LA POSTE COLISSIMO

Internet

Plainte fondée

Avis publié le 8 septembre 2023
LA POSTE COLISSIMO – 952/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 juin 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société La Poste, pour promouvoir son produit Colissimo.

La publicité en cause, diffusée sous forme de notification sur téléphone mobile, comporte le texte « Colissimo est neutre en émission carbone ! » suivi de l’image d’une tige avec deux feuilles vertes, puis « Faites le choix d’une livraison respectueuse de l’environnement dans le monde entier ! » suivi de l’image de la planète Terre.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que La Poste semble méconnaître les recommandations de l’ARPP en matière de développement durable.

Selon lui l’allégation « Neutralité carbone » aurait dû être explicitée, éventuellement par un renvoi vers une page dédiée. De plus, l’image de petite pousse verte et celle de la Terre sont
« hors-jeu ». Il regrette de voir La Poste tomber dans de tels travers, dignes d’une compagnie aérienne, alors qu’ils semblent sincèrement et fortement engagés sur des actions vertueuses pour limiter l’impact de leurs activités.

Le plaignant ajoute que La Poste devrait vérifier la conformité de ses publications avec le décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité. La page internet expliquant la neutralité carbone de Colissimo ne semble pas respecter les critères suivants : « L’annonceur mentionné à l’article D. 229-106 publie sur son site de communication au public en ligne, ou à défaut sur son application mobile, un rapport de synthèse décrivant l’empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées. Ce rapport comprend trois annexes détaillant son contenu et présentées dans l’ordre suivant : – 1° Une annexe présentant le résultat du bilan prévu à l’article D. 229-107, ainsi qu’une synthèse de la méthodologie d’établissement de ce bilan. – 2° Une annexe établissant la trajectoire visée de réduction des émissions de gaz à effet de serre associées au produit ou au service dont il est fait la publicité, avec des objectifs de progrès annuels quantifiés, couvrant au moins les dix années suivant la publication du rapport au titre de cette section. – 3° Une annexe détaillant les modalités de compensation des émissions résiduelles, qui précise notamment la nature et la description des projets de compensation. Cette annexe présente également des informations sur leur coût, en les classant selon les catégories suivantes : en-dessous de 10 €/ tCO2, entre 10 et 40 €/ tCO2 ou au-dessus de 40 €/ tCO2. Cette annexe démontre que le volume des émissions réduites ou séquestrées via cette compensation correspond aux émissions résiduelles de l’ensemble des produits ou services vendus et concernés par la publicité. »

Le plus simple, aux yeux du plaignant, serait de renoncer à cette allégation de neutralité carbone, qui n’a de sens qu’à l’échelle de la planète ou à la rigueur pour un Etat, et d’expliquer avec des termes intelligibles ce que La Poste fait de bien.

La société La Poste a été informée, par courriel avec accusé de réception du 29 juin 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Elle n’a pas produit d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’en vertu du point 2.1 de son règlement intérieur, il se prononce sur la seule conformité aux règles déontologiques des publicités qui font l’objet des plaintes dont il est saisi. Il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur le respect des dispositions règlementaires par un annonceur. Par suite, il n’est pas compétent pour se prononcer sur la critique du plaignant fondée sur le décret du 13 avril 2022.

Le Jury rappelle ensuite que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
  • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».
    • au titre de la « présentation visuelle » (point 8) : « 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient. »

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée sous forme de notification sur téléphone mobile, comporte le texte « Colissimo est neutre en émission carbone ! » suivi de l’image d’une tige avec deux feuilles vertes, puis « Faites le choix d’une livraison respectueuse de l’environnement dans le monde entier ! » suivi de l’image de la planète Terre. Aucune autre mention ne figure dans la publicité, ni aucun renvoi vers une page dédiée du site Internet de l’annonceur.

Dans la mesure où le transport de colis « dans le monde entier » est à l’origine d’émissions de CO2, quel que soit le mode de transport utilisé, l’allégation « neutre en carbone » se réfère nécessairement à un programme de compensation carbone. Toutefois, un tel programme n’est pas même évoqué dans la publicité, de même qu’aucun début d’explicitation des formules n’est fourni, qui permettrait au consommateur d’apprécier la portée et la crédibilité de l’annonce.

Ce dernier est même porté à penser que l’activité de Colissimo est favorable à l’environnement dans la mesure où il est fait état d’une livraison « respectueuse de l’environnement », cette allégation étant appuyée par la représentation des feuilles vertes et de la planète Terre.

Le Jury considère que le message laisse ainsi percevoir une action en faveur de l’environnement sans relativisation ni justification, et qu’il est disproportionné et de nature à induire le public en erreur sur les propriétés du transport « Colissimo » de même que sur la portée des actions de l’annonceur en matière de développement durable au sens des points 2.1, 2.2, 2.3, 3.1, 3.2, 7.1, 7.3 et 8.1 de la Recommandation « Développement durable ».

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées. Il rappelle que l’office du Jury se limite au constat d’un éventuel manquement aux règles déontologiques, sans qu’il dispose du pouvoir d’enjoindre à un annonceur de renoncer à telle ou telle allégation.

Avis adopté le 26 juillet 2023 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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