NYSA – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 4 mai 2022
NYSA – 832/22
Plainte  fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 31 janvier 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Nysa, pour promouvoir son offre de vins et spiritueux.

La publicité en cause, diffusée sur un panneau d’affichage noir, exposé à l’extérieur du point de vente, comporte successivement les textes, inscrits à la craie blanche : « Il faut boire du vin rouge le jour des rois, pour se faire du bon sang toute l’année (dicton français) » puis « Pour savoir que c’était le verre de trop, encore faut-il l’avoir bu (Courteline) ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que, sous prétexte de citation, ces phrases exposées sur un trottoir très passant, d’un quartier familial, sont une incitation à consommer de l’alcool. Il y a donc, selon lui, méconnaissance de la loi Evin.

La société Nysa a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 8 mars 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société Nysa soutient d’abord que, selon elle, les panneaux en cause ne représentent pas une publicité mais sont les supports d’annonces et de messages humoristiques dans le but de donner le sourire aux personnes qui les lisent.  Elle précise que la boutique est une épicerie fine proposant notamment des produits sans alcool, des jus et des sodas.

S’agissant du premier panneau, la société relève que Georges Courteline fait partie du patrimoine culturel français et qu’il n’est pas interdit de le citer. Elle ajoute que la citation ne fait pas mention d’alcool et que l’interprétation que peuvent faire les visiteurs ne relève pas de sa responsabilité.

S’agissant du deuxième panneau, la société précise qu’il s’agit d’une référence à la royauté et aux croyances de l’époque du Moyen-Age et que, comme tous les dictons, il faut le comprendre dans le contexte de l’époque.

Elle précise que la vitrine proposait à ce moment-là une vitrine 100% sans alcool (campagne qui a duré 2 semaines). Cette campagne a été mise en place pour contrer la perte de chiffre d’affaires enregistrée chaque année à cause du mois sans alcool (« Dry January »).

En tant qu’épicerie fine, la société indique partager son amour pour les produits alcoolisés faisant partie du patrimoine français, sans en promouvoir la surconsommation. Elle souligne que ses affichages obligatoires sont à jour et qu’elle interdit la vente d’alcool aux mineurs et aux personnes en état d’ébriété manifeste, et propose des éthylotests.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial.

En l’espèce, le Jury relève que les messages sont diffusés sur des panneaux portant la mention de la marque sous la forme « Nysa vins spiritueux » et sont posés au sol devant le magasin qui vend notamment des boissons alcoolisées. Le texte est constitué de citations en lien avec la consommation d’alcool sous la forme d’une prescription (un dicton) ou d’un adage (une phrase de Courteline).

Le Jury considère, en conséquence, que les contenus mis en cause constituent une publicité dès lors qu’ils font la promotion de la boutique Nysa, dans laquelle le passant est ainsi incité à pénétrer.

Le Jury est donc compétent pour connaître la plainte dont il a été saisi, qui est recevable au sens de l’article 12 de son règlement intérieur.

3.2 Sur les règles déontologiques invoquées

Le Jury observe à titre liminaire que la plainte se prévaut de la loi Evin, désormais codifiée dans le code de la santé publique, que le Jury n’est pas compétent pour appliquer. Toutefois, le grief soulevé se rattache clairement à la Recommandation « Alcool » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), laquelle s’applique aux communications commerciales, définies comme toutes formes d’expression à vocation publicitaire à destination du consommateur, quel que soit le support considéré.

Il rappelle que la Recommandation « Alcool » de l’ARPP dispose en ses points 1-3 à 1-5 « Principes généraux » que :

« 1-1/ Aucune communication commerciale ne doit encourager une consommation excessive ni constituer une critique de l’abstinence ou de la sobriété. (…)

1-3/ Aucune communication commerciale ne doit suggérer que les boissons alcoolisées sont dotées de propriétés thérapeutiques, ont un effet stimulant, sédatif, anticonflictuel, ni vouloir démontrer qu’elles peuvent améliorer les performances physiques, psychiques ou intellectuelles.

Le point 3 de la même Recommandation reprend et explicite la liste limitative des mentions qui peuvent figurer sur les publicités en faveur des boissons alcoolisées en vertu de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique.

Le Jury relève que le panneau d’affichage en cause, exposé devant le point de vente d’une épicerie fine, comporte deux textes, inscrits à la craie blanche : « Il faut boire du vin rouge le jour des rois, pour se faire du bon sang toute l’année (dicton français) » puis « Pour savoir que c’était le verre de trop, encore faut-il l’avoir bu (Courteline) ».

Le Jury constate que le dicton suggère clairement que le vin rouge est doté de propriétés thérapeutiques permettant d’avoir un « bon sang ». En outre, la phrase de Courteline constitue une incitation à une consommation immodérée d’alcool, le consommateur étant invité à boire jusqu’à s’apercevoir qu’il s’agissait du « verre de trop ». Si ces textes sont à la fois humoristiques et anciens, leur utilisation en publicité pour promouvoir la consommation de boissons alcooliques méconnaît les dispositions des points 1.3 et 1.4 de la Recommandation « Alcool » de l’ARPP.

Avis adopté le 1er avril 2022 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Lucas-Boursier et Thomelin.

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