l’entretien de la barbe (blaireau, rasoirs, coupe-choux, peigne).

La publicité particulièrement épurée est accompagnée d’un slogan positionné sur le coté droit : « Pas sûr d’être rasé de près ? Faites confiance à nos mains d’experts ».

Enfin, apparaissent de manière très visible au bas de l’affiche, toujours sur le côté droit, la marque et le logo du salon de coiffure.

Les associés de l’entreprise souhaitent porter à la connaissance des membres du Jury les clichés présentant le visage du modèle figurant sur l’affiche litigieuse. En effet, quelques mois avant l’affichage de la publicité litigieuse, une autre affiche a été diffusée pour le recrutement de coiffeurs et de coiffeuses pour deux des salons de coiffure. On y aperçoit une personne dont l’appartenance sexuelle est volontairement rendue impossible. Le modèle, au visage a priori féminin, est maquillé, il porte une barbe mais il est impossible d’identifier la présence ou non d’une poitrine. Cette affiche est publiée depuis le 28 décembre 2017 sur la page Facebook de l’annonceur, accompagné d’un slogan résolument engagé et sans équivoque : « X recrute. Et peu importe ce que vous êtes ! Venez comme vous êtes ».

La société annonceur précise que le modèle de cette affiche est le même que celui de la publicité visée par la plainte. En attestent les tatouages identiques ainsi que la manucure distinctive du modèle. Les clichés de ces deux affiches ont été réalisés le même jour, avec le même modèle.

L’annonceur s’interroge donc sur les déductions tirées de la représentation d’une hanche ou encore une main manucurée qui suffiraient à caractériser une femme. Il s’agit là, selon lui, d’une vision réductrice et éloignée des réalités actuelles où de nombreux acteurs de la sphère associative ou de la vie civile tentent à l’inverse de rompre avec les a priori stéréotypés.

Par ailleurs, l’affiche se positionne sans conteste sur le terrain de la « part de féminité » des hommes en présentant un modèle qui allie une féminité présentée sans vulgarité, à une certaine force à travers une manucure puissante et des tatouages visuellement présents.

Il mentionne également et produit une autre affiche, utilisée pour l’ouverture du dernier salon, se jouant des stéréotypes habituellement associés au « mâle viril ».

L’annonceur trouve regrettable dans cette affaire que la menace et l’agression, par réseaux sociaux interposés, aient été privilégiées à l’échange et à la compréhension qui auraient permis aux plaignants de comprendre la démarche de l’annonceur, militant lui aussi, à son niveau, pour un changement de mentalités sur la perception du corps, de la différence et du rapport aux autres.

Il analyse par ailleurs la publicité visée comme présentant un corps dans une posture particulièrement simple : debout avec le sexe dissimulé par la main du modèle, posture ne véhiculant en aucun cas, selon lui, une image humiliante ou dégradante du corps susceptible de porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

De surcroît, le visuel ne transmet aucun message à caractère érotique ou sexuel et la posture ne peut être qualifiée de suggestive, d’humiliante, ou réduisant le corps du modèle à un objet sexuel. Aucune référence tacite, suggérée ou explicite à la sexualité n’est perceptible.

L’annonceur rappelle que le Jury a pu connaître récemment d’affiches dans lesquelles la femme se trouve à l’évidence mise en scène dans une posture suggestive, humiliante et hyper-sexualisée. La réification du corps de la femme et la référence au caractère sexuel se trouvaient matérialisées tant visuellement au regard de la posture du modèle que dans le slogan choisi, volontairement axé sur la sexualité.

Or, s’agissant de l’affiche visée par la plainte, l’annonceur considère que le corps humain n’est pas instrumentalisé à des fins sexuelles, ni mis en scène dans un contexte humiliant ou dégradant, de sorte qu’aucune atteinte à la dignité de la personne humaine ne saurait être relevé. Le choix de ne pas faire apparaître le haut du corps du modèle conforte cette affirmation puisque l’objectif recherché est loin d’une vision érotique, sexuée et sexualisée du corps.

Enfin, la société soutient que l’utilisation à des fins publicitaires du corps de la femme n’est pas un interdit dès lors que l’image véhiculée ne réduit pas les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. Elle revendique le droit de présenter une image relevant de l’humour décalé, léger, sans vulgarité.

L’annonceur s’étonne que la présence sur l’affiche concernée d’une main cachant un sexe, qu’il soit féminin ou masculin, soit perçue comme un acte de « protection ». Il s’agit là, selon la société, d’une analyse détournée de l’affiche afin de justifier la plainte. La présence de cette main étant dictée par le seul souci de décence. Il estime qu’il est choquant qu’une telle affiche soit analysée comme « banalisant » le viol d’une quelconque manière. L’affiche a une esthétique précise, le modèle n’apparaît pas en situation de faiblesse ou de soumission, ni dans une posture de défense ou de peur.

La symbolique du viol ou de l’agression sexuelle à laquelle les plaignants font référence est un détournement pur et simple d’une affiche volontairement décalée. Dans ce contexte, comment une telle affiche pourrait-elle véhiculer une idée de mutilation ou d’agression alors que le sexe est centralisé en raison de la pilosité classique de cette zone du corps humain ?

Le fait qu’une telle affiche soit considérée comme sexiste, voire prônant une apologie de la violence sexuelle, apparaît comme une tentative maladroite de sexualiser et de détourner cette affiche.

En conclusion, il apparaît à l’annonceur que l’affiche en question s’inscrit dans les limites de l’acceptable pour une majorité de personnes ainsi qu’en attestent les nombreux commentaires positifs et les encouragements du grand public, et qu’il ne peut être considéré que cette affiche porte atteinte à l’image des femmes, ou constitue un appel au viol dès lors qu’aucun acte de violence n’est matérialisé ni même suggéré et que de surcroit aucune posture sexuelle, humiliante ou dégradante du modèle ne vient confirmer une telle perception.

– Le Réviseur de la Déontologie publicitaire a été saisi d’une demande de révision formulée par la société annonceur le 15 octobre 2018. Le Réviseur a examiné cette demande conformément à l’article 22.1 du Règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire et lui a apporté la réponse jointe en annexe du présent Avis.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :

« 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet.

1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine.

2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme.

4.1 La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes.

4.3 La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique.

La notion de violence recouvre au minimum l’ensemble des actes illégaux, illicites et

répréhensibles visés par la législation en vigueur.

La violence directe se traduit par la représentation de l’acte de violence proprement dit ; la violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence ; la violence morale comprend notamment les comportements de domination, le harcèlement (moral et sexuel).

4.4 La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence ».

Par ailleurs, le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale dispose, à son article 4, que « La communication commerciale doit respecter la dignité humaine (…) La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux ».

Le Jury relève que la publicité en cause est une affiche en format de type paysage, d’environ quatre mètres sur trois, où apparaît au centre, sur fond blanc, un corps nu, de face, cadré en dessous de la poitrine et au-dessus des genoux, qui porte plusieurs tatouages et pose la main gauche devant le pubis. Ce corps est entouré, à gauche, en bas et à droite, de trois paires de mains qui convergent vers le sexe. Chacune des six mains, cadrée après le poignet, tient un outil de coiffure ou de tonte de barbe (blaireau, coupe-choux, paire de ciseaux, tondeuse électrique, peigne et tondeuse manuelle).

Sur la droite de l’affiche, un texte mentionne : « Pas sûr d’être rasé de près ? Faites confiance à nos mains d’experts ». En bas à droite, figure le logo de la société, entouré des mots « X – Coiffeur homme – artisan barbier ».

Le Jury relève tout d’abord que, si l’annonceur a expliqué qu’il voulait faire passer un message militant sur la perception du corps et du rapport aux autres, et présenter sur cette affiche un corps qui pourrait ne pas être celui d’une femme et induirait une réflexion sur le genre, ce n’est pas ce qui ressort de l’affiche, destinée qui plus est à des passants qui opèrent un décryptage rapide de la publicité. En effet, les galbes des hanches et des cuisses, de même que la forme des mains, identifient aux yeux du public le personnage central comme une femme, de même que la forme des mains qui l’entourent laisse à penser qu’elles sont masculines et appartiennent à trois personnes différentes.

Or, aucun élément de la photographie ou du texte n’invite à une prise de distance à l’égard des stéréotypes de représentations de l’homme et de la femme. Au contraire, la femme, seule, est représentée nue, la main gauche masquant son sexe dans un geste d’interdiction ou de pudeur, tandis que les hommes ne montrent que leurs mains, actionnant des outils. Cette représentation, à l’appui d’une publicité destinée à promouvoir une activité de barbier pour hommes, constitue une instrumentalisation du corps de la femme qui la réduit à la seule fonction d’objet et porte, de ce fait, atteinte à sa dignité.

En outre, la présence de six mains d’hommes, qui semblent s’approcher simultanément du sexe d’une femme, dont rien n’indique le consentement, crée un environnement ambigu et désagréable renforcé par la présence, à proximité immédiate du corps dénudé, d’objets qui, pour être les instruments quotidiens du barbier, n’en sont pas moins tranchants.

Par conséquent, la violence suggérée par cette affiche s’avère de nature à heurter la sensibilité du public.

Le Jury estime cependant que, contrairement à ce qui apparaît dans certaines plaintes, cette affiche ne peut être considérée comme une incitation à des mutilations sexuelles ou à l’excision. Elle ne donne pas non plus à voir, même indirectement, une représentation humiliante du modèle féminin au sens de la disposition 1.3 précitée. Le visuel n’induit pas davantage une idée de soumission ou de dépendance au sens du point 4.1 de la même Recommandation.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions 1.1, 1.2, 2.1, 2.2, 2.3, 4.3 et 4.4 de la Recommandation de l’ARPP précitée ainsi que celles de l’article 4 du code ICC consolidé.

Avis adopté le 7 septembre 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.