MONOPRIX – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 23 juillet 2020
MONOPRIX – 661/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentantes de la société Monoprix lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 27 avril 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire en faveur de la société Monoprix, pour promouvoir sa collection de vêtements biologiques.

La publicité, postée sur le réseau social Instagram, montre plusieurs photographies de modèles portant les vêtements de la marque. Un texte s’inscrit progressivement à l’écran, sur un fond de couleur pastel : « Vous dites que vous avez une collection mode responsable. C’est vrai ça ? Absolument, nous avons créé une collection de vêtements bio, pour vous faire plaisir et faire du bien à la planète. Il s’agit d’une collection aux accents champêtres (…). Avec ses robes imprimées en viscose ecovero (une fibre responsable) et son combi pantalon en coton chambray bio. » Un encadré à la fin du visuel indique : « Retrouvez nos réponses à toutes vos questions sur : https://monoprix.fr/covid19/ ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que cette publicité méconnaît la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP pour cinq raisons.

Il considère d’abord que la conclusion globale « faire du bien à la planète » ne repose que sur une action : l’usage d’une fibre particulière présentée comme responsable. Or les impacts d’un produit textile ne dépendent pas seulement de la fibre, mais aussi d’impacts environnementaux de la gestion de la confection, du transport et du cycle de vie du produit. Selon lui, la publicité ne permet pas de s’assurer d’un bénéfice sur l’ensemble du cycle de vie du produit ou d’identifier les impacts effectivement réduits (article 2.3 a/ de la Recommandation).

Il relève également que cette présentation ne permet pas de comprendre les propriétés du produit sur de nombreux aspects pouvant avoir des impacts significatifs sur l’environnement, en dehors de l’action particulière mise en avant pour la sélection des fibres textiles (article 6.1 de la Recommandation).

Le plaignant soutient que la présentation indiquant que ce produit fait « du bien à la planète », met en avant non pas une simple réduction d’impact, mais un impact positif pour la planète. Cette présentation n’est pas précise et ne renvoie à aucune étude sur le site internet de Monoprix. Il souligne l’absence de comparaison utilisée par rapport à un produit alternatif, si l’on considère cette formulation de manière relative par rapport aux impacts d’un produit moins vertueux. (article 3.6 de la Recommandation).

Il ajoute que si l’on considère cette formulation « faire du bien à la planète » de manière absolue, aucun produit, aussi vertueux soit-il, n’est exempt d’impacts environnementaux. On ne peut donc affirmer l’existence d’un impact positif pour la planète de cette collection. Par conséquent cette publicité ne minimise pas seulement les conséquences de la consommation (article 9.1 c/), mais va au-delà en délivrant un message qui n’est très vraisemblablement pas vérifié.

Enfin, le plaignant estime que l’expression « faire du bien à la planète » est globalisante et que la publicité ne la relativise à aucun moment (article 6.3 de la Recommandation)

La société Monoprix a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 mai 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir qu’il n’était pas l’intention de Monoprix de tromper ses consommateurs pour faire croire à ses clients que l’achat d’un vêtement pouvait créer de manière objective un impact positif pour la planète. L’expression « faire du bien à la planète » s’entendait dans son sens relatif au sens d’une réduction des impacts sur la planète par rapport à nos modes de vie actuelle.

Toutefois, l’annonceur reconnaît que cette formulation était maladroite et a déjà retiré toute communication contenant cette expression.

L’entreprise Monoprix est très attentive à sa communication, tout particulièrement en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Toutefois, des circonstances particulières liées à l’épidémie du Covid-19 ont permis à cette communication d’échapper à la vigilance des différents points de contrôles. La société indique avoir d’ores et déjà tiré les leçons de cette expérience et mis en place des procédures internes et avec son agence afin de s’assurer qu’une telle erreur ne puisse se reproduire.

Sur l’absence d’information sur les autres éléments du cycle de vie du produit, Monoprix indique participer activement à la vitalité des centres-villes en portant une attention particulière au contexte social, environnemental et sociétal de ses magasins et avoir fortement développé son offre de produits fabriqués à partir de matières éco-responsables, notamment : le coton biologique labellisé bioRe® ou GOTS, label OEKO-TEX® garantissant l’absence totale de substance chimique nocive pour le corps et l’environnement ; le viscose Lenzing Ecovero, fabriqué à partir de pulpe de bois issu de forêts gérées durablement, grâce à un procédé de transformation du bois en fibres répondant à des normes strictes imposées (le EU Eco Label) et permettant une réduction de la consommation d’eau de 50% comparé à une viscose traditionnelle ; l’utilisation de polyester recyclé.

Sur la propriété des produits textiles faisant partie de la collection « responsable » mise en avant par la publicité Instagram à laquelle il est fait référence, tous les produits de la collection sont fabriqués dans des matières éco-responsables, soit en coton 100% biologique, soit en viscose Ecovero. Par exemple, les jeans sont lavés à l’ozone, permettant ainsi de limiter l’utilisation de produits chimiques, l’ozone remplaçant les agents de blanchiment conventionnels comme le chlore ou le permanganate de potassium et de réduire la consommation d’eau et d’énergie. Monoprix est donc en mesure de justifier l’allégation de collection responsable au moment de la publicité en raison de la mise en œuvre des trois piliers du développement durable.

Sur l’obligation de clarté, le code de la CCI précise que l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées et si l’explication est trop longue renvoyer à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. Sur le site institutionnel de Monoprix https://entreprise.monoprix.fr/monoprix-sengage/consommer-mieux/mode-tendance-engagee/, sont décrites toutes les actions mises en œuvre par le groupe en matière de responsabilité sociétale et environnementale.

Ayant noté que l’auteur de la plainte n’a pas été en mesure de trouver cette page, la société s’engage à trouver une solution afin de faciliter l’accès à l’information.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

« 2.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose. »

« 2.3. En particulier : a/ L’argument publicitaire ne doit pas porter sur plus de piliers du développement durable, plus d’étapes du cycle de vie ou plus d’impacts qu’il ne peut être justifié. »

« 3.6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée. »

« 6.1. Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable. »

« 6.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”. »

« 6.4. Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

« 9.1. c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement. »

Le Jury relève que la publicité en cause, postée sur le réseau social Instagram, montre plusieurs photographies de modèles portant les vêtements de la marque. Le texte suivant s’inscrit progressivement à l’écran : « Vous dites que vous avez une collection mode responsable. C’est vrai ça ? Absolument, nous avons créé une collection de vêtements bio, pour vous faire plaisir et faire du bien à la planète. Il s’agit d’une collection aux accents champêtres (…). Avec ses robes imprimées en viscose ecovero (une fibre responsable) et son combi pantalon en coton chambray bio. » Un encadré à la fin du visuel indique : « Retrouvez nos réponses à toutes vos questions sur : https://monoprix.fr/covid19/ ».

Le Jury estime, tout d’abord, que l’expression « pour faire du bien à la planète », qui renvoie à une collection de vêtements, laisse entendre que la confection ou l’achat de ces produits auraient par eux-mêmes un impact positif pour l’environnement, ce qui est contraire aux points 6.4 et 9.1 c/ précités de la Recommandation « Développement durable ».

En outre, cette affirmation, ni relativisée ni explicitée, est également contraire aux points 2.3 a/, 3.6, 6.1 et 6.3 précités de la même Recommandation. Le Jury relève que, si le post comprend un renvoi, dans un encadré nettement visible, vers un site Internet, l’annonceur admet que les informations utiles sur les propriétés environnementales des produits figuraient sur le site institutionnel et non sur le site mentionné, et n’étaient donc pas faciles à trouver. Dans ces conditions, la publicité est donc également contraire aux points 2.3 et 3.4 de la Recommandation « Développement durable ».

En conséquence de ce qui précède, tout en prenant acte du fait que la société a, dès réception de la plainte, supprimé le post en cause, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 5 juin 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.